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Anne Fulda reçoit Jean-Marie Rouart pour son livre «Drôle de justice : un contrepoison à toutes les injustices» dans #HDLivres

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Transcription
00:00Bienvenue à l'heure des livres Jean-Marie Roir, on est ravis de vous recevoir, vous connaît bien,
00:05académicien, romancier, essayiste, vous écrivez aujourd'hui, vous publiez aujourd'hui un livre
00:09qui s'appelle « Drôle de justice », un livre qui paraît chez Albin Michel. En fait, c'est deux livres,
00:14ce sont deux livres, puisqu'il y a d'abord un premier texte qui s'appelle « Justice, ma crue à l'illusion »,
00:19suivi d'une pièce de théâtre en trois actes, « Drôle de justice ». Alors c'est à la fois une critique
00:25du pouvoir des juges, mais ce n'est pas un livre politique pour autant. Et c'est surtout,
00:31je trouve peut-être le plus intéressant, une exploration des liens intimes qui existent
00:35parfois entre justice et littérature à travers quelques exemples et à travers le vôtre d'ailleurs.
00:41Alors évidemment, on se demande d'abord pourquoi cette question de la justice vous taraude ainsi ?
00:47Pourquoi est-ce, comme vous l'écrivez, l'axe central autour duquel vous n'avez finalement
00:50jamais cessé de tourner comme écrivain ?
00:53Mais je ne crois pas être le seul, je crois que tout le monde, chacun d'entre nous,
00:59d'une façon ou d'une autre, est confronté au problème de la justice.
01:04C'est la systole et la diastole de notre vie.
01:09Ne serait-ce Freud l'a dit, ne serait-ce que quand on a un frère qui naît ou une sœur,
01:16il y a une jalousie, il y a un sentiment d'injustice, il y a vis-à-vis des parents aussi
01:21un sentiment d'injustice. Donc ce sentiment, sur le plan personnel, nous obsède.
01:27Nous ne pouvons pas faire autrement. D'autre part, sur le plan philosophique, nous sommes nés,
01:34notre civilisation est née de la figure du Christ qui est victime d'une injustice,
01:41mais aussi de Socrate. C'est-à-dire que nous reposons nos deux piliers fondamentaux
01:47qui ont fait ce que nous sommes, c'est vrai, qui ont coloré notre vie, ce que nous ressentons,
01:53ce sont deux personnes victimes de l'injustice. Et ensuite, après eux, on a pu reproduire des injustices.
01:58Parce que il ne faut pas dire que la religion catholique n'est pas pu reproduire,
02:02elle a reproduit, hélas, des injustices.
02:05Et puis il y a le côté institutionnel, les tribunaux, et ça c'est une autre question que j'évoque,
02:11et je me permets de donner quelques amorces de solutions pour éviter ce que je crois
02:17le pire défaut des juges aujourd'hui, ce que déjà justice y aura, hélas, toujours,
02:23c'est une forme d'inhumanité qui tient à leur formation à l'école de la magistrature.
02:29Alors ce qui est intéressant, c'est que vous-même vous êtes impliqué dans des affaires judiciaires,
02:36vous avez écrit deux livres sur l'affaire Haddad, mais ce n'est pas la seule fois
02:42où la justice a été au cœur de deux livres, il y a deux livres, « Avant-guerre et le scandale »
02:45où c'était aussi un sujet central. Ce qui est intéressant, c'est qu'au fil de ces livres,
02:52on voit que finalement vous regrettez parfois que derrière une parodie de justice
02:56se cache finalement un moyen de sauver la face ou d'exécuter finalement une décision politique
03:03ou, comme vous écrivez, d'éviter le soupçon de barbarie. C'est une forme d'hypocrisie.
03:08Oui. Non, il y a beaucoup d'hypocrisie dans la justice, puis il y a des affaires judiciaires monstrueuses.
03:14C'est l'affaire des disparus de l'urne. C'est vrai que pendant 20 ans,
03:17on a complètement occulté la disparition de 15 jeunes filles qui ont été torturées, violées,
03:23et qui étaient des jeunes filles handicapées. Et les juges n'ont rien voulu voir alors qu'ils étaient alertés
03:30par un gendarme, le gendarme Jeanbert. Et quand enfin il y a eu le procès, la veille,
03:36ce gendarme Jeanbert, dont c'était l'apothéose, on l'a retrouvé suicidé de deux balles dans la tête.
03:43Et les juges ont trouvé, qui ne sont pas très forts en balistique, ont trouvé que c'était normal
03:47qu'on puisse se susciter de deux balles.
03:49Alors ce qui est intéressant, c'est qu'il y a l'écrivain, et il y a le journaliste
03:53qui demeure en vous, et qui très tôt a été lui aussi intéressé par les affaires judiciaires.
03:59Vous vous rappelez dans le livre qu'en 69, vous avez écrit un article dans le Figaro
04:03au moment de l'affaire Gabriel Russier, qui était une affaire qui avait fait grand bruit,
04:07puisque c'est ce professeur de français qui avait été accusé de détournement de mineurs
04:11pour avoir une histoire d'amour avec un jeune garçon de 17 ans,
04:14qui avait été emprisonné, et qui s'était suicidé.
04:18C'est une affaire Macron qui est mal tournée, parce que j'ai pris sa défense tout à fait dès le début.
04:24Dans le Figaro.
04:24Quand elle a été inculpée, dans le Figaro, qui était pourtant un grand joueur bourgeois,
04:28à cette époque-là, et je dois le dire, ça a eu un grand retentissement,
04:33mais ça n'a pas empêché que la malheureuse se suicide.
04:36Ensuite, Pompidou est intervenu dans cette affaire.
04:39Mais disons, je crois que c'est, vous dites que c'est le journaliste,
04:44c'est aussi l'écrivain.
04:45Je crois qu'un écrivain, c'est quelqu'un, pour reprendre la formule de Romain Garry,
04:51qui a mal chez les autres.
04:52Qui a mal chez les autres, et le journaliste, c'est l'instrument.
04:56Il a la possibilité, ayant mal chez les autres,
05:00c'est-à-dire étant toujours en souffrance,
05:02mais qui ne souffre pas en ce moment, que ce soit dans les guerres, les conflits,
05:06ni il est. Tout est occasion d'une injustice,
05:10et si on s'intéresse aux autres, si on reste.
05:14Ce qu'on a tendance à faire parfois, les écrivains,
05:16à être vraiment tournés vers eux-mêmes,
05:19égocentriques, c'est un peu humain.
05:21Mais personnellement, j'ai voulu tourner, justement, dans la littérature,
05:25parce qu'il y a des moments où on ne peut rien faire contre l'injustice.
05:29Et je crois, je cite à un moment, l'abbé Stock,
05:33qui était le confesseur au Mont-Valérien de tous ces résistants
05:36de 20 ans qu'on allait fusiller.
05:39Il les confessait, et je crois qu'il réussissait à donner un sens
05:44à l'injustice qui les frappait.
05:47Et il me semble que c'est la vocation de la littérature et des écrivains
05:50de pouvoir donner un sens à tous les gens malheureux
05:54qui vivent une injustice contre laquelle on ne peut rien faire.
05:57Alors, on terminera là-dessus.
06:00Vous indiquez que l'idée de cet essai vous est apparue un jour d'été à Cognac
06:04et que vous avez été comme saisie, d'un coup, durant trois jours,
06:08d'une exaltante transe littéraire.
06:10Est-ce que c'est comme si, finalement, les pièces de votre puzzle personnel
06:13s'étaient mises en place avec la découverte de ce fil directeur,
06:18finalement, de la justice à travers votre œuvre et votre vie ?
06:22Il y a un phénomène, mais c'est la même chose pour les romans.
06:23C'est ce sentiment que, subitement, on est habité par une intuition
06:30et parce que tout est dans l'inconscient.
06:33Et d'ailleurs, Paul Valéry a une phrase magnifique
06:35qui dit « Un écrivain véritable ne trouve pas ses mots,
06:39alors il les cherche et il trouve mieux ».
06:42C'est la même chose pour un romancier
06:43ou pour une pièce de théâtre, un dramaturge.
06:47À force de chercher, subitement, les choses naissent
06:50et en les écrivant, vraiment, elles s'amplifient.
06:53En tout cas, je vous conseille de lire ce livre,
06:55« Drôle de justice », qui est paru chez Albain Michel.
06:57C'est plus qu'un essai politique, c'est aussi un essai littéraire,
07:00comme vous venez de le dire, autour de ce thème de la justice.
07:04Merci beaucoup, Jean-Marie Roy.
07:05Merci, Anne Vuda.
07:06Sous-titrage Société Radio-Canada
07:10Sous-titrage Société Radio-Canada

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