Comment parler d’écologie sans sombrer dans la peur ou la culpabilité ? Rafaella Scheer, responsable du Greenwashing Comedy Club, a choisi l’humour comme arme pour sensibiliser le grand public et les salariés à la protection de l’environnement. Avec son collectif d’humoristes engagés, elle multiplie les spectacles et interventions en entreprise pour transformer les enjeux écologiques en sujets accessibles, légers et donnant de la motivation pour agir.
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00:00L'invité de ce Smart Impact c'est Raphaël Ascher, bonjour.
00:09Bonjour.
00:09Bienvenue, vous êtes responsable du Greenwashing Comedy Club, c'est quoi ? C'est un collectif d'humoristes en quelque sorte ?
00:15Exactement, le Greenwashing Comedy Club c'est un collectif d'humoristes qui a été créé en 2020
00:19et dont le but c'est de parler de transition sur scène.
00:23Donc comment ça se passe ? Ça se passe qu'on a des soirées en public, beaucoup en région parisienne mais aussi ailleurs,
00:28on joue pas mal à Lyon, à Rennes, à Bordeaux notamment.
00:33Et donc on va être sur scène et on va parler de plein de trucs dont la transition
00:36et qu'est-ce que ça veut dire la transition pour nous en tant qu'humoristes.
00:40Et en tant que personnes qui sortent la société et qui fait des blagues dessus.
00:43C'est un regard particulier sur ces enjeux, alors nous on l'aborde avec le sérieux journalistique
00:53mais les mêmes thèmes vous les tordez ?
00:55Oui, les mêmes thèmes on les tord, enfin je ne sais pas si vous êtes déjà allé sur un plateau de stand-up
00:59mais ça parle de tout et c'est un art qui est très personnel.
01:02Donc on va beaucoup parler de moi, qu'est-ce que ça veut dire pour moi ?
01:04Oui, on raconte un peu sa vie aussi.
01:05On raconte sa vie, voilà le code c'est il n'y a pas de quatrième mur et on va, on raconte sa vie.
01:09Et la transition c'est un sujet qui est profondément dans nos vies,
01:12donc qui a des impacts sur nos vies, que ce soit dans nos modes de consommer,
01:16dans nos rapports avec les gens, dans nos angoisses, dans nos projections.
01:19Et donc tout ça, ça a des impacts qu'on vient raconter et on espère que c'est drôle
01:24vu que c'est quand même ça le but à la base.
01:26Oui, ça c'est toujours l'inconnu avant de démarrer un spectacle.
01:30Est-ce qu'il y a des modes dans les thèmes ?
01:31Alors vous avez assez peu de recul mais vous voyez ce que je veux dire ?
01:35Est-ce que, je ne sais rien, on parlait plus d'énergie, on parlait plus...
01:39Est-ce que vous voyez pointe ces tendances de la société ?
01:43Vous les ressentez aussi sur scène finalement ?
01:45Déjà je pense qu'on en parle de plus en plus.
01:47Je pense qu'il y a quelques années, d'ailleurs quand Anne a lancé le Greenwashing Comedy Club,
01:51Anne Dupin exactement, quand Anne Dupin a lancé le Greenwashing Comedy Club,
01:54moi à cette époque-là je n'étais pas du tout dans l'humour,
01:56j'étais vraiment juste dans le climat à ce moment-là.
01:58Ce qu'il y avait sur scène, je pense que c'était surtout des choses finalement assez clichées, assez distantes.
02:02C'est-à-dire, vous avez remarqué, les végétariens ils sont faibles,
02:06parce qu'ils mangent trop de soja, voilà.
02:07Je pense que c'était un peu ça l'humour sur l'écologie il y a 4-5 ans.
02:12Il y avait quand même des pionniers, Nicolas Mérieux par exemple,
02:15qui fait de l'humour dans des fermes, il était déjà assez engagé,
02:17il faisait déjà des choses assez profondes.
02:19Mais voilà, ce qu'il y avait sur les plateaux de stand-up, c'était des choses assez légères.
02:22Et je pense que de plus en plus, c'est rentrer dans les mœurs
02:26que sur un plateau d'humour assez classique,
02:29on va parler plus de ce que ça nous fait dans nos vies.
02:32Il y a beaucoup de trucs sur les rapports avec les partenaires,
02:35les rapports avec les enfants, avec les enfants qu'on voudrait avoir peut-être.
02:40Donc je pense que ça devient un peu plus profond qu'il y a quelques années.
02:43Est-ce que vous réussissez à vous moquer de l'éco-anxiété ?
02:48Oui, on se moque beaucoup de l'éco-anxiété, bien sûr.
02:50Qu'est-ce que ça nous fait ? Que ça nous fait mal ?
02:53J'ai pas mal de sketchs autour de l'éco-anxiété.
02:58Je pense que mon sketch préféré, c'est un sketch sur le BDSM écolo.
03:02C'est quoi le BDSM écolo ?
03:03C'est une très bonne réaction à cette question,
03:05que ça fait vraiment mal de parler de climat,
03:07mais qu'au fond, on aime quand même un peu ça.
03:09On regarde Smart Impact, on continue à se renseigner,
03:12même si on est anxieux, mais on aime bien l'entretenir quand même un petit peu.
03:16Oui, effectivement.
03:17Pourquoi l'humour, c'est un levier important de sensibilisation ?
03:20Je pense que c'est un levier de sensibilisation pour plusieurs raisons.
03:23Il y en a une qui est qu'on retient ce qui est mémoral.
03:27Donc on va retenir une bonne formule, on va retenir un geste particulier.
03:32Une émotion ?
03:32Une émotion particulière.
03:33Donc je pense que ça peut planter une petite graine quelque part.
03:36Ça ne vient pas remplacer une conférence,
03:38mais je pense qu'on peut retenir un angle, quelque chose.
03:40Ça, c'est une partie.
03:42Je pense qu'il y a une partie aussi qui est que ça fait faire communauté.
03:46Et ça, c'est hyper important.
03:48C'est quand même des sujets qui divisent pas mal les sujets de transition de climat.
03:52Et mettre de l'humour, ça peut faire du lien.
03:54Par exemple, il y a quelques semaines, je jouais dans un événement,
03:57dans une communauté de communes, un territoire agricole.
04:01Et c'était un événement de lancement d'une politique climat sur un territoire agricole.
04:05Là, on entend tout de suite qu'il va y avoir des enjeux entre les agriculteurs, le climat.
04:09Et j'ai ouvert cet événement.
04:13Et le but, justement, c'était de mettre un peu de lien sur une discussion qui allait être potentiellement un petit peu tendue.
04:19Donc voilà, ça, je pense que c'est important.
04:21Et est-ce que, justement, ça vous arrive sur un événement comme ça ?
04:25Ou sur d'autres soirées auxquelles vous participez ?
04:28D'avoir des spectateurs, des spectatrices qui viennent vers vous après,
04:32qui disent « Ah tiens, ça m'a fait changer d'avis. »
04:35Ou alors « Ça m'a donné envie de passer à l'action. »
04:38Vous voyez ce que je veux dire ?
04:39Ça m'a fait changer d'avis.
04:40Je pense qu'il faudrait être très optimiste.
04:43Enfin, je ne suis pas sûre qu'on puisse faire changer d'avis avec une phrase.
04:45Mais en revanche, ça arrive souvent d'avoir des discussions intéressantes après une soirée d'humour.
04:51Où on va avoir des gens qui vont nous dire
04:53« Franchement, quand j'ai vu le climat, je me suis dit « Oh là là, ça va être... »
04:56Et en fait, j'ai passé une super soirée.
04:58Ou des gens qui me disent « Ah ouais, tel truc, c'était intéressant, tel angle. »
05:04Donc, changer d'avis, peut-être que c'est un peu optimiste.
05:07Mais en tout cas, enclencher un débat, enclencher une réflexion, oui.
05:10Dans quel type de lieu vous jouez ?
05:12C'est les entreprises ?
05:13Est-ce que vous disiez des collectivités locales ?
05:15On joue dans plein de types d'endroits.
05:16On a des lieux de résidence, notamment l'Académie du climat à Paris,
05:19où on est en spectacle toutes les deux semaines environ.
05:23Et dans pas mal d'autres lieux.
05:24Et on joue aussi beaucoup à l'appel d'organisations,
05:28de collectivités, d'entreprises, de festivals.
05:31Donc voilà, on a nos événements en propre
05:32et nos événements où on participe à des événements.
05:35Et alors, je rejoins la question de tout à l'heure.
05:38Est-ce que vous croisez beaucoup de climato-sceptiques ?
05:41Les gens qui viennent voir en disant « Bon, tout ça, c'est n'importe quoi. »
05:45Pas tant que ça.
05:46Alors, je pense qu'il y a un peu en biais de sélection.
05:48À l'Académie du climat, les gens qui viennent voir le Greenwashing Comedy Club,
05:51a priori, ils ne sont pas climato-sceptiques.
05:52Mais bon, en même temps, si c'est des agriculteurs qui participent à un événement
05:57qui est organisé par une comité commune, bon.
06:00En tout cas, je pense qu'il y a 50 nuances de climato-sceptiques.
06:02Je pense que je n'ai jamais croisé un quelqu'un qui me dit
06:04« Le changement climatique, ça n'existe pas. »
06:06En revanche, des gens, quand on dit « Climat » qui se tendent un petit peu
06:10et qui se disent « Ah là, encore une bobo parisienne qui vient nous parler de voitures électriques. »
06:14Ça, oui, on en croise beaucoup.
06:15Et là, c'est là où je pense que le rôle de l'humour est important
06:17pour venir créer des ponts et pour se dire « Au fond, on parle de la même chose. »
06:21Enfin, je te parle de ma vie et je te parle de choses qui me font réagir,
06:25qui me donnent de l'émotion.
06:26Donc, ça, oui, beaucoup.
06:28Vous l'avez dit, ce collectif d'humoristes a été créé par Anne Dupin
06:32qui était salariée dans la finance, je crois.
06:34C'est le cas de beaucoup de…
06:37Enfin, c'est votre cas, vous faites, vous êtes aussi, vous bossez chez Axa Climate, c'est ça ?
06:41Il y a beaucoup des humoristes qui sont membres du Green Machine Comedy Club
06:45qui ont ce côté « double vie » entre guillemets ?
06:47Oui, bon, déjà, il y a beaucoup d'humoristes qui ont un côté « double vie »
06:50parce que… pour des raisons bassement matérielles.
06:53Oui, on ne vit pas encore de l'humour, donc on fait autre chose.
06:56Voilà, donc il y a beaucoup de gens qui ont une « double vie »
06:58et il y en a certains qui l'ont dans des boulots plus ou moins écolos.
07:02Voilà, on a… hier, je jouais avec un copain qui travaille chez Bio, c'est bon.
07:07Voilà, donc qui vend des légumes bio la journée, qui fait des blagues sur les légumes bio le soir.
07:11Et je pense qu'il y a aussi un biais de « on écrit sur les choses qui nous importent »
07:16et « si on travaille sur ces choses qui nous importent, tout ça finit par faire quelque chose d'assez cohérent. »
07:23Et vous, vous voyez de la complémentarité avec votre métier chez AXA Climate ?
07:29Bien sûr, bien sûr, énormément, à la fois dans les sujets que je traite.
07:32Et je pense que ça se nourrit positivement.
07:35Je pense que je suis une meilleure consultante formatrice depuis que je fais de l'humour
07:40et que, en fait, j'ai une bonne maîtrise de la scène et j'intéresse les gens.
07:45Et alors, je ne vais pas faire des blagues aussi, je ne vais pas arriver devant des clients en disant « est-ce que vous êtes chaud ce soir ? »
07:50Mais vous en glissez quand même quelques-unes.
07:52J'en glisse quelques-unes et même, je pense qu'il y a quelque chose d'aisance scénique qui se retranscrit.
07:59Et aussi, bon, ça me nourrit aussi mon écriture d'être en prise avec les enjeux réels.
08:06Et alors, justement, chez AXA Climate, c'est quoi votre rôle ?
08:11Je suis consultante sur des enjeux de finances durables et je fais beaucoup de formation auprès de clients
08:17sur les enjeux de finances durables et de transition au sens large.
08:20D'accord. Je voudrais qu'on parle d'une manière générale de cet enjeu d'acceptabilité
08:27et du rôle, finalement, des métiers de la création en général, du cinéma à la pub, en passant par l'humour ou la télévision.
08:34Et les médias, évidemment, on s'inclut dedans.
08:38Est-ce qu'on a raté une marche, d'une certaine façon ?
08:40Vous voyez ce que je veux dire ? En étant beaucoup sur la culpabilisation, la transition anxiogène, etc.
08:49Possible. Après, je pense que c'est quand même important de parler de ces sujets-là.
08:52Moi, je me méfie aussi.
08:54Parfois, il y a des gens qui nous appellent avec le Greenwashing Comedy Club et qui nous disent
08:58« c'est trop anxiogène, on a besoin de faire rire ».
09:00Oui, mais il ne faut pas non plus faire rire en oubliant qu'il y a des constats qui sont là
09:05et que ce n'est pas que du léger et que ce n'est pas juste parce qu'on crée un nouvel imaginaire
09:09qu'on peut créer un imaginaire positif sans nier la gravité du constat.
09:13Ça ne doit pas être un écran de fumée.
09:15Voilà, ça ne doit pas être un écran de fumée.
09:17On ne fait pas rire en disant « ne vous inquiétez pas, finalement, ce n'était pas si grave que ça ».
09:20Et donc, je pense qu'on n'a pas non plus raté une marche parce qu'il faut poser la gravité du constat
09:26et il faut aussi secouer.
09:28Mais en revanche, c'est une des jambes.
09:29Et l'autre jambe, c'est de se dire « ce n'est pas que du négatif, c'est aussi du positif ».
09:33Et surtout, il y a des choses difficiles, mais on les fait ensemble.
09:37Et là, il y a un vrai rôle des médias, du contenu, pour créer un peu cette communauté qui donne envie d'agir.
09:43Oui, vous dites ça aussi parce qu'on a encore besoin d'avoir un tronc commun de connaissance sur la réalité du changement climatique ?
09:49On a besoin d'avoir un tronc commun de connaissance et on a aussi besoin de réagir à un moment.
09:54Ce n'est pas juste « on verra quand on aura le temps ».
09:58Donc, je pense que juste le côté très positif ne peut pas suffire à donner un petit peu la claque qu'il faut prendre aussi pour avoir envie d'agir.
10:08C'est quand votre prochain spectacle ? Vous jouez où ?
10:10Je joue samedi au Festival de l'écologie populaire au Kremlin Bicêtre.
10:17Et je joue lundi soir mon spectacle dans un théâtre dans le 11e arrondissement qui s'appelle « La comédie des trois bornes ».
10:23Et alors, si on est chef d'entreprise ou cadre d'entreprise responsable RSE et qu'on veut se mettre en contact avec le Greenwashing Comedy Club, comment ça marche ?
10:32De manière très originale, une adresse mail qui s'appelle greenwashingcomedyclub.com.
10:36Très difficile à trouver.
10:37Et voilà, c'est des choses qu'on fait beaucoup et à la fois, on fait des spectacles un peu génériques où on parle de ce dont on parle d'habitude.
10:45Et on fait aussi beaucoup de spécifiques où on va écrire sur les enjeux du secteur, sur les enjeux de l'entreprise.
10:51Un petit peu de roast, on va se moquer un peu gentiment.
10:54Donc, vous pouvez vraiment vous adapter à l'entreprise dans laquelle vous allez intervenir.
10:58C'est ça.
10:58Merci beaucoup, Raphaël Lachère.
11:00Et à bientôt sur Miss Martin.
11:02J'en passe tout de suite à notre débat, la lutte contre les déchets, la préservation de l'océan.