- il y a 6 jours
La langue française est dans un état de décadence : anglicismes, barbarismes, néologismes absurdes, phrases incomplètes, erreurs de grammaire... Nous ne maîtrisons plus notre langage. Une décadence liée à un déclin de notre civilisation. Dans son ouvrage "Le Français d'aujourd'hui : décadence d'une langue", l'universitaire Isabelle Leymarie commente ce phénomène et nous présente une liste de ces barbarismes dégradant la langue de Molière.
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00:00Générique
00:00Chers téléspectateurs, bonjour.
00:07Dans notre Zoom du jour, nous parlons d'un phénomène de déconstruction,
00:11la déconstruction de la langue française.
00:13Notre langue est en pleine décadence, anglicisme, néologisme absurde, expression galvaudée.
00:19Notre vocabulaire, fortement appauvri, est un festival d'ineptie.
00:23Et cette perversion de la langue va de pair avec le déclin de la civilisation.
00:27Pour décrypter ce phénomène, nous recevons Isabelle Lemary.
00:30Madame, bonjour.
00:32Isabelle Lemary, vous êtes écrivain et pianiste de jazz.
00:34Vous avez écrit de nombreux livres sur la musique, sur le jazz en particulier.
00:38Vous avez enseigné dans plusieurs universités américaines et suisses.
00:42Vous y enseignez notamment l'histoire du jazz, mais aussi la littérature française.
00:46C'est surtout ce point qu'ils viennent nous aborder.
00:49Vous nous présentez le français d'aujourd'hui, décadence d'une langue,
00:52publié aux éditions de Paris, Max Chaley.
00:53Vous y décryptez la décadence de la langue française.
00:57Tous les barbarismes, néologismes tels que Challenges,
01:02En charge d'eux, En capacité d'eux, Spoiler et autres,
01:07Impacter, Sourcer, Lister, La liste est longue, c'est le cas de le dire.
01:12Cet ouvrage est très utile pour comprendre en quoi la décadence de la langue
01:17est l'effet visible d'un déclin de notre civilisation.
01:21Toutes les civilisations sont mortelles, comme disait Paul Valéry.
01:24Il y a une courbe ascendante et il y a une courbe descendante.
01:27Comme il y a eu la Haute-Égypte, qui ensuite a décliné.
01:31Comme il y a eu le latin, qui s'est transformé en latin de cuisine et puis en français.
01:36Et là, j'ai l'impression qu'on est sur la pente descendante du français.
01:38Les jeunes lisent de moins en moins, puisqu'ils sont accros au téléphone.
01:43Et ça s'en ressent dans la langue.
01:45Ils n'écrivent plus non plus.
01:46Il paraît, il y a eu une enquête qui montrait que les jeunes ne savent plus écrire manuellement, maintenant.
01:52Ils ont tellement l'habitude du téléphone.
01:53– Même dans les universités, la grande majorité des étudiants prend ses cours sur ordinateur, sur PC.
01:59Et maintenant, même dans les plus petites classes, on sort la tablette.
02:03– Je me souviens, enfant, je ne lisais pas des mangas, je ne lisais pas des BD, ça n'existait pas.
02:09Je lisais Nerval, je lisais Victor Hugo, dans des feuillets à 10 centimes qu'avait ma grand-mère.
02:14Mais on lisait, même les gens qui avaient le certificat d'études écrivaient magnifiquement.
02:19Ma grand-mère ne faisait pas une faute d'orthographe.
02:21Et elle n'avait que le certificat d'études.
02:23Mais elle lisait de la haute littérature.
02:26Et moi, j'ai grandi en lisant Nerval, en lisant Châteaubriand, en lisant Victor Hugo, même enfant.
02:33– Mais même dans un langage simple, on s'exprimait correctement.
02:38– On s'exprimait très correctement.
02:39Et on avait une belle graphie, on savait écrire.
02:42Vous voyez, mon père, qui était fils de paysan, avait une graphie magnifique.
02:46Ma mère, qui était dans un milieu modeste, écrivait aussi magnifiquement.
02:49Elle ne faisait pas une faute d'orthographe.
02:51– Alors, outre les fautes d'orthographe, ce dont vous parlez longuement dans votre ouvrage,
02:57c'est aussi tous les néologismes, les barbarismes.
03:00Nous avons en fait, nous ne savons plus écrire correctement,
03:03mais nous avons aussi un vocabulaire terriblement appauvri.
03:06– Terriblement, oui.
03:07Par exemple, je pense, moi, qu'on emploie tout le temps super.
03:11Vous allez au cinéma, c'est super.
03:12Vous lisez Baudelaire, c'est super.
03:14Vous êtes super fatigué.
03:15– Et oui, et comme vous le dites, ces néologismes sont très laids.
03:21Il n'y a plus d'esthétisme.
03:23On pourrait remplacer super par plein d'autres mots.
03:25– C'est magnifique.
03:26– C'est grandiose, c'est magnifique.
03:28– C'est magnifique, c'est excellent.
03:29– C'est excellent, c'est beaucoup plus beau pour l'oreille.
03:32– Et puis, je ne sais pas, on a une quinzaine de mots
03:33pour exprimer cette admiration.
03:37Et là, tout est remplacé par super.
03:39– Mais ce sont des anglicismes très présents dans notre langage,
03:42parfois, à notre insu, même dans les titres de la presse,
03:45on entend parler d'impacter, par exemple.
03:48– Alors qu'on dit affecter en français.
03:50– Voilà, on parle de week-end, bon ça, je pense que malheureusement,
03:54ça fait partie de notre langue aujourd'hui.
03:56C'est rare qu'on dise à quelqu'un une bonne fin de semaine.
03:58– Mais je crois par exemple, de toute façon,
04:01toutes les langues se nourrissent d'emprunts,
04:03donc c'est normal d'emprunter à d'autres langues et de les assimiler.
04:06Mais on emploie des termes anglais
04:08quand on a un terme français qui fait bien la faire.
04:10Par exemple, je vois, j'ai eu l'opportunité de le rencontrer.
04:13En français, on dit, j'ai eu l'occasion de le rencontrer.
04:16Parce qu'en anglais, on dit, I had the opportunity to meet you.
04:19– En fait, autrefois, la langue s'enrichissait d'apports étrangers
04:23comme le grec, notamment.
04:26En fait, les anglicismes n'apportent pas d'enrichissement,
04:29mais plutôt un appauvrissement de la langue.
04:30– Non, ça peut être un enrichissement dans le sens
04:34où il n'y a pas de terme équivalent dans la langue.
04:37Le français artichaut, olive, ça vient de l'arabe,
04:40on a emprunté au persan, on a emprunté à l'anglais.
04:43Au contraire, ça enrichit une langue.
04:45Mais là où il y a appauvrissement,
04:47c'est que le français disparaît au profit de mots anglais
04:52alors qu'on a le terme équivalent en français qui fait très bien l'affaire.
04:56Si on n'a pas de terme équivalent,
04:57oui, c'est normal d'emprunter une autre langue.
04:59Oui, mais si on a le mot équivalent,
05:02pourquoi utiliser tout le temps un terme anglais ?
05:04– Comment ce phénomène des anglicismes est-il apparu ?
05:08Alors, les films et séries, probablement, ont joué un grand rôle ?
05:11– Parce que l'anglais, c'est devenu la lingua franca internationale maintenant,
05:15avec les médias, avec les films.
05:18Sur les réseaux sociaux, presque tout maintenant est en anglais.
05:20Les publicités sont de plus en plus en anglais.
05:22On va au snack bar, on va…
05:27– Pourtant, vous avez vécu longtemps aux États-Unis.
05:34Est-ce vrai que là-bas, parler français est bien vu chez les Américains ?
05:39C'est assez paradoxal.
05:40– C'est bien vu chez une certaine élite.
05:43Mais pas, si vous allez dans le Midwest, personne ne parle français.
05:49On emploie des mots, par exemple, comme savoir-faire.
05:51C'est un peu chic, si vous voulez.
05:53Mais c'est chez les gens d'un certain niveau, déjà, intellectuel.
05:57– C'est vrai que dans la langue anglaise, il y a eu des apports du français, en fait.
06:02– Beaucoup, énormément.
06:02– C'est plutôt une tendance qui s'est inversée.
06:06– Oui.
06:07Au Moyen-Âge, par exemple, il y avait presque autant de mots français
06:10dans la langue anglaise que de la langue anglaise.
06:12Par exemple, barbecue, ça vient du français barbecue.
06:15De la barbe à la queue de l'animal.
06:18– Ah oui, pourquoi ?
06:19– Alors, c'est un curieux phénomène de barbecue.
06:21– Quand en France on parle de barbecue, on parle bien français, du coup.
06:23– Oui, mais parce que c'est un phénomène de va-et-vient.
06:26C'est-à-dire, l'anglais, il y avait beaucoup de cuisiniers français
06:28à la cour d'Angleterre.
06:30Alors, ils faisaient cuire l'animal de la barbe à la queue.
06:34Et nous, on a récupéré ça en en faisant barbecue
06:37et en en changeant de son ensoye.
06:40– Vous nous proposez une liste des nombreux barbarismes de notre langage.
06:45Alors, cliver, flouter, acter.
06:51Tout ça, en fait, ça poserait moins de problèmes
06:54s'il n'y avait pas avec ça un appauvrissement de notre pensée.
06:59Ça reflète un manque de subtilité, un manque de méthode,
07:02un manque de clarté dans notre tête.
07:05– Oui, sa voix de pair, le langage et la façon de penser vont de pair.
07:08Si on veut penser mais qu'on ne sait pas exprimer sa pensée,
07:11donc on ne peut pas la véhiculer aux autres.
07:14– Il y a un phénomène très intéressant qu'on observe aujourd'hui,
07:20et surtout chez ceux qui ont, on va dire, jusqu'à 20 ans, voire même 25 ans,
07:25le phénomène des phrases incomplètes.
07:27Alors, c'est lié sans doute à un appauvrissement du vocabulaire.
07:30Il y a sans doute plusieurs facteurs.
07:31Il y a le fait qu'on parle beaucoup moins oralement,
07:34on ne veut plus parler au téléphone,
07:36on préfère parler par mail ou par Messenger, WhatsApp, etc.
07:38On lit moins, donc on a moins de vocabulaire.
07:43Tous ces phénomènes sont liés,
07:45et maintenant on n'arrive plus à faire une phrase du début à la fin.
07:48On laisse une phrase un peu en suspens,
07:51comme si la personne devait deviner nous-mêmes la suite du feuilleton.
07:56– C'est un phénomène un peu fast-food, si je veux dire, de la langue française.
08:01On fait des phrases de plus en plus courtes.
08:03Par exemple, si vous lisez les livres à la mode aujourd'hui,
08:07vous verrez que ce sont des phrases très courtes.
08:08Même des gens qui ont eu le prix concours,
08:10on n'utilise presque plus, par exemple, l'imparfait du subjonctif.
08:13Vous ne pouvez pas trouver des phrases comme faisait Proust,
08:15où il parle pendant une page et demie des asperges
08:18en utilisant l'imparfait du subjonctif.
08:23– D'une manière générale, le gouvernement,
08:26et plus précisément l'éducation nationale,
08:28a-t-elle confiance de ce phénomène ?
08:31Sans vous, y a-t-il eu des réformes allant dans ce sens ?
08:35– Je ne sais pas, parce que je vis actuellement 6,
08:37alors je ne sais pas très bien ce que fait le gouvernement français
08:39en matière de…
08:41Mais je crois qu'on avait proposé de réformer l'orthographe,
08:44ce qui pour moi est un non-sens,
08:45parce que chaque langue a son propre génie.
08:48L'orthographe, elle est née de raisons historiques.
08:51Le français vient du latin, vient du grec.
08:53Et donc, orthographe, par exemple, c'est un mot d'origine grecque.
08:57Réformer l'orthographe, moi, ça me paraît un peu stupide.
08:59On avait proposé aussi de simplifier certaines tournures.
09:04Et je crois que les jeunes, par exemple,
09:06ne savent plus utiliser certaines désinances ou tournures verbales.
09:11Ça ne s'emploie plus.
09:12– Et puis surtout, en fait, leurs enseignants accompagnent cette déchéance.
09:17Un exemple très simple, lors du bac 2025,
09:21il y avait dans l'épreuve écrite de philosophie,
09:23le mot « recrudescence ».
09:25À côté de ce mot, il y avait un astérisque
09:28avec, en bas de page, la signification de ce mot.
09:31Alors qu'on parle du principe que les terminales
09:32ne connaissent plus des mots qu'ils sont censés connaître.
09:36– Il y a même des mots qui disparaissent du langage.
09:38Par exemple, « péan ».
09:39« Péan », c'est un hymne à polon.
09:41Ça veut dire « péan », c'est un poème lyrique.
09:44Ça a disparu du vocabulaire.
09:45Alors que moi-même, à 9 ans, je l'employais, ce mot.
09:49– Mais alors, selon vous,
09:50cette crise du langage,
09:53quelles solutions apporter ?
09:55Comment y remédier à n'importe quelle échelle,
09:57que ce soit même à l'échelle des enseignants
10:00aux primaires ou aux secondaires ?
10:01– Déjà, les enfants les encouragent à lire
10:05et à lire des vrais livres,
10:06pas des BD, pas des mangas.
10:09– Surtout quand les mangas ont un vocabulaire extrêmement pauvre.
10:12– Oui, certaines BD aussi.
10:13En lisant une BD, vous n'apprendrez pas
10:15à manier l'imparfait du subjonctif.
10:18Je pense que les parents et les enseignants
10:22devraient encourager les…
10:23D'abord, à moins regarder le téléphone
10:25et à lire de la belle littérature.
10:27C'est comme ça.
10:28Si vous voulez bien écrire, il faut beaucoup lire.
10:30Il n'y a pas de solution.
10:31Si vous voulez bien peindre,
10:33il faut aller dans les musées, copier les tableaux.
10:35Si vous voulez bien jouer de la musique,
10:36il faut en écouter.
10:38Si vous voulez enrichir votre langue,
10:40il faut lire.
10:40Il n'y a pas d'autre solution.
10:43Il faut vous cultiver.
10:44– Et précisément, quel conseil de lecture
10:48donnez-vous pour les vacances d'été,
10:50aux petits comme aux grands d'ailleurs ?
10:52Parce qu'on voit bien qu'à l'âge adulte,
10:53nous avons des problèmes.
10:54– Je voulais lire les grands écrivains.
10:56On a su bien écrire le français
10:57jusqu'à la première moitié du XXe siècle.
10:59Après, ça commence à décliner.
11:01Mais il y a eu un sommet au XIXe siècle,
11:04et pas seulement en France,
11:05en Russie, en Angleterre.
11:07Il y a eu un sommet de la littérature.
11:09On écrivait merveilleusement bien.
11:11Vous lisez Baudelaire, vous lisez Rimbaud,
11:12vous lisez Victor Hugo, vous lisez Nerval,
11:15vous lisez Châteaubriand.
11:16C'est magnifique, la langue.
11:18Absolument magnifique.
11:19– Vous avez parlé de l'Angleterre et de la Russie.
11:21Est-ce que ce phénomène est aussi observé
11:22dans ces mêmes pays ?
11:24– Ah oui, il y a un déclin des langues
11:25dans tous les pays.
11:27Moi, je vois sur les réseaux sociaux,
11:28par exemple, en anglais, en espagnol
11:30et d'autres langues,
11:31les gens ne savent plus écrire.
11:32Il y a des fautes d'orthographe immenses.
11:35– Et à quoi est-ce que cela pourrait être dû ?
11:37Pourquoi est-ce qu'au début du XXe siècle,
11:39ce phénomène de déclin apparaît ?
11:41– Mais je vous dis, dans toutes les civilisations,
11:44il y a une montée de la civilisation
11:46et puis il y a un déclin.
11:47Et je pense que là, on est sur le déclin.
11:50C'est dû au fait que les gens lisent
11:52de moins en moins, je vous dis.
11:54Et puis, il y a un phénomène naturel,
11:56comme il y a une croissance
11:56et il y a un déclin de tous les êtres vivants.
11:59Et là, on est sur la pente, à mon avis, déclinante.
12:03En ce qui concerne la langue, en tout cas.
12:04– Après, on verra bien, si la pente peut être remontée.
12:11– Par exemple, je vois des gens, je ne les nommerai pas,
12:15mais qui passent pour être des écrivains très lus aujourd'hui,
12:18de jeunes écrivains.
12:19Par exemple, je vois, ils développent une maladie.
12:22On ne peut pas développer une maladie.
12:23C'est un anglicisme.
12:25On a une maladie, elle se développe ou elle ne se développe pas.
12:27Développer, ça veut dire accroître.
12:28Vous pouvez accroître votre fortune, votre potentiel,
12:31mais vous ne pouvez pas développer, c'est-à-dire accroître une maladie, vous voyez.
12:36Et en anglais, oui, I developed a disease.
12:39Il a développé, par exemple, un médicament.
12:41Non, on a créé un médicament, on ne peut pas développer,
12:43c'est-à-dire accroître un médicament.
12:45Mais ça, c'est encore un anglicisme.
12:47– Alors, que répondre à ceux qui disent que ces évolutions,
12:53comme les anglicismes ou la féminisation des mots, des titres,
12:57c'est normal, puisque une langue évolue.
13:00Le français, nous avons, même au XIXe siècle,
13:02n'était pas le même que celui du Moyen-Âge,
13:04qui n'était pas la même langue que la langue latine.
13:07Que répondre à cela ?
13:08– Oui, mais effectivement, toutes les langues,
13:10ça c'est normal, le processus d'évolution.
13:12Mais, je vous dis, comme il y a eu le latin
13:14qui était très bien parlé à une époque,
13:16il a décliné, il est devenu le latin de cuisine,
13:18vous voyez, une dégénérescence de latin.
13:20Et là, bien que la langue évolue,
13:22on est, à mon avis, sur la ponte descendante du français.
13:24Alors, peut-être que dans quelques années ou quelques siècles,
13:27ça donnera naissance à autre chose, vous voyez.
13:29Déjà, Victor Hugo l'avait dit.
13:31Il constatait déjà, lui aussi, le déclin de la langue,
13:35mais pensait que ça, en fin de compte,
13:37ça donnerait naissance à autre chose, à une renaissance.
13:40– Oui, mais comment expliquer que ce changement
13:45n'est pas une simple évolution, que c'est vraiment un déclin ?
13:48Qu'est-ce qui permet de voir la perte de vocabulaire ?
13:51– Oui, la perte de vocabulaire, la perte de culture générale,
13:56je vous dis, l'emploi de barbarisme, la perte de l'orthographe,
14:00la perte de la grammaire, notamment.
14:03– Oui, les fautes de…
14:04– On sait de moins en moins le français, oui.
14:06– Les fautes de syntaxe sont de plus en plus fréquentes dans nos phrases.
14:08– Oui, mais je le constate aussi dans d'autres langues.
14:10Par exemple, je vois en espagnol, je parle d'espagnol couramment,
14:13le mot « monstre », qui est comme en français,
14:15il dit « monstruo ».
14:16Les gens disent « monstruo » maintenant.
14:18« Monstro », vous voyez.
14:19Les gens ne connaissent plus les racines des mots, si vous voulez.
14:22– Le problème, c'est que ces problèmes s'observent même au sommet de l'État.
14:26On a quand même eu un président de la République
14:27qui, lors d'un débat de second tour, a quand même dit à son adversaire
14:30« c'est pas de chance ».
14:32Il n'a pas dit « vous n'avez pas de chance », il a dit « c'est pas de chance ».
14:34– Une fois, la moutarde m'est montée au nez,
14:36parce que quand il était candidat, il n'était pas encore président de la République.
14:39Je me souviens, il avait fait des fautes de français épouvantables.
14:42Et pourtant, il est marié à un professeur de français.
14:44– On ne parle peut-être pas de lui-même président.
14:45– Ah bon, je parle de notre acteur, du président de la République française.
14:48– C'était Nicolas Sarkozy face à Ségolène Royal en l'occurrence.
14:50Il avait dit à Ségolène Royal, c'est pas de chance.
14:52– Quand il était candidat, il faisait encore des fautes de français.
14:55Alors, je vous dis qu'il est marié à un professeur de français.
14:58– Il était passionné de littérature, qu'il a fait des études de philosophie.
15:01– Ça n'empêche pas… – Visiblement, il a dû avoir un enseignement
15:06un peu défectueux à certains niveaux.
15:07– J'ai une amie à Genève qui est professeure.
15:10Quand elle m'écrit, elle fait des fautes monstrueuses.
15:12On dirait que c'est un enfant de 4 ans et pourtant, elle est professeure.
15:15– Aujourd'hui, vous avez des doctorants qui font des fautes monumentales sur leur thèse.
15:22Ça paraît presque normal.
15:24– Je me souviens, je suivais des cours, c'était gratuit à l'époque,
15:27au Collège de France.
15:28Des gens comme André Bastide, Leroy Gourhan,
15:31qui étaient des humanistes, ils parlaient un français admirable.
15:34Encore dans les années 60, avant 1968, avant la réforme.
15:39C'était des gens d'une culture extraordinaire.
15:41– Alors, pour illustrer ce phénomène, vous avez rédigé un texte,
15:47un texte en français d'aujourd'hui, avec sa traduction dans un français plus normal.
15:52Alors, je vais vous lire un petit extrait.
15:55Je n'arrivais plus à solutionner mes problèmes, je ne démarrais plus rien,
15:59même avec des applis dédiées.
16:01Je passais mon temps à me prendre la tête et à halluciner.
16:05La communautarité dans les transports, la dangerosité des rues,
16:08la non-traçabilité de certains aliments finissait par impacter ma santé,
16:13de quoi en développer une maladie.
16:14– Je vais lire pour nos téléspectateurs la traduction,
16:19ça pourrait donner…
16:22– Ce dont on parlait tout à l'heure, développer une maladie.
16:25– Voilà, je pense que tous nos téléspectateurs les ont entendus.
16:27– C'était quoi le début ?
16:28– Je vais juste lire, je ne parvenais plus à résoudre mes problèmes.
16:36En français, ça donnerait, je ne parvenais plus à résoudre mes problèmes,
16:38à entreprendre quoi que ce soit, même avec de bons outils de travail.
16:41Je passais mon temps à broyer du noir et à ruminer.
16:44La presse dans les transports, l'insécurité croissante des rues,
16:46les aliments de plus en plus pollués finissaient par affecter ma santé
16:50au point presque de tomber malade.
16:52– On voit ce mot partout, impacté par exemple, ça me fait penser à empaqueté.
16:56Impacté, en français on dit affecté.
16:59– Oui, oui, mais c'est que notre langue française est empaquetée
17:01dans des anglicismes absurdes.
17:02– Oui, oui, tous ces mots, traçabilité, dangerosité,
17:07on ne dit pas dangerosité, on dit c'est le danger.
17:11qui représente quelque chose.
17:12– Vous en listez, vous en présentez là une bonne vingtaine,
17:15dont notamment le verbe lister que je viens de présenter,
17:17je vous présente mes plus plates excuses.
17:19– Lister, ce n'est pas une faute de français,
17:21mais disons que ça ne s'employait pas autrefois,
17:23on disait établir la liste, c'est un néologisme,
17:25ce n'est pas un anglicisme.
17:28– Mais ces néologismes ne sont pas beaux,
17:31ça revient à ce qu'on disait tout à l'heure.
17:32– En général, on disait établir la liste quelque chose,
17:34maintenant on délister.
17:35– En fait c'est ça, c'est un mot pour simplifier en fait.
17:40– Mais ce n'est pas faux maintenant,
17:42ça a été accepté par les dictionnaires listés,
17:44donc c'est considéré comme étant français,
17:46mais ça ne s'employait pas encore,
17:48disons il y a vingt ans on n'aurait pas délister.
17:53Mais ça c'est pas une faute de français.
17:56– C'est une évolution de la langue.
17:58Alors après est-ce que c'est une évolution
18:00qui va dans un sens qui a toujours existé,
18:03ou est-ce que c'est un signe de la pente descendante ?
18:07– Non je vous dis, toutes les langues évoluent constamment,
18:10et les civilisations évoluent constamment,
18:12rien n'est statique, heureusement d'ailleurs.
18:15Mais je vous dis, il y a quand même un appauvrissement énorme de la langue.
18:19Si vous parlez à des jeunes, vous verrez qu'ils ont un vocabulaire
18:21beaucoup plus réduit que celui que nous on avait au même âge.
18:25– Ça je veux bien le croire, il faut dire que j'observe,
18:28plutôt que je l'entends.
18:28– Si vous écoutez par exemple les gamins quand ils téléphonent,
18:32vous entendez du coup, ils disent tout le temps du coup.
18:34– Oui, du coup pour le coup.
18:36– En fait, je vois, ils vont dans un magasin,
18:39en fait, est-ce que vous pouvez me vendre un cahier ?
18:42Il n'y a pas besoin de dire en fait.
18:44– Et puis il y a aussi plein de fins de phrases,
18:46totalement absurdes, comme finir une phrase par ou pas.
18:51– Oui, ou pas, vous avez l'heure, ou pas.
18:53Vous voulez un sac, ou pas.
18:55Ce n'est pas la peine de dire ou pas, voulez-vous un sac ?
18:58– Voulez-vous un sac, ou non ?
19:01À la rigueur, c'est plus acceptable.
19:02– Voulez-vous un sac, si on n'en veut pas, on dira non.
19:05Il suffit de dire, je ne vais pas vous dire,
19:08est-ce que vous voulez m'épouser ou pas ?
19:10Oui, je veux dire, vous voulez m'épouser ?
19:13– Il faudrait suggérer à beaucoup de personnes
19:16de lire un petit peu avant de faire leur…
19:18– Oui, ce n'est pas la peine de dire ou pas.
19:19– Leur demande en mariage, comme ça,
19:21ça donnera un peu plus de charme.
19:22– Je les entends, au téléphone, ils ne disent pas oui,
19:26ils disent ouais, tout le temps, ouais.
19:27– Ouais, ouais, ben ouais aussi, ouais, ben ouais.
19:32Autrefois, c'était les paysans qui disaient ouais.
19:35Le oui, le oui, oui, a tendance à disparaître dans la langue française.
19:39– C'est comme dire le fils A ou le frère A.
19:41– Le ?
19:42– Par exemple, au dire le fils de un tel, on dit le fils A un tel.
19:46– Ah oui, ça se disait aussi autrefois,
19:49c'était les paysans ou les gens qui n'avaient pas d'éducation.
19:52Donc c'est comme je suis allé au coiffeur.
19:54– Oui, voilà, c'est la fameuse réplique,
19:55qu'on entend dans la feuille des grandeurs, on dit je vais chez le barbier,
19:58et pas au barbier.
19:59– Oui, je vais chez le coiffeur.
20:01– Écoutez, en tout cas, merci beaucoup Isabelle et Marie pour votre ouvrage.
20:05Bon, je rappelle, c'est aux éditions de Paris Maxchaleil,
20:09c'est sur la boutique en ligne,
20:12et puis on n'a plus qu'à vous dire, un bon été,
20:14et puis que pour dire à notre spectateur,
20:17lisez, lisez, quels auteurs suggérez-vous en premier ?
20:19– Je vous remercie de m'avoir aussi,
20:21et je remercie M. et Mme Chalet d'avoir eu le courage de publier ce livre.
20:25Et je pense que si dans les écoles,
20:28les enseignants et les élèves le lisaient,
20:30je pense qu'ils prendraient conscience de beaucoup de choses.
20:32– Eh bien, chers téléspectateurs, au revoir,
20:36bon été, et puis bonne lecture pendant vos vacances d'été.
20:39Et à très bientôt.
20:40– Sous-titrage Société Radio-Canada
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