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LIVRE : L'Avocate et le Repenti avec Clarisse Serre, Avocate.

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Transcription
00:00On commence tout de suite ce Lex Inside, on va parler de l'ouvrage L'Avocate et le Repentis avec son auteur Clarisse Serres, ouvrage publié aux éditions Sonatine.
00:20Clarisse Serres, bonjour.
00:21Bonjour Arnaud.
00:22Alors je vous avais reçu pour votre premier ouvrage La Lyonne du Barreau dans lequel vous retracez votre parcours.
00:28Aujourd'hui je vous reçois pour votre deuxième ouvrage L'Avocate et le Repentis, un ouvrage dans lequel vous dressez un peu, vous donnez les dessous du statut de repentis.
00:40Alors pourquoi cet ouvrage sur le statut du repentis ?
00:44Eh bien j'ai voulu écrire ce livre parce que c'est une expérience que j'ai vécue à titre professionnel, qui a eu aussi un impact à titre personnel.
00:50Et j'ai voulu justement, je me suis rendu compte au travers de cette aventure, voire cette mésaventure, que c'était un statut qui était peu connu du justiciable, mais également peu connu du milieu judiciaire.
01:02Et donc j'ai décidé d'écrire pour raconter ce que c'était ce statut en France à travers ce qui m'est arrivé.
01:08Alors une précision, ce n'est pas un roman, vous parlez d'un client repenti.
01:14Quel est ce client ? Evidemment on ne peut pas donner le nom, mais un peu son profil.
01:18Alors c'est un homme dont on dirait qu'il est de la classe CSP+.
01:22Il n'a rien à voir avec le milieu du grand banditisme, mais il s'est pris d'amitié pour quelqu'un affilié au grand banditisme.
01:30Ils ont quasiment une amitié qui a duré une année entière.
01:34Et puis lorsque les services de police sont venus attraper le premier, ils ont également mis en garde à vue celui que je vais défendre.
01:41Et à ce moment-là, le choix s'est fait pour lui de savoir s'il allait parler ou pas parler.
01:45Et puis évidemment ce qui s'en est suivi après, d'être un repenti.
01:48Alors c'est très important ce choix de parler ou pas.
01:51Qu'est-ce qui fait que quelqu'un va décider de parler ?
01:55Alors c'est exactement, vous touchez du doigt Arnaud le problème, c'est de savoir pourquoi on parle.
01:59Au-delà de mon cas, de manière générale en justice pénale, souvent c'est ce qu'on reproche à des prévenus, des accusés aux assises,
02:06de leur dire pourquoi vous ne parlez pas.
02:08Eh bien d'abord c'est la peur de parler, de toutes les conséquences que ça peut avoir pour les gens qui décident de parler, premièrement.
02:15Et puis deuxièmement, c'est aussi de parler, c'est aussi trahir.
02:18Voilà, c'est souvent, on ne parle pas uniquement de son cas, mais lorsqu'on est impliqué dans des affaires judiciaires à plusieurs personnes,
02:24lorsqu'on décide de parler, eh bien c'est aussi parler et mettre en cause d'autres personnes.
02:29Et donc c'est au-delà des représailles, c'est aussi la trahison.
02:31Donc lui, pour répondre à votre question plus précisément, il décide de parler, parce qu'en garde à vue, va se poser un problème très crucial.
02:39Sa femme est également en garde à vue, et c'est de se dire, si je ne parle pas, qu'est-ce qui va devenir d'elle ?
02:44Et puis moi-même, si je ne parle pas, il savait qu'il partirait en prison.
02:48Donc ce n'est pas forcément un choix, c'est plutôt un choix forcé ou un choix contraint.
02:52Ça s'imposer à lui.
02:53Ça s'imposer à lui, voilà.
02:54Parce que décider de parler, en fait, dans la pratique, c'est rarement spontané, vu les conséquences que ça peut engendrer.
03:00Oui. Alors vous évoquez justement les conséquences pour la famille.
03:03Concrètement, c'est quoi les conséquences quand on décide de parler ?
03:06Alors lui, il va rentrer dans un programme dit de protection.
03:10Il va rentrer dans ce programme avec sa femme.
03:12Et justement, la particularité de ce dossier, c'est qu'il a trois enfants qui sont mineurs et qui sont en plus de jeunes enfants,
03:19puisqu'ils sont à peu près à l'époque où ils rentrent, c'est-à-dire en 2018.
03:22Ils ont entre 5 et 10 ans.
03:24Et donc pour répondre à votre question, rentrer dans un programme, ce n'est pas forcément comme les gens pensent à l'américaine,
03:29c'est-à-dire qu'on vit dans un lieu reclus, protégé H24.
03:33On vit effectivement dans un lieu mais qui n'est pas reclus.
03:35Et on n'est pas protégé H24, on va avoir ce qu'on appelle une identité d'emprunt.
03:40Et en fait, on reconstruit une vie ailleurs, ce qui impose des déménagements, ce qui impose une légende,
03:44puisque les gens vont devoir changer leur vie.
03:47Et donc ce qui est très compliqué, notamment pour des jeunes enfants,
03:49puisque en tous les cas, à travers l'expérience qui a été la mienne,
03:52c'est un changement total de vie, oublier son passé, vivre dans le présent et se projeter dans l'avenir.
03:57Alors ce qui est important aussi de rappeler dans le cadre de ce client,
04:03c'est qu'il a été exclu du programme de protection
04:06et que vous avez du coup fait une action judiciaire pour qu'il garde cette protection.
04:13Expliquez-nous.
04:13Oui, c'est une particularité justement, c'est que dans ce programme,
04:17il y a, vous savez, ce qu'on appelle un repenti judiciaire,
04:19mais qui peut être doublé du repenti administratif.
04:22Et dans ce cas-là, on a un programme de protection.
04:24Et en plus, on peut avoir un changement de nom.
04:26Le changement de nom, ça permet justement, lui, il avait une identité,
04:29il était déjà apparu sur les réseaux sociaux,
04:31ça permet d'être protégé, ce nom.
04:34Pour des raisons que j'explique justement dans le livre,
04:37il a été, il a dû, il y a eu une bataille judiciaire,
04:40ce qui va d'ailleurs donner lieu à un arrêt de la Cour de cassation,
04:43qui est unique en son genre,
04:44où on va, la Cour de cassation, on va le protéger finalement
04:47au détriment de la juridiction, en tous les cas, de l'instance administrative.
04:51Donc changer de nom, ça veut dire aussi que ça vous donne une protection.
04:55Et puis surtout pour lui, il a été exclu du programme.
04:57C'est aussi pour ça que j'ai écrit ce livre,
04:59pour que les gens connaissent ce que c'est ce statut
05:01et connaissent aussi les praticiens du droit,
05:04c'est-à-dire tant les policiers, les gendarmes, les magistrats,
05:07magistrats du siège, juges d'instruction, procureurs,
05:09puissent comprendre, puisque je me suis rendu compte
05:11que peu de gens connaissaient ce statut,
05:13à quel point c'est difficile d'accepter de parler
05:15et les conséquences que ça peut avoir.
05:17Parce que si on est exclu d'un programme,
05:19on a le risque de ne plus avoir aucune protection
05:21et donc de voir sa vie exposer à un danger imminent.
05:25Et la protection, elle est accordée que par une commission
05:28qui décide si vous remplissez les conditions, c'est ça ?
05:31Voilà, c'est exactement ça.
05:32Alors là, il y a le statut en train de changer
05:34par rapport à ce qu'on appelle la loi narcotrafiquant.
05:37Mais en tous les cas, moi, ce que j'ai pu voir
05:39de mon expérience et de cette loi,
05:41puisqu'en plus, il faut que je vous précise les choses,
05:43à l'époque, quand le mien rentre dans le statut en 2018.
05:47C'est un statut très récent en France,
05:48puisque la loi datait de 2004.
05:50Il a fallu attendre 10 ans pour avoir le décret d'application,
05:53donc 2014.
05:54Et j'ai un peu le sentiment qu'on va repartir
05:57dans le même système, puisque la loi vient d'être votée,
05:59validée par le Conseil constitutionnel, donc 2025.
06:02Mais le décret d'application n'est pas encore là.
06:05Donc, est-ce que le décret va être pris rapidement ?
06:07Est-ce qu'il va falloir encore attendre 10 ans ?
06:09Et ce décret va être extrêmement important
06:10pour toutes les modalités, justement, d'application
06:13pour les gens à venir ?
06:14Mais est-ce que pour vous, la loi narcotrafic,
06:16c'est une bonne chose pour ce statut de repentir ?
06:18Est-ce qu'elle apporte des éléments intéressants ?
06:20Il y a des progrès, parce que justement,
06:23le cas que je cite a été beaucoup discuté.
06:27Et il y a des progrès.
06:28Il y a une extension sur ceux qui pourront en bénéficier.
06:32Il y a aussi une insécurité juridique
06:35à laquelle on a pallié,
06:36puisque avant, il fallait attendre la juridiction
06:39pour être sûr et être reconnu comme repenti.
06:41Ce qui ne sera plus le cas à partir du moment
06:42où le statut a été validé en amont.
06:44Les juridictions ne pourront plus,
06:46sauf exception, le remettre en cause.
06:48Mais le problème, c'est qu'on n'a pas le décret d'application.
06:50Et puis, pour être complète dans votre question,
06:53c'est le nom qui a été choisi.
06:54Moi, je parle de repenti.
06:56J'avais d'ailleurs dit que je pensais
06:58que c'était un nom qui était plutôt positif.
07:00Et là, dans la nouvelle loi,
07:01le statut, le repenti a totalement disparu.
07:05On parle de collaborateur de justice.
07:07Et je ne vois pas, j'ai quand même une habitude,
07:09je ne fais que du pénal,
07:10je ne vois pas qui actuellement
07:11aurait envie d'être taxé, d'être collaborateur,
07:14puisque vous avez compris,
07:15ça a fait une référence historique.
07:17Mais au-delà de la référence historique,
07:19c'est l'abréviation collabo.
07:21Or, pour les gens qui sont détenus en cours de promenade,
07:23s'entendre dire en permanence,
07:24t'es un collabo, t'es un collabo,
07:26puisque le repenti peut être détenu,
07:28mais peut également être libre.
07:29Alors, souvent aussi,
07:30on les stigmatise par le nom balance.
07:32Exactement.
07:33Alors, balance, ça existe déjà,
07:35mais judiciairement, ça n'existe pas une balance.
07:37C'est le mot droit commun.
07:39En revanche, repenti existait judiciairement.
07:41Et là, maintenant, on a fait disparaître ce mot
07:43pour faire apparaître collaborateur.
07:45Donc, on a institutionnalisé quelque chose
07:47qui s'explique que d'après les travaux préparatoires
07:50pour celui qui est collaborateur à l'œuvre de la justice,
07:53mais moi, je pense que c'est totalement pris
07:56en l'absence de considération du terrain.
07:58Moi, je suis une femme du terrain,
07:59je vais en prison,
08:00je fréquente ces gens puisque je les défends
08:02et je vois à quel point c'est difficile de parler
08:05et en tous les cas, leur dire
08:06qu'ils auront l'étiquette de collabo.
08:08Pardonnez-moi d'être aussi cru,
08:09mais qui aura envie d'avoir ce statut-là
08:11et qui va avoir envie ?
08:13C'est absolument pas vendeur.
08:14Pour être très trivial,
08:15c'est aussi l'étiquette que ça donne
08:17au-delà même de rentrer dans le concret de ce statut.
08:19Alors, pour terminer,
08:20est-ce qu'en définitive,
08:21vous conseillez de parler ?
08:24Je conseille en tous les cas
08:25ce que la loi a très peu prévu,
08:27l'avocat.
08:28C'est-à-dire que la proposition qui avait été faite,
08:31l'avocat n'existait même pas.
08:33Dans la loi,
08:33le mot avocat apparaît de manière,
08:35mais de manière tout à fait secondaire.
08:37Et je considère en ce qui me concerne
08:38qu'il faut absolument,
08:39les gens qui décident de parler,
08:41de prendre contact avec un avocat
08:42pour connaître les tenants et aboutissants.
08:45Puisque aujourd'hui,
08:46même si tout le monde est d'accord
08:47pour dire qu'il faut lutter contre le trafic de stupéfiants,
08:50notamment,
08:50puisque après le trafic,
08:51il y aura le blanchiment,
08:52puis après il y aura les affaires politiques.
08:54Et encore une fois,
08:55je crois avant tout
08:56que c'est une question de mentalité.
08:57Il faut que les mentalités changent
08:59pour que les gens puissent comprendre
09:00pourquoi c'est aussi difficile de parler.
09:02Et quand les mentalités auront changé,
09:04quand les magistrats seront formés à ça,
09:06eh bien on verra dans la pratique
09:07si les gens accepteront de parler.
09:09On va conclure là-dessus.
09:10Merci Clarisse Serres
09:11d'avoir présenté votre ouvrage
09:13« L'avocat et le repenti »
09:16publié chez Sonatine Édition.
09:18Merci Arnaud.
09:19Tout de suite,
09:19l'émission continue.
09:20On va parler de l'indemnité
09:22d'occupation de domicile
09:24en cas de télétravail.
09:25Sous-titrage Société Radio-Canada

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