- 19/05/2025
Tournages intensifs, décors éphémères, plateformes énergivores… Les séries ont un coût caché. Quel est leur véritable impact sur l’environnement et la société ? Comment l’industrie peut-elle se réinventer face à l’urgence écologique ? Alors que le festival Séries Mania s’impose comme un incontournable de la création internationale, Marianne Guillon, directrice du Series Mania Institute, nous éclaire sur les mutations en cours.
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00:00L'invité de Smart Impact c'est Marine Guillon, bonjour.
00:09Bonjour.
00:09Bienvenue, vous êtes la directrice de Cérimania Institute et vous êtes également en charge de la RSE au sein de ce festival Cérimania qui existe je crois depuis 2018.
00:20Alors c'est quoi ce festival, racontez-moi.
00:22Alors Cérimania c'est un festival qui est entièrement dédié aux séries, c'est un festival international et qui se déroule à Lille.
00:28On a chaque année à peu près 100 000 personnes qui viennent dans nos salles, donc c'est un festival qui a vraiment pris son ampleur et qui s'est vraiment intégré dans ce territoire.
00:38Et nous organisons aussi, et c'est très important, une partie professionnelle qui s'appelle le Cérimania Forum.
00:43Donc là c'est un forum pour tous les professionnels au niveau international qui travaillent dans la série.
00:49Cette année il y a 5000 personnes qui sont venues de nombreux pays, qui représentent toutes les plateformes, toutes les chaînes, les producteurs et les scénaristes.
00:56C'est un secteur économique qui pèse combien ?
00:59Oui, c'est un secteur économique qui pèse l'audiovisuel en général, celui de la série.
01:03On compare souvent le poids de toutes ces économies, l'économie de la culture à celui de l'automobile dans le PIB français, plus de 3%.
01:12Donc c'est vraiment un secteur qui compte, qui crée d'emplois, et pour lequel il y a aussi, comme tout secteur économique, des besoins de formation très concrets et très importants.
01:21C'est pour ça qu'on a nous aussi voulu avoir notre école et créer notre organisme de formation.
01:26On va y revenir, mais est-ce qu'il y a un écosystème français de la série ?
01:29Ah complètement !
01:29Oui, la série en France est là depuis un moment, même si on sait que la série est dominée par les Etats-Unis, les Anglais, il y a de très très belles séries qui arrivent.
01:39En France, on a la chance d'avoir déjà le CNC qui accompagne le développement de l'audiovisuel, une chaîne publique puissante, France Télévisions et Arte, qui sont des gros commanditaires de séries.
01:50Et oui, il y a un écosystème, il y a de très grands scénaristes, la FEMIS, qui est l'école des cinéastes, s'est mise aussi à la série, à former des scénaristes.
01:59Donc véritablement, c'est un secteur qui est en progression en France, encore aujourd'hui.
02:04Et ce qui est intéressant de voir, c'est que les séries qui sont plébiscitées par le public sur les chaînes françaises, sont des séries françaises.
02:13C'est un festival qui se déroule pendant une semaine, c'est ça, grosso modo ?
02:16Oui, c'est ça, c'est 8 jours.
02:178 jours, ça pèse quoi en impact, un festival ? Puisque vous êtes chargée de la RSE au sein de Cérimania.
02:22Alors, un festival comme Cérimania, ça a plusieurs types d'impact. C'est un impact économique très clair.
02:27La question des retombes économiques, on en parle souvent, il ne faut pas se focaliser là-dessus, mais il faut quand même l'avoir en tête.
02:31C'est-à-dire qu'un festival...
02:32Oui, on va se pagner que ça rapporte de l'argent à la ville dans laquelle ça déroule.
02:35Complètement, l'hôtellerie, les voyages...
02:38Mais comme il y a de l'hôtellerie et des voyages, pardon de vous interrompre, ça veut dire qu'il y a des spectateurs, des visiteurs qui se déplacent.
02:45C'est ça le premier bilan carbone ?
02:48Ah, clairement. Dans l'événementiel, la question des voyages, c'est le premier poste de carbone.
02:54Là-dessus, nous, on essaie d'agir en conscience et de manière, comment vous dire ça, de manière responsable.
03:03Enfin, responsable et lucide.
03:04C'est-à-dire qu'on ne peut pas empêcher les voyages.
03:07Quand on est sur un festival international avec une partie professionnelle,
03:10les professionnels ont besoin de se déplacer pour venir travailler ensemble.
03:14Ça, c'est une chose.
03:15Maintenant, nous, à notre niveau, on essaye de déployer des mesures incitatives.
03:20Donc, par exemple, pour ce qui est des professionnels et de nos propres invités pour le festival,
03:24à partir du moment où ils acceptent de prendre le train, s'ils viennent d'Europe,
03:29nous, on est prêts à étudier la possibilité de mettre une unité de plus, par exemple, pour qu'ils aient du temps.
03:34Ça, c'est quelque chose, ça peut paraître anecdotique, mais dans les festivals, c'est assez nouveau.
03:38– Et puis, ça coûte de l'argent, ça rentre dans le budget, c'est un choix.
03:41– Et ça coûte de l'argent, mais c'est très apprécié aussi de nos invités et de nos équipes,
03:45parce que quand on fait de la RSE, c'est à la fois l'impact qu'on a sur le public,
03:49mais c'est très important au niveau de nos collaborateurs de pouvoir les embarquer aussi dans une démarche responsable.
03:54– Qu'est-ce qu'il y a d'autre comme levier ?
03:56– Comme levier ?
03:56– Moi, j'en ai plein en tête, mais je vous laisse dire ce qui vous semble le plus important.
04:00– Et puis, beaucoup en local, en fait, pour que les festivaliers puissent se déplacer sans impact carbone.
04:06Donc, pour les professionnels, on a mis en place des vélos-taxis.
04:09Au début, on s'était dit, les professionnels, ça ne va pas les amuser beaucoup.
04:13Et en fait, si, on a vu qu'entre l'année dernière et cette année, ils prennent deux fois plus les vélos-taxis.
04:18On transporte autant de pros dans les vélos-taxis que dans nos navettes électriques.
04:22Donc, peut-être, et certainement, progressivement, on va enlever les navettes électriques.
04:26Donc, ça, c'est un levier.
04:27Et ensuite, là où il faut aussi minorer les choses, enfin, être réaliste,
04:32c'est que le public de Cérimania est essentiellement un public local
04:35qui se déplace au sein de la ville de Lille comme il le ferait habituellement.
04:40– 2021, c'est la date de création de cet institut, Cérimania et un institut.
04:46C'est une école, en fait, c'est quoi ?
04:48– Oui, c'est un organisme de formation.
04:49On fait plusieurs choses.
04:50Nous, on fait de la formation continue pour les professionnels,
04:53donc, par exemple, pour les scénaristes internationaux, français.
04:55Et on a aussi voulu, dès le départ, ne pas s'adresser que aux professionnels,
05:00mais aussi avoir une section pour accompagner des jeunes qui sont en rupture scolaire
05:05et qui ont des difficultés d'accès à ce milieu,
05:08qui est un milieu qui fonctionne beaucoup en réseau, mais par connaissance.
05:11Et pour les initier au métier de la série,
05:13leur faire découvrir la diversité des métiers qu'il y a dans l'audiovisuel.
05:18Parce qu'il y a énormément de métiers.
05:19Il n'y a pas que le métier de réalisateur,
05:21puisque tous les jeunes arrivent en voulant être réalisatrice ou réalisateur.
05:23Il y a plein d'autres métiers et qu'on peut s'y faire une place.
05:27– Mais ça veut dire quoi ?
05:28Ça veut dire qu'il y a les biais et les stéréotypes.
05:32C'est-à-dire qu'il faut lutter contre l'autocensure,
05:37mais aussi contre des biais de recrutement, de financement.
05:42Est-ce que c'est vrai ?
05:43– Complètement.
05:43– Oui, dans la promotion qu'on déploie,
05:46il y a 20 jeunes, ils ont entre 18 et 25 ans.
05:51Beaucoup d'entre eux ont par exemple arrêté les études.
05:56C'est-à-dire que post-Covid, il y a aussi toute cette génération
05:59qui a commencé la fac et qui n'a pas réussi à se relancer.
06:02Donc c'est eux qu'on essaye d'aller chercher, par exemple.
06:05Il y a des jeunes qui ont des freins géographiques.
06:07Dans notre promotion de 20 jeunes,
06:09on a cinq jeunes aujourd'hui qui viennent des zones rurales des Hauts-de-France.
06:13Et honnêtement, c'est un frein en plus.
06:15En fait, quand on n'a pas le réseau ni la centralité de Lille
06:19et encore moins de Paris,
06:20de pouvoir accéder à une formation qui vous ouvre les portes comme ça.
06:24Et oui, il y a des freins, c'est pas pour moi.
06:26Ça, c'est toujours ce côté, c'est pas pour moi ce milieu,
06:29c'est pas pour moi ces métiers.
06:30Alors qu'encore une fois, il y a des métiers accessibles à plein de profils.
06:36– Oui, il y a aussi la question du genre.
06:38Parce qu'on voit que, par exemple, les femmes réalisatrices,
06:41elles sont aussi nombreuses dans les écoles.
06:43Elles sont aussi nombreuses à peu près quand il s'agit de diriger des courts-métrages.
06:48Et puis plus le film est long et plus le film coûte cher, moins il y a de femmes.
06:51– Ah oui, c'est le fameux plafond de verre, on le connaît.
06:55Les choses bougent.
06:56– Oui, quand même.
06:57– Elles bougent doucement, mais elles bougent.
06:58Là, on est en plein festival de Cannes.
07:01On voit bien que le festival a fait un gros effort.
07:02Nous, côté séries, on est un peu moins marqués par cet écart entre hommes et femmes
07:08à la réalisation, un petit peu moins.
07:10Au niveau de la formation, nous, on a vraiment pris le parti,
07:13dès le départ, d'avoir des promotions paritaires.
07:16Par exemple, sur cette formation Tremplin pour les jeunes,
07:18c'est 10 filles, 10 garçons.
07:20Aucun problème de ce point de vue-là.
07:23Et moi, ce que je vois, on a peu de recul,
07:25mais quand même, on a deux promotions qui sont sorties.
07:27C'est que les jeunes femmes qui étaient dans nos promotions
07:29sont parmi celles qui, aujourd'hui, sont le plus en emploi,
07:34qui ont réussi à décrocher des jobs.
07:37Donc, moi, je suis d'un naturel optimiste.
07:39– Moi aussi, je marche du côté ensoleillé de la rue,
07:41donc c'est en train de bouger.
07:42– Je pense que ça bouge.
07:43Maintenant, il ne faut rien lâcher.
07:44C'est comme pour la RSE.
07:46– Et c'est comme pour un enjeu qui est majeur,
07:50dont on parle de plus en plus souvent dans cette émission,
07:52qui est l'enjeu de l'acceptabilité de la transformation environnementale
07:56et sociétale par nos concitoyens.
07:59Quel rôle vous donnez, finalement, à vos métiers, à la fiction ?
08:04Est-ce qu'il y a beaucoup de séries qui parlent d'environnement, par exemple ?
08:06– Alors, la série, c'est un vecteur, c'est le reflet du monde.
08:11C'est toujours ce qu'on dit, les scénaristes, de toute manière,
08:13s'inspirent de ce qui se passe dans le monde
08:14et de comment on vit pour faire leurs séries.
08:17Et on voit apparaître, bien sûr,
08:19beaucoup de sujets environnementaux dans les séries
08:22qui sont encore beaucoup traités sous un angle un peu catastrophiste.
08:26Il faut le remarquer, il faut le dire.
08:28Donc, nous, on essaye à Saïmania aussi
08:29d'aller chercher d'autres types de récits
08:32et d'encourager, au niveau de la formation de nos scénaristes,
08:36aussi l'émergence de, c'est ce qu'on appelle, les nouveaux récits.
08:38– Nouveaux récits ou nouveaux imaginaires.
08:40– Nouveaux imaginaires, voilà.
08:41Et si on avait réussi, c'est un petit peu ça.
08:44Donc, dans les formations, nous, on a des modules complets
08:47sur l'état de l'environnement aujourd'hui
08:49pour que les scénaristes sachent de quoi ils parlent
08:51quand ils parlent d'environnement.
08:52et aussi, voilà.
08:55– Et ça veut dire quoi ?
08:56Ça veut dire les inciter à imaginer une société
09:00où on aurait réussi à être plus heureux
09:03en les respectant à l'élimine planétaire ?
09:04C'est vraiment ça ?
09:05– Oui, oui, c'est un peu ça.
09:06J'ai vu cette année, au forum, il y a beaucoup de pitchs.
09:09Vous savez, le pitch, c'est le début de la série.
09:12Donc, pour se faire acheter, il y a beaucoup de pitchs
09:13qui parlaient de ça.
09:14C'était très intéressant.
09:15Et ça va être intéressant de suivre
09:17si les producteurs prennent, en fait.
09:19Mais on voit que les sujets sérieux,
09:24les sujets qui concernent le public
09:27sont plébiscités par le public.
09:30Je vais juste prendre un exemple.
09:31On sort un peu, pardon, de l'environnement de l'RSE.
09:33Mais là, on a tous vu le succès, par exemple,
09:37d'une série comme Adolescence, qui est sur Netflix.
09:39Cette série est une série sérieuse, difficile
09:44et de très bon niveau artistique.
09:47Et elle a été plébiscitée par le public.
09:49Il y en a plusieurs en ce moment comme ça.
09:50Et c'est assez intéressant de voir
09:52que ce n'est pas en faisant des choses faciles
09:54ou low cost dans les plateformes.
09:57Ce n'est pas nécessaire, en fait, pour avoir du public.
09:59Donc ça, c'est quelque chose, moi, je trouve,
10:01de très intéressant.
10:03Après, ce qui se passe dans la production,
10:06au niveau de l'environnement,
10:08c'est que, déjà,
10:09il y a une éco-conditionnalité des aides du CNC en France.
10:13Donc, maintenant, les productions doivent être éco-produites
10:17et montrer leur bilan carbone.
10:19Donc, c'est un premier pas.
10:20Ça fait bouger toute la filière.
10:21Parce qu'il faut former les gens.
10:23Ce n'est pas évident.
10:24Il y a des beaux exemples de séries qui ont été éco-produites.
10:27Nous, à Cérimania, on a primé, il y a quelques années,
10:30c'était le prix du public,
10:31une série que moi, j'aime beaucoup,
10:33aussi parce qu'elle se passe dans le Nord.
10:34Mais bon, ça, c'est un peu un hasard
10:35qui s'appelle Germinal.
10:36Et Germinal, c'est une série éco-produite
10:39sur la question des décors, etc.
10:41Ils ont fait un gros boulot.
10:43Donc, ça, c'est un exemple.
10:44Et après, on connaît tous des séries
10:46qui traitent de l'environnement.
10:48Il y a le Snowpiercer
10:49où on voit s'il y avait une glaciation.
10:52Adaptée d'une magnifique bande dessinée.
10:53Merci beaucoup, Marianne Guillaume.
10:55Merci à vous.
10:55Et à bientôt sur Be Smart for Change.
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