- 03/06/2025
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Art et designTranscription
00:00Bonjour à toutes et bonjour à tous.
00:05C'est toujours une fête de vous retrouver ici chaque année à la Maison de l'Amérique latine
00:08pour le grand coup d'envoi de la rentrée littéraire.
00:13Merci d'être venu si nombreuse et nombreux ce matin.
00:17Bonjour à ceux qui sont connectés aussi et qui nous regardent de loin.
00:21Et puis un grand merci à Aurélia Spalacci, aux équipes Interforum
00:25pour l'organisation de cette journée toujours impeccable et joyeuse.
00:30Comme chaque année, Au bruit du monde, on publiera deux titres.
00:35Et comme souvent, un roman français, un premier roman français,
00:40c'est la première fois que la Maison publie un premier roman en rentrée littéraire,
00:43La bouche dans le sable de Kevin Thievon qui est à ma gauche.
00:47Et une traduction, une traduction de l'italien,
00:51Une rumeur dans le vent d'Hilaria Gaspari qui est aussi à ma gauche.
00:57Et on va tout de suite laisser la place à Marie-Pierre Grasdieu et Hilaria Gaspari
01:02pour nous parler d'une rumeur dans le vent.
01:03Bonjour à tous.
01:10Ravie de vous retrouver ce matin.
01:14Effectivement, une rentrée, c'est toujours un peu excitant
01:16et surtout quand on est si bien accompagné.
01:18Donc, merci à tous les deux d'être là.
01:19Hilaria, tu es arrivée de Turin hier.
01:27En France, on te connaît déjà pour tes essais.
01:31Je vais dire quelques mots.
01:32Je fais un rappel biographique.
01:33Tu es née en 1986 à Milan.
01:37Tu as étudié la philosophie à l'école normale de Pise.
01:40Et puis, tu as accompli un doctorat dans la même matière à la Sorbonne.
01:44C'est peut-être là que tes liens avec la France se sont encore intensifiés.
01:49Et on a découvert en 2020 ton travail avec Leçon de bonheur au PUF,
01:55des essais dans lesquels tu nous invitais à revisiter les philosophes antiques
02:00pour affronter les grandes épreuves, certaines grandes épreuves de nos existences.
02:04Et finalement, cinq ans plus tard et après quatre publications,
02:08on se rend compte que tu as déjà laissé une trace dans les esprits des lecteurs français.
02:16Peut-être parce que tu réussis à révéler la dimension philosophique et profonde
02:20des sujets les plus intimes et prétendument les plus artificiels.
02:24Et nous, nous avons la chance à la rentrée de publier ton roman,
02:28Une rumeur dans le vent, magnifiquement traduit par Romane Lafort,
02:31comme tous tes livres d'ailleurs, depuis le début.
02:34Une rumeur dans le vent, c'est un titre qu'on a choisi ensemble, tous les trois,
02:38parce que le titre original, la réputation, on l'aimait beaucoup,
02:42mais comme il était déjà beaucoup emprunté en français,
02:44il a fallu qu'on réfléchisse ensemble.
02:47Et Une rumeur dans le vent dit très bien comment tu t'intéresses effectivement
02:53à la propagation d'une rumeur, mais aussi ce dans le vent,
02:57bien évidemment c'est pour faire allusion au monde de la mode
02:59dont tu décris magnifiquement le fonctionnement ici aussi.
03:02Est-ce que tu nous raconterais un peu cette histoire et tu nous présenterais ces personnages ?
03:07Merci.
03:12Je suis très émue d'être ici, c'est la première fois que je parle de ces livres en français,
03:18et j'ai adoré la traduction de Romane Lafort.
03:21Et bon voilà, l'action se passe à Rome, dans une boutique, dans un magasin de vêtements.
03:26On est au début des années 80, et la propriétaire de ces magasins s'appelle Marie France,
03:32elle est une femme française qui habite à Rome depuis des années,
03:35on ne sait pas combien d'années, parce qu'elle a du mal à révéler son vrai âge,
03:40parce qu'elle a grandi dans une idée de la beauté féminine,
03:44à laquelle elle n'est pas permis de vieillir.
03:48Et donc voilà, elle a un associé avec lequel elle gère cette boutique,
03:52il s'appelle Josué, et il y a aussi des filles, des vendeuses qui travaillent avec elle.
03:57Entre elles, il y a Barbara, qui est la voix qui raconte cette histoire.
04:01C'est une histoire qui est un peu partagée en deux parts.
04:06La première partie est plutôt lumineuse, c'est comme si la boutique était en carillon,
04:13elle avait plein de joie, ses vêtements, cette légèreté.
04:18La deuxième partie est une partie plus sombre, plus nocturne,
04:21parce qu'il y a quelque chose qui se passe entre-temps.
04:24C'est le fait que Marie-France décide d'ouvrir sa boutique aux jeunes filles,
04:29de faire une collection à dos,
04:31et c'est à ce moment qu'une rumeur commence à se répandir entre les rues de la ville,
04:37et tout le monde va croire à cette rumeur, même s'il n'y a pas d'épreuve, que ce soit vrai.
04:42Cette histoire, l'inspiration m'est venue d'une vraie histoire qui s'est passée à Orléans,
04:48à la fin des années 60, qui a été magnifiquement racontée dans une enquête par Edgar Morin,
04:54la rumeur d'Orléans, et après j'ai appris qu'à Rome, cette rumeur s'était répandue à sa foi.
05:00Alors quand j'ai su ça, comme j'avais travaillé pendant des années chez la maison Valentino,
05:06pendant que j'ai fini ma thèse,
05:09et là j'avais conçu l'idée d'écrire quelque chose qui avait à faire avec le son le plus profond de la mode,
05:16parce que oui on pense que c'est un sujet superficiel,
05:19même s'il y a par exemple Roland Barthes, Zimmel,
05:24qui ont écrit des essais magnifiques sur la mode,
05:27mais moi je voyais en travaillant dans cette ambiance,
05:30qu'il y avait quelque chose qui avait à faire avec la profondeur de notre image,
05:35et de notre corps, notre relation avec les autres, avec le regard des autres.
05:40Donc quand j'ai découvert cette histoire,
05:42je pensais que c'était une histoire à raconter à ce moment-là,
05:46parce qu'aujourd'hui avec les réseaux sociaux,
05:49le thème de la réputation, le thème du regard des autres est très important,
05:53donc c'est une histoire que j'ai racontée au passé,
06:00mais qui parle du présent, au moins dans mes intentions.
06:03Et toi qui as écrit de nombreux essais,
06:07qui as l'habitude finalement de regarder le monde sous ce prisme-là,
06:10pourquoi avoir écrit un roman ?
06:12Alors là, c'était parce que j'ai...
06:16Bon, au début, je pensais, peut-être je peux faire un essai
06:20ou quelque chose qui a la forme d'une enquête,
06:24mais après je me suis dit, mais non,
06:25les romans me donneraient les instruments
06:28pour raconter ce qui arrive au niveau émotionnel.
06:32Moi, j'ai beaucoup étudié les émotions,
06:34c'était le sujet de ma thèse, et ça m'intéresse beaucoup.
06:37Je voulais voir ce qui se déroule au sein d'une psychologie
06:41lorsqu'on se trouve face à une calomnie.
06:45C'est quelque chose de très intéressant, je trouve.
06:47C'est quelque chose de très troublant aussi,
06:49mais c'est quelque chose aussi que je pense qu'il faut essayer
06:53de regarder dans les yeux,
06:54parce que c'est quelque chose qui arrive tout le temps
06:56dans nos vies aujourd'hui, voilà.
07:00Merci, Hilaria.
07:01Je voudrais peut-être juste ajouter,
07:02parce que c'est Barbara qui raconte cette histoire.
07:04C'est Barbara, oui.
07:05C'est Barbara, elle est une fille, elle est assez jeune.
07:09Elle n'est pas aussi mûre de pouvoir avoir une attitude courageuse
07:15face à la calomnie.
07:18Et là, c'était très difficile de faire ça,
07:21surtout parce que c'est Barbara qui dit « je »,
07:24qui dit « moi » dans ce roman.
07:26Donc, j'ai essayé de me mettre dans ses vêtements, finalement,
07:29et de me mettre à sa place,
07:32et de dévoiler la difficulté qu'on a parfois
07:35à prendre une position très forte et très courageuse
07:38face à une calomnie.
07:40J'ai lu plein de livres sur comment les calomnies se diffusent,
07:45sur l'usage politique des calomnies,
07:46parce que c'est quelque chose, je pense aussi,
07:49qui nous touche de très proches aujourd'hui.
07:52Et là, j'ai vu que c'est vrai, finalement.
07:54Il n'y aurait pas une histoire de calomnie
07:57si on n'était pas faible face à la calomnie.
08:00Donc, Barbara est quelqu'un qui porte sur soi
08:03ce rôle de faiblesse,
08:08parce qu'elle se sent comme trahie par Marie-France,
08:12la femme qu'elle adore,
08:13qui était un peu comme une sorte de mère
08:16et des pigmalions pour elle.
08:18Et là, voilà, face à la calomnie,
08:21ces sentiments sont affaiblis
08:24par le suspect qu'il y ait quelque chose de vrai.
08:27Donc, c'est un roman aussi qui parle
08:28des conventions,
08:31de comment on a parfois
08:33des tendances au conformisme
08:36qu'on n'avouerait pas en théorie.
08:39Je pensais, si j'écris un essai,
08:41tout le monde va dire,
08:41bon, mais moi, face à la calomnie,
08:43je ne vais pas y tomber.
08:44Et alors, j'ai dit, bon,
08:46je vais essayer avec les romans.
08:47De plus, j'avais vraiment envie d'écrire un roman
08:50parce que j'adore la littérature.
08:52Et donc, voilà, c'était ça.
08:54Bravo, en tout cas,
08:55parce que c'est vraiment le résultat.
08:57Enfin, tu y es arrivée,
08:58c'est-à-dire qu'effectivement,
08:59on adore ton personnage
09:01et on s'installe avec eux.
09:02Et puis, on a quand même beaucoup de mal
09:04à ne pas se poser la question
09:05de savoir ce qu'on aurait fait, nous,
09:06à cette place-là.
09:07Et ça réveille plein de souvenirs.
09:08Merci beaucoup.
09:09Merci à vous.
09:10Merci à tout le monde.
09:14Merci à toutes les deux.
09:16Et juste ajouter qu'Hilaria passera
09:17un petit peu de temps en France
09:18entre fin août et fin septembre.
09:21Le deuxième roman de notre rentrée,
09:23La bouche dans le sable,
09:24donc, de Kevin Thievon.
09:26Kevin, tu es né à Lyon.
09:27Tu vis aujourd'hui à Paris.
09:28Tu as déjà eu une vie bien remplie.
09:31Tu as fait des études à Lille, à Londres.
09:32et tu as passé un petit peu de temps,
09:35en plusieurs fois,
09:36presque deux ans, en Irak, à Bagdad.
09:38Et tu en as ramené, en quelque sorte,
09:41ce premier roman.
09:43Quand on plonge dans ce roman,
09:44la première scène, elle est extraordinaire.
09:46On est dans une cabine de grandes roues
09:48avec deux petits garçons qui ont 10-12 ans.
09:50Ils s'amusent à cracher sur les gens en bas,
09:53à se pencher au-delà de la grande roue
09:54le plus loin possible.
09:57Ils surplombent une ville
09:58absolument tentaculaire.
09:59Il fait nuit.
10:00Cette ville qui surplombe, c'est Bagdad.
10:02On est en 2003.
10:03C'est bientôt la fin d'un monde à Bagdad.
10:05Je vais te laisser en parler.
10:07Et puis, quand ils redescendent de la grande roue,
10:08un comité d'accueil les a atteint en bas
10:10parce qu'ils ont craché assez précisément
10:12sur des gens dans la file d'attente.
10:14Une course-poursuite se met en place
10:15dans les allées de la fête foraine.
10:16Et à la fin de cette scène,
10:17on apprend qu'un des deux enfants, Marwan,
10:20va devoir quitter le pays
10:21pour rejoindre le sud de la France.
10:23Et que ce livre va se passer
10:24entre Bagdad et le sud de la France.
10:27Est-ce que tu nous en dirais un peu plus, Kevin ?
10:30Merci.
10:30Merci beaucoup.
10:31Moi aussi, également très ému
10:32de parler pour la première fois de mon livre
10:35devant vous.
10:36Ces deux lieux proviennent, en fait,
10:40évidemment de choses que j'ai pu vivre,
10:42moi, à la fois en Irak
10:43et sur la côte d'Azur
10:44où j'ai passé mes vacances.
10:47Marwan, le petit-fils d'Ali,
10:49Ali est le bras droit de Saddam Hussein à l'époque,
10:53est donc envoyé avec sa famille
10:54par son grand-père en France
10:57lorsque les Américains vont envahir l'Irak.
11:02Et donc, ils sont envoyés sur la côte d'Azur,
11:04là où certains dignitaires du régime bassiste
11:06de Saddam Hussein ont quelques villas
11:09conservées bien au chaud
11:11et où certains proches s'installent après 2003.
11:17Donc, sur la côte d'Azur
11:19vivent les grands-parents de Zelda
11:24qui est une jeune adolescente fougueuse,
11:29pleine de vie, française,
11:32et qui entretient une relation très étroite,
11:36très fusionnelle avec sa grand-mère, Fefe.
11:37Fefe, qui a un rapport très particulier à l'Irak,
11:44on découvrira l'origine de ce rapport
11:45plus tard dans le roman,
11:48va infuser, en fait,
11:50la manière dont elle perçoit justement l'Irak,
11:52l'Orient dit grossièrement,
11:54sur sa petite-fille,
11:56jusqu'à devenir pour Zelda
11:59une quasi-obsession
12:01au moment où elle va rencontrer Marwan,
12:03qui vient d'arriver à Antibes,
12:06Jeu en Lépin.
12:07Ils vont se rencontrer au parc d'attractions d'Antibes,
12:09en l'occurrence,
12:11et ils vont, eux, tous les deux,
12:14ces jeunes adolescents,
12:14nouer une relation également très singulière,
12:18faite à la fois de fascinations réciproques
12:20et en même temps de dissymétries particulières
12:24avec Marwan qui voit en Zelda
12:28une manière de vivre nouvelle,
12:31une assurance que lui n'a pas,
12:33que lui a perdue,
12:34et Zelda qui voit en Marwan
12:36tout à fait l'inverse, en fait,
12:38qui voit quelqu'un de prisonnier de sa filiation
12:40descendant d'Ali,
12:43en l'occurrence,
12:44qui est un bourreau.
12:46On le découvrira aussi plus tard.
12:48Il faudra d'ailleurs
12:49beaucoup d'interactions entre tous les deux,
12:51beaucoup d'épreuves et beaucoup de temps
12:53et beaucoup d'éloignements
12:54à Marwan pour comprendre
12:56justement
12:56l'homme qui a été son grand-père
13:00et qui est resté en Irak
13:02et qui sera capturé, bien sûr,
13:05par les Américains
13:06et ensuite éliminé en 2010.
13:09Donc voilà, il faudra beaucoup de temps
13:10à Marwan pour comprendre
13:11cette filiation-là.
13:15Et pendant ce temps,
13:16on va trouver aussi...
13:18On va en apprendre davantage sur Fefe,
13:20sur son passé,
13:21qui a très, bien sûr,
13:24cette histoire orientale.
13:27Et on va découvrir un autre personnage,
13:29Sergio, un personnage important,
13:31taiseux,
13:32imposant physiquement plein de mystères,
13:36qui aura aussi également
13:39beaucoup de liens
13:41avec l'ensemble de ses personnages.
13:44Voilà pour...
13:45Merci.
13:46Kevin, tu parlais d'un roman de filiation.
13:48C'est aussi un roman en tiroir
13:49parce que c'est un roman d'apprentissage,
13:50c'est un roman sur la violence,
13:52sur la guerre.
13:52Peut-être en une minute à peine,
13:55un mot,
13:55parce qu'il y a un drame
13:56qui traverse le livre, quand même.
13:57Un mot là-dessus ?
13:59Oui, le drame,
14:00c'est le massacre d'Alabja en 88,
14:02qui est bien sûr
14:03l'un des nœuds de ce roman
14:05et dont Ali,
14:07donc le grand-père de Marwan,
14:09est l'un des responsables.
14:12Je n'en dis pas plus
14:13puisque le roman, bien sûr,
14:16s'appuie dessus.
14:18Mais plus largement,
14:19si je dézoome un peu,
14:20le roman est quand même
14:20une manière aussi
14:22de voir
14:23comment les atrocités
14:25de la guerre
14:25et de la violence
14:29ont exercé également
14:31une fascination
14:32coupable, en fait,
14:34sur la plupart des personnages.
14:36Et voilà,
14:37cette histoire de la violence,
14:37cette fascination qu'elle génère
14:39sont, à mon avis,
14:40le cœur du roman
14:41dans son ensemble.
14:44Merci.
14:44Et c'est aussi une langue
14:45extrêmement poétique,
14:47extrêmement belle,
14:48qui nous a poussé,
14:50nous,
14:50à faire de ce premier roman,
14:51le premier, premier roman,
14:53encore une fois,
14:54du bruit du monde
14:54en rentrée littéraire.
14:56Merci à tous les trois
14:57et bonne journée à tous.
14:58Sous-titrage Société Radio-Canada
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