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  • 03/06/2025
Anne Fulda reçoit Jean Le Gall pour son livre «Dernières nouvelles de Rome et de l’existence» dans #HDLivres

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Transcription
00:00Bienvenue à L'heure des livres, Jean Le Gall.
00:02Alors on est ravis de vous recevoir, parce qu'on vous connaît déjà comme éditeur,
00:06vous avez écrit certes deux romans, et on apprécie beaucoup les livres que vous éditez ici à L'heure des livres,
00:12les livres qui sont édités chez Séguier, notamment, et au Cherche Midi.
00:16Et là vous venez de publier un livre qui est singulier, savoureux,
00:21un livre qui sort de l'ordinaire, qui s'appelle Dernière nouvelle de Rome et de l'existence,
00:27c'est paru chez Gallimard, c'est un peu l'histoire d'une errance dans la ville éternelle, Rome évidemment.
00:33On retrouve vos passions littéraires, cinématographiques.
00:37Alors l'action se déroule donc à Rome, comme je le disais, en 69,
00:41et votre drôle de héros s'appelle Nicolas Palombo.
00:44D'ailleurs Nicolas Palombo, c'est une référence à un film déjà.
00:50Alors il a 45 ans et 7 mois, il a une trajectoire pour le moins originale,
00:54parce qu'il est au sommet de sa gloire politique,
00:56il est révolutionnaire, communiste, et il décide de démissionner,
01:01de tout abandonner pour une autre vie.
01:03Alors vous avez été inspiré par un cas qui préexistait de cet ordre-là ?
01:08Parce que c'est vrai que c'est...
01:09Hélas non, les politiques sitôt investies sont trop fiers de leur conquête,
01:13de leur prise de pouvoir, pour parfois avoir la lucidité de démissionner.
01:18Mais dans le cas de Nicolas Palombo,
01:21il vient d'être nommé à la tête d'un parti communiste dissident,
01:23en réalité il est léniniste, et dans le léninisme il y a une leçon.
01:27C'est que vous pouvez imaginer qu'un dirigeant de parti marche devant la classe ouvrière,
01:34mais d'un pas seulement.
01:36Et en fait c'est tout le sujet de Nicolas Palombo,
01:38c'est qu'il aperçoit que la politique est un piège en ce qu'elle consacre,
01:43une idolatrie un peu accidentelle à quelqu'un qui ne l'a pas vraiment méritée.
01:47Alors, donc il fait volte-face, alors à un moment, il...
01:52Enfin, deux hypothèses se posent, est-ce qu'il fait comme Paul Valéry,
01:56qui en 1892 remet en cause la littérature,
02:01ou est-ce qu'il se sent minuscule face au remont de l'histoire,
02:03c'est ce que vous semblez privilégier,
02:06et il démissionne pour explorer l'humanité,
02:10l'humanité vérité, et en prenant un rôle de travail,
02:13puisqu'il va être vendeur dans un magasin de canapés ?
02:17Oui, ça peut paraître absurde, mais en réalité,
02:19notre Nicolas Palombo a fait l'expérience récente
02:22d'une politique qui était en marge de l'existence.
02:26Non seulement la politique n'est pas dans l'existence,
02:29elle est à côté, elle est au-dessus, mais elle n'est jamais dedans,
02:31et par ailleurs, elle alourdit l'existence.
02:33Il a observé que la vie de chacun pouvait être gâchée
02:37par les débats politiques, par la question politique.
02:39Et donc, il se dit, c'est quand même curieux,
02:41ce métier-là, qui consiste normalement à creuser les reins d'une époque,
02:45à mieux connaître le genre humain, ne le connaît pas.
02:47Et donc, lui, il se dit, tiens, je vais vivre une expérience existentielle,
02:51je vais me mettre au milieu du genre humain.
02:54Et donc, il cherche dans Rome un commerce qui lui paraît approprié,
02:58il arrive devant un magasin qui vend des canapés,
03:01il rentre à l'intérieur du magasin, le propriétaire du magasin le reconnaît,
03:05il lui dit, que me voulez-vous ?
03:06Je veux un poste de commercial.
03:08Le patron lui répond, mais attendez, je vous préviens,
03:10je ne suis pas communiste.
03:11Et Nicolas Palombo de répondre, mais moi non plus.
03:14Alors là, à partir de là, on vit des rencontres assez étonnantes, improbables.
03:19Il y a même une rencontre cinématographique,
03:21puisqu'il rencontre même la Mangano,
03:23Sylvana Mangano, qui rentre dans le magasin,
03:26il rencontre un gigolo, en fait, une sorte de gigolo,
03:31un écrivain.
03:34Et on voit qu'en fait, finalement, tout au long de ces rencontres,
03:39et de lettres qu'il s'écrit à lui-même, ce qui est un procédé assez original,
03:43ça revient à cette phrase qu'il se dit à lui-même,
03:46il y a comme des malentendus entre nous,
03:47entre lui et lui, finalement.
03:51On fait tous l'expérience de nous poser des questions chaque jour.
03:54On a des questions qui vont et viennent comme ça,
03:56entre les deux rives de l'intelligence et ses arbitrages.
04:01On les sous-pèse ou pas ?
04:03Il y a une partie instinctive de nous,
04:04et une autre qui est beaucoup plus réfléchie.
04:06Palombo, c'est différent.
04:08Il va se poser, il va poser les questions,
04:10il va remuer les questions qu'il juge essentielles dans ces années-là.
04:15Ces années-là, c'est peut-être l'heure, d'un côté,
04:18du bilan de l'existentialisme.
04:19Alors en France, il est très connu, très établi, etc.
04:22Mais voilà, en Italie, c'est Moravia.
04:24Et puis, c'est l'année de la grande bifurcation.
04:27Qu'est-ce qu'on fait ?
04:28Est-ce qu'on accepte un nouveau mode de vie
04:30avec ces réfrigérateurs, ces petites voitures
04:34toutes rouges et klaxonnantes ?
04:37Est-ce qu'on est content d'avoir un salon tout équipé ?
04:40Ou alors, est-ce qu'on opte pour un propos plus radical ?
04:44Et on voit là se dessiner une politique
04:48qui va petit à petit dégénérer en terrorisme,
04:50en année de plomb ?
04:51C'est un autre chapitre de l'Italie qui va s'ouvrir.
04:54Alors donc, on voit, il y a des questionnements,
04:57des observations qui se bousculent.
04:59Il n'aime pas le monde moderne, clairement,
05:03votre héros.
05:04Et il est quelque peu désabusé,
05:06avec un regard très aiguisé sur les gens.
05:08Alors évidemment, on se demande s'il y a un peu de vous
05:10dans ce personnage.
05:12À chaque fois que vous avez un écrivain devant vous,
05:14il va vous expliquer que les personnages,
05:16c'est un peu de lui,
05:16qu'il s'est comme ça un peu atomisé
05:18à travers différents personnages.
05:21La vérité, c'est que tous les personnages que l'on crée
05:23sont les auteurs, mais au second degré.
05:27Donc voilà, c'est une question de dosage.
05:29Palumbo, effectivement, s'avère être un anti-moderne.
05:32Mais il en prend tardivement conscience.
05:35L'anti-moderne, c'est une notion assez floue,
05:37peu définie,
05:38que l'on va trouver chez des hommes de droite,
05:41chez des hommes de gauche,
05:42chez des hommes à la droite de la droite,
05:43à la gauche de la gauche.
05:44Donc, ce n'est pas une notion
05:46qui correspond à une grille politique.
05:49C'est en revanche une attitude.
05:51C'est une attitude de soupçon
05:53devant une partie de la modernité.
05:56Pas toute la modernité,
05:57une partie seulement.
05:58C'est-à-dire la modernité
05:59qui va s'en prendre à l'humain lui-même.
06:02Et de Pasolini à Bernanos dans ces années-là,
06:05les contempteurs de la modernité sont nombreux.
06:07Alors, on ne dira pas comment ça se termine.
06:09Il sera quelque peu absorbé par cette ville.
06:13Mais il y a un personnage qui est important,
06:14c'est Rome.
06:15La ville de Rome.
06:17On a l'impression,
06:18c'est votre ville d'élection.
06:19Vous en parlez extrêmement bien.
06:20Rome était un tout à l'égo du bruit,
06:22du bruyant.
06:23Il y a le bourdonnement des motorines,
06:25les portes qui claquent,
06:26les waffes en coul,
06:26les coups de pied dans la tôle des voitures,
06:28les plantes au crié,
06:30dans les combinés du téléphone,
06:31les râles surjouets du sexe,
06:32les échos métalliques des cuisines.
06:34C'est votre ville d'élection ?
06:36Non.
06:37C'est une ville qui est prise
06:39comme un symbole,
06:41le symbole des symboles.
06:43C'est d'ailleurs une ville
06:43qui se prête naturellement
06:45à la littérature et au cinéma,
06:47parce qu'évidemment,
06:48elle signifie quelque chose.
06:49C'est une telle ville de contraste
06:51entre ces ruines d'un côté,
06:53dont elle tire une partie de son commerce,
06:55sa corruption, son ennui,
06:57et cependant son sortilège,
06:58son charme,
06:59le fait que les Romains
07:00n'arrivent jamais à la quitter.
07:02Il y a beaucoup de choses,
07:03évidemment, à dire à Rome.
07:04Et écrivant un livre
07:06avec le nom de Rome
07:08sur la couverture,
07:09je viens à la suite
07:10de nombreux autres.
07:12En tout cas,
07:12je vous conseille de lire ce livre.
07:14Ça s'appelle
07:14Dernière nouvelle de Rome
07:15et de l'existence.
07:16C'est paru chez Gallimard.
07:17Merci, Jean Le Gall.
07:18C'est très bien écrit.
07:20C'est drôle, mélancolique,
07:22plein d'humour.
07:23Je vous le conseille.
07:24Merci beaucoup.
07:25Merci.
07:25Sous-titrage Société Radio-Canada
07:29Merci.

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