Dans ces reportages, les journalistes de la rédaction suivent un sénateur investi dans un dossier local et mettent en lumière toute une partie du travail d'un parlementaire. L'occasion de découvrir les enjeux de son département, d'en rencontrer les habitants et de voir comment un élu défend au niveau national les dossiers majeurs de son territoire. Année de Production :
00:00Je suis Samantha Casbonne, sénatrice française de l'étranger,
00:17engagée en politique depuis 2017,
00:21mais j'ai consacré l'ensemble de ma vie à l'éducation.
00:26Qu'est-ce qui a fait mon engagement ?
00:28C'est en fait une sensibilité que j'ai depuis toute petite
00:33à vouloir protéger l'être vivant, quel qu'il soit.
00:39Un engagement que Samantha Casbonne porte au Sénat.
00:43Pour mieux protéger les enfants, elle veut interdire la corrida aux mineurs.
00:47Pour moi, je n'appelle pas forcément ça ni un art ni un spectacle.
00:51Moi, en tant qu'être humain, je considère que c'est un acte de cruauté.
00:57Et alors, en tant que maman, je n'ai pas du tout envie,
01:00mais pas plus en tant qu'éducatrice, d'exposer des enfants à ce type de violence.
01:06Arène de Nîmes, début de la saison des corridas.
01:09Les touristes se pressent pour assister à une visite guidée d'initiation à la tauromachie.
01:13Je pense que vous savez à peu près pourquoi vous êtes là.
01:18Sinon, vous ne seriez pas là.
01:20La sénatrice Samantha Casbonne se met en retrait du groupe, mal à l'aise.
01:24La toute première corrida qui a eu lieu ici en 1853, nous sommes la deuxième ville de France, après Bayonne, à avoir organisé comme ça des courses.
01:37Alors, tout s'est bien passé jusqu'au sixième taureau.
01:41Le taureau est parti dans la ville et on l'a retrouvé sur la route du Zès, en train de manger des pampres de vignes.
01:48Anti-corrida convaincu, Samantha Casbonne a accepté de se confronter au plus ardent défenseur de la tauromachie.
01:57Raphaël Rocoule, lui, fréquente les arènes depuis tout petit.
02:00Devenu torero sous le nom d'El Raffi, il cherche à transmettre sa passion aux visiteurs.
02:05J'ai eu cette chance de pouvoir être là dans les arènes avec mon grand-père et de pouvoir voir les taureaux de très près, les torero de très près.
02:12Et ça m'a toujours fasciné, passionné, ce rapport à l'animal,
02:17de voir cette force brute dans les taurils et de pouvoir voir après, voir ces taureaux qui arrivaient à faire des choses magnifiques, harmonieuses
02:25et arrivaient à emporter avec eux 14 000 personnes.
02:30Ce que vous ressentez dans les arènes, c'est une émotion.
02:33Donc pour moi, c'est pour ça que c'est de l'art.
02:34Je vais vous montrer un peu ce qu'on fait au quotidien, ce qui s'appelle du taureau de salon.
02:39Donc taureau de salon, en fait, c'est comme les musiciens qui répètent un peu ses gammes.
02:41On se fait le taureau un tour chacun avec un collègue, un banderière ou un autre collègue torero, Matador.
02:49La sénatrice et le torero ont accepté le principe du face-à-face.
02:54Ils ont échangé, argument contre argument, défense de la cause des enfants d'un côté, contre protection d'une tradition locale de l'autre.
03:01Un humain doué de conscience, on est dans un pays de liberté, a le droit évidemment d'assouvir ses passions.
03:11Mais par contre, je continuerai toujours à penser que des enfants n'ont rien, mais rien, strictement rien à faire ici.
03:18Moi, je pense qu'il faut d'abord passer par l'éducation parentale avant de devoir s'attaquer à l'éducation culturelle.
03:23Parce que finalement, moi, j'étais là depuis que je suis tout petit, je ne pense pas avoir eu de traumatisme.
03:29Et c'est important parce que moi, si je n'avais pas pu partager ça avec mon grand-père, qu'est-ce qui me serait resté moi avec mon grand-père ?
03:36Moi, je vis en Espagne, je vis au Baléar.
03:40Ça a été interdit aux enfants et qu'on ne parle pas de tradition plus qu'en Espagne.
03:45Si j'étais sénateur ou si je devais me prendre, si je devais prendre à bras le corps un sujet sur le Nord-Pas-de-Calais,
03:53sur les cultures du Nord-Pas-de-Calais ou à Deauville, on ne fait plus de char à voile parce que ça dérange les nids de mouettes.
03:59D'abord, j'irais me déplacer comme vous le faites, et d'ailleurs, je vous en remercie, c'est très bien.
04:02Mais je n'irais pas porter un jugement sur quelque chose que je ne connais pas et je n'essaie pas ma culture.
04:07Mais on ne fait pas des lois pour une région, on fait des lois pour la France.
04:10On assiste à des actes, quoi que vous en disiez, qui restent quand même de la torture.
04:14Moi, je pense que le monde y gagnerait.
04:17En France, la corrida est interdite, mais une exception existe dans une douzaine de départements
04:23où la tauromachie est autorisée au titre d'une tradition locale ininterrompue.
04:28Environ 200 corrida sont organisées chaque année dans l'Hexagone.
04:31Tout ça, c'est une question de savoir différencier et ne pas faire d'anthropomorphisme et ne pas humaniser les animaux.
04:38Mais je veux dire, il faut savoir faire la différence entre les animaux et les humains.
04:42Et malheureusement, c'est de là que vient, selon moi, un peu le problème de la tauromachie à l'heure actuelle.
04:48C'est de vouloir se mettre à la place du tour.
04:52J'entends sa passion, ce qui est caractérise comme étant sa passion.
04:58Maintenant, ça ne change rien à l'utilité de cette loi.
05:05Interdire la corrida aux mineurs de moins de 16 ans, une aberration pour Christophe.
05:10Féru de corrida, cet aficionado amène ses fils aux arènes depuis leur plus jeune âge.
05:17C'est une histoire de transmission de notre culture et de nos traditions, de notre même identité locale.
05:24Donc voilà, si Elias m'avait dit « j'aime pas », il serait rentré à la maison, puis il ne serait pas venu avec nous.
05:31Voilà, tout simplement. J'y vais, moi.
05:33Donc, bisous.
05:35Bisous.
05:36Sois sage.
05:37Bonne corrida.
05:38Christophe est alguazil.
05:40Il est chargé de faire respecter les règles de la corrida dans les arènes.
05:46On est chargé de remettre les trophées au torero si jamais la présidence décide de lui en accorder.
05:54Donc les trophées, ce sera une oreille, deux oreilles ou deux oreilles la queue.
05:58Je vous dis à tout de suite.
06:03Voilà, ça y est, je suis prêt, je suis habillé. On va pouvoir commencer.
06:07À Nîmes, il y avait une vieille tradition qui était que le dernier taureau était gratuit.
06:12Et donc mes parents, au début, m'ont amené au dernier taureau voir mes réactions.
06:16Et j'ai adoré, j'ai posé plein de questions, de savoir ce qui se passait en piste, tout ça.
06:24Mes parents m'ont expliqué.
06:26Et donc, à l'âge de 5 ans et demi, ils m'ont dit, puisque maintenant, tu es capable de tenir, on va t'amener à une corrida complète.
06:33Mes parents m'ont amené aux arènes pour la première fois, j'avais 3 ans.
06:39Parfois, on est juste dans le public, mais on ressent ce que le taureau, il vit, on est avec lui un peu.
06:45Même après, quand il est taureau, on voit même le taureau.
06:48Moi, je suis quelqu'un que j'aime beaucoup voir d'abord le taureau, après le taureau.
06:52Et donc, voilà, j'aime beaucoup ça aussi.
06:54C'est souvent ceux qui disent, acte de cruauté, torture, etc.
06:57Ils n'ont jamais vu de corrida, ils s'arrêtent au fait qu'on tue le taureau.
07:01Mais ils ne vont pas chercher au-delà de la chose, le travail de l'éleveur, le travail du taureau en piste.
07:07C'est une passion pour moi, pour mon père aussi qui était là, qui m'a transmis.
07:11Et moi, j'aimerais transmettre ça parce que ça me plaît.
07:13Et j'aimerais que lui aussi, ça lui plaise.
07:17Et je pense qu'il peut venir voir une corrida.
07:20Ce n'est pas un art de barbarie, de clôté comme il entend.
07:24Je suis libre encore de voir ce que je veux avec mes enfants.
07:31C'est un art de barbarie, de clôté comme il est un art de barbarie.
08:00L'admission de Samantha Casbonne chez les aficionados de la corrida se poursuit, au musée des cultures taurines de Nîmes.
08:07Adjoint à la culture et dans les deux premiers mandats, culture et tauromachie.
08:11L'adjoint à la mairie de Nîmes rappelle l'importance économique des férias pour la ville.
08:16Dans la férias de Pentecôte, par exemple, nous avons prouvé par A plus B, à dix ans d'écart d'ailleurs,
08:23qu'il y a sur trois jours de férias de Pentecôte, il y a un million de personnes dans Nîmes.
08:27La population est de 160 000 habitants, dont ça fait 300 000 par jour.
08:31Il y a 13 000 places aux arènes.
08:33Tout le monde ne va pas aux arènes, mais tout le monde vient faire la fête dans cette férias de Pentecôte.
08:37C'est donc économiquement très important pour les hôtels, les restaurants, les débits de boissons.
08:43Vous prenez aujourd'hui des pays d'Amérique latine qui se sont penchés évidemment sur ce genre de questions,
08:49de la même manière où une économie, tiens, locale, à ces moments de partage qui rassemblent les gens.
08:57Je crois qu'eux ont évolué, et il suffit de regarder actuellement Mexico pour prendre cet exemple,
09:01où on peut se rassembler, même dans une arène, et même continuer à faire vivre cette tradition,
09:10mais sans blesser, sans tuer.
09:12Du coup, tout le monde serait gagnant, puisqu'au fond, on ne changerait pas le côté festif,
09:17le côté réjouissant, le côté économique, puisqu'on donnerait les mêmes raisons aux gens de venir,
09:23mais sans la mort et sans la torture.
09:27Selon la sénatrice, l'argument économique est fragile.
09:31Pour les éleveurs de taureaux, les corridas sont de moins en moins rentables.
09:38Ça, c'est épicurien.
09:39Ah, Syrah !
09:41Et là, il y a Syrah.
09:43C'est une Syrah.
09:44On ne gagne pas tant plus d'argent que ça qu'avant.
09:47Par contre, le prix du foncier, le prix des terres, lui, croît de manière exponentielle.
09:54Et sachant qu'il faut un hectare par bête, ça fait vite beaucoup, beaucoup d'argent.
09:59Et les taureaux de corrida, pour qu'on comprenne bien, pour assurer deux spectacles par an, il faut au moins 300 têtes.
10:08Aujourd'hui, ça devient pénible, parce que c'est à la limite du harcèlement, puisqu'on en a une par an de propositions d'interaction de la corrida.
10:16Voilà. Donc c'est un combat permanent et c'est pénible de devoir combattre pour assurer sa survie économique, sa survie culturelle.
10:25Surtout venant de gens qui ne sont pas d'ici et qui n'ont aucun argument valable pour interdire la corrida.
10:38Ah, Yasmine, tu tombes bien, dis-moi.
10:40Pour rédiger sa proposition de loi afin d'interdire la corrida aux mineurs de moins de 16 ans,
10:45Samantha Casbonne s'est appuyée sur une recommandation des Nations Unies
10:49qui demande à la France d'exclure les enfants des arènes.
10:52Son texte est soutenu par les écologistes au Sénat.
10:56L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à interdire la corrida et les combats de coques
11:01en présence de mineurs de moins de 16 ans, présentés par Madame Samantha Casbonne et plusieurs de ses collègues.
11:09Nous avons le devoir de protéger leur innocence.
11:13De plus, nous devons prendre en compte le conflit de loyauté auquel nos enfants peuvent être confrontés.
11:19Combien d'entre eux osent dire non lorsqu'ils se trouvent sous l'influence d'un parent enthousiaste
11:24et déterminé à l'idée d'assister à une telle atrocité ?
11:29Une étude de l'Université de New York démontre que les enfants qui ont assisté à des actes de cruauté envers les animaux
11:35ont huit fois plus de risques d'en commettre ensuite.
11:39Madame, est-ce que la corrida, c'est plus violent qu'un combat de boxe entre deux hommes ou deux femmes ?
11:46Parce que si on interdit aux mineurs d'assister à une corrida,
11:49à ce moment-là, il faudrait interdire également à des mineurs d'assister à des combats de boxe
11:53parce que je pense que la violence entre deux hommes qui se trouvent dessus est très violente pour nos enfants de nos jours.
11:57Les débats sont animés dans l'hémicycle.
12:01La proposition de loi de Samantha Casbonne est rejetée par le Sénat.
12:05Je dois admettre que je partais vers un combat qui n'était pas perdu d'avance,
12:12mais qui méritait un vrai courage politique que je pensais rencontrer.
12:18Je ne fais offense à personne en disant cela, mais je sais à quel point ce sujet-là vous expose
12:25et qu'assumer des convictions, ce n'est pas toujours facile, surtout sur des sujets où il n'y a pas d'électeur en face.
12:34Malgré l'échec de la proposition de loi, les militants anti-corrida ne désarment pas.
12:40Samantha Casbonne compte sur les écologistes pour qu'ils reprennent le flambeau.
12:44Mais alors dis-moi, on en est où avec la proposition de loi ?
12:47J'espère que la sénatrice, pensez-monche, pourra bientôt convaincre son groupe écologiste de la déposer à nouveau.
12:55Et puis, à ce moment-là, on s'alignera derrière elle pour la porter.
12:59Force est de constater qu'il y a un lobby qui s'impose toujours.
13:02Donc, je crois que nous avons encore du chemin à parcourir,
13:07mais je suis toujours de celles qui aideront à parcourir ce chemin.