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  • 03/06/2025
Transcription
00:00Bonjour tout le monde, je suis donc très heureux de vous présenter la rentrée littéraire du Cherche Midi avec à côté de moi Jean-Pierre Montal et Emmanuel de la Comté.
00:15Et nous allons commencer par le premier des titres, un roman écrit par un certain Fabrice Pliskin et qui s'intitule Le fou de Bourdieu.
00:30Alors, j'ai le malheur d'éditer régulièrement des livres très difficiles à résumer, c'est vrai que je ne rends rien de simple et ce sera encore une fois l'occasion, avec ce roman dont je vais essentiellement vous raconter le commencement.
00:46Nous sommes dans une petite ville de l'Auvergne à Brioude et nous faisons la connaissance d'un bijoutier, un petit commerçant qui s'appelle Antonin Subur.
00:56Et Antonin Subur, un matin, alors qu'il remonte le rideau métallique de son commerce, est agressé par deux hommes casqués et lourdement armés qui surgissent dans son dos.
01:10Ces hommes le poussent au sol, le ruent de coups et, en dépit de ses supplications, lui fracassent la mâchoire.
01:16Enfin, ils se saisissent du butin, un mélange de cash et de joaillerie, et alors qu'ils s'en vont sur un scooter, Antonin Subur se saisit d'un revolver et tire.
01:29Ainsi donc, Antonin Subur se retrouve condamné à une peine de prison pour homicide volontaire, et Subur n'en finit pas de ressasser son geste.
01:51C'est-à-dire qu'à la différence de tant d'autres hommes condamnés pour des faits similaires, lui en ressent, en conçoit une immense culpabilité.
02:01Son avocat parle d'une impulsion désastreuse, mais il sent bien, Antonin Subur, que c'est plus fort et plus profond que ça.
02:07Alors comment a-t-il pu se rendre coupable d'un crime pareil ? Notons que son affaire, comme il est hélas l'habitude dans notre bon pays,
02:18suscite un grand débat médiatique, et derrière le débat, en réalité, l'opposition de camps politiques aussi cons que radicaux.
02:26Par ailleurs, ces deux plaies de l'humanité que sont les réseaux sociaux d'un côté et les chaînes info de l'autre,
02:34n'en finissent pas de mettre Antonin Subur au programme, autrement appelé le bijouté de Brioude, et sinon le tueur de racailles.
02:43Alors voilà, notre Subur suscite des comités de soutien, dans lesquels on trouve majoritairement des racistes,
02:49et puis de l'autre côté, eh bien sur l'autre bord politique, on appelle à une vengeance. C'est dire s'il est mal, le Subur, s'il est dans une situation délicate.
02:59Alors une fois en prison, dévoré par les punaises, par les insomnies, par le chagrin aussi, sa femme l'a quitté, la vie qu'il se préparait est terminée.
03:08Eh bien il en vient à chercher dans les livres une explication à son malheur. Dans un premier temps, il se tourne un peu instinctivement vers la philosophie.
03:17Patatras, il tombe sur des noms d'une antiquité révolue, il y voit des concepts bons pour les classes de terminale, mais jamais d'explication.
03:26Alors il glisse vers le rayon de la sociologie. Très vite, il tombe sur un champion de la discipline, Pierre Bourdieu.
03:33Et Bourdieu lui donne une explication. Une explication qui est pour lui une révélation. Sa tête va se mettre en ébullition.
03:41L'explication, vous la connaissez évidemment en tant que libraire, sûrement en tout cas, c'est qu'il y a notre société, elle est divisée en deux catégories.
03:52Les dominants d'un côté, les dominés de l'autre. Et donc notre Subur, il lit qu'il est gouverné par des structures invisibles.
04:00Il lit que lui, le français de souche, le petit commerçant, eh bien vivait sur des privilèges. Et qu'en réalité, c'est dans sa position de dominant qu'il a tué un dominé.
04:13Et notre homme, là commence finalement le roman dans l'histoire, eh bien sa tête commence à se remplir de cette explication.
04:22Et finalement, il va obéir à Bourdieu comme on obéit à une religion. C'est-à-dire qu'il va obéir aux théories de Bourdieu avec une drôle de dévotion.
04:34Le point est même choquant. C'est-à-dire qu'un de ses co-détenus lui saute dessus, lui inflige des sévices sexuels.
04:41Eh bien, c'est sa cote-part, c'est sa faute à payer. C'est une manière d'expier sa faute.
04:47Enfin, il est libéré. Et donc, il rejoint un immeuble qu'il occupe dans Paris. Il trouve un petit appartement.
04:54Et en arrivant dans cet appartement, dans la cour de l'immeuble, il croise un gamin, issu vraisemblablement de la classe populaire, habillé d'un jogging à bas prix.
05:03La mine un peu triste, parce que pour Shamseddin, les prolétaires sont toujours tristes. Pardon, pour Antonin Subur.
05:10Et cet homme, cet homme qu'il a en face de lui, s'appelle lui aussi Shamseddin, comme le gamin qui l'a tué, le gamin de 18 ans.
05:18Ce qui se passe ensuite relève un peu du syndrome de Don Quichotte.
05:24C'est-à-dire que notre personnage principal va entendre dans la voix de ce nouveau jeune homme, la voix de tous les opprimés, la voix de tous les dominés.
05:34Et donc, il va projeter un désir de révolution. Il va avoir envie d'être le porte-parole de ces opprimés.
05:42Si vous voulez, c'est un redresseur de torches chimériques. C'est Don Quichotte téléporté dans le monde de la sociologie.
05:50Ça serait très mal comprendre ce roman que de le croire dirigé politiquement contre Bourdieu.
05:57Non. Ce que Pliskin fait, c'est qu'il fait dialoguer, il installe une dialectique entre la raison et la déraison, finalement.
06:05Et quel est le rapport entre la raison et la vérité ?
06:10Et puis, une théorie politique peut bien établir des vérités. C'est le cas de la théorie politique de Bourdieu.
06:16Mais en faire une politique qui passerait à l'acte de manière aussi absolue et irréfléchie donne évidemment une catastrophe.
06:24Ce livre-là, je ne l'ai pas dit et je n'ai pas la capacité de le démontrer.
06:30C'est dans un livre, naturellement, et l'éditeur commerçant est incapable de vous dire à quel point ce livre est en réalité écrit avec un maximum de dérision.
06:40C'est-à-dire que, mais une juste et proportionnée dérision. Pliskin, il emprunte à Flaubert, il emprunte à Molière, il emprunte à ses auteurs pour éviter le piège à son tour de tomber les deux pieds dans la politique.
06:54Et si on devait, à travers ce roman, définir, donner une définition de la littérature, je dirais que la littérature, c'est la langue de l'ambiguïté.
07:05Voici pour le premier titre. On enchaîne avec, c'est pratique, il y a un miroir là-bas, donc, avec Huysmans et Agnès Michaud.
07:16Et je passe la parole à Jean-Pierre Montal.
07:19Alors, Huysmans, c'est un nom, un nom qu'on a tous plus ou moins en tête, sans doute essentiellement grâce à un livre, on va dire, à rebours.
07:30Mais qui était Huysmans ? Quel était l'homme derrière ce nom ? C'est un peu l'illustre inconnu, parce que, quelque part, ce nom, dès qu'on s'intéresse à la littérature du 19e siècle,
07:39donc, au grand roman, on tombe sur lui. Et, effectivement, on n'en sait pas beaucoup plus, une fois qu'on a lu deux, trois préfaces, et puis qu'on a lu quelques livres.
07:47On sait, par exemple, qu'en revanche, il résume pas mal des grandes passions de la fin du 19e siècle, c'est-à-dire qu'il a été naturaliste, très, très proche de Zola.
07:56Zola le considérait même comme son émule pendant très longtemps. Il s'est éloigné de Zola très vite pour écrire à rebours, puis ensuite, pour aller vers des romans satanistes, dont là-bas.
08:08Donc, à partir de messes noires et de rites occultes. Et puis, ensuite, pour faire un dernier virage, un peu effrayé par ce qu'il avait découvert,
08:16pour faire un dernier virage vers une dernière partie mystique, catholique, où il essaye de se dire, je vais prendre à rebours, en l'occurrence, ce que j'ai fait dans la partie précédente de mon œuvre.
08:28Voilà. C'est ce qui se passe avec Huysmans, c'est-à-dire que c'est assez passionnant, déjà, en soi.
08:32Ce qui le rend encore plus passionnant, c'est qu'à l'époque, Barbé d'Orévili, Zola à une certaine période, ensuite, plus tard, Paul Valéry, André Gide, Moriac, puis Michel Houellebecq.
08:47Tous ces gens ont professé leur admiration sans borne pour Huysmans en disant, c'est un immense romancier.
08:53Et c'est en effet un immense romancier parce qu'il a révolutionné le roman, en fait.
08:57Avec à rebours, il a inventé une nouvelle forme du roman.
09:01D'ailleurs, Moriac dira que Huysmans a fait subir au roman ce que Proust a fait subir au roman aussi,
09:08c'est-à-dire une façon totalement nouvelle de prendre les histoires, de les raconter avec un point de vue, un rythme,
09:14des personnages qui sortaient du XIXe siècle.
09:18Donc, cette influence énorme, on ne connaissait pas tout à fait l'homme derrière tout ça.
09:22Pourtant, rien qu'avec le parcours que je viens d'énoncer, on sait qu'il y a quelqu'un d'essentiel en littérature.
09:29Agnès Michaud, qui est une grande passionnée du XIXe siècle, qui a fait un grand mémoire quand elle était étudiante sur le XIXe,
09:37qui a fait une série de livres sur la fin du XIXe siècle et le début du XXe.
09:42Agnès Michaud, donc, s'est passionnée assez tardivement pour Huysmans,
09:47mais quand elle a commencé à se passionner pour lui, elle a vu à quel point son influence, son nombre de chocs était énorme.
09:52Et surtout, elle a découvert un personnage, quasiment un personnage de fiction.
09:57Parce que Huysmans, le parcours que je viens de vous décrire, en façade, ce n'était pas du tout ça.
10:02On ne voit pas les messes noires, on ne voit pas...
10:03En façade, c'était quelqu'un qui avait un tout petit bureau au ministère de l'Intérieur,
10:08qui faisait séjourner, qui rentrait chez lui et qui se demandait où allait être la prochaine messe noire.
10:13Mais en l'occurrence, c'était quelqu'un de complètement opaque.
10:16Donc, elle est allée chercher Huysmans.
10:19Elle est vraiment allée se dire, mais où est-il ?
10:21D'où un peu notre couverture psychédélique.
10:25C'est-à-dire qu'on remet Huysmans en couleur.
10:28C'était vraiment son projet.
10:30Comment elle le fait ?
10:31Elle le fait aussi sous une influence, je me permets de le dire pour elle,
10:34puisqu'elle le revendique sans aucun problème.
10:37L'année dernière, enfin, il y a deux ans maintenant,
10:39on a publié au Cherche Midi une biographie de Franz Kafka en trois tomes
10:43par l'essayiste allemand Rainer Starr.
10:47Et ce livre a pris à rebours, encore une fois, pas mal de choses de la biographie,
10:53pas mal de tics de la biographie,
10:55faisant en gros une espèce de, si vous voulez, de lien.
10:58Et c'est tout ce qui va être au cœur de ce livre.
11:00C'est le lien entre, dans la vie de Huysmans,
11:02qu'est-ce qui se passe dans cette vie que l'on retrouve
11:05et qui explique ce qu'il y a dans les livres.
11:08C'est exactement ce que Rainer Starr a fait avec Kafka.
11:10Quand on l'a vu plusieurs fois, il nous disait,
11:13ce que je veux savoir, c'est pourquoi la vie de Kafka
11:15et comment elle influence et est lyrique de ses livres,
11:19alors que normalement, on n'y voit pas tant de correspondance que ça.
11:23Agnès Michaud s'est donc placée complètement dans cette optique-là.
11:27Et ce qu'on lit, c'est un Huysmans incroyablement vivant,
11:30d'où le titre, incroyablement proche.
11:33On lit presque...
11:35On lit un livre de romancier et, à mon avis,
11:37on lit une sorte de grand roman
11:38dont le personnage principal s'appelle Huysmans.
11:42À ceci près que ce sont des années et des années de recherche
11:44que tout est vrai, que chaque aspect de la vie est fouillé.
11:48C'est un livre qui va faire à peu près,
11:49un peu plus de... aux alentours de 800 pages.
11:52Tout est là, tout est dit.
11:54C'est définitif. Je pense que sur Huysmans, après ça,
11:58bon, ça va être difficile d'aller ré-ausculter le sujet.
12:01Et ça fait revivre vraiment une personnalité
12:04qui est, au fond, on s'en aperçoit en le lisant,
12:07et absolument centrale.
12:08Et dernier point, c'est un plaisir de lecture total
12:10parce qu'Agnès Michaud fait revivre avec passion
12:13tout le Paris de la fin du 19e,
12:15tout le Paris décadent,
12:17au moment où Paris était vraiment la capitale artistique du monde.
12:22Merci, Jean-Pierre.
12:32Et nous enchaînons avec un autre roman de Chloé et sa fille
12:37intitulé La vocation, et je laisse Emmanuel en parler.
12:40Voilà un roman inclassable qui va choquer certains,
12:51dérouté en tout cas, en fasciner d'autres,
12:54mais qui en tout cas ne va, à mon avis, pas laisser indifférent.
12:58C'est une autofiction dans laquelle Chloé,
13:02la narratrice, auteur, raconte qu'elle écrit des romans érotiques
13:06et qu'elle est par ailleurs, et là je vais réveiller tout le monde,
13:09adepte de BDSM, c'est-à-dire Bondage, soumission, sadomasochisme,
13:14pratiques qu'elle expérimente et aussi sur lesquelles
13:17elle aime se cultiver, lire.
13:20Voilà, c'est un univers qui la nourrit,
13:23qui l'a toujours passionnée.
13:25Par ce fait, de nombreux internautes la contactent régulièrement
13:28ou pour se confier à elle, lui raconter leurs histoires intimes
13:32ou pour lui poser des questions.
13:34Elle est habituée à ça, et parmi ceux-ci,
13:37la contacte un jour une mystérieuse jeune femme
13:40qui s'appelle Salomé, et qui lui dit qu'elle aimerait
13:43vraiment échanger avec elle pour recueillir son sentiment
13:47sur la situation très particulière qu'elle vit depuis 7 ans.
13:51Chloé, évidemment, intriguée, accepte cette rencontre virtuelle,
13:55et là commence un échange qui va durer 4 ans,
13:59qui va complètement la bouleverser, et qui donne ce livre,
14:01donc l'échange est restitué de son point de vue,
14:04c'est vraiment ce qui nourrit ce livre.
14:06Donc tout cela est véridique.
14:07Maintenant, est-ce que ce que se raconte cette jeune femme,
14:10Salomé, est vrai ?
14:12Ça, on ne sait pas, c'est au lecteur d'en juger,
14:14et Chloé ne cesse de se poser la question.
14:17Qu'est-ce qu'elle raconte, cette jeune femme ?
14:18Eh bien, une histoire de soumission qui n'a pas d'équivalent.
14:22Elle relate qu'elle a répondu à une petite annonce
14:2510 ans plus tôt pour un poste d'assistante
14:28dans un cabinet de gestion de fortune à la Défense.
14:30Elle est alors une jeune femme d'une trentaine d'années
14:33qui n'est pas très bien dans sa peau,
14:35qui aimerait avoir plus confiance en elle,
14:36et elle est attirée par l'annonce du poste
14:38puisqu'on dit qu'il faut du savoir-être
14:41autant que du savoir-faire.
14:43Premier jour de l'entretien,
14:45tout de suite quand même, c'est un peu particulier,
14:47c'est même très particulier,
14:48puisqu'effectivement on va vraiment juger son maintien,
14:50son attitude,
14:51et on va la rhabiller de piète en cape
14:53jusqu'à lui donner des portes jartelles et des bas.
14:56Elle se dit que c'est quand même étrange,
14:57donc là je parle de Salomé,
14:59c'est étrange,
15:00mais bon, après tout,
15:01on a affaire à une clientèle UP,
15:02l'image de marque, c'est important, etc.
15:04Je vous passe les détails,
15:05mais elle travaille trois ans dans cette entreprise,
15:07dans une atmosphère quand même très érotisée.
15:10Jusqu'au jour où son directeur lui dit,
15:12je suis très content de toi,
15:14et les actionnaires,
15:15le couple d'actionnaires de l'entreprise aussi,
15:17ils aimeraient te proposer un poste directement chez eux,
15:20est-ce que tu accepterais de les rencontrer ?
15:22Elle accepte,
15:23elle est conduite à ce moment-là
15:24dans une luxueuse propriété
15:26en lointaine banlieue parisienne,
15:27une maison de maître,
15:28et c'est là que l'affaire se corse,
15:30puisque monsieur et madame,
15:32qu'elle va bientôt appeler ses tuteurs,
15:35lui proposent un poste de gouvernante secrétaire,
15:37elle doit faire des tâches domestiques et administratives,
15:40mais en réalité ce n'est pas un poste,
15:41c'est-à-dire que très vite,
15:42au bout d'une période d'essai de quelques mois,
15:45elle accepte de signer un contrat,
15:47dans lequel,
15:48qui a des clauses plus extrêmes les unes que les autres,
15:51je vous laisse en juger,
15:53elle doit accepter,
15:54je voulais dire,
15:55parce qu'il y a quand même une petite liste,
15:57de vivre à demeure chez ce couple,
15:59en abandonnant toute sa vie extérieure,
16:01toute relation extérieure,
16:03elle accepte d'abandonner ses affaires personnelles,
16:06son téléphone, etc.,
16:07tout cela est remisé dans une dépendance,
16:09voilà,
16:10elle accepte de changer de prénom,
16:11maintenant elle va s'appeler Sixtine,
16:13elle accepte de porter un uniforme extrêmement érotique,
16:17c'est presque un euphémisme,
16:19avec collier de soumission
16:20et marque de soumission sur le corps,
16:22d'endurer de la chirurgie esthétique,
16:25sains, lèvres,
16:26et j'en passe,
16:27de se soumettre,
16:28toutes les six semaines,
16:29à une évaluation,
16:31qui donne lieu à des châtiments corporels,
16:34de suivre des cours d'éducation sexuelle
16:36dispensés par une préceptrice,
16:38et enfin de participer à des stages d'été,
16:41que je vous laisse découvrir,
16:41mais qui constituent un peu le sommet du masochisme
16:43dans cette situation.
16:44Donc évidemment tout cela paraît fou,
16:47mais Salomé ne cesse de répéter à Chloé,
16:51enfin Sixtine ne cesse de répéter à Chloé,
16:53que cette situation la comble,
16:55qu'elle ne veut rien vivre d'autre,
16:57elle s'en prise en charge,
16:58elle se sent le centre d'une attention,
16:59elle est très heureuse comme cela.
17:01Évidemment,
17:02Chloé a beau être habituée à tout cet univers,
17:05elle est totalement bouleversée
17:08de tout ce qu'elle entend,
17:09et elle ne trouve pas d'équivalent
17:11dans tout ce qu'elle a pu lire,
17:13voire comme film dans ses expériences personnelles,
17:15qu'elle convoque au fur et à mesure du livre.
17:17Donc elle essaye de comprendre tout cela.
17:19Et puis elle se demande si cette histoire est vraie,
17:22donc elle tente de mener une enquête,
17:24et ça aussi c'est passionnant,
17:26parce qu'on voit dans le livre,
17:26elle rencontre des gens qui sont hauts en couleur,
17:29et parfois presque autant que cette Sixtine,
17:32et certains éléments laissent penser
17:35que cette histoire est peut-être vraie,
17:37vraiment on ne sait pas,
17:37et si c'était faux,
17:40ce serait presque aussi fascinant,
17:41puisque leur échange dure quand même quatre ans.
17:43Donc ça veut dire que cette personne,
17:45de toute façon,
17:46ce serait créer un univers
17:47dans lequel elle serait totalement embarquée,
17:50au point d'en parler jour après jour.
17:54Juste pour terminer,
17:55ce que je trouve très fort dans cette histoire,
17:56c'est que c'est une histoire de soumission extrême,
17:59qui évidemment interroge à l'heure
18:01où le féminisme est dans tous les esprits,
18:03et Chloé, sans juger,
18:06se demande si le féminisme,
18:08ce n'est pas aussi de choisir ses propres chaînes,
18:11donc elle ne porte pas de jugement là-dessus.
18:13Ce que je trouve aussi,
18:14à titre personnel, passionnant,
18:15c'est la relation entre les deux femmes,
18:17parce que Chloé est d'abord intriguée,
18:20ensuite elle est excitée un peu malgré elle,
18:24ensuite elle est bouleversée,
18:26et puis vient l'effroi,
18:27parce qu'un jour Sixtine lui dit
18:28« Mais écoute, je veux que tu viennes assister
18:30de ces stages d'été avec moi »,
18:32et là c'est une traversée du miroir,
18:34puisque ce n'est plus un auteur
18:36qui entre dans l'univers de son sujet,
18:38c'est son sujet qui entre dans l'univers de l'auteur,
18:41elle se sent rattrapée dans sa vie,
18:42et là ça commence vraiment à la dépasser,
18:44elle est terrifiée.
18:45Pour terminer, c'est une femme,
18:48cette Salomé Sixtine,
18:50qui a décidé d'être un objet dans sa vie,
18:52mais qui a besoin d'un auteur
18:54pour redevenir un sujet.
18:56Et cette problématique qui sous-tend le livre,
18:58je trouve, est très littéraire et très intéressante.
19:00Merci Emmanuel.
19:10Nous allons donc conclure la présentation de cette rentrée
19:13avec un dernier titre,
19:15qui est notre titre de littérature étrangère,
19:19Eric Larson, Un rêve de feu.
19:22Eric Larson, vous le connaissez sûrement,
19:25Le Cherche-Midi a traduit plusieurs de ses ouvrages.
19:30On a en mémoire, il y a trois ans,
19:33me semble dire,
19:34La Splendeur et l'Infamie,
19:36qui était cette biographie très sentimentale
19:38autour de Winston Churchill.
19:41Et cette fois-ci donc,
19:42Larson s'intéresse
19:43au personnage historique de Lincoln,
19:46mais surtout à deux années
19:49de l'histoire de l'Amérique,
19:50que sont les années 1860-1861.
19:53Le point de départ de ce livre
19:55est assez simple en somme.
19:57Larson est devant sa télévision,
19:59comme beaucoup d'entre nous,
20:00au moment où l'assaut est donné aux Etats-Unis,
20:03au Capitole, à Washington.
20:06Assaut, vous vous souvenez de supporters,
20:09de Trump,
20:11et qui, toute foule mêlée,
20:12a mis en grand danger,
20:13a fait vaciller, au moins quelques instants,
20:15la démocratie américaine.
20:16Et en fait, l'inspiration,
20:20l'idée de Larson,
20:22c'est que cet événement-là
20:24est caractéristique
20:26d'un risque de guerre civile aux Etats-Unis
20:30qui date depuis cette guerre civile
20:34appelée guerre de sécession.
20:36Et cette guerre de sécession,
20:37si aujourd'hui,
20:38elle est réduite à notre esprit
20:39parce que schématisée
20:41autour d'un sujet évidemment essentiel
20:43qui était celui de l'esclavage,
20:45était un sujet en réalité
20:47beaucoup plus vaste que ça
20:48et avec des causes
20:50et des conséquences
20:52qui sont aujourd'hui
20:54autant d'éléments extrêmement troublants
20:56à relire et à réinterpréter.
20:59Je vous donne un exemple.
21:00L'Amérique s'est disputée
21:02au cours de cette guerre de sécession
21:04pour un motif qui était celui
21:06des droits de douane.
21:08C'est-à-dire qu'en réalité,
21:09l'Amérique du Nord
21:10avait une tentation isolationniste
21:12et l'Amérique du Sud
21:15voulait pouvoir exporter.
21:17Et cette division-là,
21:19elle a été au moins aussi forte
21:20que les autres thématiques
21:21de cette guerre
21:23qui, par ailleurs,
21:26divisait des familles
21:27au nord et au sud
21:29de la fameuse division des Etats.
21:32Donc, ce que propose Larson,
21:34c'est d'abord de nous faire connaître
21:36un événement,
21:37ensuite de lui donner
21:37quelques interprétations.
21:39et là où il excelle,
21:40on le sait depuis ses précédents livres,
21:43c'est dans cette manière
21:44de rester quelqu'un
21:46qui est un historien rigoureux,
21:48tout en y mêlant les plaisirs,
21:50les joies du portrait,
21:52de la description,
21:53du roman,
21:54de la littérature.
21:56Voilà.
21:57Je rappelle aussi,
21:58ce sera évidemment le dernier mot,
22:01que le dernier livre,
22:03celui qui était sorti
22:05en rentrée littéraire,
22:06donc La splendeur et l'infamie,
22:07avait trouvé ses lecteurs.
22:08Je crois qu'en grand format,
22:09on était aux alentours de 40 000,
22:11le poche a très bien fonctionné.
22:12Donc voilà,
22:12il y a eu une attente de Larson
22:14et nous sommes très heureux
22:16de faire paraître
22:17ce que je crois être
22:18son livre le plus ambitieux.
22:20Nous en avons donc terminé.
22:21Merci.
22:22Merci.
22:23Merci.

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