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En Inde, au Burkina Faso ou en France, le World Monuments Fund agit depuis 60 ans pour préserver le patrimoine mondial. Présente sur tous les continents, cette ONG américaine mène actuellement une cinquantaine de projets de sauvegarde de sites menacés que ce soit par le dérèglement climatique ou par une pression touristique excessive.
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00:00Que ce soit en Inde, au Burkina Faso ou encore en France, les actions du World Monuments Fund s'opèrent partout dans le monde et ce depuis 60 ans.
00:14Et je suis ravie de recevoir Mathilde Auger qui est directrice exécutive du WMF France. On dit WMF ?
00:20On dit WMF, c'est plus facile.
00:22Ça me simplifiera la vie. Bonjour, merci beaucoup d'être avec nous.
00:25Bonjour Sybille, merci beaucoup pour l'invitation.
00:27Alors si je retiens bien, c'est donc en 1965 que toute cette organisation a été créée. Est-ce que vous pouvez nous raconter quel était le constat de départ qui a permis tout ce développement ?
00:40Bien sûr. Alors c'est effectivement il y a 60 ans. Donc on est en plein Europe après le plan Marshall.
00:47Et le colonel Gray, un colonel américain à la retraite, était un grand passionné de patrimoine.
00:53Il voyageait partout dans le monde et il a constaté dans différents endroits qu'il y avait vraiment besoin de sauvegarder de nombreux sites en Périlla.
01:00Il en a reparlé à ses retours de voyage. Il passait beaucoup de temps en Italie à l'époque.
01:07Et à partir de là, il a réussi à susciter l'enthousiasme de nombreux américains, même de beaucoup de new-yorkais à l'époque, pour sauvegarder certains sites dans le monde.
01:16Il a commencé à faire quelques grands projets dans des lieux vraiment emblématiques, à la Libella en Éthiopie, à l'île de Pâques, au Chili et à Venise au moment des inondations.
01:28À partir de là, à partir de ces grands projets, l'ONG s'est structurée, professionnalisée.
01:35Et on arrive aujourd'hui, 60 ans plus tard, où maintenant on a fait plus de 700 projets dans plus de 112 pays.
01:41Et justement, je voulais revenir sur tous ces chiffres clés de l'association. Combien de projets ? Dans combien de pays ? Est-ce que vous savez tout ça ?
01:49Comment est-ce que vous êtes aussi dans cette organisation ?
01:51Alors, dans le monde, combien est-ce qu'on est ? On a à peu près 400 personnes qui travaillent trois mois de l'année au WMF.
01:59C'est une grosse structure, mais c'est assez partagé. C'est-à-dire que ça inclut environ 80 personnes qui sont vraiment les employés administratifs.
02:06Et après, tous les artisans, restaurateurs, experts qui travaillent pour nous.
02:12Donc sur ces 400, il y en a par exemple une très grosse partie qui travaillent au Cambodge pour nous, à Angkor Watte, sur nos projets à Angkor Watte.
02:21Combien de projets actifs ? Actuellement, plus d'une cinquantaine dans 35 pays.
02:27D'accord. Et alors, quand on parle de patrimoine, en fait, qu'est-ce que ça veut dire exactement une organisation qui s'occupe de la restauration du patrimoine restauré ?
02:38Qu'est-ce que vous faites concrètement dans chaque site ? Et j'imagine que ça diffère en fonction de la typologie du site.
02:44Tout à fait. On s'adapte vraiment aux besoins de chacun des sites.
02:47Mais ce qui est très important pour nous, c'est qu'on travaille sur le patrimoine immobilier, sur les monuments, sur du patrimoine tangible.
02:59Et là, à partir de là, on travaille sur des sites très, très différents les uns des autres, que ce soit des espaces agricoles historiques, traditionnels,
03:07des grottes rupestres ou du patrimoine beaucoup plus moderne et contemporain.
03:11On adapte notre action aux besoins. Donc, ça peut aller de la restauration, de la conservation physique, à de l'aménagement, à la réflexion sur l'accueil des visiteurs,
03:22comme par exemple ce qu'on a fait à Teotihuacan, ou également des projets de valorisation de ce qu'on appelle en anglais de l'advocacy,
03:30pour vraiment défendre certains sites contre des dangers, contre des destructions potentielles.
03:35Et on inclut également dans toutes ces actions la protection de certains savoir-faire liés à des monuments.
03:41On a par exemple un très beau programme de formation de restauration à la feuille d'or au Japon, à Kanazawa,
03:49à la taille de pierre en Jordanie pour des réfugiés syriens, autour de Chine aussi, beaucoup.
03:56Donc, c'est vraiment très, très large.
03:58Oui, très large. Et comment est-ce que vous sélectionnez les projets ? Est-ce qu'on vous sollicite ?
04:03Ou est-ce que c'est vous qui proposez votre aide sur certains sites ?
04:07On choisit nos projets à partir d'appels à candidature, d'appels à nomination.
04:11Le plus gros de nos programmes, c'est ce qu'on appelle la Watch, la World Monuments Watch.
04:15Ah oui, c'est ça. Parce que je voyais qu'il y avait deux terminologies.
04:18J'allais lui demander quelle était la différence.
04:20Entre le World Monuments Watch et le World Monuments Fund.
04:24Alors, le World Monuments Fund, c'est vraiment l'organisation, l'institution et la World Monuments Watch, qu'on a mis au féminin en français.
04:33Mais bon, voilà. C'est vraiment un de nos programmes et c'est notre principal appel à candidature dans le monde pour justement sélectionner des nouveaux projets.
04:40D'accord.
04:41C'est un programme biannuel, international, et tous les deux ans, on lance cet appel à nomination dans le monde.
04:48N'importe qui peut candidater, à la fois des gestionnaires de sites, des propriétaires de sites, des collectivités, des États,
04:54mais aussi des individus amoureux du patrimoine qui peuvent tout simplement nous signaler qu'il y a cet endroit absolument sublime à côté de chez eux qui a besoin de beaucoup d'aide.
05:03C'est vraiment ouvert à tous. À partir de là, toutes ces candidatures sont examinées par des experts indépendants et internes.
05:11On a par exemple un comité scientifique en France qui est présidé par Stéphane Berne et qui regroupe des experts de différents domaines,
05:18qui a étudié toutes les candidatures qu'on a reçues en France.
05:21Ensuite, on étudie les candidatures viables en interne avec les équipes du WMF.
05:27Et enfin, on les donne tous à un jury d'experts indépendants international, et ce sont eux qui font une sélection drastique de 25 sites.
05:36C'est ça.
05:36C'est drastique. 25 sites, vraiment, c'est là, sur notre dernier appel à candidatures, on avait plus de 220 candidatures.
05:43Et quand vous avez dit projet viable, j'imagine que c'est un des critères phares pour que vous puissiez intervenir.
05:51Sur quoi se base cette viabilité ?
05:53Sur des arguments physiques, tout simplement, est-ce que c'est des endroits, par exemple, où on est en capacité d'aller ?
06:00Sur certains arguments aussi financiers, est-ce que c'est des projets qui demandent 450 millions, par exemple ?
06:08Ce n'est pas un projet sur lequel nous, là, tout seuls, on veut aller.
06:13Sur des capacités techniques aussi, est-ce que c'est un endroit où, là, tout de suite, on a les moyens ?
06:20Donc, sur tous ces critères-là, pour voir vraiment ce qui est viable, sérieux, et à partir de là, on regarde aussi ce qui est d'un intérêt plus stratégique.
06:29C'est-à-dire que, comme la sélection est tellement drastique, on essaye vraiment de choisir des projets sur lesquels on pense qu'on a une valeur ajoutée plus forte.
06:36C'est souvent des endroits où on peut essayer de réfléchir, par exemple, à une nouvelle solution, une nouvelle manière de faire les choses,
06:43qui ensuite peut être dupliquée ailleurs, parce qu'évidemment, on partage tout ce qu'on fait.
06:48Et le scénario idéal, c'est que vraiment, on arrive à imaginer une solution innovante qui, ensuite, puisse être reprise et aider d'autres sites par le monde.
06:55Est-ce que, quand on vous sollicite, est-ce qu'on dit, enfin, est-ce que les personnes savent quels sont les besoins qui sont nécessaires pour ce site-là,
07:05où, en fait, ils sont un petit peu dans le flou, et vous, vous êtes là aussi pour faire, tout simplement, un état des lieux, une feuille de route,
07:11et leur dire ce qui serait judicieux pour vous de faire ?
07:13C'est variable, mais, de toute façon, dans tous les cas, on va commencer par un état des lieux et une conversation très approfondie avec notre partenaire local,
07:21pour, effectivement, être sûr qu'on a bien identifié les besoins, et, ensuite, les étapes suivantes pour voir comment agir.
07:29Parce que, parfois, on peut recevoir une candidature en disant, bon, le problème, c'est qu'il y a trop de visiteurs à cet endroit-là,
07:37ou le problème ne tient pas tellement au fait qu'il y a vraiment trop de visiteurs,
07:40mais que, par exemple, les liens entre les visiteurs à un site touristique et les communautés environnantes,
07:46ces liens se sont trop distendus, et c'est plutôt ça, le problème, aujourd'hui.
07:50C'était le cas, par exemple, sur un des projets qu'on a terminé à Teotihuacan, au Mexique,
07:54où on a travaillé vraiment très étroitement avec tous les villages environnants pour voir comment essayer de resserrer les liens,
08:02et c'est passé par l'organisation de différents événements avec les populations locales,
08:08mais aussi par des études préalables et, tout simplement, par des redirections, ensuite, des circuits de visiteurs
08:14qui passent par plusieurs entrées et ce genre de choses.
08:16Donc, il peut y avoir, parfois, des solutions très simples, et d'autres, parfois, beaucoup plus complexes.
08:21C'est très variable.
08:22Est-ce qu'il y a un péril que vous remarquez qui est le plus fréquent dans tous ces sites que vous aidez à se développer ?
08:30Aujourd'hui, on a utilisé notre dernier appel à la candidature de la Watch pour vraiment faire cette analyse,
08:36pour faire un état des lieux des différents dangers qu'identifiaient les gestionnaires de sites.
08:41On en a identifié plusieurs qui sont inégalement répartis, mais c'est quand même, grosso modo, il y en a plusieurs qu'on retrouve partout.
08:49Le premier, c'est le réchauffement climatique, le dérèglement climatique,
08:53qui, effectivement, impacte 56% des sites au niveau mondial, mais 81% des sites sur le continent africain.
09:01Il y a une autre problématique qui est la question du tourisme, sur-tourisme, sous-tourisme,
09:06des endroits qui sont, à l'inverse, pas assez visités.
09:09Le sur-tourisme, aujourd'hui, c'est un endroit qui a un péril qui impacte majoritairement l'Amérique latine et la Caraïbe.
09:16Tandis qu'il y a aussi des sous-tourismes, du coup, et des lieux, du coup, qui ne sont pas, en fait, entretenus par manque de moyens.
09:21Alors, les manques de moyens est, d'ailleurs, un des périls, pour le coup, assez universels à différents domaines,
09:28mais c'est aussi sur la liste.
09:30La question de l'industrialisation, une industrialisation un peu trop forte qui met en danger des sites historiques,
09:36particulièrement le cas en Asie.
09:38La question de l'accessibilité et du site de l'histoire qu'on raconte,
09:44et ça, c'est un danger qu'on observe assez fréquemment.
09:46C'est des sites qui sont, de toute façon, fermés au public.
09:51Et, en fait, au fur et à mesure qu'ils sont fermés au public, s'ils ont un peu perdu leur usage,
09:55à partir de ce moment-là, plus personne ne voit vraiment comment les protéger au mieux.
10:01D'accord.
10:01Donc, ça, c'est un point sur lequel on travaille beaucoup.
10:04Et c'est le cas, par exemple, du site qu'on a en France, la Chapelle de la Sorbonne,
10:09qui est un site absolument somptueux au cœur de Paris.
10:11Mais comme il était fermé depuis 25 ans, aujourd'hui, l'enjeu, c'est vraiment de le réouvrir.
10:17Et oui, et d'attirer le public, d'en créer aussi tout un discours, etc.
10:21Et vous avez parlé un petit peu de financement.
10:23Comment ça se passe ? Est-ce que vous avez des appels aux dons pour chaque projet ?
10:28Comment est-ce que vous organisez tout ça ?
10:29On a la chance de s'appuyer vraiment sur une philanthropie privée qui vient de différents univers,
10:35des individuels, des fondations, des entreprises.
10:38On s'appuie sur certaines grandes entreprises à différents endroits dans le monde.
10:44On travaille beaucoup avec TTS en Inde.
10:47Accor, le groupe français, nous accompagne aujourd'hui sur la watch autour des questions du tourisme également.
10:53et on fait effectivement des appels aux dons, des campagnes de levée de fonds sur chacun de nos projets.
11:01Une fois qu'on sélectionne un projet, on élabore un budget avec le partenaire local
11:07pour voir à peu près de combien est-ce qu'on a besoin.
11:10Et à partir de là, on commence notre levée de fonds.
11:12D'accord, mais vous avez quand même une certaine base financière d'année en année
11:17qui est assez constante et qui vous permet de vous projeter.
11:18Tout à fait. C'est variable et aujourd'hui, on est plutôt dans une phase en expansion sur ces dernières années.
11:26Et on a la chance de pouvoir s'appuyer sur assez de gens qui nous soutiennent depuis longtemps
11:31pour être capable d'évaluer quand même en se disant, bon, ça, c'est un projet réaliste, ça, c'est un projet qui l'est moins.
11:37Et en parlant de projet réaliste, vous avez proposé un projet sur la Lune.
11:41Est-ce que vous pouvez nous en dire un petit peu plus en parlant de l'interview ?
11:44Alors, le projet sur la Lune, effectivement, c'est un projet un petit peu différent.
11:49C'est notre projet qui fait cette fois le WMF s'aventure dans l'espace.
11:53Alors, pour le coup, c'est vraiment un projet surtout autour de l'advocatie, de la protection de la Lune.
11:58C'est-à-dire que la Lune a un patrimoine déjà extrêmement riche, en fait,
12:02autour notamment de la base de la tranquillité qui regroupe à plus de 80 aujourd'hui d'artefacts différents.
12:09C'est là qu'on a la première empreinte de pas sur la Lune.
12:12On a aussi un rameau d'olivier en or qui avait été apporté ici par Neil Armstrong.
12:16Donc, on a beaucoup de choses.
12:18Simplement, la Lune n'appartenant à personne aujourd'hui, c'est difficile de le protéger juridiquement.
12:23C'est déjà classé comme un site historique par l'État de Californie depuis une quinzaine d'années.
12:28Mais en revanche, il n'y a pas beaucoup de protection juridique.
12:33Et nous, on veut élaborer autour de la Lune un projet, un accord international pour protéger ce patrimoine.
12:41Alors même qu'aujourd'hui, on est dans une phase où il y a beaucoup d'explorations privées,
12:45beaucoup d'explorations aussi d'États qui n'ont pas ratifié les différentes conventions sur la Lune.
12:50Donc, on ne prévoit pas là tout de suite de développer beaucoup de choses comme ça.
12:54Mais en revanche, une protection juridique, un peu sur le modèle du traité de l'Antarctique.
13:00D'accord. Merci beaucoup Mathilde Auger.
13:02Je rappelle que vous êtes directrice exécutive du World Monuments Fund France.
13:06Merci d'avoir été avec nous et merci à vous tous et toutes de nous avoir suivis.
13:09C'était Arrêt Marché, édition week-end.
13:11Sous-titrage Société Radio-Canada
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