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Depuis sa naissance, en 1903, le Tour passionne et divertit les Français. Mais il est aussi un miroir de l'Histoire de notre pays et de ses habitants. La course redessine les frontières, participe au développement de l'industrie, à l'évolution du territoire national, à l'essor de la consommation à grande échelle et du tourisme de masse. Comment un événement sportif est-il devenu, à ce point, partie prenante de notre destin commun ? À l'occasion de la 110ème édition, sous la forme d'une grande fresque, c'est cette réalité que ce documentaire entend mettre en image. Année de Production :

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00:00:00Le long de la route ou devant un écran, nous avons tous en tête l'image de ces cyclistes
00:00:22qui pédalent sous le soleil harassant du mois de juillet.
00:00:24La mâchoire serrée, la gueule tordue par l'effort, ils roulent, lancés à la conquête
00:00:37du Graal, le maillot jaune.
00:00:39Depuis 1903, le Tour de France est le grand spectacle de nos étés.
00:00:50Son histoire foisonne de victoires grandioses, de défaites éclatantes, de bonheurs et de
00:01:00drames.
00:01:01Chaque année, pendant trois semaines, la puissance de ce conte magique sans cesse répété
00:01:14illumine le quotidien des Français.
00:01:17Chaque mois de juillet, après le repas familial, il y a le Tour de France, tout s'arrête.
00:01:25Dans les campagnes, à notre époque, il y avait très peu d'animation et le Tour de
00:01:30France, c'était l'animation de l'été.
00:01:31Le Tour de France va bien au-delà du sport, c'est bien sûr un événement sportif mais
00:01:37un événement culturel, un événement identitaire.
00:01:40Un mois de juillet sans le Tour de France n'est pas un mois de juillet.
00:01:45Le secret de cette popularité jamais démentie ne se cache pas seulement dans la bravoure
00:01:51des coureurs.
00:01:52C'est entre Coulidor et Anquetil que se joue ce Tour, que se joue le sort du maillot jaune.
00:01:57En traversant le XXe siècle, le Tour accompagne l'histoire en marche.
00:02:03Il place des villages oubliés sous le feu des projecteurs, développe une part de notre
00:02:14industrie, participe à l'essor de la société de consommation, puis à la mondialisation.
00:02:21Pour ma famille, il y a eu deux grands facteurs d'intégration, l'église et le Tour de France.
00:02:30Moi j'ai grandi à Brazzaville, au Congo.
00:02:33Pour moi, la France c'était le Général de Gaulle et le Tour de France.
00:02:40C'est une histoire de français, c'est une histoire du peuple.
00:02:49A travers le témoignage de françaises et de français, c'est 120 ans d'histoire que
00:02:53nous revisitons.
00:02:54120 ans qui ont fait du Tour bien plus qu'une simple course cycliste.
00:03:02L'un des événements les plus populaires et fédérateurs de notre pays.
00:03:18Chez les Moirans, la passion du Tour de France se transmet de génération en génération.
00:03:47Sur une petite route du limousin, Michel a vu défiler les coureurs pour la première
00:03:57fois il y a 60 ans.
00:03:59Je devais avoir 7-8 ans quand j'ai commencé à observer mon père qui venait régulièrement
00:04:13les après-midi écouter l'arrivée du Tour de France.
00:04:23Mon père était agriculteur, travaille à cette période, une période très chargée,
00:04:30période des fenaisons, des moissons où c'était un travail extrêmement pénible, rugueux.
00:04:36Je voyais les hommes au moment des batages monter les sacs de blé au grenier à l'épaule.
00:04:41C'était quand même quelque chose, des sacs de 80 kilos, c'était des efforts quasiment
00:04:45surhumains qu'on demandait à ces gens-là.
00:04:47Mon père était convaincu que ce métier, ce métier de cycliste si particulier, parce
00:04:57que pour lui c'était un métier, il était convaincu qu'il était plus exigeant, plus
00:05:02rude que le métier de paysan.
00:05:05Alors pour que mon père dise ceci, il fallait vraiment que ce soit un métier difficile,
00:05:10de coureur cycliste.
00:05:11Lorsque la première édition du Tour s'élance en 1903, les routes ne sont que des chemins
00:05:23de terre cabossés, poussiéreux, parfois impraticables.
00:05:27Les coureurs, titans authentiques couchés sur leurs machines, s'élancent au milieu
00:05:47de la nuit pour des étapes de 4 ou 500 kilomètres, comme Paris-Lyon ou Marseille-Toulouse.
00:05:53Le long de cet interminable parcours, les organisateurs multiplient les points de contrôle
00:06:05pour éviter les fraudeurs tentés de prendre des raccourcis après avoir étudié la carte.
00:06:10Le boyau de rechange enrôlé autour des épaules, ces pionniers portent uniquement de quoi boire
00:06:20et s'alimenter.
00:06:21Autonomes, ils n'ont droit à aucune assistance, tel le navigateur qui part à l'aventure
00:06:40sur une coquille de noix.
00:06:41Quand on découvre pour la première fois les grands cols pyrénéens, on ne sait pas
00:06:56ce que c'est.
00:06:57On imagine qu'on va être mangé par un ours, qu'on n'arrivera jamais là-haut,
00:07:01qu'on ne redescendra pas.
00:07:02On est dans une époque où il n'y a pas de route, il n'y a pas de boudron, les machines
00:07:07sont épouvantables.
00:07:08C'était des vélos qui faisaient plus de 20 kilos chacun, où les freins étaient
00:07:17pratiquement inexistants, où pour changer de vitesse vous étiez obligé de tourner
00:07:22la roue arrière pour changer de pignon avec des selles.
00:07:26Mon dieu, j'aurais pas voulu être assis sur leurs selles pendant ces longues étapes.
00:07:32C'était des étapes très très longues.
00:07:34C'était des gens qui avaient une résistance incroyable et les meilleurs d'entre eux étaient
00:07:52réputés pour leur force.
00:07:53Ils n'étaient pas forcément des hommes très grands ou très costauds, mais ils avaient
00:07:59une résistance physique incroyable.
00:08:01Et dans ma tête d'enfant, j'imaginais quelque chose d'inaccessible, et ces gens c'étaient
00:08:10des héros, c'étaient des surhommes.
00:08:12Dans les premières années, le peloton apparaît comme un balai de silhouettes floues et d'ombres
00:08:21perdues.
00:08:22Les cyclistes qui se professionnalisent peu à peu demeurent encore de parfaits inconnus.
00:08:34Qui se souvient aujourd'hui de Maurice Garin, tout premier gagnant du Tour, retourné à
00:08:51la gestion d'une station-essence quelques années plus tard, ou de Philippe Thys, triple
00:09:00champion de la course, ou encore de Lucien Petit-Breton, ancien voiturier, vainqueur
00:09:12de deux éditions consécutives en 1907 et 1908.
00:09:16Mon grand-père était issu d'une famille très modeste.
00:09:26Si mon grand-père n'avait pas été coureur cycliste, il se serait retrouvé peut-être
00:09:34comme un de ses frères dockers sur le port de Buenos Aires ou sur le port de Nantes.
00:09:42Pour être coureur, à l'époque, en 1907, il fallait être quelqu'un issu de la classe
00:09:53ouvrière et quelqu'un qui avait l'habitude de l'effort et qui devenait une bête de
00:10:00somme.
00:10:01À la sortie de l'usine ou en quittant les champs, nos concitoyens s'attardent le long
00:10:11des routes et s'identifient à ces héros trimardeurs qui leur ressemblent tant, car
00:10:20en ce début du XXe siècle, les loisirs sont rares.
00:10:24Les Français, épuisés par des journées de labeur sans répit ni congés, trouvent
00:10:29dans ces champions une incarnation positive de l'effort qui dicte leur quotidien.
00:10:33Pour la première fois, c'est l'événement qui vient à eux, jusque sur le seuil de
00:10:42leur maison.
00:10:43Au mois de juillet, la course devient peu à peu une parenthèse enchantée pour les
00:10:55classes populaires.
00:10:56Ce coureur qui pédale dur, eh bien, il donnait envie aux paysans de s'accrocher, de travailler
00:11:08dur sur la terre.
00:11:09Il donnait envie à l'ouvrier de s'accrocher à sa chaîne pour pouvoir aller jusqu'au
00:11:14bout, parce que c'était un modèle, parce qu'eux montraient qu'en forçant, ils arrivaient
00:11:20à gagner quelque chose.
00:11:21Lors de l'édition 1913, une aventure va marquer les esprits.
00:11:33Parmi les grandes histoires mythiques, évidemment, mon grand-père m'avait raconté ça quand
00:11:42j'étais très très jeune, c'est Eugène Christophe qui casse sa fourche dans une grande
00:11:45étape pyrénéenne et qui, à Sainte-Marie-de-Campan, arrive à la forge, il a cassé sa fourche.
00:11:51Il a réparé lui-même, car il ne pouvait pas se faire aider pour la réparation de
00:11:57sa fourche.
00:11:58C'était interdit dans le règlement.
00:11:59Donc, il a soudé, remboîté sa fourche et il a pu continuer son tour de France.
00:12:09Que ce coureur-là, dans la difficulté, dans l'impossibilité, se soit débrouillé
00:12:20tout seul et ait eu la capacité à reconstruire sa mécanique pour poursuivre, pour poursuivre
00:12:28son objectif, c'est-à-dire terminer le Tour de France, parce que c'était ça, je pense
00:12:32que ça crée de la sympathie et puis les gens s'identifient, ah tiens, ben oui, il
00:12:36est comme moi, quoi, en définitive, c'est un type sympa, c'est un ouvrier, ce mec,
00:12:42il connaît la valeur du travail et il sait faire, il sait se servir de ses mains, pas
00:12:47que de ses jambes.
00:12:48L'histoire rocambolesque de Jeanne Christophe entre dans la légende.
00:12:59Grâce au talent d'homme de plume, dont les récits épiques fascinent, la course
00:13:06va prendre toute sa dimension auprès du public.
00:13:09C'est d'ailleurs L'Auto, un journal populaire mais en difficulté, qui a créé le Tour
00:13:16de France pour gonfler ses ventes.
00:13:18Dès le début, les journalistes et les plus grands écrivains comme Tristan Bernard subliment
00:13:28cette grande course cycliste et la racontent sous la forme d'une épopée aux ressorts
00:13:33inépuisables.
00:13:34Il y a les acteurs, les cyclistes, on ne sait pas ce qui va leur arriver, accessoirement,
00:13:43il va y avoir des drames, des exploits, des victoires, on va les relater.
00:13:47Il y a la France, c'est le décor et tout est en place pour une pièce de théâtre et
00:13:52le génie, le génie du sport, mais du Tour de France en particulier, c'est qu'on ne sait
00:13:57pas la conclusion de l'histoire.
00:13:58En 1914, lorsque l'édition du Tour s'achève, les Français entendent déjà au loin les
00:14:14canons de la ligne de front.
00:14:15La grande guerre commence et donne un coup d'arrêt à la course.
00:14:23Les forçats de la route, selon l'expression du journaliste Albert Londres, deviennent
00:14:32des soldats de la nation.
00:14:34Désormais, ce n'est plus le boyau de rechange qui habille leurs épaules, mais la lanière
00:14:43du fusil.
00:14:44Quand la guerre de 1914-1918 s'est déclarée, mon grand-père a été mobilisé immédiatement.
00:14:56Pour maintenir le lien naissant entre les coureurs et la population, le journal Loto
00:15:06donne régulièrement des nouvelles de ces sportifs mobilisés sur le front.
00:15:09L'histoire de la course fusionne alors avec celle de notre pays.
00:15:15Les Français aimaient ces grands champions et donc les Français attendaient des nouvelles.
00:15:26Que sont-ils devenus ?
00:15:27Alors, tant qu'ils étaient en bonne santé, en vie et en action, on donnait des nouvelles,
00:15:35notamment pour mon grand-père, qui a porté le pli de mobilisation des taxés de la Marne
00:15:42en vélo incognito à Paris au général Gagliani, ça s'est dit, il y a eu des photos, ça
00:15:50a été dit dans la presse.
00:15:51Jour après jour, les lecteurs sont informés du destin parfois tragique des coureurs,
00:15:59héros ordinaires sacrifiés par la guerre.
00:16:01Comme celui de nombreux anonymes, leur nom vient noircir la longue liste des morts au
00:16:12champ d'honneur.
00:16:13En 1917, l'avion d'Octave Lapise, devenu en quelques années l'une des plus grandes
00:16:22figures du Tour, est abattu au-dessus de Verdun.
00:16:25Quant à Lucien Petit-Breton, double vainqueur de l'épreuve, son décès fait la une.
00:16:32À l'issue de la guerre, le pays est exsangue, les routes en mauvais état, le peloton décimé.
00:16:55Mais en 1919, les organisateurs de la course entendent bien célébrer la victoire avec
00:17:02les Français des provinces jadis perdues qui réintègrent la nation.
00:17:06Avec l'Alsace et la Lorraine dans son tracé, le Tour de France est complet.
00:17:14Une nouveauté accompagne cette édition de la Renaissance.
00:17:24Il s'agit du maillot jaune.
00:17:34Le maillot jaune est devenu très important pour les Français parce que cette couleur
00:17:38n'existait pas dans le peloton.
00:17:40Il n'y avait pas de maillot de cette couleur-là.
00:17:42Donc le jaune est devenu la référence.
00:17:47Tous les spectateurs peuvent le repérer, l'applaudir et accroître leur association,
00:17:55leur identification avec cet homme qui est à la fois très loin et très proche.
00:17:59C'est le repère.
00:18:01On cherche le maillot jaune.
00:18:03Tout le monde veut voir le maillot jaune.
00:18:05On le cherche, on scrute, on regarde où c'est qu'il est, comment il est, qu'est-ce qu'il fait,
00:18:09est-ce qu'il est seul.
00:18:11Le maillot jaune, c'est le marqueur du Tour de France.
00:18:17Dans les années 30, la guerre est déjà loin.
00:18:25À Paris, on s'amuse.
00:18:28Ce sont les années folles, légères, intenses.
00:18:34La nuit, les cabarets ne désemplissent pas.
00:18:39Le dimanche, les Français enfourchent leurs vélos.
00:18:48Jeunes et moins jeunes ne sont plus de simples spectateurs.
00:18:52Ils succombent tous à la folie de la fée bicyclette.
00:19:00La nuit, les cabarets ne désemplissent pas.
00:19:09En l'espace de 15 ans, le nombre de vélos vendus est multiplié par 3.
00:19:22Une ville en particulier participe à l'essor de la petite reine en France,
00:19:27Saint-Étienne.
00:19:39Émile et Edmond Mercier sont nés ici.
00:19:43Fils d'un ancien ouvrier, fondateur des célèbres cycles Mercier,
00:19:47les deux frères se souviennent de la démocratisation du vélo
00:19:51pendant l'entre-deux-guerres.
00:19:57L'entreprise familiale se trouvait dans le quartier de la rivière.
00:20:02Pour moi, ce quartier de la rivière, c'est vraiment le quartier des ateliers.
00:20:07Et là cohabitent beaucoup de métiers qui sont liés au cycle ou à l'art.
00:20:19Mon père est arrivé, il a fait 14-18, il avait été gazé.
00:20:23Il est rentré dans une maison qui s'appelait Automoto.
00:20:27Et puis le cycle avait l'air de bouger, ils ont pris un garage
00:20:32et il s'est mis à faire des premiers cadres.
00:20:58Et puis d'un petit atelier, il a pris une usine et puis c'est devenu le cycle Mercier.
00:21:08Dans l'entre-deux-guerres, Saint-Étienne, c'est devenu la capitale du cycle.
00:21:12Avec tout ce que ça groupe, parce que pour faire des vélos,
00:21:15il faut des pédales, des manivelles, des éclairages, des freins.
00:21:19Et ça a cumulé plein d'artisans qui se sont mis à fabriquer des vélos.
00:21:25Qui se sont mis à fabriquer des pièces détachées.
00:21:28Donc ça a regroupé tout le cyclisme.
00:21:31Pour monter un vélo, il fallait faire des courses à Saint-Étienne.
00:21:41Comme il y avait beaucoup de fabricants de cycles,
00:21:43tous les ouvriers étaient équipés de bicyclettes et venaient au travail en bicyclette.
00:21:56Moi je me rappelle, j'avais 3 ans, il y a eu la folie du tandem.
00:22:00On avait un chef d'atelier avec une femme qui était très belle en plus.
00:22:05Donc tout le monde la regardait.
00:22:07Ils passaient leur vie en tandem, ils venaient au travail en tandem.
00:22:10Et l'été, ils partaient en vacances en tandem.
00:22:13Ils avaient des ensembles super chics, le même pantalon, le même mouson.
00:22:16Et tout le monde parlait d'eux.
00:22:18Et c'était toujours en tandem.
00:22:21En juin 1936, les travailleurs de France ont conquis 2 semaines de congés payés.
00:22:27Avec le Front populaire, les Français sont à la fête.
00:22:33Sans le savoir, le gouvernement de Léon Blum vient de donner un nouveau souffle autour de France.
00:22:40Les congés payés sont une bénédiction pour la grande boucle.
00:22:44Chaque été, on ferme, on part, on s'en va.
00:22:47La clé sous la porte, la joie dans le cœur.
00:22:49Vers la campagne et le grand air, vers la montagne et la mer, vers le soleil et la santé.
00:23:03Le long du parcours, les juilletistes piquent et attendent l'arrivée du spectacle,
00:23:08avec le privilège de ceux qui ont le temps.
00:23:18Le tour de France
00:23:34En juillet, les premiers congés payés de 1936 arrivent.
00:23:37Et le croisement des congés payés avec l'épopée du Tour de France,
00:23:41les 3 semaines du Tour de France en 1936,
00:23:44va former, si je puis dire, la grande histoire qui va surgir et qui va durer jusqu'à nos jours.
00:24:01L'avènement des congés payés est un facteur amplificateur très important,
00:24:06parce que les gens sortent, profitent du beau temps, profitent de la nature,
00:24:12se rendent sur les lieux où passe le Tour de France.
00:24:21C'est quoi les congés payés ? C'est plein de mois de juillet, il fait beau, il fait chaud, c'est du temps.
00:24:26Les gens s'installent sur le bord de route.
00:24:28J'ai ces souvenirs d'images qu'on a vues, les nappes à carreaux, les piqueniques, les paniers.
00:24:33Humainement, c'est complètement incroyable.
00:24:37Tout cela a accompagné le développement de la bicyclette, du Tour de France,
00:24:42et puis le plaisir de vivre et de bénéficier pleinement des congés payés.
00:24:47L'euphorie des congés payés ne dure pas.
00:24:52La course devient un parfait reflet de la montée des nationalismes qui s'exacerbe en Europe.
00:24:58Jusque-là, les coureurs étaient regroupés par équipes, sous la bannière d'un sponsor,
00:25:03des fabricants de cycles pour la plupart.
00:25:13Au début des années 30, pour parer aux tricheries accumulées par ces enseignes pressées de s'accaparer les faveurs de tel ou tel champion,
00:25:20les enseignants se sont engagés à construire des congés.
00:25:23Parmi ces enseignes pressées de s'accaparer les faveurs de tel ou tel champion,
00:25:27les organisateurs ont fait le choix des équipes nationales.
00:25:36Les noms de marques de cycles ont disparu, au profit des drapeaux de chaque pays.
00:25:42Dix équipes internationales étouffent le départ du Tour de France.
00:25:46Peut-être se trouvent-ils chez les Espagnols des spécialistes de la montagne.
00:25:52Les Français de l'équipe nationale aspirent à une revanche.
00:25:59Dès lors, les coureurs deviennent des patriotes qui font rayonner l'image de leur nation au-delà de ses frontières.
00:26:05En 1932, quelques mois avant l'arrivée au pouvoir d'Hitler, la victoire d'étape de Kurt Stoeppel est source de fierté pour les Allemands.
00:26:36Les nouveaux tyrans du vieux continent n'hésitent pas à instrumentaliser le Tour de France.
00:26:43En 1938, Mussolini s'approprie la victoire de Gino Bartali, légende du cyclisme transalpin,
00:26:49pour afficher la supposée supériorité de l'homme nouveau dans l'Italie fasciste.
00:26:57Une intrusion que goûte peu le grand Gino.
00:27:00Lors d'une cérémonie organisée en grande pompe à Rome pour célébrer l'équipe cycliste italienne,
00:27:05Bartali, dit le pieu, refuse de faire le salut fasciste devant le Duce.
00:27:18La légende raconte qu'il aurait jeté dans le fleuve Arnaud la médaille offerte par le régime.
00:27:30Symbole des lignes de fracture qui se dressent entre les nations européennes,
00:27:34l'Italie de Mussolini, l'Allemagne d'Hitler et l'Espagne de Franco
00:27:39refusent de participer à l'édition de 1939 qui s'élance.
00:27:47En juillet 1940, le Tour de France ne part pas.
00:27:52Comme 25 ans plus tôt, la grande boucle s'arrête pendant la durée du conflit.
00:28:06Henri Desgranges, fondateur de la course, meurt.
00:28:10Son successeur, Jacques Godet, flirte avec les autorités vichystes et allemandes
00:28:15jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de victoire.
00:28:17L'auto, accusée de collaboration, ne survit pas à la libération.
00:28:23C'est la fin d'une époque.
00:28:28L'auto, discrédité, devient l'équipe
00:28:31qui prend la relève et organise l'édition de la reprise en 1947.
00:28:36L'auto, discrédité, devient l'équipe
00:28:39qui prend la relève et organise l'édition de la reprise en 1947.
00:28:48C'est Marcel Servan qui donne, à l'arc de triomphe,
00:28:51le départ du Tour de France 1947, le premier depuis la guerre.
00:28:55100 coureurs français, belges, suisses, luxembourgeois et italiens
00:28:58s'élancent pour la grande ronde.
00:29:06Les Français retrouvent le Tour avec la ferveur des lendemains qui chantent.
00:29:25Le Tour de France 1947.
00:29:27Deux mots me viennent spontanément, la joie et la liberté.
00:29:37C'était, pour les spectateurs, la fête, l'applaudissement
00:29:42et la victoire pour le premier qui a été, par exemple, Robic.
00:29:49Eh bien, Robic, il a porté l'espoir de tous les Français
00:29:54qu'ils pouvaient, eux aussi, gagner dans leur métier,
00:29:57dans leur profession, dans leur famille, être des bons.
00:30:01Nos compatriotes, pressés de tourner la page de l'occupation,
00:30:04s'enthousiasment pour Jean Robic, héroïque vainqueur de l'édition 1947.
00:30:09Quand le Breton passe au Tourmalet, il a 4 minutes 28 d'avance.
00:30:13Et il semble que le maillot jaune soit salivement accroché sur ses épaules.
00:30:17Il est l'incarnation parfaite d'une France meurtrie qui se relève fièrement.
00:30:23Et pour ce premier tour d'après-guerre,
00:30:25les organisateurs décident de bousculer la tradition.
00:30:32Depuis la naissance de la course,
00:30:34chaque parcours suivait les contours de la nation
00:30:36et longeait strictement les frontières.
00:30:39Désormais, le peloton va explorer la France de l'intérieur.
00:30:43Le long des routes du Tour se dévoile alors un pays scindé en deux.
00:31:14D'un côté, la France des villes, pleine de promesses,
00:31:17qui entre tambour battant dans les trentes glorieuses en produisant de la richesse.
00:31:28De l'autre, la France des campagnes, inquiète,
00:31:32frappée par l'exode rural qui se vide lentement de ses habitants.
00:31:44Mais au mois de juillet, ce sont bien le Limousin,
00:31:48la Drôme ou la Corrèze qui sont à l'honneur.
00:32:02À cette France qui se sent laissée de côté par la fièvre du progrès,
00:32:06la grande boucle, manifestation itinérante,
00:32:09offre chaque année un formidable coup de projecteur.
00:32:14Le Tour de France
00:32:25Dans les campagnes, à notre époque, il y avait très peu d'animation,
00:32:29à part les fêtes de village et une fois de temps en temps le carnaval.
00:32:33Et le Tour de France, c'était l'animation de l'été.
00:32:44Le Tour de France
00:32:56Voir ces champions qui passaient là sur nos terrains,
00:33:00devant nous, à côté de nous, ça nous mettait en valeur,
00:33:04ça nous valorisait, on se sentait exister grâce à eux,
00:33:08parce qu'ils venaient nous saluer chez nous.
00:33:13Le Tour de France
00:33:26Le fait que ces idoles, que ces champions viennent chez nous,
00:33:31viennent nous voir, c'était eux qui nous ouvraient cette fenêtre sur le monde
00:33:36et qui, en quelque sorte, disaient au monde,
00:33:39il y a des gens importants, on va aller les voir,
00:33:42il y a des gens qui comptent, on va aller les voir.
00:33:54Plus que n'importe quel autre événement,
00:33:56la grande boucle raconte désormais ces petits bouts de France
00:33:59à qui plus rien ne semble promis.
00:34:04C'est une célébration annuelle de la ruralité.
00:34:09Les coureurs, eux, communient au gré des lieux et des circonstances
00:34:13avec ce qui fait l'essence d'un pays,
00:34:16ses paysages, ses villages et ses villes.
00:34:21Mon grand-père relatait les étapes du Tour de France.
00:34:24Il avait une carte de Tour de France
00:34:26et il épinglait tous les soirs, sur cette carte géographique,
00:34:30avec un petit drapeau, l'avancée du Tour de France et les étapes.
00:34:34Et je vous remercie d'avoir été là.
00:34:37Je vous remercie d'avoir été là.
00:34:40Je vous remercie d'avoir été là.
00:34:43Je vous remercie d'avoir été là.
00:34:46Je vous remercie d'avoir été là.
00:34:49Je voyais bien que Bordeaux, Libourne, je ne sais quoi, Paris...
00:34:53J'ai réussi à situer Paris sur une carte.
00:34:56Grâce à ça, j'ai encore ce souvenir-là.
00:34:59C'était une épingle rouge
00:35:01et c'était un petit drapeau bleu-blanc-rouge
00:35:03qui était planté sur Paris.
00:35:06Durant mon enfance, nous, nous étions limités à notre région, à notre coin.
00:35:10Au maximum, on allait à 100 kilomètres du village.
00:35:14Le plus loin que nous sommes allés, c'est Lyon.
00:35:16Mais grâce au Tour de France, nous avons appris à connaître des villes,
00:35:19la Bretagne, des villes de Bretagne, des Vosges,
00:35:23que ce soit des villes importantes ou non,
00:35:25que ce soit des villes importantes ou non,
00:35:27que ce soit des villes importantes,
00:35:29que ce soit des villes importantes,
00:35:31que ce soit des villes importantes,
00:35:33que ce soit des villes importantes ou moins importantes.
00:35:38Grâce aux exploits des coureurs,
00:35:40de nouveaux lieux jusqu'à l'heure inconnue du grand public
00:35:43deviennent des étapes incontournables
00:35:45que les Français découvrent et s'approprient.
00:35:49À l'époque, je me retrouvais peut-être au cours moyen 1ère année, 2ème année,
00:35:53et on apprenait la géographie, on apprenait les Alpes.
00:35:57Moi, je connaissais très bien les Alpes.
00:35:59Moi, petit Italien qui n'avait jamais voyagé que entre la France et l'Italie,
00:36:03eh bien, je me rappelle que l'instituteur à l'époque avait dit,
00:36:08ben, Patricio, à l'époque, c'était Patricio,
00:36:11tu peux nous parler des Alpes ?
00:36:14Eh ben, moi, je connaissais le col du Petit Saint-Bernard.
00:36:21Et là, je me suis senti brillé dans cette classe,
00:36:25grâce au col du Petit Saint-Bernard, appris grâce au Tour de France.
00:36:41L'aigle vole maintenant vers son air.
00:36:43Ses compatriotes lui réservent un accueil plus que chaleureux.
00:36:50Copie entre vivante dans la légende du Tour de France.
00:36:54Encore la biogrande gestrière et c'est la foule hurlante à la gloire de son idole.
00:37:03Après Gino Bartali, la nouvelle vedette du cyclisme italien s'appelle Fausto Copie,
00:37:08vainqueur des éditions 1949 et 1952.
00:37:14Sur la grande boucle, les Italiens sont tous derrière Copie.
00:37:18Pour la deuxième fois, Copie, comme deux autres Italiens, Bottecchia et Bartali,
00:37:22a remporté le Tour de France.
00:37:25Surtout ceux qui ont traversé les Alpes pour fuir le fascisme ou la pauvreté
00:37:29et qui habitent en France.
00:37:34Cela ne rate aucun de ses exploits.
00:37:40Jusqu'à six ans, j'ai parlé pratiquement italien,
00:37:43et même le vento, en famille.
00:37:46Donc un des moyens pour pouvoir acquérir la langue française,
00:37:51c'était d'écouter la radio, c'était d'écouter le transistor.
00:37:55Le seul moment où j'entendais parler français au transistor,
00:38:00c'était quand mon père l'écoutait et il écoutait le Tour de France.
00:38:04Et bientôt, Posto Copie roule seul vers la ligne d'arrivée.
00:38:11Italienne, française ou espagnole, en fonction de ses origines,
00:38:16avec un enthousiasme inconditionnel, chacun soutient son idole.
00:38:27Mais quand l'été arrive, le petit miracle opère.
00:38:32Quels que soient les attaches des uns et des autres,
00:38:35le cœur de toute la population va finalement sur le même tempo.
00:38:40Donc au moment où le Tour de France passait,
00:38:43les gens se retrouvaient, c'était un moment de convivialité,
00:38:47où les gens se retrouvaient et échangeaient.
00:38:50Dans notre village, il y avait de nombreuses nationalités.
00:38:53Il y avait les Macaronis, il y avait les Ritales, il y avait les Polacks.
00:38:57Dans ma prime enfance, il y avait du racisme.
00:39:00On nous appelait les Macaronis.
00:39:02Bien avant qu'on nous appelle les Ritales.
00:39:05Les Ritales, c'est venu plus tard.
00:39:07Mais il n'y avait plus de Macaronis ni d'Italiens
00:39:10quand le Tour de France arrivait.
00:39:12On était tous réunis autour de cette passion du vélo.
00:39:21Les gens apportaient à manger et on partageait.
00:39:24On avait une voisine italienne, comme on ne mangeait pas de porc,
00:39:28chaque année, elle nous apportait un truc sans porc.
00:39:31Cette dame-là, je me rappelle très bien de son nom,
00:39:34Mme Massimo, elle nous faisait découvrir les plats italiens
00:39:37tout en nous faisant découvrir les plats algériens.
00:39:48L'Italien Gino Bartali est fils de maçon.
00:39:51Coppi, lui, est né dans une famille paysanne.
00:39:55L'Espagnol Federico Bahamontes, surnommé l'Aigle de Tolède,
00:39:59vainqueur du Tour en 1959, a un père ouvrier.
00:40:06Ses as du vélo sont issus du peuple.
00:40:13D'ailleurs, ceux qui ne sont pas fidèles à cette tradition rurale et populaire
00:40:17ou qui n'emportent pas les valeurs, sont montrés du doigt,
00:40:20raillés, voire rejetés.
00:40:25Louison-Beaubet est un cas emblématique.
00:40:30Vainqueur du Tour en 1953, 1954 et 1955,
00:40:34l'homme domine son sujet.
00:40:40Son coup de pédale écrase tous ses adversaires.
00:40:45Lui, son père, lui-même.
00:40:49Chez Louison-Beaubet, outre la posture sur la machine,
00:40:52il y a aussi son attention à la manière d'être cycliste.
00:41:00Tout était calculé dans sa manière de paraître sur une machine,
00:41:04bien droit, bien lisse, etc.
00:41:10Lui, son père, lui-même.
00:41:14Il est difficile pour un ouvrier, pour quelqu'un qui travaille dans l'industrie,
00:41:18qui vient des champs, bref, pour le bas peuple, pour le dire clairement,
00:41:22il est difficile de s'incarner dans Louison-Beaubet.
00:41:25Il a un côté bourgeois du cyclisme.
00:41:29Si le champion revendique un sérieux, une élégance
00:41:32et une méticulosité dans la préparation des étapes,
00:41:35de nombreux Français voient en lui une forme d'austérité,
00:41:39un excès de respect pour l'éducation,
00:41:42un manque d'intérêt pour l'éducation.
00:41:47Lui, son père, lui-même.
00:41:51Lui, son père, lui-même.
00:41:54De nombreux Français voient en lui une forme d'austérité,
00:41:57un excès de zèle incompatible avec l'esprit du tour.
00:42:13Son attitude un peu hautaine faisait qu'il n'accrochait pas
00:42:18avec le peuple qui aime le vélo.
00:42:22Mais c'est sûr qu'on n'avait pas envie de lui taper dans le dos
00:42:26comme un autre coureur.
00:42:28Il était un peu intimidant, je sais pas, mais peut-être à tort.
00:42:32Effectivement, mon grand-père était quelqu'un qui aimait l'élégance,
00:42:36qui aimait être toujours apprêté.
00:42:39Il avait toujours un peigne dans sa poche,
00:42:42il se repeignait comme ça à chaque fois, tout le temps.
00:42:45Il était toujours très apprêté et il aimait ça, il avait besoin de ça.
00:42:50C'est quelque chose qu'aujourd'hui,
00:42:52les générations qui l'ont connu me disent.
00:42:55Me disent, votre grand-père, quelle aura, quelle élégance, vraiment.
00:43:09Lorsqu'il perd, Bobet pleure.
00:43:15Il lui arrive de sortir un mouchoir
00:43:17quand les autres utilisent plus trivialement leurs doigts.
00:43:22Le long de la route, certains spectateurs l'affublent de surnoms moqueurs,
00:43:26comme La Pleureuse ou encore Louisette Bonbon.
00:43:33Pour ceux-là, le coureur, pourtant fils de boulanger,
00:43:36incarne la France des villes,
00:43:38tandis que le tour, au contraire, est porteur de traditions simples,
00:43:42de fraternité authentique et de spontanéité.
00:43:47C'est ce qu'il s'est passé.
00:44:02Il aimait cette position de star, mon grand-père.
00:44:05Il a beaucoup travaillé ça, d'ailleurs, aussi avec les industriels,
00:44:08avec ses sponsors.
00:44:10Mercier, par exemple, il courait sur des vélos Mercier.
00:44:13Mais voilà, ils étaient arrivés à un accord,
00:44:15Louison Bobet faisait du vélo sur les vélos Mercier,
00:44:18mais il avait à poser sa marque, Louison Bobet, sur le vélo.
00:44:22Oui, Louison Bobet est un visionnaire.
00:44:24Ce qu'il a demandé et ce qu'il a obtenu de son employeur,
00:44:28qui étaient les cycles Mercier,
00:44:30c'est de courir sur une bicyclette et sur des maillots à sa marque.
00:44:34Donc, évidemment, le rayonnement pour Mercier n'était plus là.
00:44:37Et ça a forcément créé des discussions,
00:44:39des tensions même, entre Louison Bobet et Mercier.
00:44:42Mais Louison Bobet a su gérer ça,
00:44:44et si difficile c'eût été à accepter pour les Mercier,
00:44:48la relation a toujours été bonne avec Louison Bobet.
00:44:55Le palmarès de Bobet, cycliste élégant et homme d'affaires avisé,
00:44:59a marqué l'histoire du vélo tricolore.
00:45:04Il reste aujourd'hui encore l'un des plus grands noms de l'histoire du Tour.
00:45:15La France des clochers, elle, va se trouver une idole à son image.
00:45:22Au milieu des années 60, Raymond Poulidor fait son entrée dans la course.
00:45:29Sur le bord des routes, le peuple du Tour en fait immédiatement l'un des siens.
00:45:34Poupou, Poupou, pour Poulidor, tout simplement.
00:45:38Sur le bord des routes, le peuple du Tour en fait immédiatement l'un des siens.
00:45:48Poupou, Poupou, pour Poulidor, tout simplement.
00:46:07Poulidor.
00:46:08Votre favori.
00:46:09Poulidor.
00:46:11Votre favori.
00:46:12Poulidor.
00:46:13Poulidor.
00:46:14J'ai vu des scènes d'amour pour Raymond Poulidor,
00:46:17de grand-mère.
00:46:18On n'a jamais compris le charme qu'il avait sur tout le monde.
00:46:22Sur tout le monde.
00:46:23Et pourquoi vous le préférez, celui-là ?
00:46:25Parce que je l'aime.
00:46:27Je l'aime, c'est tout.
00:46:28Nous aimions Raymond Poulidor
00:46:30parce que c'était quelqu'un de chez nous,
00:46:32parce que c'était quelqu'un comme nous.
00:46:35...
00:46:41Originaire du Limousin,
00:46:43Poulidor, le chouchou des Français,
00:46:45affiche depuis toujours et sans retenue
00:46:48ses attaches paysannes dans la ferme familiale
00:46:50où il a grandi.
00:46:52...
00:46:58Il a toujours été bon petit.
00:47:00Alors, il était bon élève.
00:47:02Il ne sortait jamais.
00:47:05Il écoutait toujours bien sa mère,
00:47:07il m'aidait tout le temps à faire le travail.
00:47:09Et puis, il allait faire les commissions les jeudis,
00:47:13quand il n'avait pas d'école.
00:47:15Alors, il prenait le vélo,
00:47:17il commençait à faire son entraînement comme ça.
00:47:20Pour mes parents,
00:47:21mais pour le voisinage, pour la région,
00:47:25c'était un fils, c'était un frère,
00:47:28c'était un cousin, c'était un tonton,
00:47:31c'était quelqu'un de la famille.
00:47:32Raymond Poulidor, il a eu une affection,
00:47:36pour cet homme, exceptionnelle dans la région.
00:47:40Malgré sa carrière fulgurante
00:47:43et tout ce qu'elle a pu lui apporter,
00:47:45Poulidor n'a pas abandonné pour autant ses habitudes.
00:47:48Il aime toujours s'entraîner sur les routes limousines
00:47:51qui virent ses débuts,
00:47:52et le froid ne l'empêche pas de faire de longues sorties,
00:47:55chaudement enmitouflé dans un gros pull-over.
00:47:58...
00:48:00Pendant l'hiver,
00:48:01je suis à peu près comme le Français qui se respecte.
00:48:05J'aime bien bricoler.
00:48:06Et cette année, comme nous avons aménagé notre nouvelle maison,
00:48:11je fais des petits bricolages,
00:48:13car j'aime ça, et puis, il faut bien le dire,
00:48:15j'ai un peu gardé les manières du petit paysan que j'étais
00:48:20avant que le cyclisme me donnait tout ce que j'ai aujourd'hui.
00:48:26Raymond, c'était un amour de mec, quoi.
00:48:30Il n'y avait aucun problème avec Raymond.
00:48:32Je l'emmenais en voiture, j'avais une belle voiture,
00:48:34il était tout content d'être dans ma voiture.
00:48:37C'était un gars exceptionnel, exceptionnel,
00:48:39de gentillesse et de simplicité,
00:48:41alors qu'il avait tout pour avoir la grosse tête.
00:48:44Tout, tout.
00:48:45Le Tour de France, pour nous,
00:48:46à partir du moment où Raymond Poulidor l'a fait,
00:48:49c'était le Tour de Raymond Poulidor.
00:48:51Nous étions tous derrière lui,
00:48:53et nous étions heureux quand il gagnait,
00:48:55et nous étions malheureux quand il subissait des échecs,
00:48:59et ça nous est arrivé souvent.
00:49:05Car Poupou semble jouer de malchance.
00:49:08Dans le peloton, c'est un autre coureur qui roule en jaune.
00:49:14Jacques Anctil est le nouveau seigneur du Tour.
00:49:20Surnommé le gérant de la route,
00:49:22ce sportif au regard froid remporte 5 tours à partir de 1957.
00:49:30Raymond Poulidor entame alors une carrière d'éternelle seconde.
00:49:38Nous roulons derrière Jacques Anctil, dont nous admirons le coup de pédale.
00:49:42C'est l'un des plus beaux que l'on ait connus dans le sport cycliste,
00:49:45et ce sont d'anciens coureurs cyclistes qui reconnaissent cela.
00:49:49Jacques Anctil arrive sur les talons, si j'ose dire, de Raymond Poulidor.
00:49:53Le passe, voyez comment, sans un regard,
00:49:57sans un regard,
00:49:58Poulidor va essayer de s'accrocher à lui pendant quelques centaines de mètres,
00:50:02mais il ne pourra suivre l'allure endiablée de Jacques Anctil,
00:50:06décidément l'homme le plus fort de ce Tour de France.
00:50:18Durant la période où la République française était divisée
00:50:22durant le mois de juillet entre Anctil et Poulidor,
00:50:25j'étais un des rares dans mon village à être anctiliste.
00:50:29Le reste était poulidoriste.
00:50:30Mais nous étions viscéralement contre Jacques Anctil.
00:50:35C'était le coureur.
00:50:37Ne serait-ce que quand on entendait prononcer son nom,
00:50:40il y avait presque une crise d'urticard qui nous montait, quoi.
00:50:45Mais dans toute la famille, nous n'étions pas les seuls.
00:50:47J'étais pour Anctil parce que je trouvais qu'il méritait qu'on le soutienne,
00:50:50parce que tout le monde était contre lui, tout le monde l'insultait,
00:50:53premièrement,
00:50:54et deuxièmement, je trouvais que son palmarès méritait qu'on le soutienne.
00:51:07Jacques Anctil, qui vient pourtant d'une famille modeste,
00:51:10ne fait rien pour plaire aux petits peuples.
00:51:16Comme Bobet en son temps,
00:51:17il affiche ses nouveaux signes extérieurs de richesse
00:51:20et n'hésite pas à se mettre en scène.
00:51:23À la barre de son bateau
00:51:25ou dans son grand manoir normand.
00:51:43Un jour, quelqu'un a dit de vous qu'à la Place du Coeur,
00:51:45vous aviez une caisse enregistreuse.
00:51:47Ça vous a offusqué ?
00:51:49Non, mais je crois que c'est pas exact.
00:51:51Ça dépend comment on prend la question.
00:51:55À tous ceux qui vous reprochent parfois de n'être qu'un professionnel,
00:51:58de n'être qu'un coureur qui pense à son contrat
00:52:01et à ce qu'il gagnera à la fin de la course,
00:52:03est-ce que vous seriez capable de répondre
00:52:05que vous pourriez courir pour une médaille s'il le fallait ?
00:52:08Non, pas du tout.
00:52:09Le sport cycliste est beaucoup trop dur pour courir pour des médailles.
00:52:15Le choc culturel entre Anctil et Pusidor,
00:52:18il est aussi dans le mode de vie choisi par les deux êtres.
00:52:22Jacques Anctil dépense et montre qu'il dépense.
00:52:26Et donc, il étale de sa réussite et de son argent.
00:52:31Raymond est resté dans l'humilité
00:52:35et dans l'absence d'actions ostentatoires,
00:52:40achats de belles voitures, etc.
00:52:42C'était pas son mode de fonctionnement.
00:52:43Et c'est aussi pour ça qu'il reste près des Français.
00:52:48L'affrontement entre ces deux hommes et ces deux Français
00:52:52trouve son apothéose le 12 juillet 1964.
00:53:00Ce jour-là, à la 20e étape,
00:53:03dans la montée du Puy-de-Dôme, Pusidor attaque,
00:53:06mais Anctil le rattrape.
00:53:09Pusidor répond. Jacques Anctil aussi.
00:53:11Faire quelques longueurs dans le démarrage, c'est normal.
00:53:14Retransmis en direct à la télévision,
00:53:16le duel est l'un des plus grands moments de l'histoire du Tour.
00:53:20Jacques Anctil n'a pas été surpris par Raymond Pusidor.
00:53:24C'est l'instant crucial pour Pusidor
00:53:26qui approche les trois derniers kilomètres avant le sommet.
00:53:29S'il ne répond pas ici, c'est fini.
00:53:31Poupou peut enfin gagner.
00:53:34À travers lui, c'est toute l'affrance des campagnes
00:53:36qui rêve de revanche en retenant son souffle.
00:53:39Lequel des deux pédale avec le plus de facilité ?
00:53:41C'est la question qu'on peut se poser.
00:53:43Les styles sont opposés. Jacques Anctil semble plus souple.
00:53:46Raymond Pusidor arrache sa machine, mais...
00:53:48C'est extraordinaire, tout se passe dans la tête.
00:53:51Pusidor est plus fort ce jour-là.
00:53:53Il doit gagner le Tour de France, écraser Jacques Anctil
00:53:56et enfin porter pour la première fois le maillot jaune
00:54:00et même ramener le maillot jaune à Paris.
00:54:02Il n'y a pas de doute sur la question.
00:54:05C'est entre Pusidor et Anctil que se joue ce Tour,
00:54:08que se joue le sort du maillot jaune.
00:54:13Pusidor est plus fort, mais il n'ose pas attaquer.
00:54:15Pourquoi n'ose-t-il pas attaquer Jacques Anctil ?
00:54:17On ne saura jamais. Lui-même n'a pas su vraiment l'expliciter.
00:54:20On dit qu'il va gagner le Tour de France,
00:54:23qu'il va le lâcher, mais qu'il attaque.
00:54:25On voulait le pousser, on voulait l'aider.
00:54:27Mais pourquoi il n'attaque pas ?
00:54:30Anctil qui arrache sa machine. Est-ce que Pusidor se détache ?
00:54:34On a toujours cette impression.
00:54:36Son style paraît plus puissant. Il lâche Anctil.
00:54:41Anctil perd quelques longueurs sur Pusidor.
00:54:44Si Raymond Pusidor attaque à 5, 6 kilomètres du sommet,
00:54:48il prend le maillot ce jour-là
00:54:50et il gagne le Tour de France.
00:54:52Bien évidemment, il attaque trop tard.
00:54:53Il est comme, on va dire,
00:54:55sous l'emprise psychologique de Jacques Anctil à ses côtés.
00:54:58Parce qu'il ne démarre pas. On attend que ça.
00:55:01Que ça, mais qu'il démarre, qu'il démarre.
00:55:03Et il démarre à un moment donné, mais il démarre à trop tard.
00:55:08Il avait 56 secondes à combler sur Jacques Anctil.
00:55:10Il ne semble pas qu'il pourra, en tout cas,
00:55:14prendre cette avance à Anctil
00:55:16au cours des derniers 1500 mètres de l'ascension du Puy-de-Dôme.
00:55:19Pusidor termine maintenant.
00:55:21Il a perdu 9 secondes le Tour de France.
00:55:23Vous vous rendez compte ? 9 secondes le Tour de France.
00:55:26C'était terrible.
00:55:27Nous avons vécu un moment où la passion nous avait tellement lâchés.
00:55:33On était tellement abattus que c'était une soirée triste.
00:55:37Je me souviens encore, mon père, quand mon père m'a appelé,
00:55:40quand mon père est reparti de cette étape-là,
00:55:43il ne m'avait rien commenté. Il était parti sans rien dire.
00:55:46Plus que 50 mètres pour Jacques Anctil,
00:55:49qui termine même en roue libre.
00:55:51Tape pour Jacques Anctil,
00:55:52mais il y a, semble-t-il,
00:55:5541 ou 42 secondes que Raymond Pusidor est arrivé.
00:56:01Raymond Pusidor, perdant magnifique de ce Tour 1964,
00:56:06fait la fierté de la France des territoires.
00:56:11Mais c'est bien Anctil qui remporte cette édition,
00:56:14balayant ainsi les espoirs du monde rural,
00:56:17destinés à rester dans l'ombre.
00:56:24Soit disant, ils étaient rivaux, mais je crois qu'ils s'aimaient bien.
00:56:28Ça a joué aux deux, pour les deux, cette rivalité.
00:56:32Et je sais que dans le privé,
00:56:35ils jouaient aux cartes pas mal, aux ramis,
00:56:37et ils s'entendaient très bien.
00:56:421966 est la dernière édition pour le grand Jacques Anctil.
00:56:47Le géant a fait son tomb.
00:56:50Resterait-il une dernière chance à la France de Pusidor
00:56:53de connaître son heure de gloire
00:56:55et de prendre enfin toute la lumière du Tour ?
00:56:59Voici Merce, qui arrive sur le circuit de Bouraigne-Ville-Nouvelle.
00:57:03Bravo, Merce ! Bravo, Merce !
00:57:06Bravo, Merce !
00:57:07Et si je le dis comme ça sur l'antenne, avec mon enthousiasme,
00:57:10je dois vous dire que pendant les 100 kilomètres où j'ai suivi,
00:57:13mais où tout le moins je présédais Merce,
00:57:15où j'étais devant lui, dans ma voiture, debout,
00:57:17je ne pouvais pas m'empêcher de crier « Bravo, Merce ! »
00:57:20« Allez, Merce ! » On les prononçait mille fois.
00:57:23Bravo, Merce ! C'est un seigneur !
00:57:28Malheureusement, Poupou doit bientôt compter
00:57:30avec l'arrivée dans la course d'Eddy Merckx,
00:57:33un jeune Belge que rien ne semble pouvoir arrêter.
00:57:37Abonné au maillot jaune, on surnomme déjà Merckx,
00:57:41l'ogre ou le cannibale, pour son insatiable faim de victoire.
00:57:48Un coureur venu du plat pays pour faire de l'ombre à Poupou,
00:57:52c'en est trop pour des millions de Français.
00:57:55Premier, Eddy Merckx !
00:57:57Il gagne trop souvent. Il a changé un peu.
00:58:00J'ai l'honneur de dire Merckx. C'est l'honneur.
00:58:03Il n'est pas de chez nous.
00:58:04Je le trouve plutôt égoïste.
00:58:06J'admire sa performance, mais je ne la rapprécie pas.
00:58:10C'est un prétentieux.
00:58:11C'est un pécheur !
00:58:12C'est un pécheur !
00:58:21Entre 1969 et 1974,
00:58:25Eddy Merckx remporte cinq Tours de France.
00:58:29Il est reconnu comme l'un des plus grands coureurs de tous les temps
00:58:32et son nom est inscrit à jamais dans les annales de la Grande Boucle.
00:58:46De retour dans son limousin natal,
00:58:48Raymond Poulidor prend sa retraite en 1977,
00:58:51après une longue carrière.
00:58:55Avec un beau palmarès...
00:58:58mais sans jamais avoir gagné le Tour de France.
00:59:03Editions après éditions,
00:59:05l'engouement des Français pour la Grande Ronde devient quasi-religieux.
00:59:12Cette ferveur va se trouver renforcée par un autre élément du spectacle
00:59:16qui devient au cours du temps incontournable.
00:59:21Il s'agit de la caravane du Tour de France.
00:59:25La caravane, c'est une caravane qui a été construite
00:59:28pour le Tour de France.
00:59:30La caravane, c'est quelque chose qui...
00:59:36qui met de la magie dans le Tour de France.
00:59:51Papy, mon grand-père m'emmenait sur le Tour de France.
00:59:55Je vous avoue que moi, j'étais petite.
00:59:58L'aspect technique, les stars, c'était pas...
01:00:00Mais la caravane, incroyable !
01:00:03Pour l'enfant que j'étais, c'était la fête.
01:00:06Et puis, c'était gigantesque.
01:00:14On a été merveilleux.
01:00:16C'est Noël avant Noël.
01:00:19Et même à mon âge,
01:00:21quand je regarde passer la caravane, j'ai toujours été merveilleux.
01:00:28Née en 1930,
01:00:30la caravane prend la forme d'un défilé de marques
01:00:33venu profiter de la course pour faire de la publicité.
01:00:44Elle participe ensuite à l'entrée des Français
01:00:46dans l'ère de la consommation de masse.
01:00:48Une fois de plus, le Tour accompagne son époque.
01:00:58Véhicule décoré, distribution de bonbons, de gadgets en tout genre,
01:01:02la caravane passe une heure avant les coureurs
01:01:04et suscite l'enthousiasme.
01:01:13Car le Tour est magique.
01:01:14Au contact de la course,
01:01:16un défilé purement commercial et marchand
01:01:18se révèle être un joyeux spectacle.
01:01:21Envoûtant et féerique.
01:01:28À ce moment-là, la télé n'existait pas,
01:01:30la publicité n'existait pratiquement pas, la radio.
01:01:33Moi et ma famille, on a découvert le réfrigérateur,
01:01:36la machine à laver, l'aspirateur, grâce au Tour de France.
01:01:40J'ai découvert dans la caravane
01:01:43des marques, des produits,
01:01:45des images qui me semblaient inaccessibles.
01:01:58J'ai souvenir de cette caravane absolument fantastique
01:02:01avec le bonhomme Michelin.
01:02:03C'était incroyable, ce bonhomme blanc, ça me happait complètement.
01:02:08Les bonbons créma, ils envoyaient des bonbons créma comme ça.
01:02:12J'essayais de tous les attraper pour tous les manger.
01:02:14Ils faisaient la publicité à l'époque, ce qui a été interdit depuis,
01:02:17pour les apéritifs, le sans-anneau, le bière.
01:02:20On nous lançait des plaques où c'était marqué bière,
01:02:24des plaques émaillées, bière, c'était magnifique.
01:02:27On se battait des gamins pour les ramasser.
01:02:29C'était la fête, vraiment.
01:02:31C'était la fête et puis on mangeait.
01:02:33Donc il y avait tous les sens qui étaient stimulés là.
01:02:36Il y avait le bruit, il y avait la vue, les couleurs, etc.
01:02:41Il y avait le goût.
01:02:42Le goût, les bonbons, les boissons qu'on nous donnait,
01:02:45que cette caravane nous donnait,
01:02:46c'est ça où vraiment la fête, non seulement était extérieure,
01:02:49mais en plus, elle était en dedans de nous.
01:02:54Musique jazz
01:02:56...
01:03:02...
01:03:10Rires
01:03:11...
01:03:18Quand j'étais au bord des routes, quand j'étais petite,
01:03:20quand je les voyais passer, je me suis dit un jour,
01:03:23j'aimerais tellement être à leur place.
01:03:25J'espère que quand j'aurai la vingtaine, je pourrai être à leur place
01:03:28et pouvoir aussi distribuer des cadeaux et sourire à ces personnes.
01:03:32...
01:03:49Les gens au bord de la route,
01:03:50ils sont vraiment euphoriques, joyeux, ils sourient,
01:03:54ils me sourient pour que je leur lance des gadgets.
01:03:57Donc voilà, moi, le but, c'est de leur distribuer des cadeaux,
01:04:00mais bien plus aussi distribuer de la joie, de la bonne humeur et des sourires.
01:04:03...
01:04:19Quand je vois un enfant qui a bien reçu mon cadeau,
01:04:23ça me fait vraiment plaisir, parce qu'il est tout content.
01:04:25Lui, il voit le cadeau, mais il voit pas la personne qui lui a donné.
01:04:27Sauf que moi, je vois qu'il l'a bien vu, donc ça, c'est une grande fierté.
01:04:31...
01:04:39Côté enseigne, n'intègre pas la caravane qui veut.
01:04:44Pour avoir droit de citer dans le défilé,
01:04:46les marques doivent avant tout s'inscrire dans le quotidien des Français.
01:04:49...
01:04:53On sait que c'est du pognon, on sait que c'est du fric,
01:04:57mais on regarde l'aspect lien social.
01:05:00Et moi, j'ai toujours aimé ça,
01:05:03et au fond, quand on va à la foire,
01:05:04quand on va à la foire à Neneu,
01:05:06ou quand on va dans les foires du village,
01:05:09il y a toujours eu ça, mais on dit pas
01:05:11« Ah, ça, c'est l'acte marchand. » Non, on sait !
01:05:14Eh bien, c'est le côté mercantile qui circule,
01:05:17mais avec cette espèce de partage de l'esprit du Tour, quoi.
01:05:22...
01:05:28Il y a une compétition de marques,
01:05:29mais en fait, chaque marque, à un moment donné,
01:05:33s'inscrit aussi dans l'histoire du Tour.
01:05:35Cochonou, c'est vraiment, pour ne pas parler de Leclerc,
01:05:38Cochonou, c'est vraiment un héros du Tour, quoi.
01:05:40C'est...
01:05:41Ça a l'air hors du temps, avec ses deux chevaux
01:05:44en damier rouge et jaune.
01:05:46C'est des couleurs qu'on reconnaît,
01:05:48c'est la France qui bosse, c'est des marques françaises.
01:05:51Euh... Voilà, ça plaît.
01:05:53...
01:05:57Les marques viennent se montrer sur la grande boucle
01:05:59pour être vues et accroître leur notoriété.
01:06:02...
01:06:04Naturellement, la classe politique, elle aussi,
01:06:07est sujette à cet opportunisme de circonstance.
01:06:10Et cela, depuis toujours.
01:06:13...
01:06:16Le 16 juillet 1960, à Colombey-les-Deux-Eglises,
01:06:20le général de Gaulle lui-même
01:06:22réalise une visite impromptue sur le parcours.
01:06:25...
01:06:28Mis dans la confidence, les organisateurs demandent
01:06:30au peloton de poser pied à terre
01:06:33pour rendre hommage à l'homme du 18 juin
01:06:35qui s'est glissé au milieu de la foule.
01:06:37...
01:06:45Dans ce coup, ce général va serrer la main,
01:06:48et celui à qui il serre la main, c'est un Italien.
01:06:51C'était Mencini,
01:06:53qui gagnait le Tour de France cette année-là, en 1960.
01:06:56Et ça m'a marqué, moi, parce que ça a marqué mon père,
01:06:59et ça a marqué beaucoup d'Italiens.
01:07:01Et là, je peux dire que si le général de Gaulle
01:07:04s'était représenté à ce moment-là,
01:07:06tous les Italiens votaient pour lui.
01:07:08Et ce moment du Tour demeurera historique.
01:07:11Au risque de faire sourire les intellectuels délicats
01:07:14pour qui le cyclisme est un sport bulgaire,
01:07:17nous dirons simplement merci, M. le Président.
01:07:19...
01:07:21Charles de Gaulle aimait le Tour de France.
01:07:24Il vient chercher, effectivement, la lumière du Tour,
01:07:27mais il vient surtout...
01:07:30surtout prendre un moment de popularité
01:07:34et aussi, d'un autre côté, se rendre plus populaire encore.
01:07:39...
01:07:46Après De Gaulle, Georges Pompidou bout de la course.
01:07:49...
01:07:53Mais en 1975,
01:07:55pour offrir au Tour le prestige de la ville-lumière,
01:07:58Valéry Giscard d'Estaing décide de faire triomphalement
01:08:00arriver la dernière étape sur les Champs-Élysées,
01:08:03où il remet le maillot jaune au vainqueur français Bernard Thévenet.
01:08:06...
01:08:15Depuis, la plus grande course du monde
01:08:18s'achève chaque année sur la plus belle avenue du monde.
01:08:21...
01:08:27Et plus aucun président ne néglige
01:08:29de venir se montrer sur le chemin de Ronde.
01:08:31...
01:08:40Pour être réélu,
01:08:41refuser un bain de foule sur la Grande Boucle serait d'ailleurs pure hérésie.
01:08:45...
01:08:53Quand vous êtes président de la République,
01:08:55la seule chose qui compte, c'est la France populaire,
01:08:58la France des usines.
01:09:01La France sur le bord de route lors du Tour de France.
01:09:04Et c'est pas si facile de rencontrer la France populaire.
01:09:08Où est-ce que vous pouvez vous...
01:09:11...vous mélanger à elle,
01:09:13partager avec elle ?
01:09:15C'est pas simple.
01:09:17J'aime le foot, mais dans un stade de foot.
01:09:20C'est la France des supporters.
01:09:21Les supporters de l'OM, du PSG, de Sainte-Étienne.
01:09:26Le Tour de France, c'est la France populaire.
01:09:28Et c'est le seul événement comme ça.
01:09:30...
01:09:37Dans leurs circonscriptions respectives,
01:09:40ministres, parlementaires et édiles
01:09:42rêvent tous d'accueillir la course.
01:09:44...
01:09:48Les élus locaux lorgnent avec gourmandise
01:09:51sur l'arrivée de ce tourisme estival
01:09:53et de prestige populaire.
01:09:55...
01:09:58Quitte à débourser des sommes mirobolantes
01:10:00pour héberger le départ ou l'arrivée d'une étape.
01:10:03...
01:10:06Cette redevance, instaurée dès 1930
01:10:09par la direction de la course,
01:10:10s'est très vite institutionnalisée.
01:10:12...
01:10:15Mais dans les municipalités,
01:10:17on a coutume de dire qu'un euro dépensé pour accueillir le tour
01:10:21en rapporte au moins deux.
01:10:23...
01:10:28Bar-le-Duc est une petite ville, 15 000 habitants.
01:10:31Lorsqu'on réussit à faire venir le Tour de France à Bar-le-Duc,
01:10:35c'est aussi une fierté et une victoire pour le maire.
01:10:38Et les habitants sont très reconnaissants de ça.
01:10:42Ils disent qu'elle ne se débrouille pas si mal que ça
01:10:45et qu'elle arrive à faire venir le Tour de France.
01:10:48Être ville étape, c'est placer sa ville dans la lumière.
01:10:52Et donc, tout ce qui se passe autour du Tour de France,
01:10:56toute la couverture médiatique qu'il y a autour des villes étapes,
01:11:01c'est quelque chose de formidable.
01:11:04En définitive, c'est une communication,
01:11:06bien sûr que vous la payez quand vous achetez l'étape,
01:11:09mais c'est une communication extrêmement forte
01:11:12et tellement regardée qu'elle dépasse les frontières.
01:11:15...
01:11:20Mais la course, comme toutes les institutions,
01:11:23doit aussi composer avec les opportunistes de tout poil
01:11:26qui tentent d'utiliser sa popularité pour leurs profits personnels.
01:11:30Notamment, des hommes d'affaires.
01:11:33C'est le début des années fric.
01:11:37...
01:11:39A partir de 1972, l'improbable histoire de Merlin-Plage
01:11:43en est un parfait exemple.
01:11:45Derrière ce nom se cache Guy Merlin,
01:11:50un promoteur vendéen qui a construit sur la côte atlantique
01:11:53de nombreuses résidences pour les vacanciers.
01:11:56...
01:12:01Un beau jour, je suis débarqué, vous voyez, comme ici,
01:12:05sur des dunes, et j'ai rencontré un ami qui m'a dit
01:12:08que j'ai un terrain à vendre.
01:12:09Le vendeur m'a fait crédit, j'ai acheté.
01:12:12Et vous voyez, maintenant, j'ai sorti Merlin-Plage 1,
01:12:14Merlin-Plage 2, Merlin-Plage 3, Saint-Hilaire-de-Riez.
01:12:18J'ai fait un départ du Tour de France.
01:12:20...
01:12:23Au temps de sa splendeur,
01:12:25Guy Merlin achète sur la route du Tour
01:12:27un maximum d'espace publicitaire, bien en vue des caméras.
01:12:30Merlin-Plage devient même une étape incontournable.
01:12:35Elle accueille 9 fois la course.
01:12:38...
01:12:44Dans cette histoire avec Merlin-Plage,
01:12:47Saint-Hilaire-de-Riez, la commune où arrive le Tour de France,
01:12:51à Merlin-Plage, soit-disant, est effacée de l'histoire.
01:12:54On arrive à Merlin-Plage, mais on n'arrive plus dans la commune
01:12:58où se trouve Merlin-Plage.
01:12:59C'est assez extraordinaire.
01:13:01Je dois dire que le coup de génie commercial de M. Merlin
01:13:05est une chose, mais les dirigeants du Tour de France
01:13:08se laissent faire et font du commerce avec M. Merlin.
01:13:11...
01:13:12Voici le grand moment du podium. Merlin est encore là.
01:13:15...
01:13:17Voilà. Encore une photo
01:13:18pour les journaux, pour la télévision.
01:13:21...
01:13:23Partout, on voyait du Guy Merlin, du Merlin-Plage, du Merlin.
01:13:27Il s'est fait de la pub pour lui-même,
01:13:29pour ses projets immobiliers.
01:13:31Il va même beaucoup plus loin, le fameux Merlin.
01:13:34Le vainqueur du Tour va lui offrir une maison, Merlin-Plage.
01:13:38...
01:13:39Sur le Tour, Guy Merlin donne le ton aux années qui vont suivre.
01:13:43...
01:13:48La décennie 80 est celle où les loisirs se développent
01:13:52et la consommation de masse s'accélère.
01:13:54...
01:14:02Les industriels innovent.
01:14:04...
01:14:08La société des écrans émerge
01:14:10tandis que l'économie se financiarise.
01:14:13...
01:14:18Pour les Français, cette décennie est aussi celle
01:14:21où l'homme d'affaires Golden Boy devient l'étalon modèle.
01:14:24...
01:14:39Un personnage particulièrement haut en couleur
01:14:42va jeter son dévolu sur la grande boucle.
01:14:44...
01:14:48Bernard Tapie aime passer à la télévision,
01:14:50où il affiche une réussite financière totalement déculpabilisée.
01:14:55...
01:14:57Pour moi, mon utilité de mesure étant l'argent,
01:14:59j'entreprends mes affaires,
01:15:01et je les fais entreprendre par ceux qui m'entourent,
01:15:04avec une volonté féroce de gagner beaucoup,
01:15:07beaucoup, beaucoup d'argent.
01:15:09...
01:15:15Bernard Tapie, redoutable homme d'affaires,
01:15:17populaire et dynamique,
01:15:19veut développer aux Etats-Unis les ventes de sa nouvelle société,
01:15:22la marque de pédales Look.
01:15:24...
01:15:29Cherchant de la visibilité,
01:15:30il investit sur le tour et crée La Vie Claire,
01:15:33une équipe de stars au budget considérable.
01:15:36...
01:15:42Bernard Tapie a beaucoup apporté au vélo.
01:15:45Quand Bernard Tapie est arrivé,
01:15:46il a vu que les coureurs étaient très mal payés.
01:15:51Enfin, il a vu que, quand même, les salaires étaient très bas.
01:15:55Et donc, il a dit qu'il fallait revoir tout ça.
01:15:59Mais, avec une singularité, c'est d'y mettre un paquet de fric.
01:16:03Effectivement, il a revu tout ça à la hausse
01:16:06et tout le monde en a profité, finalement.
01:16:09Et ça a été une nouvelle ère dans le vélo.
01:16:11Et puis, il était lui-même un personnage.
01:16:14Et le Tour de France, c'est une épopée.
01:16:17Et pour illustrer l'épopée, il faut des personnages.
01:16:21Le Tour de France, il est en couleur, il n'est jamais gris.
01:16:24...
01:16:28Tapie embauche Bernard Henault.
01:16:31A ce moment-là, le Français est considéré
01:16:33comme le meilleur cycliste du monde.
01:16:35...
01:16:38Adulé par ses compatriotes,
01:16:40Henault a déjà remporté 4 Tours de France.
01:16:42...
01:16:47Le succès de Bernard Henault est indiscutable.
01:16:49Henault écrase l'étape
01:16:51avant d'écraser, sans doute, complètement le Tour.
01:16:54...
01:16:59Mais le Breton arrive bientôt en fin de carrière.
01:17:02Tapie sort alors le carnet de chèques à nouveau
01:17:06et enrôle l'Américain Greg LeMond.
01:17:08...
01:17:13Ce jeune coureur talentueux, grand espoir du vélo,
01:17:16doit éveiller l'intérêt du public américain
01:17:19pour le Tour de France et ainsi permettre à Bernard Tapie
01:17:22de vendre ses pédales Look outre-Atlantique.
01:17:24...
01:17:30Mais il va y avoir un couac.
01:17:32...
01:17:34LeMond est embauché sans l'accord de Henault,
01:17:36vedette incontestée de cette équipe fabriquée sur mesure.
01:17:39...
01:17:41Entre Henault et LeMond, la cohabitation s'annonce rugueuse.
01:17:45...
01:17:47Et la rivalité des deux équipiers adversaires,
01:17:50soigneusement orchestrées,
01:17:51fait les choux gras des journalistes.
01:17:54Elle crée surtout le suspense auprès des Français
01:17:57et renoue avec l'air des grands duels
01:17:59qui ont marqué l'histoire du Tour.
01:18:01Bernard Tapie, à la manoeuvre, se frotte les mains.
01:18:04...
01:18:08Avec Bernard Henault et Greg LeMond,
01:18:10ils leur imposent la tactique de course.
01:18:12Ils leur imposent même qu'il doit gagner une étape.
01:18:15Ils leur imposent même qu'il doit gagner le Tour de France.
01:18:18Et dans l'accord tacite passé
01:18:20entre Bernard Henault, Greg LeMond et Bernard Tapie,
01:18:23Bernard Tapie dit à Bernard Henault,
01:18:25tu gagneras le Tour en 1985,
01:18:27toi, Bernard Henault, c'est incroyable,
01:18:30tu gagnes le Tour en 1985.
01:18:31Greg LeMond, tu gagneras le Tour l'année suivante
01:18:34car j'ai besoin qu'un Américain gagne le Tour.
01:18:37Greg LeMond gagnera le Tour.
01:18:38Le look est implanté aux Etats-Unis,
01:18:40Bernard Tapie réussit son pari.
01:18:42...
01:18:43La méthode Tapie fonctionne parfaitement auprès du public,
01:18:47même si, à l'époque, personne n'est dupe.
01:18:49Pour l'instant, laissons la place du podium
01:18:52à Bernard Henault et Greg LeMond.
01:18:55Belle image, non ?
01:18:57...
01:19:00Moi, j'oubliais complètement derrière Tapie,
01:19:03j'oubliais complètement derrière le côté mercantile de tout ça.
01:19:08Je voyais deux grands champions.
01:19:10C'est vrai qu'on a un souvenir d'argent à ce moment-là,
01:19:15mais pour moi, c'est vraiment toujours...
01:19:18Il aurait beau arriver, je sais pas quoi,
01:19:20que ce soit le Qatar qui investisse,
01:19:23pour moi, je vois toujours les coureurs sur leur vélo.
01:19:26...
01:19:31Avec Bernard Tapie, le Tour est entré dans l'ère de l'argent roi.
01:19:36Pour gagner, les sponsors investissent alors des sommes exorbitantes.
01:19:41Les salaires des coureurs explosent,
01:19:43les moyens des équipes deviennent illimités.
01:19:46...
01:19:52Face à la toute-puissance de ces nouveaux empereurs du vélo,
01:19:55les marques historiquement associées à la course doivent abdiquer.
01:20:00Les cycles Mercier, notamment, sont à bout de souffle.
01:20:02...
01:20:05Mercier, pour les constructeurs français, c'est un exemple.
01:20:09Le plus petit des gros, le plus gros des petits.
01:20:11Et aujourd'hui, Mercier, comme l'ensemble du cycle Stéphanois,
01:20:15commence à perdre les pédales.
01:20:17...
01:20:21Petit à petit, l'argent est devenu trop fort
01:20:24et les marques de cycle n'avaient plus la capacité financière,
01:20:27la masse, pour pouvoir financer les équipes de coureurs.
01:20:31Ces années terribles, début des années 80,
01:20:34sont un coup d'arrêt pour notre entreprise,
01:20:38pour notre histoire et pour notre famille.
01:20:40...
01:20:43C'est-à-dire qu'on ne pouvait plus suivre en salaire,
01:20:46on était une entreprise familiale,
01:20:48avec des difficultés pour faire tourner la boîte,
01:20:50on ne pouvait pas payer des millions à un coureur cycliste
01:20:53parce qu'il pédalait bien.
01:20:55...
01:21:02Petit à petit, le fabricant s'est effacé
01:21:05au bénéfice des grands noms
01:21:07qui pouvaient porter une équipe professionnelle.
01:21:10Alors, les compagnies d'assurance, les banques et tout ce monde-là
01:21:15ont pris le relais et, d'une certaine façon, c'est bien,
01:21:19parce que ça a permis l'évolution du Tour de France,
01:21:22des marques qui n'avaient plus la capacité financière
01:21:24pour suivre cette évolution.
01:21:26...
01:21:30La concurrence féroce entre les multinationales
01:21:32qui injectent des millions et sponsorisent chacune une équipe
01:21:36oblige les coureurs à la performance.
01:21:38...
01:21:41Il faut gagner à tout prix, sans cesse repousser les limites.
01:21:46...
01:21:50Laurent Fignon, double vainqueur du Tour,
01:21:52qui, avec Bernard Hinault, fait vivre les grandes heures
01:21:55du cyclisme tricolore au public des années 80,
01:21:58est contrôlé positif aux amphétamines.
01:22:00...
01:22:05Le coureur aux lunettes rondes, surnommé Lintello,
01:22:08est dans la tourmente.
01:22:10...
01:22:11En France, c'est une nouvelle affaire de dopage
01:22:13qui attise les passions.
01:22:15Notre Laurent Fignon national se serait dopé
01:22:17dans le Grand Prix de la Libération.
01:22:19Le voile se lève alors subitement sur un secret de polychinelle.
01:22:22...
01:22:23Le champion déclaré positif réclame une contre-expertise.
01:22:27...
01:22:29A partir des années 90,
01:22:31le dopage entre dans une ère industrielle.
01:22:34...
01:22:36Nous sommes dans l'Alpe d'Huez,
01:22:38et Marco Pantani la montre qu'il a des ambitions
01:22:41pour la victoire d'étape.
01:22:42...
01:22:44Il a fait énormément d'efforts hier,
01:22:46mais apparemment, il ne s'en ressent pas du tout.
01:22:49...
01:22:50Jusqu'ici limité aux stéroïdes, corticoïdes ou anabolisants,
01:22:54la triche se pratique désormais avec de nouveaux produits.
01:22:58L'EPO améliore l'endurance
01:23:00et autorise des résultats spectaculaires sur le long terme.
01:23:04Le champ virant est le Festina Aéro du jour à 400 m de l'arrivée.
01:23:08...
01:23:09La vitesse du peloton augmente.
01:23:12Les exploits sont de plus en plus fréquents.
01:23:14...
01:23:16Tous les repères sont brouillés.
01:23:17...
01:23:18A quelques jours seulement du départ du Tour de France 1998,
01:23:22l'affaire Festina explose.
01:23:25C'est mercredi midi que Viliwout, ma soeur de Festina,
01:23:28de nationalité belge, a été arrêtée.
01:23:30Dans sa voiture, les douaniers ont découvert
01:23:32des protéines de gélules d'anabolisant ainsi que de l'EPO,
01:23:34un produit qui favorise l'oxygénation du sang.
01:23:37...
01:23:38Sous le feu des projecteurs,
01:23:40dans une ambiance électrique presque surréaliste,
01:23:43l'équipe Festina et son leader Richard Viranque
01:23:46sont exclus de la course en plein milieu de cette édition.
01:23:49...
01:23:52Tu en veux un taquet dans la gueule ?
01:23:54Je veux mettre un micro dans la gueule.
01:23:56Et je remercie le public qui a été très, très...
01:24:01Qui nous a énormément soutenus et...
01:24:04Qui va encore nous soutenir.
01:24:07Et je donne rendez-vous l'année prochaine.
01:24:10...
01:24:11Dans les années qui suivent, le Tour semble avoir perdu son âme.
01:24:15On revient, les gars.
01:24:17Plusieurs grands noms sont salis par le dopage.
01:24:21L'Allemand Jan Ullrich.
01:24:23Et Jan Ullrich nous fait une très grosse impression.
01:24:25Et bien sûr, Lance Armstrong,
01:24:28qui écrase radicalement tous ses concurrents
01:24:30et remporte 7 Tours de France d'affilée,
01:24:33peu après avoir vaincu un grave cancer.
01:24:35Lance Armstrong.
01:24:38Retenez bien ce nom, car on voit mal aujourd'hui
01:24:41qui pourrait désormais s'emparer du maillot jaune,
01:24:44tant la supériorité de l'Américain est écrasante.
01:24:47Applaudissements
01:24:49Plus les équipes sont grosses, plus le dopage est scientifique.
01:24:52Et plus la victoire n'a pas de prix, en vérité, en quelque sorte.
01:24:56...
01:25:04C'est lamentable.
01:25:05C'est triste pour le cycliste, franchement, c'est triste.
01:25:08Des champions, quels qu'ils soient,
01:25:11on ne peut pas leur faire monter 3 ou 4 Grands Cols
01:25:14avec de hauts déviants.
01:25:16C'était une période absolument terrifiante,
01:25:18car non seulement on n'arrivait plus à comprendre ce qui se passait,
01:25:22mais il n'y avait plus de possibilité de juger
01:25:24de la valeur des coureurs entre eux.
01:25:26C'était une période terrible, absolument terrible.
01:25:29...
01:25:35Passée la violence de la déflagration,
01:25:38les Français accordent leur clémence aux tricheurs
01:25:42et renouent rapidement avec le Tour, synonyme de vacances et d'évasion.
01:25:46...
01:25:53On voit que malgré les scandales, malgré le mot d'opage,
01:25:57malgré la médiatisation de tout ça, les gens sont toujours là.
01:26:01Les gens sont fédérés, ils sont toujours là,
01:26:04sur les bords de route ou devant leur télé.
01:26:06Ils ont des idoles et, en fait, ils s'en fichent.
01:26:11Ils s'en fichent.
01:26:12Alors, effectivement, on peut dire l'amour en aveugle, tout à fait,
01:26:16où on se dit, bon, peu importe.
01:26:18Quand on parle hockey, parce que je ne suis pas une personne naïve,
01:26:22je sais que la triche existe et existera toujours.
01:26:26Mais trop en parler, ça m'a énervé.
01:26:30Mais le Tour est tellement beau, vous comprenez,
01:26:32qu'il écrase tout. Il embellit tout.
01:26:35...
01:26:42Rien n'arrête le Tour.
01:26:45Il est un reflet du monde dans lequel il évolue.
01:26:47...
01:26:52Au cours de son existence,
01:26:54les organisateurs n'ont d'ailleurs cessé de mettre la course
01:26:57au service d'enjeux plus grands que le sport,
01:27:00pour accompagner l'histoire en marche.
01:27:02...
01:27:06Le 1er juillet 1987, plus de dix ans avant le scandale du dopage,
01:27:11le monde est encore à la guerre froide.
01:27:13...
01:27:17La direction de la course décide de faire partir cette édition
01:27:20depuis Berlin-Ouest.
01:27:23Le peloton entend vagabonder en toute liberté
01:27:26et prendre sa part à la réunification d'une Europe
01:27:29encore divisée.
01:27:32Jacques Chirac, alors Premier ministre,
01:27:34vient prendre un bain de foule et lance l'épreuve
01:27:37dans cette ville meurtrie, scindée en deux par le mur.
01:27:40...
01:27:42Je souhaite bon courage, bonne chance et bon vent
01:27:47à tous les coureurs du Tour de France de Berlin jusqu'à Paris.
01:27:52...
01:28:01Le Tour de France est un symbole.
01:28:03Le symbole a besoin de se nourrir d'autres symboles.
01:28:07Et le Tour de France et la Porte de Brancourt,
01:28:10c'est la rencontre de deux géants.
01:28:12...
01:28:14Au pied du rideau de fer,
01:28:16le Tour s'élance à la conquête du Vieux Continent.
01:28:18...
01:28:22Il anticipe ainsi la réunification allemande,
01:28:25qui a lieu deux ans plus tard, en 1989.
01:28:28...
01:28:38Là, une fois de plus, le Tour est dans le thème,
01:28:41il est dans l'actualité, il nous fait vivre ces choses-là.
01:28:44C'est fantastique. C'est fantastique, c'est le Tour, ça.
01:28:48...
01:28:50Et en 1991, c'est l'URSS qui implose,
01:28:54sous l'air Michael Gorbatchev.
01:28:56A Bruxelles, l'Union européenne fait l'objet d'un nouveau traité.
01:29:00...
01:29:04Pour la course, comment ne pas participer
01:29:06à cette page de l'histoire qui s'écrit ?
01:29:08...
01:29:11L'année suivante, le peloton traverse six pays.
01:29:15Espagne, Belgique, Luxembourg,
01:29:18Allemagne, Italie et Pays-Bas.
01:29:20...
01:29:23Il fait même un détour par Maastricht,
01:29:26ville où le texte a été signé quelques mois plus tôt.
01:29:29...
01:29:31En affichant fièrement des valeurs porteuses d'universalité,
01:29:35le tracé entend célébrer la communauté européenne,
01:29:38qui grandit et se renforce.
01:29:40...
01:29:49Progressivement, le Tour s'est mondialisé.
01:29:52Il attire désormais des admirateurs venus de tous les continents.
01:29:56...
01:30:00Il faut dire que les coureurs étrangers
01:30:02sont de plus en plus nombreux à venir concurrencer nos compatriotes.
01:30:06...
01:30:10De voir ces Hollandais, ces Belges, ces Allemands,
01:30:13ces Anglais, ces Irlandais, ces Écossais,
01:30:15qui viennent jouer de la cornemuse,
01:30:17juste dans un col ou comme ça,
01:30:20dans un moment où ils peuvent être ensemble,
01:30:23c'est magnifique, c'est la France qui communie.
01:30:25...
01:30:27Chaque année, quand je suis au Tour de France avec mes petits-enfants,
01:30:31nous, nous rencontrons des nouvelles nationalités.
01:30:33En Andorre, on a rencontré des Colombiens,
01:30:35à Brionson, des Japonais,
01:30:38au Galibier, des Néo-Zélandais, et ainsi de suite.
01:30:41...
01:30:50Les étrangers viennent en France pour le Tour.
01:30:53...
01:30:55Et le Tour s'invite aussi chez eux.
01:30:57...
01:31:01La course est aujourd'hui retransmise dans 190 pays.
01:31:04...
01:31:08Elle est le 3e événement sportif le plus suivi de la planète
01:31:11après la Coupe du monde de football et les Jeux olympiques.
01:31:15...
01:31:17Mais le Tour, lui, revient chaque année.
01:31:19...
01:31:28Les caméras, arrimées aux motos,
01:31:30voitures, hélicoptères et même aux avions,
01:31:34rapprochent les téléspectateurs de l'épicentre de la course.
01:31:37...
01:31:42Un coureur tombe, un coureur gagne, un coureur perd,
01:31:45un coureur est lâché, et vous êtes là,
01:31:47sur la moto, à côté de lui.
01:31:49C'est extraordinaire.
01:31:51Attaque de Froome ! Attaque de Froome !
01:31:53Christopher Froome qui est en train de rattraquer le Tour de France.
01:31:57C'est vrai que quand on voit un coureur qui souffre,
01:32:00on souffre avec lui, on est dans son souffle,
01:32:02on est dans sa peau.
01:32:04On voit de si près.
01:32:06Et la vérité du moment, elle est là, vous êtes à 2 cm.
01:32:10C'est une aventure merveilleuse.
01:32:12Julien Laphilippe, le coup de pétard du Français,
01:32:14le plus fort pour l'instant.
01:32:16Attention, retour de Martirchi.
01:32:18Le Tour de France en direct, à la télévision,
01:32:21est un gros problème pour moi.
01:32:24Parce qu'il m'a empêché de travailler.
01:32:26On travaille beaucoup moins
01:32:27quand on regarde les émissions tous les jours à la télé.
01:32:35Les Français, à travers le Tour de France,
01:32:38ils découvrent la France vue d'en haut.
01:32:41Mais oui, mon cher Thierry, vous avez ici Loche,
01:32:44la ville de Loche.
01:32:45On la voit d'une autre manière.
01:32:47Et vous découvrez votre propre cadre de vie.
01:32:50Et ça, c'est magique, quand même.
01:32:51Avec une nouvelle accélération, alors que c'est Julien Laphilippe !
01:32:55La grande boucle n'a jamais cessé de se réinventer.
01:32:58Aujourd'hui comme hier,
01:32:59elle est un parfait miroir du roman national.
01:33:09L'année 2022 marque le grand retour du Tour de France féminin,
01:33:14qui, malgré plusieurs tentatives au cours de ces 40 dernières années,
01:33:17n'a jamais réussi à s'imposer auprès du public.
01:33:25Après cette longue absence,
01:33:27les femmes cyclistes profitent elles aussi
01:33:29d'une retransmission en direct.
01:33:36Ça a été beaucoup d'émotion de voir les gens jouer le jeu,
01:33:39de ne pas faire de distinction entre les hommes et les femmes.
01:33:42Et ça a marché, ça a été un succès en termes d'audience,
01:33:45mais également sur le bord des routes.
01:33:47J'ai vu des gamins, des gamines qui étaient déguisés,
01:33:50qui faisaient des pancartes,
01:33:51et les gens qui se sont dits que c'était génial, le cyclisme féminin.
01:34:00Le Tour de France femmes, quand je suis née, n'existait plus.
01:34:03Et je n'ai jamais eu l'opportunité de pouvoir m'identifier à une femme,
01:34:08puisqu'on n'en parlait pas, on ne voyait pas les courses à la télé.
01:34:11Et je me suis dit, ça y est, enfin,
01:34:13les petites filles vont pouvoir s'identifier à des championnes,
01:34:16et surtout, ça sera plus facile pour elles
01:34:20et ça sera plus bizarre, maintenant, d'allumer ta télé
01:34:23et de voir des sportives féminines sur un vélo.
01:34:26Ça sera juste la normalité.
01:34:28Et il n'y avait que le Tour de France
01:34:31qui était capable de nous faire passer ce cap-là.
01:34:33J'aime le Tour, j'aime sa légende, j'aime son histoire,
01:34:37et je veux qu'il évolue,
01:34:39parce que tout ce qui n'évolue pas est voué à mourir,
01:34:42et le Tour de France ne mourra pas.
01:34:51Ni les guerres,
01:34:52ni les années noires marquées par le dopage,
01:34:55ni la crise sanitaire.
01:34:58Rien ne semble pouvoir détruire la passion des Français pour le Tour.
01:35:14Les duels et aventures de la vie,
01:35:17les duels et aventures du peloton
01:35:19demeurent les ressorts inépuisables de cet événement itinérant et centenaire.
01:35:30En regardant l'histoire du Tour,
01:35:33c'est l'histoire de notre pays qui défile sous nos yeux.
01:35:39Celle de nos labeurs,
01:35:42de nos loisirs,
01:35:43et de nos modes de vie.
01:36:13Sous-titrage ST' 501

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