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"LE BARRAGE DE MALPASSET" / Le 02 Décembre 1959, une catastrophe d'une violence inouïe s'abat sur la région du Var: l'effondrement du barrage de Malpasset. 60 ans plus tard, RMC Story propose un documentaire qui retrace le déroulé de ce drame. Il est 20h13, le 02 décembre 1959, lorsque la structure du barrage de Malapsset d'effondré. 50 milliards de litres d'eau foncent alors à 80 km/h sur les habitants du village de Boson. Une vague de 40 mètres de haut continue sa route et gagne Fréjus. Le bilan est dramatique: en 37 minutes, 423 morts, 2000 sinistrés et 1000 hectares de terres agricoles sont détruites. Comment la structure a-t-elle pu lâcher? Quels sont les systèmes de sécurité qui ont été mis en place après cette catastrophe?
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00:00Vallée du Rérand, dans le sud-est de la France.
00:07Ici, d'étranges blocs de béton jalonnent le sol de ce lieu désert.
00:14Des blocs qui ne sont pas les restes de ruines historiques,
00:18mais les témoins d'une catastrophe que tout le monde a oubliée,
00:22alors qu'elle est la pire que la France ait connue à ce jour.
00:25Celle d'un barrage retenant plus de 50 millions de tonnes d'eau,
00:31détruits en une fraction de seconde.
00:34D'une vague de 60 mètres de haut,
00:36rapide comme une voiture lancée à 75 km heure,
00:39qui rayera de la carte des pans entiers de la ville de Fréjus
00:42et fera plus de 400 victimes.
00:48Malpassé, tout le monde connaît.
00:50C'est effectivement le cofemart d'un ingénieur.
00:52Malpassé fait partie de ces catastrophes les plus destructrices.
00:58Il n'y avait plus rien, rien.
01:01Il n'y avait plus de traces de vie.
01:03Qu'est-il arrivé ce jour du 2 décembre 1959
01:07pour qu'une telle structure,
01:09bénéficiant des meilleures techniques de construction,
01:12connaisse un tel drame ?
01:14Quels étaient les signes avant-coureurs
01:15et ceux que n'ont pas vu les experts de l'époque ?
01:18C'est vraiment des roches qui ne sont pas faites
01:20pour poser un barrage dessus.
01:22Il y a trop d'eau qui s'infiltre dedans.
01:26Des résurgences apparaissent en rive droite.
01:28C'est qu'il se passe quelque chose
01:29dont ça doit être obligatoirement interpellé.
01:32On doit arrêter la mise en eau.
01:34Pour le savoir,
01:35nous sommes allés à la rencontre de géologues,
01:37d'ingénieurs.
01:38Il n'y avait aucun système d'alarme à Fréjus.
01:43Ils étaient livrés à eux-mêmes.
01:45L'idée était jetée parce que c'était trop tard.
01:47Des représentants de la société
01:48qui a construit le barrage de Malpassé.
01:52Ce qui va se passer sous l'ouvrage de Malpassé,
01:54c'est quelque chose, effectivement,
01:55qu'à l'époque,
01:57les ingénieurs n'avaient pas du tout imaginé.
02:00Qu'est-ce qui vous met à l'abri aujourd'hui ?
02:02Un truc que personne n'a imaginé,
02:04qui s'est produit nulle part,
02:05ne va pas vous arriver demain matin ?
02:07Mais aussi des survivants.
02:11Je ne voyais rien.
02:12J'entendais que les cris.
02:14On ne savait pas où aller.
02:15On ne savait pas où la vague était passée.
02:18Les gens qui étaient à Fréjus,
02:19le 2 décembre,
02:21aucun entre eux n'est sorti indemne
02:22de la catastrophe.
02:24De ce drame,
02:26tous ont tiré des leçons.
02:28Ils racontent l'histoire du barrage de Malpassé.
02:32Une catastrophe.
02:34Hors de contrôle.
02:37Fréjus, sur la côte méditerranéenne.
03:03Réputée pour son passé glorieux sous l'ère romaine,
03:08la ville attire chaque année de nombreux touristes.
03:12Des touristes qui, pour certains,
03:14parcourent quelques kilomètres plus au nord,
03:17là où un spectacle de désolation
03:19se dresse à la vue des visiteurs.
03:23Ces vestiges,
03:25ici, toute la population les connaît.
03:27Si aujourd'hui ils font la curiosité des randonneurs,
03:31ils réveillent pour beaucoup le souvenir d'un traumatisme.
03:34Celui de la plus grande catastrophe civile française
03:37qui a fait 423 victimes.
03:41En cause,
03:41un barrage qui,
03:42lors de son achèvement,
03:44avait suscité autant d'attentes
03:46que de craintes.
03:47Il y a un enthousiasme par rapport à ce barrage
03:50que l'on dit
03:53qu'il va apporter encore plus la prospérité,
03:57permettre le développement de l'agriculture,
03:59le développement du tourisme.
04:01Mais les Fréjusiens
04:03le voient quand même d'un œil
04:05un petit peu inquiet.
04:07Ils ont quand même un petit peu peur
04:09d'avoir ce monstre de béton
04:10qui s'élève
04:11à quelques kilomètres,
04:13finalement,
04:14de chez eux.
04:15Des craintes qui vont malheureusement
04:18s'avérer fondées.
04:20Pour comprendre ce qu'il s'est passé,
04:22il faut remonter le temps
04:23et basculer une soixantaine d'années plus tôt.
04:31Fréjus.
04:32Mercredi 2 décembre 1959,
04:35il est 21h.
04:37Depuis quelques jours,
04:39des trompes d'eau s'abattent sur la ville.
04:41Ici, comme dans toute la région
04:43du sud-est de la France,
04:44les inondations sont fréquentes.
04:48À l'époque,
04:49Jean-Paul Vieux a 20 ans.
04:52Habitant de Saint-Aigulf,
04:53la commune voisine,
04:55il dîne chez son père
04:56dans le centre-ville.
04:57On a ce qu'on appelle
04:58chez les paysans
04:59un coup de chavane,
05:00c'est-à-dire un très fort coup
05:01de vent d'est
05:02qui dévaste le littoral
05:04et qui fait ce qu'on appelle
05:06un phénomène de haute eau.
05:08Les rues de Fréjus,
05:09à certains quartiers,
05:10sont inondées.
05:12Les pêcheurs tirent les barques
05:13à terre parce qu'ils ont peur
05:14de coups de mer.
05:16Et donc,
05:17toute la journée du 2 décembre
05:18est placée sous le signe
05:19de très mauvais temps.
05:20À quelques centaines
05:23de mètres de là,
05:24la caserne de Fréjus
05:25où se trouve
05:26Jacqui Périmont,
05:2719 ans à l'époque.
05:29Appelé du contingent,
05:31il se rappelle
05:31de cette fin d'année
05:32très particulière.
05:3424 heures sur 24,
05:36il pleuvait.
05:36Après,
05:36il s'arrêtait un jour ou deux
05:37puis ça repartait.
05:39C'était de la...
05:41tout le temps inondé.
05:44Sous la pluie,
05:46la ville est déserte.
05:48Ce soir,
05:48plus que les autres,
05:49tout le monde est rivé
05:50devant son poste de télévision
05:51et regarde
05:53l'émission phare de l'époque.
05:58Gilles Margaritis
05:59présente en direct
06:00La piste aux étoiles.
06:02On était content
06:04de voir vite
06:05La piste aux étoiles
06:06donc on mangeait très vite
06:08pour vite
06:09de ne pas être en retard.
06:13Un matin,
06:14ce soir-là,
06:14il y avait une série
06:15de complices
06:16qui s'apprêtaient
06:16à sauter,
06:17à sauter de moutons.
06:18C'est-à-dire,
06:19les complices,
06:20se mettent deux par deux
06:21puis trois par trois
06:21et puis ils étaient
06:23six ou sept
06:23alignés côte à côte.
06:25Zabata prend son élan
06:26et au moment où il saute,
06:28la lumière s'éteint.
06:35Donc, on attend
06:36deux, trois minutes.
06:37La lumière ne revient pas.
06:39C'était une nuit noire.
06:40la seule lumière
06:41qui était perceptible,
06:42c'était l'éclat
06:43du phare de Cap Camara
06:44qui est à 20 km quand même.
06:46Et je dis à mon père,
06:47ça doit être une coupure grave
06:49parce qu'il n'y a plus
06:50une lumière
06:51dans toute la région.
06:52Jean-Paul Vieux
06:53et les 13 000 autres habitants
06:55de la ville
06:55ne le savent pas encore
06:57mais à 7 km de là,
06:59une vague géante
07:00de 50 mètres de haut,
07:02soit à la hauteur
07:02d'un immeuble
07:03de 15 étages,
07:05fonce en direction
07:05de la ville.
07:07Une vague créée
07:08par la rupture
07:09d'une structure colossale
07:10et réputée indestructible,
07:12le barrage de Malpassé.
07:19Nous sommes en 1951.
07:23Six ans après la guerre,
07:25les Français sont au travail.
07:27Il faut reconstruire le pays.
07:30Dans les grandes villes du Sud
07:31comme Fréjus,
07:32la problématique de l'eau
07:33est récurrente.
07:34Comment gérer au mieux
07:36les caprices du climat ?
07:38À la fin de la guerre,
07:41la région est dévastée,
07:44y compris l'agriculture.
07:45Pour développer l'agriculture,
07:47comme pour développer l'habitat,
07:48il faut de l'eau.
07:48À cette époque-là,
07:50toute la côte méditerranéenne
07:52avait des problèmes
07:53d'alimentation en eau.
07:54L'été, il crevait de soif.
07:56C'était rédhibitoire
07:58pour le tourisme,
07:59pour l'agriculture
08:00et même pour les industries
08:01qui commençaient à s'installer
08:02dans cette région.
08:03Il fallait donc faire quelque chose.
08:06Si les terres sont asséchées
08:07en été,
08:08elles sont au contraire
08:09largement abreuvées d'eau
08:10à l'automne.
08:16Les autorités décident
08:18assez logiquement
08:19de construire un barrage.
08:20Non pas un barrage
08:21voué à produire de l'électricité,
08:24mais un barrage
08:24qui permettra
08:25de constituer une réserve d'eau
08:27et de la distribuer
08:28harmonieusement
08:29à la population.
08:31Encore faut-il trouver
08:32le lieu idéal
08:33de son implantation.
08:35Et s'il y a bien
08:36un cours d'eau
08:36que l'on souhaite voir
08:37dompté par une telle infrastructure,
08:40c'est le Rérand.
08:44En été,
08:45il peut pratiquement s'effacer
08:46sous l'effet
08:47des fortes chaleurs.
08:48Mais dès qu'arrivent
08:49les mauvais jours,
08:51le cours d'eau
08:51se transforme
08:52en un torrent incontrôlable.
08:54C'est un torrent
08:56qui a vraiment
08:57des crues extrêmement fortes,
08:59une amplitude extrêmement forte.
09:01Durant l'été,
09:02vous ne voyez pas
09:03une petite flaque d'eau
09:05et après plusieurs jours
09:07de pluie,
09:08vous ne pouvez pas
09:09passer au passage à guet.
09:12C'est tout à fait impossible.
09:13C'est quelque chose
09:14qui vraiment ratisse
09:16tout sur son passage
09:17et qui est extrêmement violent.
09:20Les agriculteurs
09:21qui avaient la riche vallée
09:22du Rérand
09:22avec des terres
09:23très productrices
09:24se arrachaient les cheveux
09:26à chaque cru du Rérand
09:27leur emportaient
09:27des tonnes et des tonnes
09:28de terres agricoles riches.
09:32Pour apprivoiser le Rérand,
09:34les autorités déterminent
09:36le lieu dit de Malpassé
09:37comme l'emplacement idéal
09:39pour le futur barrage.
09:41Situé à 16 km au nord
09:42de la ville de Fréjus,
09:44Malpassé voit couler le Rérand
09:46au centre d'un vallon large
09:47de seulement 200 m,
09:48la taille parfaite
09:49pour construire
09:50ce genre d'édifice.
09:53Le site est choisi
09:56suite à une étude géologique.
09:58Il est positionné,
10:00on va dire,
10:01à un débouché
10:02d'une gorge
10:03assez étroite
10:04et derrière,
10:05il y a une vallée
10:06qui s'étend
10:08et qui peut retenir
10:09une étendue d'eau
10:10très très importante.
10:11C'est un des endroits
10:12effectivement
10:13où la rivière
10:15est la plus resserrée.
10:16On cherche toujours
10:18l'endroit
10:19où la topographie
10:20crée un verrou
10:21pour installer un barrage
10:23parce que cela permet
10:25de minimiser
10:26le volume de béton.
10:28Avec sa construction,
10:29le barrage va permettre
10:30la formation
10:31d'un lac de retenue
10:32long de 4 km
10:33et plein de 50 millions
10:35de mètres cubes d'eau,
10:37une quantité astronomique
10:38équivalente
10:39à près de 5 millions
10:40de camions-citernes.
10:41Terrains et reliefs
10:46paraissent adaptés.
10:48Il reste maintenant
10:48à construire le barrage.
10:51Oui, mais voilà.
10:52Sans que personne
10:53ne le sache
10:53et alors que la première pierre
10:55n'est pas encore posée,
10:56le projet court déjà
10:57à la catastrophe.
11:05Avril 1952,
11:08le chantier du barrage
11:09de Malpassé débute.
11:11Ce n'est pas un barrage
11:12comme les autres
11:12que l'on construit.
11:14La société Coyne et Bélier,
11:16responsable de sa mise en œuvre,
11:18a opté pour un nouveau type
11:19de barrage.
11:22À l'inverse
11:23des traditionnels
11:24barrages poids,
11:25rectilignes,
11:25où la force de l'eau
11:26s'implique de manière homogène
11:27sur toute la structure,
11:29celui-là
11:30sera un barrage voûte.
11:32Les toutes premières études
11:33géologiques avaient été faites
11:35dans l'idée d'un barrage poids
11:36avant que Coyne ne soit appelé.
11:38Et quand Coyne est arrivé,
11:39puisqu'il était en train
11:40de construire des voûtes
11:41un peu partout en France
11:42pour le compte d'EDF,
11:43il a dit mais non,
11:44faites une voûte,
11:44ça vous coûtera moins cher.
11:47La voûte fait appel
11:49aux dernières avancées
11:50architecturales.
11:51En forme de demi-lune,
11:53le barrage de Malpassé
11:54est parfaitement adapté
11:56aux zones étroites
11:57à la roche dure.
11:59Il a pour caractéristique
12:00principale
12:00de reporter la poussée d'eau
12:02aux deux extrémités
12:03et de l'édifice
12:04sur les rives.
12:09Christine Noray
12:10est ingénieure spécialiste
12:11des constructions de barrages.
12:13L'entreprise qui l'emploie
12:14a fusionné
12:15avec la société historique
12:17Coyne et Bélier.
12:18Il y a un certain nombre
12:19de ponts
12:20qui utilisent aussi
12:22ce type d'effet voûte
12:24et qui sont aussi
12:25des structures très élancées.
12:27Et puis il y a aussi
12:28plus simplement
12:29toutes nos églises
12:30et nos cathédrales
12:31où le poids
12:32de la superstructure
12:33redescend dans les piliers
12:36par l'effet
12:37des voûtes supérieures.
12:39Sauf que là,
12:39vous avez en fait
12:40une voûte qui est,
12:41je dirais,
12:42verticale
12:43au lieu d'être horizontale.
12:47Le barrage voûte
12:48reporte
12:49tous les efforts
12:50sur les appuis rocheux
12:52sur chaque rive
12:53par les effets d'arc.
12:55La poussée de l'eau
12:56est reportée
12:56sur les appuis du barrage.
12:58Dans ces appuis,
12:59ils sont déformables.
13:01Le rocher est déformable.
13:03Ils se contractent.
13:06Autre avantage,
13:08le coût du barrage
13:08fait preuve lui aussi
13:09d'une certaine souplesse.
13:12À cette époque-là,
13:13dans les années 1960,
13:15les barrages voûtes
13:16sont quelque part
13:17un optimum technico-économique
13:19parce que ça nécessite
13:21moins de béton
13:22qu'un barrage
13:25de type poids
13:26et à peu près
13:2750% de moins.
13:27et puis par contre,
13:30on a besoin
13:30d'un petit peu plus
13:31de main-d'oeuvre
13:31puisque la forme
13:32est un petit peu
13:33plus compliquée
13:34donc il faut faire
13:34des coffrages.
13:35Mais à cette époque-là,
13:36la main-d'oeuvre
13:37a un coût raisonnable.
13:42186 hommes
13:43font avancer
13:43le chantier
13:44à grande vitesse.
13:48En seulement deux ans,
13:50le barrage de Malpassé
13:51se dresse
13:51au centre de la vallée.
13:52ses dimensions,
14:0060 mètres de hauteur
14:02par 220 mètres
14:03de longueur.
14:04Un mur plus grand
14:05que l'Arc de Triomphe,
14:07aussi long
14:07qu'une rame de TGV.
14:09Très esthétique,
14:11son épaisseur de base
14:12est de 6,50 mètres
14:13et se termine en crête
14:15à 1,50 mètres,
14:16ce qui en fait
14:17le barrage
14:17le plus mince d'Europe.
14:19Il est solidement
14:21ancré dans le sol
14:22par des fondations profondes
14:23de 10 à 15 mètres
14:25et fixé à la vallée
14:26sur son flanc gauche
14:27par une sorte
14:28d'agrafe en béton
14:29appelée culée.
14:33Le barrage est également
14:34doté d'une vanne
14:35de délestage
14:36située tout en bas
14:37de la structure,
14:38près du sol,
14:39qui permet de contrôler
14:40le niveau du lac
14:41en rejetant à volonté
14:43l'eau qu'il contient.
14:45Et voici le résultat.
14:49C'est un barrage
14:50très élégant
14:51en général
14:52et celui-là en particulier
14:53était particulièrement élégant
14:55parce que c'était
14:55une voûte mince
14:56avec quelques mètres
14:57de béton
14:57qui était une réussite
15:00architecturale.
15:05La voûte est quasiment
15:07indestructible
15:07à condition
15:08que les appuis
15:09tiennent bon.
15:10Il y a une condition
15:11et on signe et qu'on donne
15:12c'est d'avoir
15:12de bons appuis.
15:14Et c'est justement
15:15ce qui va poser problème.
15:17Derrière les apparences,
15:19le barrage
15:20est un colosse
15:21aux pieds d'argile
15:22et ses bâtisseurs
15:23vont le découvrir
15:24bien trop tard.
15:29Novembre 1959,
15:31dix jours
15:32avant la catastrophe.
15:34Après la sécheresse
15:34de l'été,
15:35les pluies
15:36de l'automne.
15:38Sauf que cette année,
15:39elles sont
15:40particulièrement
15:40intensives.
15:41A l'automne 59,
15:43il y a un épisode
15:45pluvieux
15:46extrêmement important,
15:47le fameux coup de chavane.
15:53Il va y avoir
15:54des journées
15:55vraiment de pluie diluvienne.
15:59Et il faut imaginer
16:00tout le bassin versant
16:02qui va venir
16:03décharger
16:04toutes les eaux
16:04torrentielles
16:05dans le lac de retenue.
16:07Au barrage,
16:10ces fortes précipitations
16:12augmentent
16:12la vigilance
16:13du personnel.
16:14Tout est contrôlé.
16:16L'élasticité
16:16du béton,
16:17la pression
16:18sur les appuis.
16:21Soudain,
16:22la roche
16:23jusque-là
16:23restée muette
16:24se met à parler.
16:28Des suintements
16:28d'eau sont repérés
16:29le long des roches
16:30jouxtant le barrage.
16:32Dans le jargon,
16:33on les appelle
16:34des résurgences
16:35et elles sont présentes
16:36sur les deux rives.
16:39Quelle est l'origine
16:39de ces résurgences ?
16:41Les experts de l'époque
16:42n'en ont pas
16:43la moindre idée.
16:45À ce moment-là,
16:47on ne peut pas dire
16:48qu'il est en train
16:49de se passer quelque chose.
16:50Est-ce que
16:51ces résurgences
16:52sont directement
16:53à mettre en lien
16:53avec la retenue
16:54ou simplement
16:54avec une nappe phréatique
16:56qui est dans le rocher ?
16:58On ne peut pas le dire.
16:59Avec les connaissances
17:00actuelles,
17:00une résurgence
17:01sur un barrage
17:02en cours de remplissage,
17:03on arrête le remplissage.
17:05On stoppe le remplissage
17:06immédiatement
17:07et on observe
17:07ce qui se passe,
17:08voire on baisse
17:09le plan d'eau.
17:11En utilisant
17:12la fameuse vanne
17:12située en bas du barrage,
17:14il est possible
17:15en effet
17:15d'arrêter le remplissage.
17:18Pour contrôler
17:18le niveau d'eau
17:19pendant le remplissage,
17:20de quoi dispose-t-on ?
17:22On dispose
17:22d'une vidange de fond,
17:24donc un gros robinet
17:25qui est capable
17:27d'évacuer
17:27jusqu'à 50 mètres
17:28cubes secondes,
17:29je crois,
17:29à peu près
17:31autant
17:32que ce qui rentre.
17:33On peut donc
17:34pratiquement
17:34arrêter la montée
17:35du plan d'eau
17:36au moins équilibré.
17:4150 mètres cubes
17:42par seconde,
17:43soit environ
17:44une piscine olympique
17:45par minute.
17:46Cette solution
17:47pourrait permettre
17:47d'éviter le pire,
17:49mais elle est immédiatement
17:50bloquée par la présence
17:51d'une autre structure.
17:53À 900 mètres
17:54en aval du barrage,
17:56un chantier
17:56de grande ampleur
17:57est à l'œuvre
17:58depuis deux mois.
17:59Celui de l'autoroute A8
18:01qui relie Aix-en-Provence
18:03à la Côte d'Azur.
18:04Ouvrir la vanne
18:05risquerait de compromettre
18:07les travaux
18:08du pont de l'autoroute
18:09qui enjambe le Rérand.
18:12Les responsables
18:12du génie rural
18:13l'ont demandé
18:14aux gens de l'autoroute
18:15qui étaient
18:15les ponts et chaussées.
18:17On va ouvrir les vannes,
18:18attention,
18:18ah non, non, non,
18:18il n'en est pas question,
18:19on a notre chantier,
18:20donc c'est les ponts et chaussées
18:21qui ont gagné,
18:22donc on n'a pas ouvert les vannes.
18:24Une situation bloquée
18:25aux conséquences terribles.
18:28Car en réalité,
18:29le barrage
18:29n'a jamais été testé à plein.
18:31Impossible donc
18:32de savoir
18:32s'il est capable
18:33de résister
18:34à la pression
18:34de l'eau qu'il retient.
18:42En effet,
18:44depuis l'achèvement
18:44de sa construction
18:45quatre ans plus tôt,
18:47la phase de remplissage
18:48du bassin du barrage
18:49n'est toujours pas accomplie.
18:51Elle est pourtant
18:51capitale
18:52pour les ingénieurs.
18:53Le premier remplissage,
18:55c'est comme le rodage
18:55d'une voiture.
18:56il s'agit de vérifier
18:57que tout se passe bien.
18:58Chaque barrage
18:59est unique,
19:01chaque barrage
19:01est un prototype.
19:05La phase
19:06de premier remplissage
19:08est une phase cruciale,
19:10puisque c'est la première fois
19:11où on va vérifier
19:12qu'il a été bien construit.
19:14C'est un test
19:15en vraie grandeur.
19:19De quelle manière
19:20se comporte le béton ?
19:23Les appuis
19:23de part et d'autre
19:24du barrage
19:25sont-ils suffisamment solides ?
19:28Des questions
19:28qui ne trouvent pour l'heure
19:29aucune réponse.
19:32À mal passer,
19:33le remplissage,
19:34il va être laborieux.
19:35Il va être laborieux,
19:36mais il va durer quatre ans.
19:37C'est totalement
19:37anormal.
19:40Quatre ans,
19:41c'est quatre fois plus
19:42que d'habitude.
19:42Et pour les 13 000 habitants
19:44de Fréjus,
19:45c'est une source
19:46constante d'inquiétude.
19:48Ils le savent,
19:49en cas de problème
19:50au barrage,
19:51ils sont directement exposés.
19:54Dans les conversations,
19:56les gens disaient
19:56quelquefois
19:57ce barrage,
19:58pourquoi il n'est pas plein ?
19:59Pourquoi ils ne le remplissent pas ?
20:01Ils n'ont pas confiance ?
20:03S'ils ne prouvent pas
20:05le test,
20:06c'est qu'ils ne sont pas sûrs
20:08qu'il est assez résistant.
20:09Il y avait cet état d'esprit.
20:12En réalité,
20:13si le barrage
20:14ne peut être totalement rempli,
20:16c'est qu'il y a
20:16dans la zone du lac
20:17des entreprises
20:18qui ne veulent pas
20:19quitter les lieux.
20:21Dans la vallée du Réran,
20:22il y a quand même
20:23plusieurs sites
20:25d'exploitation.
20:26Et la construction
20:27du barrage,
20:28certes,
20:29s'élève,
20:30mais c'est surtout
20:31le remplissage
20:32du lac de retenue
20:34qui se situe en arrière
20:35qui menace
20:36certaines installations.
20:38Un site en particulier
20:41pose problème.
20:42Les mines du Garot,
20:44situées à 4 km au nord
20:45du futur lac de retenue.
20:47Elles seraient directement
20:48impactées par la montée
20:49de l'eau,
20:50car situées 10 mètres
20:51sous le niveau maximal
20:52de remplissage du lac.
20:55Comme son exploitant
20:56refuse de partir,
20:57le lac ne peut être rempli
20:59que partiellement,
21:00jusqu'à 49 mètres
21:02au lieu de 60.
21:04Insuffisant pour réaliser
21:05pleinement le test.
21:06Il restait encore
21:097 ou 8 mètres
21:09à remplir,
21:10c'est-à-dire plus de 10%.
21:11Alors, il faut savoir
21:12que quand il manque
21:1410% d'eau en hauteur,
21:16il manque 30%
21:16en force.
21:22Donc, en effet,
21:23ce barrage,
21:24il était très, très loin
21:25de la charge
21:27pour laquelle
21:27il avait été conçu.
21:30Impossible de connaître
21:31réellement les forces
21:32et les faiblesses
21:33de l'édifice,
21:34et ce, malgré
21:34les premières réactions
21:35de la structure.
21:38Poussé par le poids du lac,
21:39rempli à 90%,
21:40l'édifice s'est étiré
21:42vers l'aval,
21:43c'est-à-dire
21:44vers la partie sèche.
21:46En juillet 59,
21:47les mesures montrent
21:48effectivement
21:49des déplacements
21:50de l'ordre de 15 millimètres
21:52en pied du barrage.
21:54C'est pas significatif
21:55d'un danger.
21:58On va avoir
21:58des déformations
21:59en contraction
22:00où le volume
22:01va bouger un petit peu,
22:02mais on reste
22:03en déformation élastique.
22:05C'est la respiration
22:07finalement
22:09de l'ouvrage
22:11liée aux variations
22:13des sollicitations.
22:15Jusque-là,
22:16rien d'anormal donc.
22:18Le barrage
22:18pourrait rester
22:19dans cet état
22:19encore longtemps.
22:21Mais alors que la situation
22:22est comme paralysée,
22:24un élément
22:24va tout précipiter
22:25et révéler au grand jour
22:27ce que les ingénieurs
22:28n'avaient pas vu.
22:29Retour le 2 décembre 1959.
22:36Il est 16 heures.
22:37Avec les fortes précipitations
22:39de ces derniers jours,
22:40le lac de Reutemus
22:41se remplit
22:42à vitesse grand V.
22:43Les fameuses mines
22:44du Garot
22:45ne sont plus à l'abri.
22:46Le barrage se remplit
22:48à tel point
22:49qu'il échappe
22:50totalement au contrôle
22:52de l'évacuation d'eau.
22:53C'est-à-dire que le bassin versant
22:54se remplit tellement vite
22:56qu'on ne peut plus empêcher
22:58le noyage de la mine.
23:02En 4 jours,
23:03du 28 novembre
23:04au 1er décembre,
23:05il est tombé
23:06près de 250 mm d'eau,
23:08soit le tiers
23:09de ce qu'il pleut
23:09en un an.
23:12À cette allure,
23:14l'eau atteindra bientôt
23:15la hauteur maximale
23:16du barrage,
23:1760 m.
23:18Pour la toute première fois,
23:20les rives vont supporter
23:21la pleine puissance du lac
23:23sans aucun contrôle préalable.
23:24Un lac lourd
23:26de 50 millions de tonnes d'eau,
23:28le poids
23:29de 5 000 cathédrales.
23:31On atteint quasiment
23:32la cote 100.
23:33Donc la cote,
23:34vraiment,
23:35on a peur, en fait,
23:36que l'eau bascule
23:37par le déversoir
23:38et il faut
23:40prendre une décision.
23:43Devant l'urgence
23:44de la situation,
23:45toute la tension
23:46est naturellement portée
23:47sur le mur du barrage.
23:49Or, le principal danger
23:50ne se trouve pas ici,
23:52mais à quelques dizaines
23:53de mettre sous l'ensemble
23:54de la structure.
23:57Ce qu'on n'imagine pas
23:59à cette époque-là,
24:00c'est ce qui va se passer
24:01sous l'ouvrage
24:02de Malpassé
24:03qui est quelque chose
24:04qui est assez particulier.
24:09La situation
24:10est en réalité catastrophique.
24:14Sous le barrage,
24:15alors que les experts
24:15de l'époque
24:16le croient solide,
24:17le Gness,
24:18cette roche
24:19qui compose
24:19l'essentiel du sous-sol
24:20de Malpassé,
24:22est en réalité fragmentée
24:23par des failles
24:23interstitielles.
24:26Des failles
24:26qui rendent le sous-sol
24:27perméable
24:28s'il doit supporter
24:29une trop grande
24:30quantité d'eau.
24:32Le barrage
24:32est donc installé
24:33sur un sol
24:34qui menace
24:34à tout moment
24:35de céder.
24:36Parmi la structure
24:41de la roche
24:42en rive gauche,
24:43on a
24:44ce qu'on appelle
24:45une foliation,
24:46c'est-à-dire
24:46un peu comme
24:47les pages d'un livre
24:47si vous voulez
24:48dans un volume,
24:50il y a une direction
24:50qui va faciliter
24:52la pénétration
24:53de l'eau.
24:54Cette roche
24:55a les plus mauvaises
24:56caractéristiques
24:57de résistance
24:57de tout ce qu'on peut
24:59trouver
25:00comme fondation
25:02de barrage.
25:02C'est vraiment
25:03des roches
25:03qui ne sont pas faites
25:04pour poser
25:05un barrage dessus.
25:06Il y a trop d'eau
25:08qui s'infiltre
25:09dedans.
25:10C'était une catastrophe
25:12de construire
25:13un barrage
25:14sur une roche
25:14comme ça
25:15extrêmement perméable
25:16de par la fracturation,
25:19la fragilité
25:20de cette fondation.
25:24Gilbert Castanier
25:25est géologue.
25:27Il a expertisé
25:28de nombreuses
25:28fondations de barrage.
25:30Il sait que
25:30dans son domaine,
25:31les apparences
25:32sont parfois trompeuses.
25:34Il y a une idée
25:35également peut-être
25:36dont il faut
25:37s'affranchir.
25:37C'est de croire
25:38qu'un rocher
25:39c'est très robuste
25:40parce que visuellement
25:42c'est dur,
25:44c'est anguleux
25:45et on va chercher
25:46les rochers
25:47les plus résistants
25:48pour construire
25:48des barrages voûtes.
25:50Mais quand on regarde
25:51ce rocher
25:52au microscope,
25:53ce rocher
25:53il a des discontinuités,
25:56de la porosité,
25:57donc des micro-trous
25:58qu'on ne voit
25:58qu'au microscope,
26:00des failles
26:01qui l'affaiblissent.
26:02à ça on rajoute
26:04la tectonique,
26:06les contraintes
26:06qui ont agi sur ces roches
26:07au moment de leur formation
26:08et vous voyez
26:10que presque
26:11vous pouvez par endroit
26:12les prendre dans la main
26:13ces roches
26:14et c'est extrêmement friable.
26:15Alors vous avez
26:16des parties extrêmement dures
26:17et vous avez
26:19des parties extrêmement friables
26:20et les parties friables
26:21sont très très présentes
26:23à l'endroit
26:24où a été construit
26:25cet édifice.
26:26Le barrage
26:28est donc édifié
26:29à cet endroit
26:30sans conscience
26:30du danger
26:31et comme si son triste sort
26:33était déjà tracé,
26:34les expertises réalisées
26:36ont suffi
26:36à valider l'ouvrage
26:37qui n'a pas eu besoin
26:38d'homologation supplémentaire
26:40car le barrage
26:42est destiné
26:43au seul usage
26:43de la retenue d'eau.
26:46La loi à l'époque
26:47n'impose pas
26:48pour ces ouvrages
26:49qui ne sont pas destinés
26:51à fournir de l'énergie,
26:52de l'électricité en particulier,
26:54de faire voir
26:55et valider
26:56leur projet
26:56par la commission
26:57des grands barrages.
27:0517 heures.
27:07La barre des 60 mètres
27:08est désormais franchie.
27:10A tout moment,
27:11l'eau peut déborder
27:12du barrage
27:12mais plus grave.
27:14Avec 60 mètres
27:15de hauteur d'eau,
27:16c'est une pression
27:17de 60 tonnes
27:18par mètre carré
27:18qui s'exerce
27:19contre les rives
27:20de l'édifice.
27:24Cette fois,
27:25la déformation
27:26de la structure
27:26et de la roche
27:27va au-delà
27:28des limites.
27:30La boute
27:30va essayer de suivre.
27:32La culée de rive gauche
27:33s'est déplacée
27:33de 2 mètres.
27:34Les plots
27:35en fond de vallée
27:36se sont déplacés
27:37entre 60 cm
27:38et un peu plus
27:39d'un mètre.
27:40Et comme si
27:41le barrage
27:41avait tourné
27:42sur sa rive droite.
27:45L'ouverture de la vanne
27:46n'est plus une option.
27:47La tâche est confiée
27:49au gardien du barrage,
27:51André Ferraud.
27:53Il est 18h.
27:55Toute la journée,
27:56le barrage
27:56continuait à se remplir
27:58et à 18h,
27:59une fois que les ponts
28:00et chaussures
28:00ont évacué
28:01le chantier
28:01de l'autoroute,
28:03M. Ferraud
28:03ouvre la vanne.
28:07Quand M. Ferraud
28:08fait sa tournée
28:09lampe électrique
28:09à la main,
28:10il constate
28:11que derrière le barrage,
28:12l'eau a baissé
28:12de 2 cm.
28:13Il écrit
28:15à 21h12
28:16sur son cahier
28:1721h RAS.
28:21Gérard Ferraud
28:22est le fils
28:22du gardien
28:23du barrage
28:23de Malpassé.
28:25Il a un peu moins
28:25de 4 ans
28:26le soir de la catastrophe.
28:28Son père
28:28lui a souvent parlé
28:29de ce moment fatidique.
28:31Il a compris
28:32qu'il y avait
28:33réellement
28:34un péril
28:35à ce moment-là.
28:37En tout cas,
28:38dans l'ouvrage,
28:39le barrage
28:39en pleine charge
28:40était à 50 millions
28:41de mètres cubes d'eau.
28:43Imaginez
28:44le temps
28:45qu'il faut
28:45pour délester
28:46un ouvrage
28:47de la sorte.
28:52Le gardien
28:53le sait bien.
28:54Malgré
28:54ses 100 000 mètres cubes
28:56d'eau par heure,
28:57le débit
28:57de la vanne
28:58n'est pas suffisant.
29:01Pour baisser
29:02efficacement
29:02le niveau d'eau,
29:04elle devrait
29:04lâcher le triple,
29:05soit 300 000 mètres cubes
29:07d'eau par heure.
29:09Tout ça,
29:09c'était vraiment
29:10une accumulation
29:10de paramètres
29:11défavorables
29:12qui fait qu'on
29:14est en droit
29:14de s'interroger
29:15si ce barrage-là
29:16n'a pas joué
29:17de malchance complète.
29:18C'est l'accumulation
29:20de paramètres défavorables
29:22concentrés
29:22à un seul endroit.
29:23C'est assez étonnant.
29:27Malgré ses ultimes efforts,
29:29le barrage n'est plus
29:30assez robuste
29:30pour supporter
29:31le poids de l'eau.
29:32Donc,
29:33le barrage va essayer
29:34de se raccrocher
29:35autant qu'il peut
29:36à la culée.
29:37Le barrage a essayé
29:37de continuer
29:38à s'adapter
29:39pour essayer
29:40de résister
29:41toujours
29:41à cette force
29:42de l'eau
29:42jusqu'au moment
29:43où là,
29:44on a dépassé
29:45les limites
29:45effectivement
29:46que pouvait supporter
29:48le béton.
29:51Et à 21h13,
29:53l'inévitable
29:54se produit.
30:03La rupture se produit
30:04en une seconde
30:06dans cette instantanée.
30:11On imagine
30:12un fracas
30:13infernal.
30:15C'est comme si
30:15tu avais
30:16deux ou trois avions
30:17de chasse
30:17qui passent
30:18au mur de soie
30:18en dessous de la maison.
30:20C'est une déflagration
30:21assommante.
30:25Un bruit
30:26d'autant plus fort
30:26qu'il s'agit
30:27non pas du barrage
30:28mais d'un bloc rocheux
30:29tout entier.
30:30Le rocher
30:31qui se soulève
30:31et qui est fragmenté
30:32en énorme bloc,
30:34le barrage
30:34qui cède,
30:35c'est le bruit
30:36d'une explosion.
30:38À cause
30:39des nombreuses
30:39failles interstitielles
30:40du sol,
30:41côté éculé,
30:42c'est tout
30:43le flanc gauche
30:43du barrage
30:44qui vient d'être arraché.
30:46L'appui
30:47de la rive gauche
30:47sur toute sa hauteur
30:48a été éjecté
30:50par cette pression
30:51de l'eau.
30:52En gros,
30:52la rive gauche
30:53est partie.
30:54On peut voir
30:55dans les gros blocs
30:56de béton
30:56qui sont partis,
30:57on voit
30:58qu'il y a des blocs
30:58qui ont emmené
30:59de la roche
31:00avec eux.
31:00Donc,
31:01c'est la roche
31:01qui a cassé en dessous,
31:03mais la cohésion
31:04du béton
31:05et de la roche
31:06est totale.
31:07Le gardien
31:12et sa famille
31:12vivent dans une maison
31:14située à 1 km
31:15à l'aval du barrage.
31:18Au moment
31:18de la rupture,
31:20il vient juste
31:21de rentrer
31:21de sa tournée
31:22d'inspection.
31:23Il a compris
31:23que c'était arrivé
31:24et à ce moment-là,
31:26il m'a saisi,
31:27il a appelé
31:28ma mère
31:28qui a
31:32le surnom
31:33d'Orina
31:33et il a dit
31:35qu'il faut sortir,
31:36le barrage a cassé.
31:37Rien ne retient plus
31:40les 50 millions
31:41de mètres cubes
31:42d'eau du lac
31:43de Rézère.
31:45Une vague
31:46de plus de 50 mètres
31:47de haut
31:47s'élance alors
31:48dans la gorge
31:48du Réland.
31:53Elle est précédée
31:54d'un coup de vent
31:55d'une extrême violence
31:56propre à ce genre
31:57de phénomène.
31:59C'est comme une tempête.
32:00Il y a un déplacement
32:01en d'air inouï.
32:03Bill Johnstone
32:05est ingénieur
32:05spécialisé
32:06dans l'étude
32:07des ondes
32:07de submersion.
32:09Il a étudié
32:10pendant deux ans
32:10la vague créée
32:11par la rupture
32:11du barrage
32:12de Malpassé
32:13pour améliorer
32:14les plans de prévention
32:15au Canada
32:15et aux Etats-Unis.
32:20La masse d'eau
32:21avance très rapidement
32:22dans le sens du courant.
32:24Quand elle s'élance
32:25à 70 km heure,
32:27cela pousse l'air
32:28devant elle
32:28et cela crée
32:29une bourrasque.
32:30La force de ce vent
32:36créée par l'eau
32:37en déplacement
32:37est telle
32:38que lorsque Gérard
32:39et ses parents
32:40fuient la maison,
32:41sa mère est propulsée
32:42dans des buissons.
32:44C'est ce qu'il a projeté
32:46dans ses limosas.
32:47Il est allé la rechercher
32:48et avec les trois doigts
32:50de la griffe
32:51et de la main,
32:51il a réussi
32:52à la récupérer.
32:53Moi sous le bras,
32:54il m'a revêtu
32:54juste d'une chemise
32:55par-dessus comme ça
32:56et de sa sortie de là
32:58pour aller soit à la colline.
33:01Réfugiés au sommet
33:02de la rive droite,
33:04le gardien et sa famille
33:05assistent impuissants
33:06au passage
33:07d'une gigantesque vague
33:08de submersion.
33:19Au départ,
33:20la vague fait 50 mètres de haut.
33:21C'est l'équivalent d'un tsunami.
33:23On se souvient du tsunami
33:24de Tô-Hoku au Japon
33:25en 2011.
33:27Ici,
33:27on est dans la même catégorie.
33:28La vague de submersion
33:29de Malpassé
33:30est terriblement destructrice.
33:34Le débit est colossal
33:34puisqu'il est en pointe
33:36d'environ 30 000 mètres cubes.
33:38C'est entre 15 et 30 fois
33:39le débit du Rhône.
33:41L'eau,
33:42c'est quelque chose
33:42vraiment qui a une force
33:44dont on n'a pas conscience.
33:46Vraiment dont on n'a pas conscience.
33:49L'énergie qui est là-dedans
33:51est considérable.
33:52Rien n'est capable
33:52de résister.
33:53Dans sa course,
33:58le tsunami terrestre
33:59emporte des pans entiers
34:00de la voûte du barrage
34:01qui vient de se désintégrer.
34:04Des blocs de béton
34:05de plus de 1000 tonnes
34:06sont alors charriés
34:07dans le lit du Réron.
34:08Il y a la poussée d'Archimède
34:14qui va déjà y soulever.
34:16Ensuite,
34:16il y a la force du courant
34:18qui est gigantesque.
34:22Plus de 50 millions
34:24de mètres cubes d'eau,
34:26ça fait quand même
34:27plus de 50 millions de tonnes
34:29qui poussent
34:30derrière six blocs.
34:31La vitesse de la vague
34:35à la rupture du barrage
34:36est estimée
34:37entre 50 et 75 km heure.
34:39Elle se déplace
34:40aussi vite
34:40qu'une voiture
34:41sur une départementale.
34:42Autant dire
34:43qu'elle va très, très vite.
34:46À l'aval du barrage,
34:49la gorge forme un S.
34:51L'immense vague
34:52s'y engouffre
34:52et vient heurter
34:53de plein fouet
34:54la colline roche.
34:57Elle repart perpendiculairement,
34:59elle va rebondir
35:00dans l'autre.
35:01Là, il y a eu
35:01deux zones
35:02de perte de charge
35:03très fortes
35:04où la pression
35:05s'est abaissée
35:06d'un seul coup.
35:07Et là,
35:08vous retrouvez
35:08des blocs énormes.
35:12La vague géante
35:13poursuit sa progression.
35:15Elle mesure alors
35:1630 mètres de haut,
35:17soit environ la hauteur
35:18d'un immeuble
35:19de 8 étages
35:20et se déplace
35:21à plus de 50 km heure.
35:24Quelques instants
35:25après la rupture
35:25du barrage,
35:27elle vient engloutir
35:27les barraquements
35:28des ouvriers
35:29de l'autoroute
35:29situés juste en dessous,
35:31dans le lit du Réron.
35:35Les premières victimes
35:37sont sans aucun doute
35:38les ouvriers
35:39du chantier
35:40de l'autoroute
35:41qui, ce soir-là,
35:43se sont endormis
35:44dans leur barraquement
35:46à quelques centaines
35:49de mètres
35:50du barrage.
35:51La vague arrive
35:56à cet endroit
35:56en moins de 5 minutes.
35:59Imaginez,
35:59vous entendez
36:00quelque chose craquer,
36:01vous allez sortir
36:02de votre lit,
36:03sortir de votre maison
36:04et grimper sur la colline.
36:06Vous n'avez pas
36:06le temps de faire ça.
36:08C'est juste
36:09trop rapide.
36:09Il est 21h20.
36:13Le mur d'eau
36:13surgit de la gorge
36:14du Réron
36:15et s'élance
36:16à pleine vitesse
36:16en direction
36:17de la mer
36:17en croyant
36:18tout sur son passage.
36:24Sur son trajet,
36:25il y a la plaine
36:26agricole de l'argent
36:27où les familles
36:27de fermiers
36:28et leurs employés
36:29ignorent tout
36:30de l'imminence
36:31du cataclysme.
36:31Il n'existe pas
36:34de moyens
36:34de prévenir les gens
36:35et l'eau avance
36:36si vite
36:36qu'ils n'ont pas
36:37le temps de réagir.
36:40Les fermes
36:40sont vraiment
36:41au milieu
36:42de vastes champs
36:43de pêche,
36:43de vignes,
36:44donc il n'y a
36:45pas d'endroit
36:47pour se réfugier.
36:51Les habitants
36:53des fermes
36:53situées dans
36:53l'axe principal
36:54voient surgir
36:56une gigantesque vague
36:57très rapide
36:58transportant
36:59toutes sortes
36:59de débris
37:00avec de la boue,
37:01des rochers,
37:01des arbres,
37:02c'est très destructif.
37:05Les fermes
37:06sont soufflées,
37:07sont complètement
37:08emportées,
37:09il ne restera
37:09pas un mur
37:11en place.
37:14Après avoir
37:15ravagé la plaine,
37:16la vague géante
37:17poursuit sa route
37:18inarrêtable.
37:20Elle mesure encore
37:21plus de 12 mètres
37:21de haut
37:22et file droit
37:24vers Fréjus,
37:25menaçant directement
37:26les 13 000 habitants
37:27de la ville.
37:27Il est 21h35.
37:3722 minutes
37:38après la rupture
37:39du barrage,
37:40le monstre d'eau
37:41submerge
37:41le transformateur
37:42EDF situé
37:43au nord
37:43de la ville
37:44et plonge
37:45Fréjus
37:45dans le noir
37:46total.
37:47Ses habitants
37:48sont maintenant
37:49à la merci
37:49de la vague.
37:50À un moment,
37:56on a entendu
37:57des motos
37:57qui passaient
37:58à toute vitesse
37:59devant la maison.
38:01On était
38:01à 7,8 mètres
38:02de la maison
38:03qui criaient
38:04le barrage
38:05a cassé,
38:06le barrage
38:07a péter,
38:08monter sur les collines,
38:09fuyer,
38:10fuyer de la maison.
38:12À l'entrée
38:13nord de la ville,
38:14la vague est ralentie
38:15par les talus
38:15de la voie Ferré
38:16et de la Nationale 7.
38:18Mais la pression
38:19est telle
38:19qu'elle passe
38:20par-dessus
38:20et reprend sa course.
38:22Au fil de sa progression
38:23depuis le barrage
38:24de Malpassé,
38:2510 kilomètres plus haut,
38:27la vague a changé
38:28d'aspect
38:28et devient encore
38:29plus meurtrière.
38:31Elle mesure encore
38:32à ce stade
38:32près de 10 mètres de haut,
38:34soit à la hauteur
38:35d'un immeuble
38:35de trois étages.
38:42Il faut s'imaginer
38:44de l'eau boueuse
38:46avec tout ce que la vague
38:48a pu charrier
38:49sur son passage
38:50tout ce qu'elle a pu
38:51emporter
38:52au fil
38:53des différentes
38:54fermes,
38:55la boue,
38:57les pierres,
38:58les meubles,
39:00des parpaings,
39:02des animaux
39:03et des hommes.
39:08À ce moment-là,
39:10la vague est encore
39:10très bruyante
39:11car elle se déplace
39:12encore à toute vitesse
39:13en emportant
39:14des débris
39:14et des matériaux.
39:15tout cela fait du bruit
39:16et les gens
39:17l'entendent clairement
39:18arriver.
39:20Ce vacarme,
39:22c'est ce qui réveille
39:22Nicole Fidon
39:23ce soir-là.
39:24Âgée de 5 ans
39:25et demi,
39:26elle vit avec sa famille
39:27dans une petite maison
39:28de plein pied.
39:29On a entendu un grand bruit
39:33et mon père a dit
39:35ça y est,
39:36le barrage a craqué.
39:39Il y avait de l'eau
39:40qui rentrait.
39:41L'eau s'infiltre partout
39:42et elle est rentrée
39:43et puis mon père
39:44a ouvert la porte,
39:45il a fallu ouvrir
39:45la porte pour sortir.
39:46Elle a commencé à monter
39:48et mon père a dit
39:49il faut vite monter
39:51parce que l'eau
39:52elle monte,
39:52elle monte.
39:52On avait une lampe torche
39:55et on s'est retrouvés
39:56dans la rue
39:57pour monter
39:58sur la petite colline
39:59en pyjama.
40:04Le torrent destructeur
40:05bute sur les arènes
40:07et les contourne
40:07pour s'engouffrer
40:09dans l'avenue de Verda.
40:12La vague se retrouve
40:13canalisée
40:14entre les maisons
40:14et les immeubles
40:15qui bordent l'avenue.
40:17Elle redouble d'intensité
40:18et éventre
40:19tous les rez-de-chaussée
40:20des bâtiments.
40:22À cet endroit,
40:23les gens qui vivent
40:24au rez-de-chaussée
40:25n'ont pas le temps
40:25de monter
40:26sur le train d'abri.
40:27Ils se retrouvent
40:27pris en mai
40:28et sont noyés
40:29alors qu'au premier étage
40:30les gens survivent.
40:35Un peu plus loin,
40:37la gare est totalement
40:37submergée par les flots.
40:41Seul le centre historique
40:42de la ville est épargné
40:43et cela ne doit rien
40:45au hasard.
40:48Pour construire la ville,
40:49les ingénieurs romains
40:50ont choisi le coin
40:51le plus haut haut-dessus
40:52du Ré-Ran
40:53où il y avait des inondations
40:55chaque année.
40:56C'était logique.
40:57Donc, on peut dire
40:58que cette décision
40:59prise il y a 2000 ans
41:00d'implanter la ville
41:01en hauteur
41:02a permis de sauver
41:03des vies à Fréjus.
41:09Par chance,
41:10la maison du père
41:11de Jean-Paul Vieux
41:12est située
41:13dans le centre historique.
41:14mon père,
41:17officier de police judiciaire,
41:18prend sa veste,
41:19je desserve avec lui
41:19et me dit
41:20on va voir.
41:26Et par l'avenue
41:26en Rivadon,
41:27nous voyons arriver
41:28un arbre
41:28avec une grande toile blanche
41:30dedans,
41:30qui était probablement
41:30un élément d'une serre
41:31et décrit.
41:34Alors, j'ai essayé
41:35de m'avancer
41:36pour aller vers l'avenue
41:37de Verdun
41:38où habitaient notre famille,
41:39des membres de notre famille,
41:40je n'ai pas pu.
41:41Debout de 15 à 20 mètres
41:43dans cette avenue
41:43de Verdun
41:43qui était au niveau aérien,
41:45il y avait de la boue partout,
41:46j'ai glissé,
41:47je suis tombé dans un trou.
41:51Totalement désorienté,
41:52progressant dans l'eau glacée
41:53et la nuit noire,
41:55ceux qui ont pu s'échapper
41:56de leur maison
41:56tentent maintenant
41:57de se mettre à l'abri,
41:58en hauteur,
42:00par tous les moyens.
42:02On est monté sur le toit,
42:04c'est l'échelle
42:04qui nous a sauvés.
42:06Parce que cette échelle-là,
42:07mon père, la veille,
42:08il avait dit
42:08oh là là,
42:09le voisin,
42:09il n'a pas rangé l'échelle,
42:10dans la remise,
42:11il avait râlé à cause de ça.
42:15Et...
42:16Heureusement qu'il était là.
42:21Autour de la maison de Nidol,
42:23le mur d'eau envahit
42:24toutes les habitations
42:25piégeant de nombreux habitants.
42:29Ça dépasse l'imagination,
42:31vous ne pouvez pas imaginer
42:33qu'à cet endroit-là,
42:34il va arriver une vague
42:35de 12 à 14 mètres de hauteur.
42:37Cette vague de submersion
42:39fait partie des plus violentes
42:41qui peuvent se créer.
42:45Avec les autres types de barrages,
42:47comme ceux en remblai,
42:48s'il y a une rupture,
42:49une brèche se crée.
42:50Et l'eau commence
42:51par s'écouler lentement,
42:53puis le débit augmente.
42:54Dans le cas de Malpassé,
42:58à cause de sa forme de voûte,
42:59le barrage s'est rompu d'un coup.
43:01Et donc,
43:02l'inondation a été très destructrice.
43:04Je dirais que c'est ça
43:05la particularité du drame de Malpassé.
43:08et les caractéristiques
43:09de l'événement de Malpassé.
43:1421h50.
43:16Après avoir submergé
43:17la moitié de Fréjus,
43:19le torrent destructeur
43:20atteint la base aéronavale
43:22avant de terminer
43:23sa course dans la mer.
43:24La base aéronavale
43:27est quasiment au niveau
43:28de la mer.
43:28C'est un grand terrain plein,
43:29c'est un terrain d'aviation.
43:30Il y avait deux mètres d'eau
43:31qui a emporté
43:33les appareils,
43:34les hélicoptères.
43:35La base aéronavale
43:36a été ravagée,
43:36ils ont perdu
43:37des dizaines d'appareils
43:38justement parce que
43:39la vague était encore
43:40très forte.
43:45Il a fallu moins d'une heure
43:46à la vague
43:47pour aller du barrage
43:48jusqu'à la Méditerranée.
43:49Ça a été très rapide.
43:52Le passage de la vague
43:54à travers la ville de Fréjus
43:55aura duré
43:56moins d'une demi-heure.
43:58Mais pour les survivants,
43:58la nuit d'horreur
43:59est loin d'être terminée.
44:07À 22h15,
44:09le toxin résonne.
44:14Sur les toits
44:15et les collines environnantes,
44:16de nombreux rescapés
44:18attendent vainement
44:19qu'on leur vienne en aide.
44:21Je ne voyais rien,
44:22j'entendais que les cris
44:23j'entendais que...
44:25j'entends que les cris
44:26des gens.
44:28« Venez nous sauver,
44:30venez nous chercher ! »
44:33Mais nous,
44:34on ne savait pas,
44:34on ne savait pas où aller,
44:35on ne savait pas
44:36où la vague était passée.
44:37sans électricité
44:40sans électricité
44:41ni route pratiquable,
44:43les secours sont impuissants.
44:47Pendant la nuit,
44:49seuls quelques sauvetages ont lieu,
44:50comme l'on peut voir
44:51sur ces rares clichés
44:52pris par Jean-Paul Vieux.
44:55« Les pompiers eux-mêmes,
44:56ils ne savaient pas
44:56par où commencer
44:57le travail et les recherches.
44:59Bon, ils ont mis à l'eau
45:00un de Zodiac,
45:01mais que faire ? »
45:02« Et puis au fur et à mesure
45:07les cris,
45:08on en entendait moins.
45:10Et après,
45:10ça a été le silence complet.
45:15Le silence après la vague.
45:17Il n'y avait rien.
45:19Il n'y avait pas d'avion,
45:20pas de voiture,
45:21il n'y avait pas de moto.
45:24De ma vie,
45:24je ne crois jamais
45:25que je ne retrouverai
45:26un silence complet
45:28qu'il y a eu.
45:28À Fréjus,
45:32personne ne prend encore
45:33la mesure
45:34des destructions causées
45:35par la rupture
45:36du barrage de Malpassé.
45:38Et ce que va révéler
45:39la lumière du jour
45:40dépasse de loin
45:41tout ce qui avait été imaginé.
45:52Voici les dernières images
45:53qui nous parviennent
45:54de Fréjus.
45:55Dès le lendemain,
45:59la France entière
46:00découvre l'ampleur
46:01de la catastrophe.
46:03En 50 minutes,
46:04la vague meurtrière
46:05a tout détruit
46:05sur 14 kilomètres
46:07depuis le barrage
46:08de Malpassé
46:08jusqu'à la mer.
46:13En arrivant
46:14dans le quartier
46:15de Zaren,
46:15je ne peux pas vous dire
46:16la stupédaction.
46:18C'est comme si j'arrivais
46:19sur une autre planète.
46:19là où la veille,
46:26il y avait des maisons,
46:28des commerces,
46:29des stations-services,
46:30des gens qui habitaient là,
46:31c'était la surface
46:32de la Lune.
46:36Il n'y avait plus rien,
46:38rien, rien.
46:39Il n'y avait plus
46:40de traces de vie.
46:40C'était couleur jaune.
46:50On voyait
46:512-3 arbres,
46:522-3 maisons,
46:54mais c'était jaune
46:55comme dans le désert.
46:58Et on voyait
46:59le bleu
46:59de la mer.
47:06Jackie et ses compagnons
47:07de garnison
47:08sont réquisitionnés
47:09pour déblayer la ville.
47:10C'était plein d'eau
47:17et dessus,
47:18il y avait
47:18tout ce qui flotte,
47:20les ballots de trie
47:21de l'intendance,
47:23tout ce qui était
47:23empaqueté
47:24dans les feuillards.
47:25Tout ça flottait
47:26de partout.
47:27Peut-être,
47:27il devait y avoir
47:28des cadavres.
47:28Ça, je ne sais rien.
47:36Sous le pont
47:37du chemin de fer,
47:38il y avait des voitures
47:38coincées.
47:39C'était des gens
47:39qui étaient sortis
47:40du cinéma.
47:42Ils sont passés
47:42au dixième de seconde
47:44qu'il ne fallait pas passer.
47:46Les maisons de l'avenue
47:49de Verdun
47:49sont éventrées.
47:51Les canalisations,
47:52les réseaux de distribution
47:53d'eau potable
47:53et d'électricité
47:54sont totalement détruits.
47:59À l'intérieur de la gare,
48:00la voie ferrée
48:01était tordue
48:02comme un serpentin
48:02sur 600 mètres.
48:04Une partie a été arrachée,
48:05a été emportée.
48:06Mais dans la plainte
48:06de l'argent,
48:07pendant plusieurs semaines,
48:08on a pu voir
48:09et photographier
48:10une voie ferrée
48:12tordue
48:12comme un serpentin.
48:13Sur la voie ferrée,
48:18il n'y a qu'une chose
48:19qui a résisté,
48:20c'est la cabine
48:21d'aiguillage
48:21parce qu'il n'y a pas eu
48:22d'arbres ou quelque chose
48:23qui l'avait emporté.
48:24C'est tout ce qui est resté.
48:27En se retirant,
48:28l'eau de la vague
48:29de submersion
48:30a laissé derrière elle
48:31une couche de boue
48:32limoneuse
48:32de plus de 50 centimètres.
48:34La zone était recouverte
48:39d'une.
48:40Elle était si molle
48:41que ça ralentissait
48:42les secours
48:42et les empêchait
48:43d'intervenir.
48:46Il y avait des milliers
48:47de tonnes de boue.
48:47C'était difficile
48:48de découvrir des corps
48:49parce que c'était
48:50des véritables momies
48:51pétrifiées.
48:52Les gens étaient
48:53dans des insuels
48:54de boue,
48:54c'est pour un temps.
48:56Cette boue
48:57qui recouvre entièrement
48:58la ville de Fréjus
48:59a été charriée
49:00par la vague
49:00depuis la plaine agricole
49:02où la terre
49:03a été décapée
49:03jusqu'à la roche
49:04comme l'on peut
49:06toujours voir
49:07aujourd'hui
49:07autour de cette ferme
49:08située au nord-est
49:09de Fréjus.
49:11Le niveau du sol
49:12est descendu
49:12de 12 mètres
49:13si bien qu'aujourd'hui
49:14on aperçoit
49:15le vestige
49:15de cette maison sinistrée
49:16comme un îlot,
49:18comme un phare
49:18sur un rocher
49:19alors qu'en fait
49:20elle était de plein pied
49:21avec la terre agricole.
49:25Alors que militaires
49:26et sauveteurs
49:26s'activent
49:27pour porter secours
49:28aux habitants
49:28et rétablir les accès
49:30de la ville de Fréjus,
49:32les découvertes
49:33macabres s'accumulent.
49:36Le bilan s'annonce
49:36très lourd.
49:43Deux jours
49:44après le drame,
49:45les premiers enterrements
49:46collectifs ont lieu
49:47pour éviter
49:47les épidémies.
49:48ce que je me souviens
49:52alors là c'est un truc
49:53qui m'a beaucoup marqué
49:54c'est que sur la place
49:55Paul-Vernay
49:56il y avait des cercueils
49:57qui étaient en bois
49:59tous de la même couleur
50:00avec les noms écrits
50:01et lacrés.
50:02Ça c'est dur.
50:04C'est resté ça.
50:04Et après quand l'école
50:06a recommencé
50:07on voyait des
50:10des
50:12des
50:12des
50:12des
50:13des
50:13des
50:13des
50:13des
50:14des
50:14des
50:14des
50:14des
50:15des
50:15des
50:16des
50:16des
50:17des
50:17En tout
50:21423 personnes
50:23ont trouvé la mort
50:23lors du passage
50:24de la vague géante.
50:26Pour la plupart
50:27des familles entières
50:28décimées ensemble
50:29dans leur foyer.
50:33En amont
50:34d'Oeufrejus
50:34il n'y a aucun survivant.
50:35Aucun.
50:37Tous les gens
50:37qui habitaient la vallée
50:38sont morts
50:38emportés.
50:40A partir d'Oeufrejus
50:41il y a eu
50:41quelques survivants
50:42parce que
50:43la vague
50:44a emporté des gens
50:45mais ils ont pu
50:45s'arrêter
50:46dans des obstacles naturels.
50:4750 fermes
50:50ont été rayées
50:51de la carte
50:51dans les plaines
50:52du Rérand
50:52et de l'Argent.
50:54En ville
50:54155 maisons
50:56et immeubles
50:57sont détruits
50:57et plus de 800
50:59endommagés.
51:00En tout
51:01plus de 7000 personnes
51:03sont sinistrées.
51:07Le traumatisme
51:08est tel
51:08et les interrogations
51:10si nombreuses
51:10que la catastrophe
51:12de Malpassé
51:12va révolutionner
51:13la construction
51:14des barrages
51:15dans le monde entier.
51:17En France
51:23la tragédie
51:24crée un élan
51:24de solidarité nationale
51:26et tout le monde
51:26se pose la même question.
51:28Comment un barrage
51:29construit selon
51:30une technique
51:30réputée infaillible
51:31a-t-il pu se rompre
51:33aussi brutalement ?
51:35Mais les premiers
51:36à vouloir découvrir
51:36les raisons
51:37de cette catastrophe
51:38sont les ingénieurs.
51:39On a dit
51:42il faut qu'on comprenne
51:43parce qu'il y avait
51:43quelques dizaines
51:46de barrages
51:47qui avaient moins de 5 ans
51:48et quelques-uns
51:49qui étaient en construction.
51:50Il y a quelques barrages
51:51qui ont été vidés.
51:52Il y a des maîtres
51:52d'ouvrage
51:53qui ont dit
51:53non non pas question
51:54allez hop
51:54on vide.
51:55Donc il y avait
51:56véritablement une urgence.
51:57La rupture du barrage
52:02de Malpassé
52:02aura des conséquences majeures.
52:06C'est presque la naissance
52:07d'une nouvelle discipline
52:08qu'on a appelée
52:09la mécanique des roches.
52:11On a mis au point
52:11des méthodes
52:12pour mesurer
52:13les qualités
52:16des roches
52:16en place
52:17à l'intérieur
52:18si vous voulez
52:18pendant les reconnaissances
52:19donc pour avoir
52:21plus de précision.
52:23Et les normes
52:24de sécurité
52:24entourant la construction
52:25de barrages
52:26ont été révolutionnées.
52:27L'administration
52:29a mis en place
52:29à créer
52:30ce qu'on appelle
52:31en 1965
52:32le comité technique
52:33permanent des barrages.
52:34Tout projet de barrage
52:35doit présenter
52:37un chapitre géologie
52:38qui décrit
52:40toutes les reconnaissances
52:41et la découpe géologique
52:43et toutes les faiblesses
52:45et les forces
52:45de la fondation.
52:48Pour éviter
52:49que les pressions
52:50ne s'accumulent
52:51dans les sous-sols
52:51les barrages voûtes
52:53sont dotés
52:53de drainage
52:54c'est-à-dire
52:55des forages
52:56pour retirer
52:57et des fondations.
53:00Et dans le monde entier
53:01dans les années
53:02qui ont suivi
53:03on a équipé
53:04les appuis
53:04de voûtes
53:05avec des systèmes
53:07de drainage.
53:09Moi comment
53:09je m'interprète ça ?
53:10Tous les propriétaires
53:11de barrages
53:12se sont dit
53:12j'ai de la chance
53:14que ça soit arrivé
53:15chez eux
53:15et pas chez moi
53:16parce que moi non plus
53:17je n'y avais pas pensé.
53:19Mais le plus important
53:20la loi impose
53:22la loi impose maintenant
53:22pour tout barrage
53:23un plan particulier
53:24de prévention.
53:27Il n'y avait aucun système
53:30d'alarme
53:30à Fréjus
53:31aucun moyen
53:32de prévenir
53:32la population
53:33de la vallée.
53:35Ils étaient livrés
53:36à eux-mêmes.
53:37Ça c'est parce qu'à l'époque
53:39il n'existait rien
53:40pour déclencher
53:40une évacuation.
53:41Aujourd'hui
53:42les propriétaires
53:43de barrages
53:43ont l'obligation
53:44de prévoir
53:45un plan d'alerte
53:45pour les habitants
53:46par le biais
53:47de la police
53:47ou des autorités.
53:55Après 11 ans
53:56d'enquêtes
53:56et de procédures judiciaires
53:58ni le constructeur
53:59du barrage
54:00ni l'administration
54:01n'ont été inquiétés.
54:03Les connaissances
54:04de l'époque
54:04étaient insuffisantes
54:05pour affirmer
54:06qu'une faute
54:07avait été commise.
54:15Qu'est-ce qu'on aurait cherché ?
54:17On n'aurait pas cherché
54:17ce phénomène
54:18on ne le connaissait pas.
54:20On avait une roche
54:21qui n'était pas
54:21de bonne qualité
54:22à l'amont
54:23du barrage
54:24dans la retenue.
54:25On s'en fiche
54:26le barrage
54:27n'abstuit pas dessus.
54:28C'était ça
54:29ce qu'on avait
54:29dans la tête.
54:36La rupture
54:37du barrage
54:37de Malpassé
54:38reste encore
54:39à ce jour
54:39la plus grande
54:40catastrophe civile
54:41survenue en France
54:42depuis le début
54:43du XXe siècle.
54:44Les gens qui étaient
54:48à Fréjus
54:48le 2 décembre
54:49aucun tenter
54:51n'est sorti indemne
54:51dans la catastrophe.
54:54Les gens de ma génération
54:56portent
54:5760 ans après encore
54:59le deuil
55:00de cette catastrophe.
55:01On ne peut pas oublier.
55:02Aujourd'hui,
55:10les ruines
55:10de cet incroyable
55:11édifice
55:12de 60 mètres de haut
55:13s'élèvent
55:13comme un musée
55:14à ciel ouvert
55:14pour rappeler
55:16que le barrage
55:16providentiel
55:17de Malpassé
55:18se transforma
55:19le 2 décembre
55:201959
55:21en un monstre
55:23totalement
55:24hors de contrôle.
55:25Sous-titrage
55:37Sous-titrage
55:51Sous-titrage
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