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Cet été, TVL vous emmène à la découverte des métiers qui font la France. Agriculteurs ou garçons bouchers : vous découvrirez leur quotidien, essentiel au notre. Ils vous laisseront entrevoir la poésie de leur travail manuel, loin des métiers bureaucratiques ou abstraits, mais aussi leurs défis et la passion qui les animent.

Ancien élève en école de commerce, Théophane de Flaujac en rit aujourd’hui. Loin des tableaux Excel, il a repris la ferme familiale.
Pour ce jeune père de famille, pas de doute : « le bonheur c’est de chérir ce que l’on possède. »

Catégorie

📚
Éducation
Transcription
00:00La balance commerciale, je crois qu'elle est passée en négatif sur l'agricole,
00:04alors qu'on est un des plus gros beaux pays de tradition paysanne au monde.
00:10Comme on a sanctionné la Russie, on s'est sanctionné nous-mêmes,
00:14et donc si les paysans français sont sanctionnés, vous consommateurs, vous l'êtes aussi.
00:19Les paysans, ce n'est pas des illettrés, quoi.
00:22Ils trahissent la terre, la terre ne ment pas.
00:25Ce sont des gens qui sont dans le réel, dans le vrai.
00:27Ils font une erreur, ils sont sanctionnés.
00:31C'était vraiment un choix de les libérer avec mon épouse, de s'installer à la ferme,
00:36parce que franchement, élever ses enfants dans le parc Monceau autour des crottes de fiens.
00:57Je m'appelle Théophane de Flojac, j'habite dans le Lot-et-Garonne, à côté d'Agin.
01:03Je suis marié, j'ai deux enfants, je suis agriculteur.
01:06Je vais vous expliquer tout mon parcours, et pourquoi je suis devenu agriculteur,
01:10malgré le fait que ce soit très, très compliqué en ce moment.
01:13Bon, allez, c'est 8h, rassort du magasin.
01:16Allez, suis-moi, il ne faut pas qu'on traîne.
01:17Ça, c'est les premières aubergines, on les a ramassées hier.
01:32Là, on ne peut pas faire plus frais.
01:33Les copes, ils se payent d'abord, et après, ils nous payent.
01:36Elles ont des charges énormes, et elles ne sont plus trop au service des agriculteurs.
01:40On nous dit que ça va partir à 2,50€, et en fait, on se retrouve à 1,80€.
01:44Ça couvre à peine les prix de production.
01:46Nous, on a fait le choix de produire moins, et de se vendre tout.
01:51En fait, au lieu de monter des coopératives, les paysans, ils auraient dû monter des supermarchés.
01:54Ça change des fraises des supermarchés.
01:56Mais là, on va être obligés d'arrêter, parce qu'il y a une mouche qui nous embête.
01:59La mouche Suzuki.
02:02Alors, ce n'est pas la moto, c'est une mouche qui...
02:06Qui pique le fruit quand il commence à rougir.
02:08Ensuite, on le met en barquette, on le donne aux clients, et là, le truc, il se liquéfie.
02:12Et là, les clients, en fait, sont trop contents, parce qu'ils achètent des trucs extra frais.
02:16Ça ne fait pas... Il n'y a pas 6 jours de transport.
02:20Là, ça a été ramassé hier.
02:22Bon, les haricots, ils ne se rassent pas tout seuls, donc il faut y aller, quoi.
02:38Il y en a un peu ?
02:40Beaucoup ? Bof, bof !
02:41Là, c'est une partie de cache-cache avec les légumes.
02:44Donc, les haricots, c'est... Pour les trouver, il faut fouiller, quoi.
02:48Puis j'aime bien, comme ça, c'est joli.
02:50C'est important, l'esthétique, aussi.
02:51C'est des moments un peu hors du temps, où on ne pense à rien.
02:54On contemple...
02:56Les légumes, comment ça pousse.
02:59Pour que la terre donne, il faut...
03:01Avant tout, donner.
03:02Donner de sa personne.
03:03Observer énormément.
03:04On va prendre nos erreurs.
03:06Et puis, il faut aussi donner à la MSA.
03:07On travaille un peu plus de la moitié du temps pour cet organisme.
03:12Mon père, il a bossé 45 ans et il a 900 euros de retraite.
03:16Après, on a la prime charbon.
03:18Ah non, ça, c'est pour la SNCF.
03:20On ramasse à peu près tout, tous les deux jours.
03:23Le jour, on ramasse les haricots, on ne ramasse pas les concombres.
03:27Là, petit contrôle des plantes tomates.
03:29Contrairement à ce qu'il se dit sur Internet, on a besoin de les tailler.
03:32Et donc, il faut enlever les gourmands.
03:34Donc, les gourmands, c'est ce qui pousse entre la feuille et le tronc.
03:38Et on les sectionne comme ça.
03:39On dirige la sève vers le haut.
03:42Et ça multiplie les bouquets.
03:43Donc, on va avoir plus de bouquets de tomates.
03:45Donc, plus de tomates.
03:45Ça permet d'aérer, donc moins de maladies, des fruits plus gros et des fruits plus régulièrement.
03:51L'engrais starter parfait pour la tomate, c'est la grand-mère avec des buissons d'ortie.
03:58Donc, vous l'envoyez ramasser toutes les petites feuilles d'ortie.
04:01Ensuite, vous faites le trou pour la tomate.
04:05Les orties, vous les concassez un peu.
04:06Vous les mettez au fond.
04:07Vous mettez de la terre, un tout petit peu de terre par-dessus.
04:10Ensuite, vous mettez votre plan de tomate.
04:13Vous rebouchez.
04:15Et là, PAM !
04:17Ça décolle à fond.
04:18J'ai grandi ici.
04:31On a aidé nos parents depuis tout petit.
04:34Je suis parti à l'IPC dans une école de philosophie à Paris.
04:38J'ai fait une licence.
04:40J'ai beaucoup lu Gustave Thibon.
04:43C'est un philosophe paysan, autodidacte.
04:45Ensuite, je suis parti en école de commerce.
04:49C'est là que j'ai compris que les écoles de commerce, elles vendaient un peu du vent.
04:52Faire une école de commerce, c'est comprendre qu'une école de commerce a réussi à vous vendre quelque chose.
04:56Elles apprennent pas à vendre.
04:57Elles nous vendent quelque chose et qu'il n'y a que ça qui les intéresse.
05:00Une fois que vous avez compris ça, vous pouvez quitter l'école.
05:03Maintenant, on a les nouvelles écoles de commerce.
05:04T'es sur Instagram ? Tu veux acheter ma formation ?
05:08Clique dans le lien sur ma bio.
05:11Je suis parti travailler deux ans à la ferme.
05:13J'ai dû continuer les études.
05:15En philosophie, j'avais appris en gros qu'est-ce que le bien commun.
05:19Et du coup, je me suis dit, comment le mettre en pratique ?
05:22Je me suis dit, mettre en pratique école de sciences politiques à l'ICEP.
05:27Ce que j'ai pu observer, c'était que les profs étaient très libres.
05:30Donc, ils n'avaient pas peur de nous faire débattre sur des sujets qu'on pourrait dire touchy aujourd'hui.
05:38Ce qui était assez remarquable dans cette école, c'était que les élèves, c'était assez hétéroclite.
05:43Il y en avait qui étaient issus de CSP+, vraiment élevés.
05:50Et d'autres, fils d'un petit commerçant, moi, fils d'agriculteur.
05:56Il y avait vraiment de tout.
05:57On avait même un strotskiste dans l'école.
05:59C'est pour dire.
06:00Et en fait, on partageait la même passion, c'est-à-dire la passion pour la France, l'amour de notre pays.
06:08A la grande surprise des directeurs de l'école, j'ai décidé de revenir à la ferme.
06:16Déjà, par projet de vie, pour éduquer mes enfants dans un cadre de vie, on va dire, sain.
06:23Comme le même cadre de vie que j'ai reçu.
06:25Et Gustave Thibon, ce qui est bien avec lui, c'est qu'il fait comprendre que les paysans, c'est pas des illettrés.
06:37Ils trahissent la terre.
06:38La terre ne ment pas.
06:40C'est des gens qui sont dans le réel, dans le vrai.
06:43Ils font une erreur, ils sont sanctionnés.
06:45Le bonheur, c'est, comme disait Gustave Thibon, c'est continuer à désirer ce que l'on possède.
06:51Et en fait, quand on fait ce métier d'agriculteur, on le désire tous les matins.
06:56C'est ça qui nous fait se lever.
06:56Donc les enfants, ils viennent me visiter deux fois par jour, hein Toscane ?
07:09Toscane, viens voir.
07:10Viens voir.
07:12C'est ce que c'est ça ?
07:13Oui.
07:14C'est quoi ?
07:15C'est quoi ?
07:16C'est des haricots ?
07:17Oui.
07:17C'est haricots verts ?
07:18T'en ai mangé hier ?
07:20Oui.
07:20Et ça, c'est la petite graine qui va pousser, pousser, pousser, pousser, pousser, pousser,
07:23qui va faire comme là-bas, les grands haricots.
07:25Tu sais les trucs tout longs, là ?
07:28Comme ton bébé ?
07:29Oui, oui.
07:30Là, il y en a trois.
07:31Un, deux, trois, et il y en a quatre.
07:33Moi, c'était vraiment un choix délibéré avec mon épouse de s'installer à la ferme.
07:38Parce que, franchement, élever ses enfants dans le parc monceau autour des crottes de chiens,
07:44je préfère leur montrer comment les légumes poussent.
07:48Oh, il y en a plein là-bas.
07:49On va regarder ?
07:50Oui.
07:51Allez, viens voir.
07:52Un, deux, trois.
07:54Je ne suis pas là souvent à la maison, et donc ils savent pourquoi je ne suis pas là.
07:57Et puis, ça les éveille à la nature, au beau, à la rigueur, au travail.
08:02Les enfants de la ville, quand ils ont une tomate, ils ne savent pas comment ça pousse.
08:05Elle a déjà trois ans, et elle sait d'où ça vient.
08:09Même si elle ne mange pas trop les légumes.
08:11C'est pas bon, les légumes.
08:14C'est meilleur, les bonbons.
08:17Donc ici, il y a des pucerons.
08:19Et donc, les pucerons, ils sont parasités par une guêpe parasitoïde qu'on a introduit.
08:26Et en fait, la guêpe vient pondre dans le puceron.
08:31C'est vraiment alien, le truc.
08:33Et le puceron gonfle, devient opaque, reste collé à la feuille.
08:37Et une fois que la guêpe est développée à l'intérieur, elle fait une porte, elle découpe une porte.
08:41Parfois, on le voit vraiment.
08:42Et la guêpe sort et va se reproduire, enfin, va pondre dans d'autres pucerons.
08:50Et donc, on arrive à lutter contre les pucerons, quand il n'y en a pas trop, quand même, avec ça.
08:54Donc, si on les introduit au bon moment, on arrive à faire ça.
09:06C'est une culture de patates douces.
09:08Donc, les patates douces, il faut bien leur donner à manger.
09:10Donc, on a des entrants en gré.
09:14Et le problème des entrants, c'est que ça demande de l'énergie.
09:18Et comme on a sanctionné la Russie, on s'est sanctionné nous-mêmes.
09:22Et donc, si les paysans français sont sanctionnés, vous consommateurs, vous l'êtes aussi.
09:27Pourquoi ?
09:28Parce qu'on va avoir une baisse de rendement.
09:31Parce qu'on va en mettre moins.
09:33Ou, si on en met autant, ça va coûter plus cher.
09:35Et donc, au final, vous allez le payer plus cher au supermarché.
09:42Et donc, on va importer de l'étranger.
09:45Mais sauf qu'ils n'ont pas les mêmes normes environnementales qu'en France.
09:49Et donc, vous allez manger de la merde.
09:52Et nous, on doit se battre contre ça.
09:53Donc, c'est comme si on se battait les mains attachées dans le dos.
09:55Et donc, en fait, ça, c'est plus possible.
09:58Vous voyez ça ? L'eau, c'est la vie.
10:00Les écolos, aujourd'hui, ils veulent interdire l'irrigation.
10:04Sauf qu'en fait, nous, on a un peu la fourmi.
10:07Et eux, c'est les cigales.
10:08On prend l'eau de l'hiver, on la stocke et on s'en sert l'été.
10:12Tout simplement.
10:13Et eux, ils veulent que cette eau douce soit transformée en eau salée.
10:16Mais en fait, il y a assez d'eau douce en France avec tous les milliers de fleuves,
10:20les centaines de fleuves et de rivières qu'il y a en France pour être autonome en eau
10:24et produire des cultures à plus haute valeur ajoutée.
10:32Ça, des concombres comme ça.
10:33Les légumes, ça mange beaucoup de main-d'œuvre.
10:36Il faut qu'on recrute des gens qui ont envie de travailler,
10:38qui n'ont pas peur de se fatiguer, qui n'ont pas peur de se baisser.
10:41Et ça, malheureusement, les Français, ils faisaient un cas n'y a pas possible.
10:46Et arrivés au champ, ils sont restés, allez, peut-être 6 minutes 30 pour ramasser les petits marrons.
10:53Et après, ils nous ont dit, non, mais c'est trop fatigant, on va s'arrêter là.
10:58Mais ne vous inquiétez pas, ne faites pas la fiche de paye.
11:01On a deux Polonaises et un ouvrier français et une malgache aussi.
11:05Donc moi, ça ne me dérange absolument pas de prendre de la main-d'œuvre étrangère.
11:09De toute manière, à la fin de la saison, soit ceux qui restent en France,
11:13ils vont bosser à l'usine ou soit ils retournent dans leur pays
11:16et à la saison prochaine, ils viennent.
11:18Pour défendre notre médias d'agriculteur, on est vraiment obligés de s'engager dans un syndicat.
11:25Ici, c'est la Candation Rurale.
11:27Aujourd'hui, on est photographié via satellite trois fois par semaine.
11:31Quelle profession aujourd'hui est contrôlée trois fois par semaine ?
11:34Et donc, on est obligés de se battre avec nos syndicats.
11:39Sauf que ça coûte cher.
11:40C'est-à-dire que pendant les grandes manifs agricoles, on est allés à Rungis.
11:46À Rungis, on n'a rien fait, mais par contre, on a passé 16 heures en garde à vue.
11:51Il faut savoir qu'il y avait des enfants.
11:53Le petit-fils qui était là, qui avait 15 ans, qui suivait son grand-père.
11:57Le grand-père qui n'avait jamais fait une garde à vue de sa vie,
11:59qui a toujours été droit dans la société, qui a toujours apporté de la valeur.
12:04Le petit-fils qui voit son grand-père galérer, qui était là aussi.
12:10Franchement, c'était un moment assez choquant, quand même, pour la profession agricole,
12:16d'être traité de la sorte.
12:18Il n'y a pas très longtemps, j'ai eu l'occasion de passer au tribunal.
12:20J'aurais mis une botte de foin dans un McDonald's.
12:23L'accusation reposait sur le fait que la personne prise en photo, c'était moi.
12:29Sauf que quiconque est un poil physionomiste.
12:33Franchement, mais vraiment un poil, pas beaucoup.
12:35Le mec aurait été obèse, grand, ça aurait été la même chose.
12:40Je suis passé à la barre et le procureur m'a dit
12:41« Arrêtez de sourire, monsieur, parce que franchement, c'est très sérieux.
12:46Vous encourrez 2500 euros d'amende. »
12:49Le sentiment que j'ai eu en passant à la barre du tribunal, c'était qu'ils ont pris
12:54tout ce qu'on a fait pendant les manifs, ils ont tout concentré au même endroit,
13:01ils ont accusé des personnes à tort dans tous les sens,
13:05pour pointer et pour mettre à l'amende le seul syndicat qui, aujourd'hui,
13:11défend réellement les paysans, c'est-à-dire la coordination rurale.
13:14Donc pour nous faire flancher et pour qu'on perde notre ardeur
13:18et notre volonté de défendre la cause agricole.
13:21Et ça, franchement, c'est dégueulasse.
13:23Sous-titrage Société Radio-Canada
13:32Sous-titrage Société Radio-Canada

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