- 29/10/2023
La crise qui ravage l'Eglise depuis des décennies est d'abord une crise de la foi et de la morale. Face à cela, les vrais réformateurs de l'Eglise ne sont pas ceux qui remettent en cause des vérités tant de fois énoncées mais les saints. Mgr Aillet, évêque de Bayonne, Lescar, Oloron témoigne de cette réalité : "Toute crise de l'Eglise est d'abord crise de la sainteté de ses membres". Il porte ici une parole d'autorité pour fortifier la foi des fidèles.
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00:00 [Musique]
00:06 – Bonjour Monseigneur. – Bonjour.
00:07 – Merci de nous faire l'honneur d'être présent à ce Zoom.
00:11 Vous êtes donc depuis 2008 évêque de Bayonne-les-Scars-aux-Laurons,
00:15 vous avez été ordonné prêtre pour la communauté Saint-Martin en 1982
00:19 et vous avez d'abord été au service de cette communauté,
00:24 au séminaire en particulier, et puis ensuite au diocèse de Fréjus-Toulon
00:28 où vous avez été aumônier, puis curé, et vous avez fini comme vicaire général
00:34 jusqu'à partir de 2002, donc avec Monseigneur Rey,
00:38 et puis vous êtes donc évêque de Bayonne depuis cette date.
00:43 Alors votre livre s'intitule "Le temps des saints, ne soyons pas des chiens muets",
00:48 alors à quoi fait référence ce sous-titre des chiens muets ?
00:52 – Écoutez, j'avais relu il y a quelques mois,
00:54 et sans doute j'avais déjà lu au moment où j'étais ordonné évêque,
00:57 "La règle pastorale" de Saint-Grégoire-le-Grand,
01:00 qui est adressé aux évêques de son temps,
01:02 mais j'avais trouvé que ce texte n'avait pas de ride
01:05 et continuait à être une référence pour les évêques d'aujourd'hui.
01:08 Et il commente en particulier cette parole qui vient du prophète Isaïe,
01:13 qui d'une certaine manière fait des reproches aux mauvais bergers d'Israël
01:18 en disant "vous êtes comme des chiens muets, incapables d'aboyer",
01:22 comme on le sait le chien, c'est celui qui garde le troupeau,
01:25 celui qui le défend aussi contre des assauts des ennemis ou des mauvaises bêtes,
01:31 et qui le garde surtout dans le droit chemin,
01:34 qui le conduit vers les estives, vers les vrais pâturages,
01:38 évoqué par le psaume 22 qui est le psaume du bon pasteur,
01:41 et qui n'est autre que le royaume des cieux,
01:43 et qui n'est autre que le salut,
01:44 dont l'Église est vraiment le sacrement universel pour l'humanité.
01:48 – Alors, ce temps des saints, quels sont les défis particuliers
01:52 auxquels sont confrontés en ce début de XXIème siècle les aspirants à la sainteté ?
01:57 – Je pense d'abord, le grand défi c'est de rappeler à tous les baptisés
02:03 qu'ils sont tous appelés à la sainteté.
02:06 Je crois que ça c'est une chose qui me semble très importante
02:08 et un peu trop oubliée de nos programmations pastorales,
02:11 on a toujours l'impression que c'est une affaire un peu spirituelle
02:15 et extérieure aux préoccupations qui sont les nôtres,
02:18 comme on dit, les préoccupations pastorales,
02:19 et pourtant, j'ai l'air de penser que le chapitre V de la constitution
02:25 "Lumen Gentium" du concile Vatican II sur le mystère de l'Église
02:29 est vraiment le cœur même de l'éclésiologie.
02:31 Ce n'est pas seulement une touche spirituelle pour colorer spirituellement l'éclésiologie,
02:36 mais c'est vraiment le dynamisme intrinsèque à la vie de l'Église
02:41 que s'appelle "Universel à la sainteté", qui est le titre de ce cinquième chapitre,
02:45 et qui nous rappelle que l'Église est sainte,
02:48 non pas parce qu'elle est composée que de saints,
02:49 même si la sainteté est le visage le plus beau de l'Église,
02:52 et on voudrait qu'il soit davantage médiatisé que les brebis galeuses,
02:57 d'une certaine manière que les médias présentent avec complaisance,
03:01 mais l'Église est sainte parce qu'elle a les moyens de sanctifier les pécheurs que nous sommes.
03:07 Le Christ, n'oublions pas, a accompli notre salut à travers le mystère de la croix,
03:12 où il s'est livré tout entier, comme dit saint Paul,
03:15 pour rendre l'Église sainte et immaculée, pour la sanctifier,
03:18 par le bain d'eau qu'une parole accompagne,
03:20 et donc je pense que chaque baptisé doit prendre conscience
03:22 qu'au jour de son baptême, il appartient au Dieu saint,
03:27 et donc il reçoit la sainteté comme un don.
03:30 – En relisant votre livre, m'est venue en mémoire une petite plaquette
03:34 qu'avait publiée il y a plusieurs dizaines d'années un prêtre
03:36 que vous avez peut-être connu d'ailleurs au moins de nom,
03:38 qui est l'abbé Caillon, qui était un éducateur spécialiste de Fatima,
03:43 et qui a écrit un livre, ce sont les premiers sept ans qui comptent.
03:46 – C'est vrai.
03:47 – Quelle place tient l'école dans l'aspiration à la sainteté ?
03:50 – C'est l'éducation chrétienne, la première éducation chrétienne.
03:53 Dans la mesure où l'enfant est baptisé dès son plus jeune âge,
03:57 normalement c'est à la famille de l'aider à prendre conscience
04:01 de cette grâce qu'il a reçue à travers l'éducation familiale,
04:06 et évidemment l'école est aussi un lieu qui doit être complémentaire,
04:10 évidemment de la famille, pour aider l'enfant,
04:13 en tout cas l'école catholique,
04:14 pour prendre conscience de ce don qu'il a reçu de la sainteté de Dieu,
04:18 qui devient une tâche à accomplir,
04:20 mais moyennant une éducation évidemment,
04:21 une éducation de la liberté qui doit être orientée,
04:26 comme c'est le cas, par la grâce reçue.
04:28 – À propos de l'école, vous évoquez dans votre livre,
04:31 Mgr Catenose l'avait également évoqué,
04:34 le fait qu'un certain nombre d'écoles catholiques
04:36 en fait n'ont plus de catholique que le nom,
04:39 quel regard portez-vous sur les écoles hors contrat,
04:43 dont un certain nombre sont catholiques,
04:45 qui se créent essentiellement à la demande des parents,
04:48 parfois un peu en marge avec l'autorité diocésaine,
04:52 pour transmettre ce dépôt de la foi et cette aspiration à la sainteté ?
04:56 – Dès lors qu'on prend conscience que les parents
05:01 sont les premiers éducateurs de leurs enfants,
05:04 et je dirais même les premiers catéchistes de leurs enfants dans l'Église,
05:07 moi j'encourage nécessairement les familles qui prennent l'initiative
05:12 de créer des écoles hors contrat,
05:14 à la fois pour une pédagogie plus adaptée à l'instruction de leurs enfants,
05:19 et aussi parfois pour avoir un climat
05:21 qui permette davantage d'introduction de la foi.
05:23 Ceci dit, comme évêque, je suis le responsable
05:26 de l'enseignement catholique sous contrat,
05:29 et en même temps je suis très attentif avec mon directeur diocésain
05:32 à ce que ces écoles ne soient plus seulement des écoles catholiques par le nom,
05:36 mais aussi par ce qui est proposé comme projet éducatif,
05:39 et on y travaille beaucoup, ne serait-ce qu'avec la nomination
05:42 des chefs d'établissement, qui me revient,
05:44 quand ce sont des établissements sous tutelle diocésaine,
05:47 après c'est un petit peu plus aléatoire,
05:49 même si on a quand même un mot à dire, un avis à donner,
05:52 mais après j'encourage tout ce qui peut y avoir de proposition de la foi,
05:56 d'annonce de l'évangile, de première annonce la plupart du temps,
05:59 dans ces établissements, et j'insiste beaucoup ici sur la place des prêtres,
06:03 j'essaie de missionner des prêtres dans chaque établissement,
06:06 en particulier dans les gros établissements,
06:08 et je demande aux chefs d'établissement de travailler vraiment en binôme
06:12 avec ces prêtres pour garantir une transmission de la foi
06:15 au sein de l'établissement.
06:16 Je me rappelle d'un chef d'établissement,
06:18 et c'est ce que je conseille, recommande à tous,
06:21 qui disait en accueillant les parents,
06:23 "sachez que votre enfant entendra parler de Jésus dans cet établissement,
06:28 et attendez-vous à ce que cela t'aresse".
06:32 À propos des prêtres, nos téléspectateurs connaissent certainement
06:35 la formule attribuée au curé d'Ars,
06:37 à prêtres saints, peuple fervent, à prêtres fervents, peuple pieux,
06:42 à prêtres pieux, peuple honnête, et à prêtres honnêtes, peuple impie.
06:47 Nous vivons aujourd'hui une crise du sacerdoce importante,
06:51 les chiffres officiels, l'an dernier, voilà, pour la France,
06:54 il y a eu 55 ordinations de prêtres diocésains.
07:00 Quelles sont, selon vous, les origines de cette crise du sacerdoce ?
07:05 – Alors, cette crise, pour moi, remonte certainement à l'après-guerre,
07:10 l'après-guerre où on a connu quand même des fractures importantes
07:13 dans notre nation française,
07:14 mais aussi des mutations culturelles en pleine ébullition
07:18 qui ont tout emporté sur leur passage,
07:20 avec ces revendications démocratiques
07:24 qui sont souvent inspirées du marxisme, comme on le sait, à cette époque,
07:27 et je pense que les prêtres ont connu, à ce moment-là,
07:31 une grave crise d'identité.
07:32 Les prêtres étaient généreux, il y a eu beaucoup de vocation après la guerre,
07:36 mais ils ont été embarqués dans la reconstruction sociale,
07:40 et souvent, ils ont déserté leur première mission,
07:44 qui est d'ordre spirituel,
07:46 et parfois, avec beaucoup de générosité, encore une fois,
07:48 il ne faut pas stigmatiser ce clergé, pour autant,
07:51 mais peut-être par un manque de formation, d'enracinement,
07:54 spirituel, intellectuel, dans le moment de la reconstruction de l'après-guerre,
07:58 et donc, finalement, sont devenus parfois un peu trop des agents sociaux,
08:03 plus que des médiateurs entre Dieu et les hommes,
08:08 que le prêtre est appelé à être dans le Christ.
08:11 Et je crois qu'à ce moment-là,
08:13 il y a eu aussi cette revendication démocratique au sens de l'Église,
08:16 au sein de l'Église, cette contestation de l'autorité,
08:19 manifeste dans la société, qui a aussi atteint l'Église,
08:21 et donc le prêtre a connu une crise d'identité,
08:23 on a voulu réduire la différence entre les prêtres et les laïcs.
08:26 Et c'est vrai que le Concile a donné une vraie place aux laïcs,
08:30 mais il n'a pas pour autant manqué de rappeler l'identité du prêtre.
08:35 Et donc, je pense que ça a joué beaucoup sur la crise du clergé,
08:41 qui a engendré, c'est vrai, une crise des vocations,
08:44 et qui rebondit avec la crise des abus sexuels,
08:47 même si, grâce à Dieu, cela ne concerne qu'une petite minorité de prêtres,
08:50 mais c'est déjà une minorité de trop, bien entendu,
08:53 eh bien, on est arrivé à inspirer une certaine défiance,
08:59 beaucoup de fidèles finissent par se douter de l'Église,
09:04 institution, du sacerdoce,
09:08 et peut-être qu'on n'a pas suffisamment soutenu non plus,
09:11 dans cette période, les prêtres, qui, dans leur immense majorité,
09:15 veulent être fidèles au sacerdoce, et retrouvent,
09:18 je pense à la faveur de ces dernières décennies,
09:20 je pense à Saint-Jean-Paul II en particulier,
09:22 leur identité sacerdotale, qu'il faut absolument souligner
09:27 et encourager les prêtres à cette identité sacerdotale.
09:31 – Alors, vous évoquez justement, à propos de ces années d'après-guerre,
09:34 d'une part, et puis les années qui ont suivi le Concile,
09:37 d'autre part, deux choses, je cite, page 64,
09:40 "un optimisme B.A. de l'Église envers le monde moderne et envers l'homme",
09:45 donc le qualificatif B.A. n'est pas très positif,
09:48 mais également, 150 pages plus loin, vous dites,
09:52 "le Concile Vatican II, qui a eu la sagesse de nous inviter
09:55 à poser un regard positif et bienveillant sur le monde".
09:59 Est-ce que les deux affirmations ne sont pas un peu contradictoires ?
10:02 On repose d'être B.A., on reproche d'être B.A.,
10:05 mais il faut un regard positif.
10:06 – Alors, l'optimisme B.A., je pense, va avec l'effacement aussi
10:11 de la question de Dieu dans la société, et malheureusement aussi dans l'Église,
10:15 on s'est intéressé à l'homme, qui de fait, comme disait Saint-Jean-Paul II,
10:18 est la première route de l'Église, mais pour sombrer peut-être
10:22 parfois dans un humanisme immanentiste, qui est celui de la culture moderne,
10:26 et finalement promouvoir un christianisme séculier
10:30 dans une société profondément sécularisée.
10:32 En même temps, quand je dis "optimisme B.A.", c'est un excès,
10:36 alors que l'Église a aussi un regard bienveillant sur le monde
10:40 auquel elle doit annoncer l'Évangile.
10:42 C'est un petit peu ce que l'on dit, le Seigneur est accueillant de tous,
10:47 il aime tous les hommes tels qu'ils sont, mais il les veut saints.
10:50 Donc il les accueille, mais il les engage à un chemin de conversion,
10:53 et c'est peut-être ça qui a manqué à un certain moment dans l'Église,
10:57 c'est qu'on a oublié le message de Jésus qui nous appelle à la conversion,
11:02 on a oublié que l'homme était blessé par le péché,
11:05 on a oublié que le Seigneur était venu pour sauver l'humanité,
11:08 et il en a pris les moyens, puisqu'il est mort sur la croix,
11:11 et il est ressuscité pour ça, et donc accueillir tout le monde,
11:15 avoir un regard bienveillant, compétissant, miséricordieux avec les personnes,
11:20 car Jésus a toujours dans l'Évangile un regard bienveillant sur les hommes,
11:23 mais il est un transition avec le mal.
11:25 Il ne faut pas oublier que c'est ça, l'optimisme BA,
11:28 c'est oublier que l'homme est blessé par le péché.
11:31 Et je crois que s'il n'y avait pas eu des théologiens comme Joséphra Singer
11:34 au Concile Vatican II, dans la Constitution guéridum espèce,
11:37 pour rappeler que l'homme dont nous parlons,
11:40 c'est l'homme historique, comme dit le saint Augustin,
11:41 c'est-à-dire l'homme blessé par le péché, qui a besoin de rédemption,
11:44 on serait resté dans cet optimisme BA.
11:48 – Alors, un petit peu en continuité de cela,
11:52 vous êtes connu pour des positions très courageuses et très fermes
11:55 sur les questions de défense de la loi naturelle,
11:58 que ce soit l'avortement, la contraception, l'AGPA, la PMA,
12:02 le mariage dit pour tous, etc.
12:04 À cette occasion, vous citez Benoît XVI, qui lui-même citait saint Augustin
12:09 dans un discours en Allemagne dans lequel il définissait,
12:14 enfin il ne définissait peut-être pas,
12:15 mais il traitait les nazis de "grosses bandes de brigands".
12:18 Est-ce que vous considérez toutes les dérives
12:22 que vous dénoncez étant ce qu'elles sont,
12:25 est-ce que nous sommes dirigés par une grosse bande de brigands ?
12:28 – Alors, je ne veux pas juger les personnes.
12:30 Il est évident que je ne saurais pas juger les personnes,
12:32 mais c'est vrai qu'on peut se poser la question
12:35 quand on voit l'acharnement contre la dignité de la vie humaine,
12:40 contre finalement le dessin de Dieu, créateur à l'origine et au commencement,
12:45 comme disait souvent saint Jean-Paul II, la vérité du commencement.
12:48 L'homme a été créé par Dieu à son image,
12:50 homme et femme il les créa,
12:52 à tel point que l'image de Dieu en plénitude
12:54 se trouve dans l'union de l'homme et de la femme,
12:57 ouverte à la vie.
12:58 Et donc c'est évident que si on a l'impression
13:01 qu'il y a un acharnement qui n'est peut-être pas forcément
13:03 complètement intentionnel contre la vie,
13:06 depuis son commencement jusqu'à son terme,
13:08 contre le dessin de Dieu sur l'amour et le mariage et la famille,
13:12 eh bien on peut se demander en effet
13:14 si on n'a pas affaire à une grosse bande de brigands qui nous gouvernent.
13:18 – Alors, autre sujet sur lequel vous insistez,
13:21 puisque ce temps des saints, vous l'avez dit,
13:22 c'est aussi la sainteté des laïcs.
13:25 Vous déplorez le manque de formation des laïcs,
13:28 n'est-ce pas d'une certaine manière aussi
13:31 la conséquence de plusieurs décennies de faiblesse,
13:35 on va dire ça de manière délicate,
13:37 dans l'enseignement du catéchisme et dans la transmission de la foi.
13:40 On est terrifié, moi je suis parfois terrifié,
13:44 d'échanges avec des adultes,
13:45 des gens peut-être un peu plus jeunes que moi,
13:48 qui ne connaissent rien de la foi.
13:50 – C'est vrai, il y a une précarence au niveau de l'enseignement de la foi,
13:53 de la transmission de la foi.
13:55 Je crois qu'on est entré dans une période
13:57 que le pape Benoît XVI parlait d'hérméneutique,
14:03 de la rupture et de la discontinuité.
14:05 On a connu une véritable rupture dans le domaine de la transmission de la foi,
14:09 dans les années post-conciliaires,
14:11 qui encore une fois ne sont pas à mettre à l'actif du concile.
14:15 Mais c'est vrai que cette période a été une période de rupture
14:18 par rapport au passé, on a voulu faire tabou la rasa.
14:20 Je pense que c'est un principe révolutionnaire
14:23 qui est hérité du marxisme et qui a, en effet, à cette époque-là,
14:26 beaucoup imprégné jusqu'à l'Église.
14:29 Je me rappelle qu'il y en a deux courtrait qui disaient
14:30 qu'on avait flirté avec le marxisme.
14:32 C'est vrai, ils le reconnaissaient.
14:34 Et donc cette rupture par rapport au passé, aux racines,
14:39 et donc qui a conduit à un manque de transmission,
14:41 fait que beaucoup de laïcs ne n'ont pas été suffisamment formés,
14:44 enracinés en profondeur dans la foi.
14:47 – Et alors aujourd'hui, c'est une remarque,
14:49 vous l'évoquez et vous renvoyez vers le catéchisme de l'Église catholique,
14:53 justement pour conforter ça, pour qu'il y ait un ouvrage copieux.
14:58 Est-ce que ça vous paraît adapté, je dirais,
15:02 pour la transmission de la foi, pour le catéchisme ?
15:04 Qu'est-ce que vous conseilleriez à des parents
15:07 qui voudraient que leurs enfants soient élevés dans la foi catholique ?
15:10 – Je pense que le catéchisme catholique fait partie
15:13 du genre littérat des grands catéchismes.
15:15 C'est un catéchisme qui est donné pour être le modèle et la norme
15:20 de catéchisme qui soit adapté, évidemment, aux différents âges de la vie.
15:25 Je pense que c'est précisément aux prêtres, aux catéchistes,
15:29 à mesure qu'ils sont bien formés, d'adapter ce grand catéchisme.
15:32 Mais c'est un exposé normatif de la foi.
15:34 Et donc, il faut qu'on retrouve les quatre grands piliers de la catéchèse
15:39 dans tout enseignement de la foi aux enfants, aux adolescents,
15:43 aux adultes, aux recommençants, etc.
15:46 – Alors, quelques questions sur l'actualité de la vie de l'Église.
15:50 Pour la France, l'actualité de la vie de l'Église,
15:51 ça a été bien sûr la visite du pape François à Marseille,
15:55 il y a quelques semaines, avec un discours, je dirais,
16:00 un peu culpabilisant l'Europe de ne pas faire un meilleur accueil aux migrants.
16:04 La réalité, c'est que quelques semaines après cet événement,
16:09 il y a quand même, on dira pudiquement, un certain nombre de migrants
16:11 qui ne se conduisent pas très bien en assassinant les uns ou les autres.
16:17 Est-ce qu'il n'y a pas là un risque de décrédibiliser la parole du pape,
16:23 en particulier auprès des premières victimes de cette immigration,
16:27 que sont les classes populaires que l'Église a depuis longtemps perdues ?
16:30 – Oui, alors c'est vrai que c'est un discours qui est celui d'un pape
16:34 qui vient d'Argentine, qui, de fait, a raison de nous rappeler
16:39 que d'un point de vue évangélique, tout homme en détresse mérite d'être secouru.
16:44 Ça, c'est la partie évangélique.
16:45 Peut-être qu'il ne rappelle pas suffisamment
16:47 ce que la doctrine sociale de l'Église a toujours indiqué,
16:51 qui est le droit à un État, à une politique migratoire
16:55 qui permet d'assurer le bien commun, la cohésion nationale,
16:59 et y compris d'ailleurs l'accueil digne de ces personnes
17:03 qui peuvent, pour des raisons qui se comprennent aussi,
17:06 venir dans nos pays plus libres,
17:10 fuyant parfois des situations, pas seulement économiques,
17:13 mais politiques difficiles.
17:14 Le droit à émigrer, mais le droit aussi à rester chez soi.
17:18 Et je crois qu'il y a aussi une hypocrisie, pas du pape, j'entends bien,
17:22 mais des politiques en général, à oublier quand même
17:25 que ces gens viennent chez nous avec la complicité de passeurs,
17:29 parfois même d'ONG, qui les soutiennent,
17:31 et surtout une politique d'aide au développement dans ces pays d'origine
17:36 qui n'est absolument pas accomplie.
17:38 Et nous utilisons ces pays en mode de développement.
17:40 On voit d'ailleurs comment l'Afrique se détourne maintenant de nos pays,
17:44 de la France en particulier,
17:46 où on exploite davantage les richesses de ces pays-là
17:50 plutôt que d'aider au développement de ces pays-là
17:53 qui permettraient d'éviter cette émigration massive.
17:56 – Alors vous évoquez en France, on ne peut pas faire autrement,
18:00 avec délicatesse, la question traditionniste custodesse,
18:04 la question évidemment des catholiques
18:06 qui sont attachés à la messe romaine traditionnelle,
18:09 et vous en profitez pour, je dirais, axer votre réflexion
18:15 sur ce qui constitue la communion dans l'Église,
18:18 et dont vous évoquez trois points,
18:20 la foi, la liturgie et la discipline canonique,
18:24 en disant, c'est le cas qu'il faut souhaiter,
18:27 ben ma foi, les trois doivent être alignés,
18:30 et je suis dans l'Église parce que j'ai la foi catholique,
18:33 je partage la liturgie de mon évêque,
18:35 et puis je suis soumis à la discipline canonique en vigueur.
18:40 La difficulté de l'histoire de l'Église,
18:42 c'est que les planètes ne sont pas toujours alignées,
18:44 et je pense à Thanase dont vous parlez,
18:49 le patriarche d'Alexandrie,
18:50 il est excommunié par le pape Libé en 357,
18:54 vous parlez également des faiblesses
18:57 qui ont été celles des traductions liturgiques
19:00 après la réforme liturgique,
19:02 "et nenos hinducas", qui est de "ne nous soumets pas à la tentation",
19:06 les faiblesses également, la traduction du "consubstantialem",
19:09 voilà, là les trois n'étaient pas alignés,
19:13 il a bien fallu faire des choix,
19:15 et des fois, ben choisir la foi contre l'autorité ecclésiastique,
19:20 ou l'autorité ecclésiastique au risque de la foi.
19:22 Est-ce que vous pourriez un petit peu développer ?
19:25 – Je crois qu'on n'a pas suffisamment pris conscience,
19:28 et on ne le dit pas suffisamment aujourd'hui peut-être,
19:31 que la permanence et le succès,
19:34 on peut dire auprès en particulier de jeunes,
19:36 qui sont souvent des recommençants de la messe selon le "Vetus Ordo",
19:39 comme on doit dire aujourd'hui, c'est-à-dire le missal dit de Saint-Py-Saint
19:42 ou de Jean XXIII, puisque c'est la dernière réforme de ce missal qui date de 1962,
19:46 on n'a peut-être pas suffisamment pris conscience que
19:49 cette permanence et ce succès vient quand même largement
19:52 de déformations liturgiques à la limite du supportable,
19:56 comme disait Benoît XVI, et comme l'a rappelé d'ailleurs le pape François aussi,
20:00 dans sa lettre accompagnant son botoproprio "Transitus Custodes".
20:03 Et donc ça supposait peut-être un peu plus de, j'allais dire,
20:08 de compassion, si je puis dire, le terme est mal choisi,
20:12 mais vis-à-vis de ces fidèles blessés par toutes ces déformations,
20:17 et qui n'ont pas adhéré pour des raisons idéologiques,
20:20 je pense en particulier aux jeunes d'aujourd'hui,
20:21 qui passent de manière assez libre et facile
20:25 d'un "Novus Ordo" au "Vetus Ordo",
20:28 sans donner à leurs décisions le point idéologique
20:32 qui a pu être celui d'une période de plus grand combat, vous voyez.
20:36 Et je pense en effet que déjà les nouvelles traductions
20:40 qui sont arrivées quand même au bout de 20 ans,
20:42 après la demande du pape Saint Jean-Paul II
20:45 du mycèle romain en français, le mycèle de 2002 finalement,
20:50 améliorent quand même les choses.
20:52 Je pense que la Lex Rondi, Lex Credendi est davantage honorée,
20:56 c'est-à-dire que la loi de la prière est vraiment la loi de la foi,
21:00 grâce au consubstantiel, grâce à la nouvelle traduction de l'Orate Fratres,
21:03 qui d'ailleurs était restée intacte dans le nouveau mycèle
21:06 après la réforme liturgique, comme dans l'ancien.
21:09 Et je pense qu'il faut adopter sans doute une attitude
21:13 beaucoup plus patiente avec les fidèles,
21:16 et accepter une certaine unité dans la diversité.
21:20 Et je dois dire que dans mon diocèse,
21:23 je crois que le motu provius sumur montificum
21:28 était appliqué de manière très paisible.
21:31 Et donc peut-être aussi qu'on a manqué à ce souhait
21:37 émis par le pape Benoît XVI d'un enrichissement mutuel
21:41 entre les deux formes, comme il le disait,
21:43 ordinaire et extraordinaire du mycèle,
21:45 qui nous conduit peut-être à de nouvelles crispations,
21:47 psychologiques, en tout cas crispations liturgiques,
21:51 et qui peuvent conduire à de nouvelles guerres liturgiques
21:53 qu'il faut absolument éviter.
21:55 – Alors pour préparer cette rencontre,
21:56 je me suis renseigné un petit peu sur les rentrées
22:00 dans les séminaires en septembre 2023.
22:02 Voilà, c'est un peu l'image de ce que sera l'Église
22:05 dans les décennies qui viennent.
22:06 Et voilà les chiffres auxquels je suis arrivé.
22:09 Donc la Conférence des évêques de France
22:11 va annoncer une centaine de rentrées dans les séminaires diocésains,
22:14 ce qui est le chiffre habituel.
22:17 La communauté Saint-Martin dont vous êtes issus
22:19 annoncera 22 rentrées,
22:22 et puis ça rejoint notre sujet précédent,
22:24 les ex-communautés ecclésiadéies, 21 rentrées,
22:28 la fraternité Saint-Pédis, 14 rentrées,
22:31 ce qui fait pour ces communautés attachées à la messe traditionnelle,
22:34 35 rentrées sur une centaine d'entrées dans les séminaires diocésains.
22:39 Qu'est-ce que ces chiffres évoquent pour vous ?
22:41 – C'est-à-dire que ça évoque qu'on n'est pas suffisamment attentif
22:43 parfois dans l'Église aux vraies aspirations des candidats aux sacerdoces.
22:49 Il est manifeste que le motoproglue traditionniste custodesque,
22:52 je n'ai pas à le juger bien entendu,
22:54 mais je constate qu'il a permis à de nombreux jeunes
22:58 de prendre la voix des communautés ex-ecclésiadéies,
23:02 en particulier en France des Saint-Pierre,
23:03 qui c'est vrai bénéficient d'un décret si exceptionnel et particulier de la part du Pape.
23:08 Et je crois qu'il faut que nous sommes plus attentifs
23:11 aux aspirations de ces jeunes.
23:12 Ça ne veut pas dire que tout est bien,
23:14 quand un jeune entre en formation, il va justement entrer en formation,
23:17 être accompagné dans son discernement,
23:19 et on va le former pour être un vrai serviteur de l'Église.
23:21 Mais il faudrait que nous soyons un peu plus attentifs à cela,
23:24 et nous ne le sommes pas suffisamment.
23:25 Je pense qu'on peut avoir des plans de formation
23:28 qui d'une certaine manière verrouillent la formation,
23:30 mais ne sont pas suffisamment adaptés à la réalité de la jeunesse d'aujourd'hui.
23:34 Et il faut qu'on en tienne compte quand on voit que les jeunes
23:37 peuvent aller aussi bien à Parallel Monial qu'au Pénage de Chrétienté,
23:41 que ceux qui vont au JMJ sont quand même porteurs d'une certaine exigence
23:45 sur le plan de l'identité de la foi chrétienne, catholique,
23:49 de la vie spirituelle, de l'intériorité, de la mission.
23:54 Il faut qu'on soit plus adaptés à cette jeunesse.
23:56 Le temps des saints, pour conclure,
23:58 quels soins souhaiteriez-vous nous donner en modèle ?
24:02 Quels saints ?
24:04 Moi, j'ai envie de dire que le temps des saints,
24:06 c'est surtout pour dire que nous sommes tous appelés à la sainteté.
24:10 Et que, comme disait saint Jean-Paul II,
24:12 la sainteté, c'est le haut degré de la vie chrétienne ordinaire.
24:18 Ce n'est pas une vie extraordinaire.
24:20 Ce n'est pas l'héroïsme de la foi.
24:21 Nous avons en nous la capacité d'être saints par la grâce que nous avons reçue au baptême.
24:25 Et que la première réforme dont l'Église a besoin aujourd'hui,
24:29 ce ne sont pas des réformes de structure
24:31 qui nous enferment dans l'obsession de l'organisationnel, du fonctionnel,
24:35 avec toujours cette concurrence de pouvoir entre les uns et les autres,
24:38 dans laquelle le Concile n'a absolument pas présenté les membres de l'Église
24:42 qui sont d'abord communion,
24:44 mais c'est la réforme intérieure,
24:46 c'est la conversion personnelle, c'est la sainteté.
24:48 Et je reviens à ce que disait Jean-Paul II
24:50 en donnant une feuille de route à l'Église entrant dans le nouveau millénaire,
24:54 qui est toujours valable pour aujourd'hui,
24:55 dans sa lettre au début du nouveau millénaire,
24:57 qui nous dit la perspective dans laquelle toute pastorale,
25:02 toute programmation pastorale doit se situer aujourd'hui,
25:05 est celle de la sainteté.
25:06 Car ce sont les vrais réformateurs de l'Église,
25:09 ce sont les saints, comme disait Bernanos,
25:11 et absolument pas ceux qui vont seulement s'enfermer dans une fonction donnée.
25:17 – Merci infiniment, je pense également à cette citation du Père Ouvray,
25:20 un Dominicain qui nous dit,
25:22 "Toute crise de l'Église est d'abord crise de la sainteté de ses membres."
25:26 Merci beaucoup Excellence,
25:27 donc je renvoie nos téléspectateurs à l'ouvrage de Mgr Marc Ayé,
25:32 donc "Le temps des saints", sous-titré "Ne soyons pas des chiens muets".
25:36 Merci infiniment. – Merci beaucoup.
25:38 [Générique de fin]
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