00:01Bienvenue à l'heure des livres Alain Duhaut, on est ravis de vous recevoir.
00:04Merci.
00:04On vous connaît, vous êtes un grand spécialiste de la musique classique, de l'opéra, vous écrivez, vous avez écrit un dictionnaire amoureux de la musique, de l'opéra pardon.
00:17C'est moins connu, vous publiez d'ailleurs un ouvrage à la rentrée chez Gallimard.
00:23Et là vous venez de publier Les Derniers Jours de Maria Callas, en fait qui est une republication avec un titre qui a changé.
00:29Et des modifications hautes.
00:30Et des modifications, oui.
00:32Et c'est paru aux éditions Le Passeur.
00:34Alors, c'est un livre passionnant parce que vous vous mettez dans la peau de celle qui restera quand même comme la plus grande chanteuse d'opéra du XXe siècle, la cantatrice par excellence.
00:46Et ce qui est intéressant c'est déjà comment vous, homme, vous avez réussi à vous mettre dans la peau d'une femme.
00:54Et vous vous mettez dans sa peau pendant ces derniers jours, on la retrouve dans son appartement de l'avenue Georges-Mondheim.
00:59Dans le 16e arrondissement, elle est seule, elle a été adulée par le monde entier.
01:03Mais en fait on voit qu'elle est presque déprimée finalement.
01:08Elle est déprimée, mais vous savez c'est une femme qui a été malheureuse toute sa vie.
01:12Et ce que je raconte, c'est pas de la fiction.
01:15Puisque évidemment pour écrire ce qui est un roman, je me suis documenté.
01:20J'ai rencontré beaucoup de gens, j'ai rencontré ses meilleurs amis dont Jeannine Reyes qui était sa professeure et qui l'a accompagnée jusqu'au bout.
01:26Et je sais exactement comment ça se passait.
01:29Et il est vrai qu'à la fin de sa vie déprimée, elle demandait à sa femme de chambre de tirer les rideaux.
01:37Elle était enfermée chez elle et elle a écouté ses disques et a relisé les lettres de ses admirateurs.
01:42Et donc c'est le point de départ de cette fiction qui dure 15 jours, les 15 derniers jours, puisqu'elle meurt le 16 septembre 1977.
01:50Et du 1er au 15, on la voit vivre et se souvenir.
01:54Et elle se souvient de tout.
01:56Elle se souvient même du départ, quand je vous dis qu'elle n'a pas été aimée.
01:59Imaginer...
02:00Elle a des sens.
02:01Et c'est ça, imaginer cette présence.
02:02Sa mère qui ne la regarde pas pendant les 4 derniers jours.
02:04Sa mère refuse de la regarder.
02:06Il faut savoir, sa mère avait un fils, un fils qui était mort et elle voulait une fille.
02:11Mais c'est extraordinaire.
02:13On est contre le point de départ.
02:15Et elle a été adulée du monde entier.
02:18Mais elle n'a jamais été vraiment aimée.
02:21Parce que son mari, il avait 35 ans, 36 ans de plus qu'elle.
02:25Elle était plus une sorte de mentor.
02:26Voilà, un mentor, un impresario, un substitut du père.
02:30Ensuite, elle était follement amoureuse de Luquino Visconti jusqu'à ce qu'ils lui disent
02:34« Mais je préfère les garçons ».
02:36Ensuite, elle a entretenu aussi une amitié amoureuse avec Pasolini.
02:39Même chose.
02:40Et cet amour qu'elle a cru vivre avec Onassis,
02:45eh bien en fait, Onassis avait envie d'anneuiller à sa boutonnure en plus.
02:50Il avait tout.
02:51Il voulait avoir Calas.
02:52Parce que Calas brillait et qu'il aimait ce qu'il brillait.
02:55Vous voyez le malheur.
02:56Elle arrive tout d'un coup à 53 ans.
02:58Seule, elle a perdu sa voix, elle a perdu son père, elle a perdu ceux qu'elle aimait.
03:02Elle est toute seule chez elle.
03:03Elle se remémore.
03:05Elle rentre complètement dans la peau d'une héroïne de tragédie grecque.
03:08Oui.
03:08Mais cela dit, ce côté grec, en fait, il n'a pas été évident.
03:14Tout de suite, d'abord, elle est née à New York.
03:15D'abord, elle est née, oui.
03:16Oui, parce que ses parents avaient émigré.
03:19C'était la crise, déjà.
03:20Et ses parents avaient cru que l'Eldorado de New York allait rouvrir la fortune.
03:26Évidemment, ils ont envie de déchanter.
03:28Mais ensuite, eh bien, on a découvert qu'elle avait une voix.
03:31Et comme le couple de ses parents ne s'entendait pas,
03:34la mère en a profité pour repartir en Grèce.
03:36Et c'est quand même en Grèce qu'elle a découvert, enfin, qu'elle a été aidée.
03:40Elle a été refusée d'abord au conservatoire d'Athènes.
03:43Mais, mais, elle a rencontré une femme.
03:45Elvira de Hidalgo, qui a été une grande chanteuse
03:48et qui était amoureuse d'un beau grec qui était venu s'installer en Grèce.
03:52Et elle, elle a dit, il y a quelque chose derrière cette chanteuse.
03:56C'était comme une gangue à l'intérieur de laquelle il fallait creuser pour trouver le diamant.
04:01Elle l'a aidée à cela.
04:02Elle l'a aidée à accoucher sa voix.
04:04Et puis ensuite, qu'est-ce qu'elle a fait ?
04:05Elle est repartie aux Etats-Unis parce qu'elle a voulu faire comme ses parents.
04:08Elle imaginait que, comme elle avait eu quelques succès en Grèce,
04:11le Metropolitan Opera de New York lui était ouvert.
04:15Et puis, on lui a dit non.
04:17On n'avait pas eu une voix pour ça.
04:18Elle a été refusée.
04:19Et puis, une rencontre.
04:21Les rencontres, c'est très important.
04:23Elle a rencontré le directeur des Arènes de Véronne.
04:26Grand festival.
04:28Il a dit, je vous engage.
04:29Il a été aussitôt frappé.
04:30L'Italie est importante aussi.
04:33L'Italie est importante parce que, finalement, c'est là qu'elle a été reconnue.
04:36Et il l'amène à Véronne.
04:38Et là, elle fait ses vrais débuts aux Arènes de Véronne.
04:41Devant 20 000 personnes, elle chante la Gioconda de Poncelli.
04:44Et le lendemain, tout le monde dit, une star est née.
04:47Ensuite, ça sera la finit.
04:48Ça sera tout le reste.
04:49Ensuite, c'est la carrière.
04:50Mais cette carrière lui a procuré des plaisirs.
04:55Mais peut-être pas le bonheur.
04:58En quoi a-t-elle...
05:01Qu'est-ce qu'elle a apporté de neuf à l'opéra ?
05:04Parce que c'est la diva par excellence.
05:06Mais elle a quand même été à l'origine de changements, d'évolutions dans l'opéra.
05:12Oui, parce que des divas, il y en a eu avant.
05:14Il y en a eu plein de divas.
05:16Il y en avait même à son époque.
05:17La Thébaldi était une diva.
05:19Mais elle, ce qu'elle a apporté, c'est le feu, le sang, l'énergie, la force théâtrale.
05:24C'est-à-dire que l'opéra a longtemps été, et qu'on s'est en costume,
05:27on arrivait devant, on se mettait la main sur le cœur, et on chantait.
05:30Elle, tout d'un coup, elle a vécu, comme elle avait vécu douloureusement,
05:34cette douleur qui est le fait de toutes les héroïnes d'opéra, il faut bien le dire.
05:39Elle l'a portée sur scène.
05:40Elle a apporté tout cet espèce de sang, cette énergie intérieure, cette électricité, ce magnétisme.
05:47Et tout d'un coup, l'opéra est devenue du théâtre.
05:50Et ensuite, après elle, on ne pouvait plus chanter la main sur le cœur comme ça.
05:54Non, il fallait aussi jouer.
05:55Alors, il a eu la chance de rencontrer quelques grands metteurs en scène,