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Le président du Burundi, Pierre Nkrunziza, annonce sa candidature pour un troisième mandat. Acte jugé anticonstitutionnel, le pays s’enflamme, des dizaines de milliers de manifestants descendent dans les rues et se battent contre l’instauration d’une dictature.

Au quartier de Musaga, foyer de l’insurrection, Fanny, chef révolutionnaire, tente d’assurer la coordination de 1000 hommes pour entrer dans le centre-ville de la capitale et y faire entendre leur voix. Ils se battent avec des pierres et des cocktails Molotov lorsque la police et les milices du président qui les affrontent, répondent par des rafales de kalachnikov.
Un reportage en prise directe.

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Personnes
Transcription
00:00En cette veille de scrutin présidentiel au Burundi, les apparences sont trompeuses.
00:14Le pays est au bord de la guerre civile.
00:20Le président Pierre N. Kourouziza a décidé de se maintenir au pouvoir en brigant de force un troisième mandat,
00:27en violation de la constitution de son pays.
00:30Le président Pierre N. Kourouziza a décidé de se maintenir au pouvoir en brigant de force un troisième mandat.
00:59Sur les hauteurs de Bujumbura, la capitale, les faubourgs populaires ont décidé de se soulever contre cette manœuvre du pouvoir.
01:13Fanny est un chef du quartier de Moussaga.
01:23Continuez à brûler les pneus. Ne posez plus de pierre. Les gros cailloux, c'est très bien. Avec ça, les voitures ne peuvent pas passer.
01:33En huit jours de manifestation, il s'est imposé comme une des figures de l'insurrection.
01:37Donne-moi ça, toi, je vais boire un coup.
01:41Son quartier, qui vient de subir une semaine de violence policière, rêve d'une revanche.
01:45Ça, c'est mon carburant.
01:54Regarde bien cette machette.
01:56Aujourd'hui, ça va bien se passer avec les flics.
01:58On va l'aiguisé.
02:00Il faut qu'elle soit bien aiguisée.
02:03Si on ne s'entend pas avec la police, elle va servir.
02:07Même les munitions d'en face ont les mêmes machettes.
02:12On va bien travailler ensemble.
02:14Pas de soucis, ce sera en paix.
02:16Ne sortez pas du quartier, sinon ça va chauffer.
02:19Allez, c'est bon maintenant, cassez-vous.
02:25Nous, ce qu'on veut, c'est rejoindre le centre-ville.
02:30T'inquiète, les autres débarquent, ça va aller.
02:39Les hommes de Fanny n'ont pas de fusil,
02:41mais ils ont pour eux la supériorité du nombre.
02:44Le chef révolutionnaire est à la tête de 600 insurgés déterminés.
02:49Pour la première fois, Hutu et Tutsi,
02:51les deux principales ethniques burundi, défilent ensemble.
02:55Ils veulent faire tomber ce président qui s'accroche à son trône.
03:04Une centaine de policiers les empêchent de manifester au-delà de leur quartier.
03:12On va combattre jusqu'à ce que le président de la République
03:15quitte le sac administratif du troisième mandat.
03:19Nous pourrons continuer dans le centre-ville,
03:22mais il ne veut pas qu'on continue.
03:23Eh toi, le flic qui prend des photos,
03:28tu crois que tu nous fais peur ?
03:30Si tu continues, on va te couper les mains.
03:34Nous, ce qu'on veut, c'est que le président dégage.
03:38Ce qu'il n'a pas fait en dix ans,
03:40il ne va pas le faire maintenant.
03:43Qu'il laisse la place aux autres
03:44et qu'on nous donne la paix.
03:47Nous, c'est tout ce qu'on demande.
03:48Calmez-vous, les gars, là.
04:16Calmez-vous, lancez pas de pierres.
04:24Attendez, attendez, on va discuter.
04:28Promis, mes gars ont compris.
04:30On va arrêter.
04:31Ce sont tes hommes qui ont lancé les pierres en premier.
04:34T'as intérêt à te calmer,
04:35sinon ça va mal se passer.
04:38Ouais, ok, c'est bon, je vais leur dire.
04:40Dites à vos gars de ne pas approcher.
04:41Je te le dis maintenant,
04:42celui qui approche, il est mort.
04:44La police a des ordres gardé la position.
04:48Il est impensable que les manifestants quittent le quartier.
04:51Le risque de contagion à travers le reste de la ville
04:54pourrait être fatal au régime.
04:55Les policiers s'enfoncent dans le quartier
05:14pour une première offensive.
05:15Mais les manifestants ont prévu l'attaque.
05:28Postés dans les ruelles,
05:29ils font s'abattre sur les policiers
05:31une pluie de cailloux.
05:32Qu'est-ce qui s'est passé ?
05:52Il est blessé, il s'est pris une pierre.
05:53Les manifestants exultent,
05:58ils n'ont pas cédé un centimètre de terrain.
06:00La deuxième charge policière
06:19surprend tout le monde par sa violence.
06:21Cette fois, il tire à balles réelles
06:23sur les manifestants.
06:25Des tirs tendus à la Kalachnikov.
06:27Les insurgés ne reculent pas pour autant.
06:45Un homme est touché.
06:47Il a pris une balle dans le dos.
06:53Le bilan est lourd.
06:55Plusieurs blessés par balles.
06:57Il y a aussi un autre
06:59qu'on a tiré sur la jambe
07:01et un autre aussi sur le bras.
07:04Ce jeune homme s'appelle Arnaud.
07:07Il mourra dans la nuit.
07:15En une journée de bataille à Bujumbura,
07:17la police a fait quatre morts.
07:19Dans la grisaille,
07:28les habitants renforcent les barrages.
07:34Fanny est aux côtés de Divine,
07:36la sœur d'Arnaud tombée hier au front.
07:39Comment tu as appris la mort de ton frère ?
07:41J'étais à la maison avec ses amis.
07:43Ils m'ont dit que les flics avaient tiré sur mon frère.
07:45Ils lui ont tiré dans le dos.
07:54Arnaud vivait ici avec ses autres frères et sœurs.
08:00Il avait quel âge ?
08:01Il était étudiant.
08:10On était une fratrie de cinq.
08:12On s'aimait tous.
08:14C'est vrai, on n'a pas grand-chose.
08:16Mais le peu qu'on a, on le partageait.
08:18Je n'arrive pas à croire qu'il est mort.
08:24J'ai dû aller le voir pour réaliser.
08:27Hier, on était ensemble ici.
08:29On mangeait sur cette table.
08:31Et il a dit qu'il partait aider ses amis
08:33qui se faisaient tabasser par les flics.
08:35Il est parti d'ici en courant.
08:36Quand je passe devant les policiers,
08:42maintenant, je me dis que ce sont nos ennemis.
08:47Ils n'ont jamais rien fait de bon pour nous.
08:49Jamais rien.
08:54Comment peut-on tirer à balles réelles
08:56sur quelqu'un qui n'a qu'une pierre pour se défendre ?
08:58Moi, je suis responsable des jeunes du quartier.
09:06Et la mort de ce garçon nous a tous touchés.
09:12Pour cette famille, je ne sais pas quoi dire.
09:17Ça me dépasse.
09:20Tuer un enfant qui se battait pour le droit des Burundais,
09:23pour la Constitution.
09:28Si des jeunes sont prêts à mourir pour la Constitution,
09:43c'est qu'elle a permis un retour à la paix au Burundi.
09:46Depuis son indépendance en 1962,
09:49cette ancienne colonie belge
09:50était régulièrement secouée
09:52par des massacres interethniques
09:53qui ont fait des centaines de milliers de morts.
09:55Une guerre civile qui n'a pris fin
09:59qu'avec les accords d'Arusha en 2003.
10:02Il prévoit qu'un président n'a pas le droit
10:04à plus de deux mandats
10:05pour préserver ainsi une alternance au pouvoir.
10:10La violation de cette règle
10:12a mis le feu aux poudres.
10:13D'autant plus que depuis dix ans qu'il est en place,
10:16le président bafoue les droits de l'opposition.
10:18assassinat politique, intimidation.
10:27Les opposants se cachent.
10:28Le premier d'entre eux est assigné à résidence.
10:33Depuis qu'Agaton,
10:34Roi Sass est présenté à l'élection présidentielle en 2010.
10:38Il est dans le collimateur du pouvoir.
10:39Et si on a un régime qui se dit démocratique,
10:45mais où même les droits les plus élémentaires
10:47comme le droit de réunion
10:49sont privés aux opposants.
10:52Je peux vous dire, par exemple,
10:54maintenant on est dans une phase électorale,
10:57mais on n'a même pas eu le droit
10:59de tenir nos conférences de presse.
11:04Le président, c'est quelqu'un qui,
11:07pour ceux qui ne le connaissent pas,
11:09essaie de se montrer très gentil,
11:13mais qui ne l'est pas du tout.
11:17Et lui, il utilise toujours la force.
11:20Il va en campagne.
11:23Il prétend que la paix et la sécurité sont là.
11:25Mais lorsqu'il va à l'intérieur,
11:27il part avec plus de 200 militaires et policiers
11:30armés jusqu'aux dents avec des races roquettes
11:32et des mitrailleuses.
11:34Tout ça, ce sont des signes éloquents
11:36que réunion, lui-même, il est conscient
11:39qu'il n'a pas cette popularité
11:42qu'il essaie de reprêcher.
11:44L'élection présidentielle est prévue fin juin.
11:47Pour lancer sa campagne,
11:49le chef de l'État, Pierre Nkoroziza,
11:50a décidé de s'appuyer
11:52sur les provinces rurales du pays.
11:54Il a choisi ce 6 mai
11:56de tenir un premier meeting géant
11:58tout près de son fief du Nord
12:00dans la province de Muzinga.
12:04Pour être sûr de ne pas manquer de soutien,
12:07le président candidat
12:08utilise une méthode infaillible,
12:10le clientélisme.
12:12D'abord,
12:14une distribution gratuite de t-shirts.
12:18Ici, on vit avec moins de 50 centimes d'euros par jour.
12:22Un t-shirt neuf, c'est une aubaine.
12:25Pour les femmes qui vont faire la claque,
12:27le parti présidentiel prévoit une petite récompense.
12:34Nous, on ne nous donne que 2,50 euros
12:36quand on a bien chanté pendant le meeting.
12:38On est 25 et le parti ne nous donne
12:40que 2,50 euros à partager.
12:42On n'y arrive pas, c'est trop peu.
12:45On a faim, on va au meeting le ventre vide.
12:48Afin de contrer les images désastreuses
12:52des meutes urbaines,
12:53le président a donc choisi
12:54un décor champêtre
12:55pour débuter sa campagne électorale.
13:02La presse étrangère a fait le déplacement.
13:09Chrétien évangéliste,
13:10le président a fait venir sa chorale personnelle
13:13pour divertir les agriculteurs.
13:20La tradition est respectée,
13:22les incontournables tambourinaires du Burundi
13:25prennent le relais.
13:25En ces temps difficiles,
13:36le parti ne lésine pas sur la sécurité.
13:38La foule est parquée
13:39à plus de 100 mètres de la Seine
13:41et encadrée par des militaires
13:42lourdement armés.
13:43Après 4 heures d'attente sous le soleil,
13:54Pierre N. Kourouziza arrive enfin.
14:02En brigant ce troisième mandat contesté,
14:05le chef d'État, 51 ans,
14:06apparaît de plus en plus comme un dictateur.
14:08Sous l'ombre rafraîchissante d'une grande tente,
14:32les élus du parti affichent leur unité.
14:34Chers fidèles,
14:35acceptez-vous un gouvernement de transition ?
14:37Non ?
14:40Ceux qui ne l'acceptent pas,
14:44levez les mains bien haut.
14:47Montrez-le bien aux journalistes.
14:51Voilà.
14:55Tout est réuni pour une élection paisible.
14:58Nous avons la sécurité dans le pays
14:59et c'est pour ça que nous pouvons débuter
15:02une campagne électorale.
15:04Applaudissez.
15:10Vous avez vu où les divisions nous ont amenés ?
15:13Nous avons déjoué les complots.
15:21Nous sommes très forts.
15:22Nous avons traversé beaucoup d'épreuves.
15:32Levez les mains.
15:33Levez les mains.
15:37Le président répète à qui veut l'entendre son message rassurant.
15:40C'est sûr, rien ne peut empêcher la tenue de ces élections démocratiques.
15:44Il y a les fonds qui sont alloués pour les élections.
15:50Il y a aussi la volonté des partis politiques.
15:52Nous avons donc presque 15 partis politiques
15:54qui sont organisés pour participer aux élections.
15:56Et il y a aussi des coalitions,
15:59aussi des indépendants.
16:00Voilà donc les conditions sont bien réunies.
16:02La population burundaise aspire à la démocratie
16:05et nous avons la sécurité.
16:06Au moins, sur le moins,
16:07on a 9% de la population burundaise
16:08qui vit en paix et en sécurité.
16:09Et sur le territoire burundais,
16:11il y a la paix et la sécurité.
16:11Voilà, ce sont les questions qui ont été prévues.
16:15C'est fini.
16:15Une fois le message de paix délivré,
16:19le président repart comme il est venu.
16:23Un peu plus loin sur la route,
16:25des camions remplis de jeunes militants
16:27repartent dans leur campagne.
16:33Ces jeunes, on les appelle les imbonaires accourés,
16:36traduction, les hommes qui voient loin.
16:38Ils font régner la terreur dans le pays.
16:40Selon un rapport de l'ONU,
16:41ils auraient été armés et entraînés
16:43en vue de ces élections.
16:45Leur mission, tenir les villages
16:51où sur les murs ne s'affiche qu'un seul emblème,
16:54l'aigle du parti.
17:00Une terreur politique
17:01qui a entraîné un exode massif.
17:04Pour comprendre l'ampleur de ce phénomène,
17:06il faut passer de l'autre côté de la frontière,
17:08au Rwanda.
17:12C'est ici qu'arrivent chaque jour
17:14pour les opposants victimes de ces miliciens.
17:16Le camp de réfugiés de Ghechora
17:18accueille déjà 5000 Burundais
17:20qui viennent de fuir leur village.
17:23Un camp majoritairement peuplé
17:25de femmes et d'enfants.
17:26Au total, en un mois et demi,
17:28100 000 Burundais ont fui à l'étranger.
17:30Si on a fui, c'est à cause des imbunera-kulé,
17:48c'est à cause de leur menace.
17:49Chez moi, je n'arrivais plus à dormir.
17:52Je n'ai retrouvé le sommeil qu'une fois arrivé ici au Rwanda.
17:54Dans tout le pays,
17:57ce sont les imbunera-kulé
17:58qui font fuir les gens.
18:01Chaque fois, ces miliciens nous disaient
18:03« Votre groupe, vous n'êtes pas nombreux.
18:05Même avec deux seuls imbunera-kulé,
18:07on peut tous vous tuer et en finir. »
18:14« Ces miliciens, une fois qu'ils ont reçu les armes,
18:17ils venaient nous voir tous les soirs
18:18et ils nous disaient
18:19« On va commencer par vous.
18:21On va vous lessiver avec nos fusils. »
18:24« Ils nous disaient
18:25« Vous, les gens de l'ethnie, toi,
18:27vous serez les premiers sur la liste. »
18:29Leurs méthodes d'intimidation sont très efficaces.
18:32Parmi ces réfugiés,
18:33Anastasia et Martin,
18:34un couple à bout de nerfs.
18:38Depuis des semaines,
18:39ils se servent à cinq dans cette maison éventrée.
18:41Leur histoire, c'est celle
18:44de tous les réfugiés burundais.
18:46La peur et l'instinct de survie.
18:54La veille de notre fuite,
18:56on n'a pas pu dormir chez nous.
18:58Car sur la porte de chacune
19:00des maisons des opposants,
19:03les miliciens n'avaient pas une croix.
19:10Le matin,
19:11au village,
19:12j'ai croisé un de mes amis.
19:15Il m'a dit qu'il fallait fuir
19:16si j'étais contre le troisième mandat
19:18du président.
19:20Il y a aussi ces amis
19:20qu'on ne reconnaissait plus
19:22parce qu'ils nous menaçaient de mort.
19:24Ils nous ont donné le choix.
19:26Si tu es un opposant,
19:28tu dégages
19:28ou on te tue.
19:32Les miliciens,
19:33imbon et raccouré,
19:35rappellent à l'ordre
19:36tout opposant.
19:36ils sont comme une deuxième armée
19:40dans le pays.
19:42Ce sont des petits tyrans
19:44qui décident du sort des autres
19:47comme bon leur semble.
19:50A Bujumbura,
20:01la capitale burundaise,
20:02la terreur a changé de camp.
20:06Au cœur des quartiers insurgés,
20:08les imbon et raccourés
20:09sont devenus des hommes à abattre.
20:12Il y a régulièrement
20:13des chasses à l'homme.
20:13En rouge,
20:18encerclés par la foule,
20:19Léonidas.
20:22Avec Sébastien,
20:23ici en noir,
20:24ils sont suspectés
20:25d'être des imbon et raccourés.
20:30Un tribunal est improvisé
20:31à même le trottoir.
20:33Encerclez-les !
20:33Ne laisse pas partir !
20:34Encerclez-les !
20:36L'interrogatoire débute,
20:37Sébastien terrorisé
20:39s'embrouille dans ses réponses.
20:40Tu viens d'où ?
20:43De Mounzinda.
20:44Je suis venu à vélo.
20:46Il est où ton vélo ?
20:47Moi, je ne suis pas venu à vélo.
20:49J'ai fait du stop.
20:50Et ton ami ?
20:52Et mon ami
20:52est venu avec un camion de chantier.
20:55À qui il appartient ce camion ?
20:56C'est agrippé un camion.
21:00Où est ta carte d'identité ?
21:01Où est-il ?
21:02Alors que se tient ce procès,
21:07les militaires sont
21:07à l'autre bout du quartier.
21:10Les suspects sont livrés à la foule.
21:20Sébastien, au fond,
21:21échappera à ses bourreaux.
21:22Mais Léonidas, lui,
21:23a été brûlé vif.
21:29Ce lynchage n'est pas un cas isolé.
21:35Partout dans la ville,
21:36les miliciens qui régnaient hier
21:38se cachent.
21:40L'un d'entre eux
21:41a accepté de nous parler.
21:43La rencontre se fait de nuit
21:45pour plus de prudence.
21:48Car cet imbonnaire à courrer
21:49a dû fuir son quartier
21:50depuis le début des événements.
21:52Lui aussi a échappé de peu
21:54à la mort.
22:00Moi aussi,
22:01j'étais frappé.
22:02Ils m'ont battu.
22:03regarde, ils m'ont mis des coups de poing dans l'œil,
22:05des coups de bouteille sur la nuque.
22:07Et je me suis protégé comme j'ai pu,
22:09avec mes bras.
22:11Ils étaient partis chercher de l'essence
22:12pour me brûler vif.
22:14Mais là, il y a d'autres jeunes
22:16du parti de Guassa
22:16qui sont arrivés.
22:17Ils ont dit d'arrêter avec l'essence
22:19parce qu'ils me connaissaient.
22:20Dans notre milice,
22:25les tueurs,
22:26c'est eux qui ont les meilleures situations.
22:28Comme par exemple,
22:29les postes de renseignement.
22:31Mais ceux qui se font lyncher,
22:32c'est les petits.
22:33Ceux-là, ils n'ont pas tué.
22:34Ça, c'est injuste.
22:37Et le blanc, c'est un secret.
22:39Qu'ils ne viennent pas me tuer.
22:41Le secret du parti
22:42CNDD-FDD,
22:43c'est qu'il est facile d'y rentrer,
22:45mais impossible d'en sortir.
22:48Et s'ils savaient que je vous parle là maintenant,
22:49ils me tueraient moi aussi.
22:54Nos valeurs au parti,
22:56c'est de penser au bien commun avant soi.
23:00Mais quand je regarde tout le mal
23:01qui a été fait,
23:02toutes ces familles malmenées,
23:05je me dis que je n'aime plus notre président.
23:08Même un fou ne pourrait pas l'aimer.
23:10Au quartier de Moussaga,
23:20en dix jours de révolte,
23:22Fanny s'est métamorphosée.
23:24Il est fier de ses nouveaux combattants
23:26qui affluent chaque jour plus nombreux.
23:273, 4, 5, 6, 7, 8.
23:34Il y a le compte.
23:36Dans cette maison,
23:37Fanny a créé une cantine.
23:39La révolution s'organise.
23:44C'est bon là,
23:45ceux qui ont fini,
23:46ils laissent les autres entrer.
23:48Malgré le blocus policier,
23:50le chef a su faire jouer
23:51la solidarité des gens du quartier
23:53pour nourrir ses troupes.
23:54Mangez bien, mangez bien.
23:56Il y en aura pour tout le monde.
23:57Profitez.
23:59Aujourd'hui,
23:59on va nourrir 600 personnes,
24:01peut-être même 1 000.
24:02Mais rassurez-vous,
24:03chacun aura sa part.
24:11L'objectif maintenant,
24:12c'est que tout le monde
24:14doit aller au centre-ville.
24:21Les nouvelles recrues
24:22sont en pleine forme.
24:24Mais en face,
24:25les policiers alignent aussi
24:26de nouvelles troupes.
24:28Confrontation,
24:29escalade de la violence,
24:30c'est l'engrenage.
24:34Qu'ils viennent,
24:35on va se battre.
24:40L'armée qui était
24:41jusqu'à présent discrète
24:42semble s'être rapprochée
24:43des insurgés.
24:47Hé toi, écoute-moi.
24:49Nos hommes sont allés
24:50s'occuper des miliciens
24:51qui sont à l'autre bout
24:52du quartier.
24:52On s'en occupe.
24:55T'as compris ?
24:56Quand on aura fini
24:58avec les miliciens,
24:59la voie sera libre.
25:01Toi et tes gars,
25:02vous serez tranquilles
25:03et vous pourrez
25:04passer de l'autre côté.
25:05le plus important,
25:07c'est que vous restiez ici.
25:08Ne bougez pas.
25:11Si tu l'as acheté,
25:11gars,
25:11maintenant,
25:12ils vont se mélanger
25:13avec les miliciens
25:14et on ne pourra plus
25:15reconnaître personne.
25:17Attends les ordres,
25:18attends un peu.
25:20Nous,
25:20on s'en occupe
25:21des miliciens.
25:22Vous,
25:22vous restez ici
25:23et vous attendez les ordres.
25:24dans quelques heures,
25:29une partie de ces soldats
25:30va se ranger
25:31du côté des insurgés.
25:35Nous sommes le jeudi 13 mai.
25:37La situation semble basculer.
25:41Le centre-ville,
25:42jusque-là inaccessible,
25:44est investi par des manifestantes.
25:45Faisant mine d'aller au marché,
25:50elles franchissent
25:50les barrages policiers.
25:52Elles se regroupent ensuite
25:53dans une station-service
25:55à deux pas
25:56de la place de l'indépendance.
25:58Tout un symbole.
26:04Que personne ne traverse.
26:06Restez ensemble.
26:07Keti est un personnage
26:08connu ici.
26:09Écrivain,
26:10petite fille
26:10de l'ancien roi du Burundi,
26:12elle a vécu en France.
26:14C'est l'une des organisatrices
26:15de cette manifestation.
26:18Nous sommes parvenus
26:19à arriver ici.
26:21C'est une place
26:21qui a une valeur énorme.
26:24Et je crois que nous sommes
26:26en plein dans l'histoire.
26:27Je ne suis pas une politicienne,
26:29je suis une simple citoyenne.
26:30Je suis ici dans la rue
26:32pour dire non,
26:33pour sauvegarder mon pays.
26:36Des dizaines d'habitantes
26:37du quartier
26:37ont rejoint le rassemblement.
26:39La manifestation
26:40prend des allures
26:41de fêtes populaires.
26:45face à la police,
26:58elles entonnent maintenant
26:59l'hymne national.
26:59Nous sommes justement
27:12un tournant
27:12de notre histoire.
27:14Nous avons fait
27:14un énorme travail
27:15vers la démocratie.
27:16Il nous reste
27:17un petit bout du chemin.
27:19Donc,
27:19il ne faut pas
27:19que nous retournions
27:20en arrière.
27:21Nous sommes presque là.
27:22Nous sommes presque
27:22dans un état de droit.
27:24Et je crois que
27:24si nous faisons notre voix
27:26s'entendre aujourd'hui,
27:27tous les présidents
27:28à venir de ce pays
27:30sauront qu'ils doivent
27:31respecter les lois
27:33de ce pays
27:33et qu'ils ne sont pas
27:35au-dessus de la loi,
27:36mais que la loi prime
27:36sur eux.
27:39Mais pour les forces
27:40de l'ordre,
27:40la manifestation
27:41a assez duré.
27:42Dégagez,
27:43rentrez chez vous.
27:44Mais qu'est-ce qu'on vous a fait ?
27:46Katie tente de négocier
27:49en vain.
27:50Allez, avancez,
27:59barrez-vous.
28:14Pendant des heures,
28:15les femmes vont résister
28:16au canon à haut
28:17de la police
28:17qui veut dégager la place.
28:18N'hésitons pas
28:20un instant
28:21à leur faire face
28:21avec pour seule arme
28:23un mouchoir blanc.
28:38Nous sommes les citoyennes
28:40de ce pays.
28:41Le blondie nous appartient
28:41à toutes.
28:42Il est honteux
28:43qu'une police professionnelle
28:45fasse ceci.
28:46Nous avions des mouchoirs blancs
28:47en signe de paix.
28:49Et regardez, regardez-moi,
28:50je suis toute trempée.
28:51Regardez-moi,
28:52je suis une maman.
28:53Qu'est-ce que j'aurais pu faire
28:54à ces policiers ?
28:55C'est une véritable honte.
28:58Allez, prenons-nous la main.
29:04Approchez.
29:05Sur les hauteurs
29:11de la ville,
29:12des militaires rebelles
29:13ont ouvert la voie
29:14à d'autres manifestants.
29:20Cette fois,
29:21plus personne
29:22ne les arrête.
29:26Il est 14 heures.
29:28Bujumbura est envahi
29:29par une marée humaine.
29:30C'est du jamais vu.
29:34La foule exulte.
29:44Ce 13 mai 2015,
29:46le président Pierre Nkoroziza
29:47est en déplacement
29:48en Tanzanie.
29:50Une nouvelle parcourt
29:51alors la ville.
29:52Un général rebelle
29:53va faire une annonce.
29:54Le pays
29:55semble avoir basculé.
29:56On entend même
30:03qu'il y a
30:03le nouveau président
30:04qui va dire
30:05un mot ici.
30:07Celui qu'on appelle
30:07alors le nouveau président,
30:09c'est le général
30:10Niyombare.
30:11À la radio,
30:12il annonce
30:12un putsch.
30:13Les forces vives
30:16de la nation
30:17décident de prendre
30:18en main
30:19la destinée
30:20de la nation
30:20pour parier
30:22à ce climat
30:23d'inconstitutionnalité
30:24dans lequel
30:25le Burundi
30:26est plongé.
30:27Le président
30:27Mbouziza Pierre
30:29est destitué
30:30de ses fonctions.
30:31Le gouvernement
30:31est dessous.
30:34Les militaires rebelles
30:36sont portés en triomphe
30:37par les manifestants.
30:38Leur plan,
30:45utiliser la foule
30:46comme un cheval
30:47de Troie
30:47pour parvenir
30:48jusqu'au bâtiment
30:49de la télévision nationale.
30:51Seule station
30:52capable de diffuser
30:53la nouvelle
30:54de putsch
30:54à l'ensemble
30:55du pays.
30:58Voici le numéro 2,
31:00le général Cyril.
31:04La télévision
31:05n'est qu'à
31:05une dizaine
31:05de mètres,
31:06le général
31:07putschiste
31:07est tendu.
31:08Ça va, général ?
31:14On parle
31:14d'un coup d'État.
31:17En face,
31:18d'autres militaires
31:19fidèles, eux,
31:20au président,
31:21organisent la défense
31:22du bâtiment stratégique.
31:30Il faut renforcer
31:31les positions.
31:32Ils arrivent
31:33pour prendre la télévision.
31:34Fermez tous les accès
31:35à la télévision.
31:36Que quelqu'un trace
31:37une ligne
31:38à ne pas franchir.
31:41Les putschistes
31:42sont dans la foule.
31:43Ils arrivent.
31:45Oui, c'est eux.
31:47S'ils arrivent,
31:48vous tirez,
31:48les gars,
31:49vous tirez.
31:50Tirés sur la foule,
31:51les soldats hésitent.
31:52Mais de l'autre côté,
31:53les putschistes
31:54se rapprochent dangereusement.
31:55avec les manifestants,
32:09les putschistes
32:09se lancent
32:10vers la télévision.
32:11Les fidèles du président
32:25ont ouvert le feu.
32:28En une minute,
32:29les milliers de manifestants
32:30ont disparu,
32:31terrorisés.
32:33Fin de la manifestation,
32:35les rues se vident.
32:36désormais,
32:38le putsch va se jouer
32:39entre les deux factions
32:40opposées de militaires.
32:44Pour ce dialogue de sourds
32:45qui s'annonce,
32:46place aux armes de guerre.
32:47Les militaires ne perdent pas
33:01un instant.
33:04Ils barrent
33:05tous les accès stratégiques.
33:08Les troupes des deux camps
33:09se positionnent
33:10à travers la ville.
33:17Le lendemain matin,
33:22les combats commencent.
33:25En ce vendredi 14 mai,
33:26le président Nkoro Ziza
33:28est toujours absent du pays.
33:30Il serait sur l'autre rive du lac,
33:32en Tanzanie.
33:35Bojumbura retient son souffle.
33:39Les habitants se calfeutrent.
33:42La ville est abandonnée
33:44aux militaires
33:44qui se livrent
33:45une bataille féroce,
33:46toujours pour le contrôle
33:47de la télévision nationale.
33:55Les combats vont faire
33:5722 morts côté putschiste.
33:59En fin de journée,
34:00ils déclarent forfait.
34:07Entre-temps,
34:08les hommes du président
34:09en ont profité
34:10pour incendier
34:11tous les médias indépendants.
34:12Premier visé,
34:13télé-renaissance,
34:15une station privée.
34:15rentrez !
34:18J'ai failli me faire tirer dessus,
34:19rentrez !
34:21Déboussolés,
34:22les journalistes
34:23cherchent toujours
34:23une issue.
34:24Pourquoi ils attaquent
34:25télé-renaissance ?
34:26Parce que c'est une télé libre.
34:28Les médias sont
34:29le deuxième pouvoir
34:30au Burundi.
34:30Le Parlement n'a rien fait.
34:31Les médias dénoncent tout.
34:32Le Parlement ne crée pas
34:33d'équilibre.
34:34Même l'imposition
34:35n'arrive pas.
34:36Ce sont les médias
34:37qui, eux,
34:37essayent de sortir
34:38toutes les révélations
34:39et tous les problèmes
34:40qui peuvent se passer.
34:42Menacés,
34:42les journalistes locaux
34:43prennent la fuite,
34:44certains à l'étranger.
34:48Qu'est-ce de résonance
34:49des insurgés ?
34:50Cette station de radio
34:51qui se veut la voix
34:52des sans-voix
34:52est criblée
34:53d'un pacte de balle.
34:54Hier,
34:58elle annonçait le putsch.
35:00Aujourd'hui,
35:00l'un de ses dirigeants
35:01découvre l'ampleur
35:02des dégâts.
35:04Les militaires ont utilisé
35:05des bombes incendiaires.
35:08Qu'est-ce que vous ressentez
35:09quand vous voyez tout ça,
35:10monsieur ?
35:11De la mertume,
35:12c'est de la dégâtsation.
35:14Ça va être terrible
35:15parce que la liberté
35:16de la presse
35:17est menacée.
35:19Ce qui s'est passé ici
35:20s'est passé déjà
35:22sur d'autres stations
35:23de radio indépendantes.
35:24On comprenait
35:25que c'est une façon
35:26de faire taire
35:27les bombes,
35:28de faire taire
35:30tout le monde.
35:31Donc,
35:31ce qui va se passer,
35:33c'est terrible.
35:34Donc,
35:34on craint le pire.
35:40Au sud de la ville,
35:41dans le quartier
35:42toujours barricadé
35:43de Moussaga,
35:44Fanny retrouve ses troupes.
35:48Comment ça va,
35:48les gars ?
35:49Comment va le combat ?
35:52Tenez bon,
35:53les gars.
35:54Il faut rester courageux.
36:01Le président
36:01et ses hommes
36:02ont repris
36:02le contrôle du pays.
36:04La révolution
36:05a été écrasée
36:06en moins de 24 heures.
36:08Pour Fanny,
36:09la déception
36:09est immense.
36:15On a appris
36:16cette triste nouvelle
36:17de l'échec
36:18du coup d'État.
36:18La raison,
36:20c'est que l'armée
36:20est divisée.
36:22Mais c'est un problème
36:23interne à l'armée.
36:25En fait,
36:26les poutchistes
36:26n'ont pas voulu
36:27verser le sang,
36:28ils ont voulu
36:29épargner la population.
36:32Alors,
36:32le combat
36:32est peut-être fini
36:33pour eux,
36:34les militaires,
36:35mais nous,
36:36le peuple,
36:36nous nous battrons
36:38encore pour la Constitution
36:39et nous ne lâcherons
36:41rien tant que le président
36:43n'aura pas cédé.
36:47Fanny a tenu sa promesse.
36:49Il n'a pas baissé la garde.
36:53Chaque matin,
36:53les habitants
36:54de Bujumbura
36:54marchent en chantant.
36:58Faire de lance
36:58d'une nation
36:59qui réclame
36:59ses élections libres,
37:01leur respect
37:01de la Constitution,
37:03une vraie démocratie
37:04pour le Burundi.
37:05Sûr de ne pas manquer
37:09de soutien,
37:10le président candidat
37:11utilise une méthode
37:12infaillible,
37:13le clientélisme.
37:16D'abord,
37:17une distribution
37:18gratuite
37:18de t-shirts.
37:21Ici,
37:22on vit avec
37:23moins de 50 centimes
37:24d'euros par jour.
37:25Un t-shirt neuf,
37:26c'est une aubaine.
37:28Pour les femmes
37:29qui vont faire la claque,
37:30le parti présidentiel
37:31prévoit
37:32une petite récompense.
37:35Nous,
37:38on ne nous donne
37:38que 2,50 euros
37:39quand on a bien chanté
37:40pendant le meeting.
37:41On est 25
37:42et le parti ne nous donne
37:43que 2,50 euros
37:44à partager.
37:45On n'y arrive pas,
37:46c'est trop peu.
37:48On a faim,
37:50on va au meeting
37:50le ventre vide.
37:53Afin de contrer
37:54les images désastreuses
37:55des meutes urbaines,
37:56le président a donc choisi
37:57un décor champêtre
37:58pour débuter
37:59sa campagne électorale.
38:05La presse étrangère
38:06a fait le déplacement.
38:12Chrétien évangéliste,
38:13le président
38:14a fait venir
38:14sa chorale personnelle
38:16pour divertir
38:16les agriculteurs.
38:23La tradition est respectée,
38:25les incontournables
38:26tambourinaires
38:27du Burundi
38:28prennent le relais.
38:28Il avait quel âge ?
38:42Il était étudiant.
38:51On était une fratrie
38:52de 5.
38:53On s'aimait tous.
38:55C'est vrai,
38:55on n'a pas grand-chose,
38:57mais le peu qu'on a,
38:57on le partageait.
39:00Je n'arrive pas
39:01à croire qu'il est mort.
39:05J'ai dû aller le voir
39:06pour réaliser.
39:08Hier,
39:09on était ensemble ici.
39:10On mangeait
39:11sur cette table.
39:12Il a dit qu'il partait
39:13aider ses amis
39:14qui se faisaient
39:15tabasser par les flics.
39:16Il est parti d'ici
39:17en courant.
39:22Quand je passe
39:23devant les policiers,
39:23maintenant,
39:24je me dis
39:24que ce sont nos ennemis.
39:27ils n'ont jamais
39:29rien fait de bon
39:29pour nous.
39:30Jamais rien.
39:35Comment peut-on
39:36tirer à balles réelles
39:37sur quelqu'un
39:37qui n'a qu'une pierre
39:38pour se défendre ?
39:41Moi, je suis responsable
39:45des jeunes du quartier
39:46et la mort
39:47de ce garçon
39:48nous a tous touchés.
39:53Pour cette famille,
39:54je ne sais pas quoi dire.
39:58Ça me dépasse.
39:59tuer un enfant
40:02qui se battait
40:03pour les droits
40:04des Burundais,
40:05pour la Constitution.
40:08Tu l'es.
40:14On entend même
40:15qu'il y a
40:15le nouveau président
40:16qui va dire
40:17un mot ici.
40:19Celui qu'on appelle
40:19alors le nouveau président,
40:21c'est le général
40:22Niyom Barre.
40:23À la radio,
40:24il annonce
40:24un putsch.
40:25Les forces vives
40:28de la nation
40:29décident de prendre
40:30en main
40:30la destinée
40:32de la nation
40:32pour parier
40:34à ce climat
40:35d'inconstitutionnalité
40:36dans lequel
40:37le Burundi
40:38est plongé.
40:39Le président
40:39Boulosier-Zapierre
40:41est destitué
40:42de ses fonctions.
40:43Le gouvernement
40:43est dessous.
40:46Les militaires rebelles
40:48sont portés en triomphe
40:49par les manifestants.
40:55Leur plan,
40:57utiliser la foule
40:58comme un cheval
40:59de Troie
40:59pour parvenir
41:00jusqu'au bâtiment
41:01de la télévision nationale.
41:03Seule station
41:04capable de diffuser
41:05la nouvelle du putsch
41:06à l'ensemble du pays.
41:10Voici le numéro 2,
41:12le général Cyril.
41:16La télévision
41:17n'est qu'à une dizaine
41:17de mètres,
41:18le général putschiste
41:19est tendu.
41:20En face,
41:30d'autres militaires
41:31fidèles,
41:32eux,
41:32au président,
41:33organisent la défense
41:34du bâtiment stratégique.
41:40Hé toi,
41:41écoute-moi.
41:42Nos hommes
41:43sont allés
41:43s'occuper
41:44des miliciens
41:44qui sont
41:45à l'autre bout
41:45du quartier.
41:47On s'en occupe,
41:48t'as compris ?
41:49Quand on aura fini
41:51avec les miliciens,
41:52la voie sera libre.
41:54Toi et Tega,
41:55vous serez tranquilles
41:56et vous pourrez
41:57passer de l'autre côté.
41:59Le plus important,
42:00c'est que vous restiez ici.
42:01Ne bougez pas.
42:04Si tu lâches
42:04Tega maintenant,
42:05ils vont se mélanger
42:06avec les miliciens
42:07et on ne pourra
42:08plus reconnaître personne.
42:10Attends les ordres,
42:11attends un peu.
42:13Nous,
42:13on s'en occupe
42:14des miliciens.
42:15Vous,
42:15vous restez ici
42:16et vous attendez les ordres.
42:19Dans quelques heures,
42:22une partie de ces soldats
42:23va se ranger
42:24du côté des insurgés.
42:28Nous sommes le jeudi 13 mai.
42:30La situation
42:31semble basculer.
42:34Le centre-ville,
42:35jusque-là inaccessible,
42:37est investi
42:37par des manifestantes.
42:41Faisant mine
42:41d'aller au marché,
42:43elles franchissent
42:43les barrages policiers.
42:45Elles se regroupent
42:46ensuite
42:46dans une station-service
42:48à deux pas
42:49de la place
42:49de l'indépendance.
42:51Tout un symbole.
42:57Que personne ne traverse,
42:59restez ensemble.
43:00Keti est un personnage
43:01connu ici.
43:02Écrivain,
43:03petite fille
43:03de l'ancien roi
43:04du Burundi,
43:05elle a vécu en France.
43:07C'est l'une des organisateurs
43:08qui brouillent
43:08dans ses réponses.
43:09Tu viens d'où ?
43:12De Mounzinda.
43:13Je suis venu à vélo.
43:15Il est où ton vélo ?
43:16Moi, je ne suis pas venu à vélo.
43:18J'ai fait du stop.
43:19Et ton ami ?
43:21Et mon ami
43:21est venu avec un camion
43:22de chantier.
43:24À qui appartient ce camion ?
43:25Il s'est agrippé
43:26à un camion.
43:29Où allez ta carte d'identité ?
43:30Où allez ?
43:31Alors que se tient ce procès,
43:36les militaires
43:36sont à l'autre bout
43:37du quartier.
43:39Les suspects
43:40sont livrés à la foule.
43:49Sébastien, au fond,
43:50échappera à ses bourreaux.
43:51Mais Léonidas, lui,
43:52a été brûlé vif.
43:58Ce lynchage
43:59n'est pas un cas isolé.
44:01Partout dans la ville,
44:06les miliciens
44:06qui régnaient hier
44:07se cachent.
44:10L'un d'entre eux
44:10a accepté de nous parler.
44:12La rencontre se fait de nuit
44:14pour plus de prudence.
44:17Car cet imbonair à courrer
44:18a dû fuir son quartier
44:19depuis le début des événements.
44:21Lui aussi
44:22a échappé de peu à la mort.
44:29Moi aussi,
44:30j'étais frappé.
44:32Ils m'ont battu.
44:32Regarde,
44:33ils m'ont mis des coups de poing
44:33dans l'œil,
44:34des coups de bouteille
44:35sur la nuque.
44:36Et je me suis protégé
44:37comme j'ai pu.
44:38On est en train de me pousser
44:40avec les balles.
44:41Ça, c'est ce qu'elle comporte.
44:44Un homme est touché.
44:46Il a pris une balle
44:46dans le dos.
44:47Le bilan est lourd.
44:54Plusieurs blessés par balle.
44:55Il y a aussi un autre
44:58qu'on a tiré sur la jambe.
45:01Un autre aussi sur le bras.
45:04Ce jeune homme s'appelle Arnaud.
45:06Il mourra dans la nuit.
45:07En une journée de bataille
45:15à Bujumbura,
45:16la police a fait quatre morts.
45:26Dans la grisaille,
45:27les habitants renforcent
45:28les barrages.
45:29Fanny est aux côtés de Divine,
45:35la sœur d'Arnaud
45:35tombée hier au front.
45:38Comment tu as appris
45:39la mort de ton frère ?
45:40J'étais à la maison
45:41avec ses amis.
45:42Ils m'ont dit que les flics
45:43avaient tiré sur mon frère.
45:49Ils lui ont tiré dans le dos.
45:53Arnaud vivait ici
45:54avec ses autres frères et sœurs.
45:59Il avait quel âge ?
46:00Il avait 22 ans.
46:04Il était étudiant.
46:11Mais les manifestants
46:12ont prévu l'attaque.
46:14Postés dans les ruelles,
46:15ils font s'abattre
46:16sur les policiers
46:17une pluie de cailloux.
46:29qu'est-ce qu'il s'est passé ?
46:38Il est blessé.
46:38Il s'est pris une pierre.
46:42Les manifestants exultent.
46:44Ils n'ont pas cédé
46:45un centimètre de terrain.
46:46La deuxième charge policière
47:05surprend tout le monde
47:06par sa violence.
47:07Cette fois,
47:08ils tirent un bal réel
47:09sur les manifestants.
47:11Des tirs tendus
47:12à la Kalachnikov.
47:14Les insurgés
47:15ne reculent pas pour autant.
47:16Un homme est touché.
47:33Il a pris une balle
47:33dans le dos.
47:37Du nord,
47:38dans la province de Muzinga.
47:42Pour être sûr
47:43de ne pas manquer de soutien,
47:45le président candidat
47:46utilise une méthode infaillible,
47:48le clientélisme.
47:50D'abord,
47:52une distribution gratuite
47:53de t-shirts.
47:56Ici,
47:57on vit avec moins
47:58de 50 centimes d'euros
47:59par jour.
48:00Un t-shirt neuf,
48:01c'est une aubaine.
48:03Pour les femmes
48:04qui vont faire la claque,
48:05le parti présidentiel
48:06prévoit une petite récompense.
48:08nous ne nous donne que 2,50 euros
48:14quand on a bien chanté
48:15pendant le meeting.
48:16On est 25
48:17et le parti ne nous donne
48:18que 2,50 euros
48:19à partager.
48:20On n'y arrive pas,
48:21c'est trop peu.
48:23On a faim.
48:25On va au meeting
48:25le ventre vide.
48:28Afin de contrer
48:29les images désastreuses
48:30des meutes urbaines,
48:31le président a donc choisi
48:32un décor champêtre
48:33pour débuter
48:34sa campagne électorale.
48:35La presse étrangère
48:41a fait le déplacement.
48:47Chrétien évangéliste,
48:48le président a fait venir
48:49sa chorale personnelle
48:51pour divertir
48:51les agriculteurs.
48:58La tradition est respectée,
49:00les incontournables tambourinaires
49:02du Burundi
49:03prennent le relais.
49:05Allez, avancez,
49:14barrez-vous !
49:15Pendant des heures,
49:30les femmes vont résister
49:31au canon à haut
49:31de la police
49:32qui veut dégager la place,
49:34n'hésitant pas un instant
49:36à leur faire face
49:36avec pour seule arme
49:38un mouchoir blanc.
49:39Nous sommes les citoyennes
49:55de ce pays.
49:56Le Burundi nous appartient
49:56à toutes.
49:57Il est honteux
49:58qu'une police professionnelle
50:00fasse ceci.
50:01Nous avions des mouchoirs blancs
50:02en signe de paix.
50:04Et regardez, regardez-moi,
50:05je suis toute trempée.
50:06Regardez-moi, je suis une maman.
50:08Qu'est-ce que j'aurais pu faire
50:09à ces policiers ?
50:10C'est une véritable honte.
50:13Allez, prenons-nous la main.
50:19Approchez.
50:20Sur les hauteurs de la ville,
50:27des militaires rebelles
50:28ont ouvert la voie
50:29à d'autres manifestants.
50:35Cette fois,
50:36plus personne ne les arrête.
50:38La relation de cette règle
50:39a mis le feu aux poudres.
50:40D'autant plus que depuis
50:42dix ans qu'il est en place,
50:43le président bafoue
50:44les droits de l'opposition.
50:45assassinat politique,
50:52intimidation,
50:54les opposants se cachent.
50:55Le premier d'entre eux
50:56est assigné à résidence.
51:00Depuis qu'Agaton,
51:01Roi Sass est présenté
51:02à l'élection présidentielle
51:03en 2010.
51:04Il est dans le collimateur
51:06du pouvoir.
51:06Et si on a un régime
51:10qui se dit démocratique,
51:12mais où même
51:13les droits les plus élémentaires
51:14comme le droit de réunion
51:16sont privés aux opposants,
51:19je peux vous dire,
51:20par exemple,
51:21maintenant on est
51:21dans une phase électorale,
51:24mais on n'a même pas eu le droit
51:26de tenir nos conferences de presse.
51:32Le président,
51:32c'est quelqu'un qui,
51:34pour ceux qui ne le connaissent pas,
51:36essaie de se montrer
51:38très gentil,
51:40mais qui ne l'est pas du tout.
51:44Et lui,
51:44il utilise toujours la force.
51:47Il va en campagne,
51:50il prétend que la paix
51:51et la sécurité sont là,
51:52mais lorsqu'il va à l'intérieur,
51:54il part avec plus de 200 militaires
51:56et policiers armés jusqu'au dents
51:58avec des rances loquettes
51:59et des mitrailleuses.
52:00Tout ça,
52:01ce sont des signes éloquents
52:03que réunion,
52:04lui-même,
52:05il est conscient
52:06qu'il n'a pas...

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