Portée par le développement de sa plateforme digitale, accéléré durant la période Covid, l’Hôtel des ventes Drouot enregistre une progression notable de ses résultats au premier semestre 2025, avec une hausse de 30 % des ventes en ligne. Cette dynamique permet à Drouot de toucher un public de collectionneurs à travers le monde et de redéfinir son rôle central sur le marché de l’art parisien, tourné vers l’international.
00:00Et je suis ravie d'accueillir en plateau Alexandre Gicillot, qui est commissaire priseur et président du groupe Drouot.
00:10Nous allons revenir sur le bilan du premier semestre 2025 au sein de l'hôtel des ventes Drouot.
00:17Bonjour, merci beaucoup d'être avec nous.
00:19Merci à vous.
00:21On évoque souvent les difficultés de marché des enchères, mais plutôt à l'échelle internationale,
00:26avec des résultats en deçà des attentes.
00:31Qu'en est-il du premier semestre à Drouot ? Comment se sont passées les ventes aux enchères ces derniers mois ?
00:38Très bien. Le bilan est très positif.
00:42Nous sommes en très légère progression pour le produit vendu à l'hôtel des ventes,
00:47mais en très grosse progression, de l'ordre de 30%, pour le produit vendu sur la plateforme numérique.
00:52D'accord.
00:53Donc, interdiction de se plaindre.
00:55Donc, c'est plutôt en vente en ligne que là où tout se joue ?
01:01Disons qu'on est dans une phase de conquête, non pas de part de marché, mais d'une nouvelle clientèle.
01:09On a vu une évolution incroyable de notre façon de travailler entre avant le Covid et jusqu'aujourd'hui.
01:19Pendant le Covid, évidemment.
01:20Oui, le Covid qui a vraiment rebattu les cartes au niveau de l'âge.
01:22Révolutionné. Révolutionné avec des progressions de 200% par an. C'était quelque chose de fou.
01:28Et on a dû complètement revoir notre façon de travailler, mais on est encore dans une période où tous les ans, on progresse, on progresse, on progresse.
01:36Aujourd'hui, une plateforme comme celle développée par Draw, Draw Live, Draw Digital, c'est quand même 850 maisons de vente inscrites.
01:45C'est près d'un million d'objets référencés. Les chiffres sont ahurissants.
01:50Et on n'est encore qu'au début.
01:54Parce que comment ça se passe ? À chaque fois, il y a certaines ventes qui sont seulement online, où à chaque fois, il y a un pendant au sein des salles de Draw.
02:03Il y a deux grandes... Il y a la vente en live, c'est-à-dire que la vente est une vente réelle dans une salle des ventes avec un commissaire-priseur, un public, etc.
02:14Mais elle est également retransmise en live et les internautes dans le monde entier peuvent en chérir directement et en live.
02:21Et ça, c'est le plus gros de l'activité, de très loin.
02:24Et vous avez également les ventes online-only, en bon français, qui sont des ventes qui sont, elles, avec des temps, etc.
02:31Il n'y a pas de vente, il n'y a pas de commissaire-priseur, il n'y a pas de marteau.
02:34Et tout est géré par cette machine formidable qu'on appelle ordinateur.
02:39Est-ce que vous savez d'où proviennent les collectionneurs ? Vous avez dit que c'était vraiment le live qui tirait les ventes.
02:45Est-ce que vous savez si c'est vraiment, principalement, des acheteurs français ou peut-être dans d'autres pays en majorité ?
02:52Non, là où on est étonné, surpris et agréablement, c'est l'ouverture sur l'étranger, principalement.
02:59Les acheteurs français sont très nombreux, majoritaires.
03:03Les francophones sont encore majoritaires.
03:06Mais ils ont simplement un peu modifié leurs habitudes.
03:10Effectivement, ils ne viennent plus forcément voir les objets en salle, ce qui est un tort.
03:15En revanche, on va avoir des clients en Nouvelle-Zélande, en Australie, en Alaska.
03:22Enfin bon, voilà, je vous parle de cas précis.
03:26Donc quand vous êtes commissaire-priseur comme moi, la tribune, et que vous avez en face de vous une centaine de personnes,
03:32et derrière l'écran de contrôle, 1000 personnes, et que vous voyez les enchères, Japon, Alaska, etc., Nouvelle-Zélande, c'est génial.
03:40Et j'imagine que ça, ça doit énormément modifier votre organisation de logistique au sein de l'Hôtel de Rau.
03:47Comment est-ce que vous avez cessé de ça ?
03:48Absolument. On l'a dû, et on est toujours en perfection, en permanence.
03:52Déjà, la première chose, c'est que ça ralentit énormément les ventes.
03:57Le rythme des ventes en France, c'était un rythme très, très élevé.
04:01Et on a dû s'adapter, puisque les internautes sont beaucoup plus lents.
04:05Il y a toujours un petit décalage, etc.
04:06Et puis surtout, on a dû adapter des systèmes vidéo, audio, qui sont performants, qui doivent être...
04:14On ne doit pas avoir de coupure, on ne doit pas avoir de...
04:17Ça marche très bien.
04:18Et puis, l'avantage du système de Rau, c'est qu'il est développé par nous, par nos propres...
04:22En interne, financé en interne et développé en interne.
04:26Ce qui fait qu'on peut remédier à chaque problématique très rapidement.
04:29On n'a pas à faire appel à un sous-traitant.
04:31Et donc, oui, ça a changé complètement notre façon de faire, mais pour le bien.
04:39En 2023, DRO a ouvert son capital à hauteur de 30%, donc avait super investissement.
04:43Est-ce que ça a permis cette accélération sur le digital, c'était le chantier principal ?
04:49Non, c'était à mon sens une très bonne décision, puisqu'on avait un problème important de pyramide des âges.
04:57Avec un nombre très important de confrères qui n'étaient plus en activité, mais toujours actionnaires de DRO.
05:01Et je me refusais à m'endetter pour payer le départ de ces actionnaires.
05:09Et donc, on a trouvé cette solution que je trouve formidable, puisqu'en plus, ce sont des partenaires qui nous apportent un œil nouveau,
05:15un œil beaucoup plus dans la gestion entrepreneuriale d'une entreprise.
05:21Alors que DRO, dans cette tradition très longue, puisque c'est quand même 1850, on avait une gestion plus proche de celle du bon père de famille.
05:31Donc ça, c'est passionnant.
05:32Mais en revanche, il faut dire que ça n'a rien à voir.
05:34C'est vraiment lié à un développement que notre directeur général de DRO a eu la bonne idée, voire le génie, de mettre en place dès 2006,
05:49à travers la Gazette DRO, qui a commencé à réfléchir à une structure numérique.
05:52Et on s'est rendu compte aujourd'hui que la Gazette DRO a un public très, très, très attaché au papier.
05:58Oui.
05:59Il développe assez peu le numérique, alors que de l'autre côté, le live, lui, se développe énormément.
06:05Et le numérique se développe beaucoup.
06:07Et c'est intéressant de voir ce parallèle entre le papier qui résiste beaucoup, alors qu'il est en crise mondialisée, comme vous le savez.
06:14Mais la Gazette, elle marche très bien.
06:17Et donc, on a eu cette idée géniale.
06:19Et aujourd'hui, on récolte ce qu'on a semé il y a des années avec cet accélérateur du Covid.
06:27Mais ce n'est pas lié à l'arrivée du familial office.
06:33Mais du coup, depuis deux ans, qu'est-ce qu'il y a eu comme chantier ?
06:37Vous parliez d'une gestion à bon père de famille.
06:40Aujourd'hui, est-ce qu'il y a une gestion nouvelle ?
06:42Comment ça se dirige ?
06:45Non, si vous voulez, le travail du conseil d'administration aujourd'hui, c'est de proposer, de façon ouverte, ce qui n'était pas le cas auparavant,
06:56les meilleurs services possibles aux maisons de vente du monde entier.
06:58Voilà, ça c'est le travail.
07:00Et en pointillé, de refaire de Drouot la place physique.
07:06Parce que je pense qu'il est très important de continuer à avoir une place physique, au-delà du numérique et de ses développements qui sont incroyables.
07:12Un carrefour international incontournable du marché de l'art.
07:16Donc, comme vous le savez, les marchés se sont quand même déplacés après-guerre furieusement aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne,
07:22principalement aux Etats-Unis, pour toutes les raisons que tout le monde connaît.
07:26Et aujourd'hui, je pense que Paris a vraiment une carte à jouer fondamentale, post-Brexit, avec des Etats-Unis qui se referment un peu sur eux-mêmes.
07:38Là, il y a une carte à jouer avec l'Europe, Paris, position centrale, extrêmement bien desservie, musée, hôtel, restaurant, vous avez tout.
07:47Et je pense que Drouot, à sa mesure, modeste, a son petit rôle à jouer dans ce rayonnement international de la place de Paris.
07:58Donc, nous, notre travail, c'est ça.
08:01Mais ça passe par quoi ?
08:03Ça passe par des réflexions qui sont industrielles, ou du moins entrepreneuriales,
08:08et non plus comme les commissaires-priseurs qui avaient un monopole et qui considéraient les acheteurs comme des usagers et non pas comme des clients.
08:17Moi, j'ai connu à cette époque où les clients n'étaient pas des clients.
08:21D'accord.
08:22Et aujourd'hui, non, on doit satisfaire aux demandes des clients, qui sont à la fois les acheteurs,
08:28mais également les maisons de vente qui vont louer nos services.
08:32Et donc, c'est compliqué, puisque vous avez, pour prendre l'exemple de Drou Digital,
08:37vous avez 850 maisons de vente, elles n'ont pas du tout les mêmes objectifs, les mêmes besoins.
08:41Donc, il faut trouver des terrains communs, des arrangements.
08:46C'est passionnant.
08:48En tout cas, peut-être que ça porte si fris.
08:49Il y a eu quand même une très belle vente dernièrement.
08:52Tu avais plusieurs ventes au-delà de près de 500 000.
08:58Vous, vous avez une très belle vente d'un sabre de Napoléon.
09:01Oui, évidemment.
09:02Parce qu'il y a un regard intérêt.
09:04On était très au-delà de 500 000.
09:05Là, on était à plus de 4 millions.
09:08Vous avez remarqué, ces six dernières mois, un regard d'intérêt ou un intérêt particulier
09:14pour un mouvement, une tendance, quelque chose qui est assez fort ?
09:17Non, le marché de l'art est très, très dépendant du contexte économique, international, géopolitique,
09:25principalement pour l'art contemporain.
09:27À Douro, on fait très peu d'art contemporain.
09:34C'est un marché qui est tenu par les grandes multinationales lo-saxonnes.
09:39Le marché classique, ce qu'on appelle le fine art, encore une fois, désolé pour le terme l'anglicisme,
09:43mais c'est comme ça, est lui beaucoup moins sensible, avec des collectionneurs qui sont
09:46beaucoup plus résistants aux turbulences.
09:50Et ce qu'on remarque, en revanche, et c'est le cas notamment pour le sable de Napoléon,
09:54on remarque, en revanche, une clientèle de super upper classes, avec beaucoup, beaucoup, beaucoup de moyens,
10:03de plus en plus présente sur le marché, qui a de plus en plus d'argent,
10:06et donc qui vont payer de plus en plus cher les objets très importants.
10:09Et les grands chefs-d'oeuvre n'ont jamais fait aussi cher.
10:11En revanche, on ne fait malheureusement pas que des ventes de grands chefs-d'oeuvre,
10:14donc il faut faire avec tout le reste.
10:18Et ça, c'est la magie de Douro, vous pouvez trouver des objets à 100 euros et à 10 millions d'euros.
10:23Mais les acheteurs, c'est un constat économique, macroéconomique et microéconomique qu'on fait régulièrement.
10:32C'est 20% de vos acheteurs qui font 80% de votre bénéfice net à la fin de l'année.
10:37Donc, effectivement, le rôle du commissaire-priseur est d'être généraliste,
10:42de traiter également tout type de marché,
10:45mais de vous concentrer quand même sur les pièces importantes qui, elles, vont vous faire des résultats intéressants.
10:52Est-ce que vous avez remarqué des valeurs montantes ?
10:55Oui, le design des années 60.
10:59Alors, vous savez, on a eu la grande période de l'art déco,
11:02après, on est passé aux années 40, 50, et aujourd'hui, on est jusqu'aux années 80, 80, 90,
11:07où là, il y a des grandes... il y a des choses, bon, les Lalanes, des choses comme ça,
11:11il y a des artistes qui, aujourd'hui, émergent.
11:15Mais est-ce qu'il faut acheter ce qui est le plus à la mode ? Je ne sais pas.
11:21Moi, si j'étais un acheteur, je m'intéresserais aux objets du Moyen-Âge,
11:26je m'intéresserais au Japon, à des secteurs comme ça,
11:28qui, aujourd'hui, ne sont pas du tout valorisés.
11:30Aujourd'hui, vous pouvez acheter un chef-d'œuvre du sculpteur du Moyen-Âge pour 100 000 euros.
11:35Et pour 100 000 euros, vous achetez, en art moderne et contemporain,
11:39quelque chose de très bien, mais ce n'est pas un chef-d'œuvre.
11:41Donc, voilà, oui, il y a des secteurs qui ont le vent en poupe, mais...
11:48Il y a encore des niches à explorer.
11:49Moi, je pense qu'il est intéressant de s'intéresser à ce que personne n'en regarde.
11:53Oui.
11:54On terminera là-dessus.
11:54Merci beaucoup, Alexandre Giquelot.
11:56Je rappelle que vous êtes commissaire-priseur et président du groupe Drouot.
11:59Et merci à vous toutes et tous de nous avoir suivis.