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DB - 30-05-2025

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Transcription
00:00Sous-titrage MFP.
00:30Notre vieille maison, le cadran solaire caché au creux de la campagne boulonnaise,
00:38mon frère Guillaume et Béniste, mon grand-père ancien marin et mes études au collège enjulier,
00:44tout cela avait suffi à remplir ma vie jusqu'au jour où un garçon nommé Yann avait croisé ma route et m'avait embarqué dans son camion.
00:52Un camionneur vraiment étrange qui traduisait Virgile comme un poète.
00:56Mais pourquoi manquait-il à la promesse qu'il m'avait faite de venir nous voir au cadran solaire ?
01:02Je sais combien de kilos ?
01:03500 kilos.
01:04Bien.
01:04Bien.
01:18Bien.
01:19Bien.
01:21Bien.
01:25Bien.
01:30Bien.
01:31C'est parti.
02:01Oh, puis tant pis, qui s'en aille où ça lui chante.
02:09Dieu merci, je n'étais pas le genre de fille à me consumer de tristesse pour un prince charmant.
02:14Charmant, mais moqueur et lunatique aussi.
02:23Pauvre Virgine.
02:26Vous aviez à traduire, mademoiselle, un passage de la sixième bucolique,
02:29un passage que j'avais choisi en raison de sa facilité.
02:34Mademoiselle Mangin.
02:36Huit.
02:37Deux contresens, trois solecismes.
02:39C'est mal écrit.
02:40Mademoiselle Gros.
02:42Six.
02:43Quatre contresens, trois impropriétés, des fautes d'orthographe, comme d'habitude.
02:48Mademoiselle Courteux.
02:50Quatre.
02:51Six contresens, six impropriétés, des fautes d'orthographe.
02:56C'est mal écrit et c'est mal présenté.
02:59Mademoiselle Villiers.
03:00Sept.
03:01C'est beaucoup mieux.
03:03Un contresens très grave à la fin, mais c'est beaucoup mieux.
03:06Mademoiselle Lemarrois.
03:12Écoutez bien, mesmoiselles, je vous prie.
03:14Non, mes chevrettes, vous ne brouterez plus sous ma conduite, le citis en fleurs et les saules amères.
03:25Tu pourrais pourtant reposer avec moi cette nuit sur un lit de feuillage vert.
03:29Nous avons de doux fruits, de molles châtaignes et du fromage frais en quantité.
03:37Et voici qu'au loin, les toits des météries fument et que du haut des montagnes, l'ombre tombe et s'allonge.
03:47Dix-sept, c'est une excellente copie.
03:50C'est bon.
03:51C'est même très bon.
03:52Enjurer que Virgile en personne vous a soufflé à la traduction.
03:55Mademoiselle Charpentier, je n'en dirai pas autant de vous.
04:03Encore une semaine sans nouvelles de Yann.
04:05Encore un nouveau jeudi.
04:08Je n'osais plus qu'à l'attendre.
04:10Et je tâchais de l'oublier en lavant à grand dos le carrelage du salon.
04:25Bonjour.
04:33Vous me reconnaissez ?
04:36Attendez.
04:39N'avancez pas.
04:40Non.
04:41Ah, fallait le dire, j'aurais apporté les miens.
04:43Vildorin, Vildorin, nos cousins du Canada, transaction immobilière.
04:55Où on va comme ça ?
04:57Vous allez vous asseoir.
04:58Ah, très très bien.
05:00Nombe, doria, kia, signe, la victoire de...
05:04Si je comprends bien, je fous la littérature du cadran solaire.
05:07Ah, on ne dit pas que vous Virgile ici, monsieur Oshan.
05:12Capitaine de Marois, excusez-moi, Fanny m'a isolé sur un îlot.
05:16Voilà.
05:17Bonjour.
05:17Bonjour.
05:18Faut dire que Fanny lave cette pièce une fois tous les trois mois, alors c'est un lieu sacré.
05:22Oh.
05:24Je suis Guillaume, le frère de Fanny.
05:26Bonjour, je m'en doutais un petit peu.
05:28Bon, eh bien, je vous souhaite la bienvenue au cadran solaire, puisque personne ne songe à le faire.
05:31C'est à moi de le faire.
05:33Et moi qui n'ai rien préparé.
05:36Je vous remercie, c'est très gentil, mais la visite d'un ami ne nécessite pas un cérémonial particulier.
05:42Vous savez ?
05:42Oh, un petit peu.
05:44Quand même.
05:45Ah, mais j'y pense d'une boîte de biscuits de l'auro-côté.
05:47Apporte donc aussi une bouteille de vin blanc.
05:50D'accord.
05:50Bon, je vais vous aider.
05:53Eh bien, vous êtes bien installés ici.
05:56Pas trop mal.
05:57Vous avez un piano ?
05:58Eh oui.
05:58Qui est-ce qui en joue ?
06:00Fanny ou Guillaume ?
06:02Non, c'était la maman, Fanny, qui en jouait.
06:04Ah bon, pourquoi c'était ?
06:05Parce que, hélas, elle a eu un accident d'auto il y a huit ans.
06:09Oh, excusez-moi.
06:10Oui.
06:11Bon, eh bien, je vous ferai un récital quand je serai en forme.
06:14Tu sais que tu es fait toi ici, si tu le veux.
06:17Mais je le veux bien, Capitaine.
06:19Voilà, ces messieurs sont servis.
06:20Aujourd'hui, j'ai choisi un chapitre très important.
06:30C'est le chapitre de l'amitié.
06:32Montaigne avait rencontré un ami extraordinaire, nous dit-il, Étienne de la Boétie.
06:39Une amitié comme celle-là, il n'y en a qu'une en trois siècles, dit-il encore.
06:43« Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu'en répondant, parce que c'était lui, parce que c'était moi. »
06:56Et voilà, je ne pense pas qu'on puisse aller plus loin dans la simplicité, dans la gravité aussi.
07:03Et c'est la première fois dans la littérature française qu'un écrivain essaie de décrire ce sentiment de façon aussi subtile, dans toutes ses motivations secrètes, et avec autant de pudeur aussi.
07:20Et beaucoup de ferveur, c'est pour cela qu'il nous aimait.
07:23Ouais, mais échec en attendant.
07:25Euh, bah si.
07:27Il ne parle jamais beaucoup, Yann.
07:29Il aimait simplement être là, comme le troisième enfant de nos amis.
07:32Et aujourd'hui, je peux me dire qu'il devait être doux à son cœur anxieux, de se savoir chez lui, au cadran solaire.
07:42Parfois, Yann se mettait au piano.
07:45Il jouait fougueusement, ou bien avec une nostalgie un peu désemparée.
07:49En cela vous envahissait.
07:52Comme...
07:52Comme le vent de mer glissant sur les dunes et chargé d'une odeur secrète, venu de très loin.
08:02C'est bizarre, on n'a presque jamais rien à nous dire.
08:23Parce que nous sommes heureux, Fanny.
08:27N'est-ce pas, Yann ?
08:28Oui, oui, bien sûr.
08:31C'est Yann, avant.
08:33On passait souvent des soirées comme ça sans se parler.
08:36Avant quoi ?
08:37Ici, on a pris l'habitude de s'entendre penser.
08:40C'est comment, tu sais ?
08:42C'est un peu notre manière à nous de nous aimer.
08:46Tu comprends ?
08:47Bien sûr qu'il comprend.
08:48Tu en doutes, Guillaume ?
08:50Non.
08:51Tiens, par exemple, je sais très bien à quoi tu penses en ce moment, Capitaine.
08:55Ah oui.
08:59Tu vois, à part le fait que tu traduis merveilleusement le latin et que tu transportes de la farine,
09:07nous ne connaissons rien de toi, Yann.
09:08Et alors ? Qui ne s'attendait pas à ça ?
09:15Yann, tu sais, tu n'es pas obligé de...
09:19Ma mère habite à Amiens, je suis son seul enfant.
09:25Mon père était minotier, il est décédé.
09:27Depuis, c'est un contre-maître qui assure la direction de l'usine en attendant que je le fasse.
09:31Et tu ne peux pas maintenant, hein ?
09:32Pas avant d'avoir terminé mon stage à Languin chez M. Maroudot.
09:35Un stage de camionneur ?
09:37Mais je ne fais pas que ça, je m'occupe de la comptabilité, de tout.
09:41Enfin voilà, je n'ai plus rien à vous dire avant le sujet, sinon que je loge dans la remise de la minoterie,
09:46que M. Maroudot m'y a fait aménager une chambre, que j'y suis très bien chez moi.
09:52Vous savez, je ne suis pas très bavard.
09:55Mais je sais aussi que je suis chez moi ici.
09:59Et c'est bon quand c'est ça.
10:00C'est bon quand c'est ça.
10:30Où est-ce que tu as pris cette ère ?
10:41Je ne me souviens pas de l'avoir jamais appris.
10:44C'est un ère qui vient comme ça, de très loin.
10:46C'est un ère qui vient comme ça, de mon enfance.
10:50Très très bien.
10:51Oh, charme des antiques perceuses, qui réchauffent le cœur et la voix.
11:02Charme des très vieilles romances imprégnées des parfums l'autre fois.
11:06Tu te rappelles que tu nous l'avais traduite, cette chanson ?
11:11Oui, oui, oui.
11:12Comme un mort de la chambre.
11:13Oui, oui.
11:15C'est bizarre.
11:16Hum ?
11:16On a ici ces portions.
11:19Mais oui, je l'avais rapporté de Narvik.
11:21Un souvenir.
11:22Ça, mon vieillard, il faudra que tu t'y fasses.
11:24Je ne sais pas combien de temps le capitaine a passé en Norvège,
11:27mais au nombre de fois qu'il nous parle de Narvik
11:30et au nombre de souvenirs qu'il en a ramenés, il a lui passé toute sa vie.
11:33La guerre, ça ne s'oublie pas.
11:35Tu ne l'aimes pas, pourtant, tu aurais dû l'oublier.
11:38C'est vrai, capitaine.
11:39Il y a des événements pour un homme qui valent toute une vie.
11:47J'ai une proposition à vous faire.
11:49Avant la marée, j'ai posé un cordeau et j'aimerais relever ma ligne.
11:51J'adore ça, moi, une page quand le soleil se couche.
11:55D'accord.
11:56Je vous invite.
11:56Je suis ton homme.
11:57Moi aussi.
11:58D'accord.
11:58Bon, je vais chercher mon ciré.
12:02Et vous, capitaine, vous n'êtes pas d'une autre ?
12:04Eh bien, une autre fois, mon garçon, une autre fois.
12:08Promis ?
12:08C'est promis.
12:10D'accord.
12:10Je vous rappellerai votre promesse, capitaine.
12:12Ça ne sera pas nécessaire.
12:15On y va ?
12:15On y va.
12:16Au revoir, capitaine.
12:17Au revoir.
12:17Au revoir.
12:18Au revoir.
12:21Au revoir.
13:51...
13:53...