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Éveiller les consciences passe aussi par le sensible. C’est là que l’art entre en scène. Portée par des artistes engagés, des galeries innovantes ou des lieux hybrides, une nouvelle manière de représenter les enjeux environnementaux émerge : immersive, esthétique et profondément politique. Mais quel est réellement le rôle de l’art dans cette transition ? Et comment renforcer les ponts entre artistes, institutions et entreprises pour démultiplier son impact ?
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00:00C'est le débat de ce Smart Impact, on va parler du rôle des artistes pour sensibiliser aux questions environnementales
00:12avec trois invités, Florence Manuguera, bonjour, vous êtes la fondatrice de The Kairin Gallery,
00:18Marie Jaquet, bonjour, bienvenue à vous aussi chargée du développement des publics au Maïf Social Club
00:23et Marion Laval-Jantet, bonjour et bienvenue, vous êtes artiste, vous êtes la cofondatrice du collectif
00:28art orienté objet, allez je démarre, on a 12-13 minutes par des questions de présentation,
00:33The Kairin Gallery c'est quoi ?
00:35Alors The Kairin Gallery c'est un nouvel acteur de l'art qui propose au public et plus particulièrement
00:40aux entreprises de découvrir des artistes qui partagent leurs engagements, leurs engagements
00:45sociétaux et environnementaux, on est les seuls à avoir ce positionnement là et l'idée
00:51c'est d'inviter les entreprises à découvrir ces artistes, alors là on vient de lancer
00:55une plateforme qui est la première plateforme digitale qui permet de voir une centaine
01:01de profils d'artistes engagés, dûment sélectionnés par notre comité artistique et qui sont prêts
01:06à collaborer avec ces entreprises pour des projets de communication, bien évidemment
01:11des expositions etc mais pas que, et c'est là que le sujet est intéressant parce que l'art
01:16a des super pouvoirs souvent ignorés.
01:18On va en parler de ces super pouvoirs, le Maïf Social Club c'est un lieu déjà ?
01:23On peut dire ça à Paris ?
01:24Tout à fait, le Maïf Social Club c'est un lieu qui se trouve 37 rue de Thurenne dans
01:28le 3ème arrondissement et c'est le lieu culturel de l'entreprise à mission Maïf.
01:34Il a été créé en 2016 et l'idée de ce lieu c'était de pouvoir incarner et mettre
01:41en œuvre les valeurs de la Maïf autour du vivre ensemble, de l'inclusion, de la solidarité
01:47et du développement durable.
01:49Ça fait partie évidemment des valeurs de l'entreprise. Est-ce que c'est facile de trouver des artistes
01:55qui s'engagent ou qui sont sur ce, je reste vraiment sur l'environnement, sur cette question
01:59de sensibilisation à l'environnement ?
02:00Oui.
02:01Il y en a de plus en plus ?
02:02Il y en a de plus en plus.
02:03Il y en a de plus en plus.
02:04C'était un sujet peut-être un peu plus de niche, même si ça existe depuis longtemps.
02:10Il y a des gens qui travaillent ces questions depuis longtemps.
02:13Mais effectivement, c'est un sujet qu'on voit monter aussi chez beaucoup de jeunes artistes notamment.
02:18Et votre collectif Art Orienté Objet, vous l'avez créé quand et c'est quoi l'esprit
02:25qui vous anime ?
02:26On s'est créé en 93, donc 92. Donc en fait, ça fait un bout de temps, plus de 30 ans.
02:35On a travaillé dès le départ sur les questions arts écologiques, arts environnementaux, biodiversité,
02:41avec un souci qui était alerté, mais aussi proposé des alternatives.
02:48Donc on proposait des œuvres qui étaient beaucoup dans l'action, dans la communication
02:55sur les problèmes environnementaux.
02:57Alors, je vais reprendre votre expression, les super pouvoirs de l'art.
03:00Qu'est-ce que vous en pensez ? Je commence avec vous, Marie-Jacques.
03:03Pour sensibiliser l'environnement, qu'est-ce qu'une expo, qu'est-ce qu'un artiste qui vient
03:08parler de son œuvre va avoir de plus qu'un journaliste avec son côté un peu carré,
03:14calibré ?
03:15Je pense que tous ici ont fait le pari de dépasser les données scientifiques, les décisions
03:21politiques et de se dire que pour agir, on peut aller aussi chercher chez tous les citoyens
03:27et les humains, j'ai envie de dire, en passant par le biais du sensible et de l'émotion.
03:33On a ces informations, on est tous au courant et en même temps, on se rend compte que ça
03:39n'avance pas toujours.
03:40Ça recule.
03:41Voir ça recule, c'est d'actualité brûlante.
03:46Et du coup, voilà, c'est le pari de se dire qu'en allant toucher les gens au cœur,
03:52c'est pas nier de dire ça, en allant émouvoir les gens, en allant les questionner et vraiment
04:03les pousser à puiser chez eux, on peut aussi trouver des leviers d'action parce que l'idée
04:09c'est aussi de…
04:10Évidemment, c'est de transformer les spectateurs en acteurs et aussi de donner envie de changer.
04:15Et justement, il y a ce backlash dont on parle, ce retour en arrière qui s'est exprimé dans
04:19les urnes, ça s'appelle la démocratie, que ce soit aux élections européennes ou que
04:23ce soit évidemment aux États-Unis, je pourrais malheureusement citer d'autres exemples.
04:27Ils n'ont pas été suffisamment voir d'expos ?
04:29Ça doit être ça.
04:30Il faut le dire à qui…
04:32Oui, c'est exactement ce que vous disiez.
04:35Et puis en plus, on a remarqué dans nos expositions, en fait, les artistes engagés
04:40sont eux-mêmes des experts de leur sujet.
04:42Oui.
04:43C'est-à-dire que lorsque, par exemple, on expose Florent Lamourou qui a créé une boule
04:47à neige, des boules à neige avec les déchets plastiques de nos rivières à l'intérieur,
04:52et en fait, vous la prenez cette boule à neige, ça crée tout de suite un lien avec
04:57vos souvenirs d'enfance.
04:59Bien sûr, c'est une Madeleine de Proust.
05:00Et l'art, en fait, et l'artiste est à côté et vous dit que oui, il y a 8 millions
05:05de tonnes de plastique chaque année qui sont déversées dans les océans.
05:09C'est des chiffres macro qui écrasent, alors que là, vous avez vécu une expérience,
05:13vous avez fait une rencontre et ensuite vous êtes capable de repartir.
05:16C'est un très bon exemple.
05:17Mais je vais plus loin sur la question que je posais sur le vote, sur les citoyens,
05:21parce que le danger d'une démarche artistique, c'est parfois d'être un peu éditiste.
05:26Parfois, je ne généralise pas.
05:28Et donc, ça peut être ressenti comme tel.
05:31Est-ce que je vais voir une expo qui parle d'environnement ?
05:33Ils vont encore être perchés ceux-là.
05:35Vous voyez ce que je veux dire ?
05:36En fait, le grand pouvoir des artistes, c'est justement de se mettre à niveau d'humains
05:41et de vous parler personnellement.
05:44Parce que vous allez avoir une expérience physique en face d'une œuvre sensible.
05:49Et je ne pense pas que les gens aient voté contre l'art ou contre l'environnement lorsqu'ils ont voté.
05:55Il y a des tendances, ça fait partie des vies démocratiques, il y a des soubresauts.
05:59Mais le fond est là.
06:00L'environnement, c'est des chiffres, ce n'est pas une croyance.
06:02C'est des datas.
06:03Et le grand pouvoir de l'art et des artistes, c'est justement de rendre sensible, de raconter des histoires.
06:09Sortir de la froideur des chiffres et des émotions.
06:11Et de vous permettre surtout de raconter des récits, des histoires.
06:15Parce qu'autour des chiffres, on ne se lève pas de son canapé avec des chiffres.
06:18Par contre, si vous êtes vous-même ambassadeur d'une histoire, là vous devenez acteur de la transformation et de la transition.
06:27Nous, l'importance, on y consacre beaucoup de débats, des nouveaux récits, des nouveaux imaginaires.
06:32Exactement.
06:33Et de ce que nous, et je mets les journalistes dedans, on a un peu loupé depuis quelques années pour se retrouver face à ce backlash.
06:39On peut prendre un exemple.
06:41Il y en a plein, Marion Laval-Janté, mais par exemple, l'exposition Microbiota, que vous avez conçue pour le musée des beaux-arts de Dôle.
06:48Alors, c'est où ? Dôle ou Dôle ?
06:50Dôle.
06:51Dôle, oui.
06:52Qu'est-ce qu'on y voit ?
06:54Et en quoi elle utilise ce levier de l'émotion dont on parle ?
06:58C'était une exposition monographique.
07:01Donc, en fait, ça regroupait parce que le musée est assez grand.
07:04Beaucoup d'œuvres qui sont des œuvres qui s'interrogeaient sur la façon dont la biodiversité évolue avec la pression écologique.
07:11Donc, il y avait énormément de sujets.
07:14Comme le disait Florence, on a ce souci qui est que chaque produit artistique, œuvre qu'on réalise, on la réalise sur un terrain de recherche et d'expérimentation.
07:29Donc, on finit par connaître ce terrain et, d'une certaine manière, l'œuvre concentre, focalise l'attention et la sensibilité des gens sur, justement, des choses que, souvent, il ignore.
07:39Et c'est très rapide.
07:40C'est-à-dire que l'intérêt de l'art, c'est qu'il y a une convergence dans un objet d'énormément de connaissances et de sensibilité qui fait qu'on peut absorber toute cette connaissance très rapidement et sur un plan très émotionnel, effectivement.
07:56C'est une contrainte supplémentaire pour les artistes, d'une certaine façon ? Vous voyez ce que je veux dire ? Ou est-ce que, de toute façon, parce qu'il y a plein de façons de créer, mais créer à partir… Là, vous nous dites, on crée à partir de connaissances, à partir d'un travail de bibliothèque, quasiment, de lecture ou d'apprentissage.
08:16Dans notre cas, c'est plus un travail de terrain qu'un travail de bibliothèque. Et ça part beaucoup d'un cri émotionnel. C'est-à-dire que si on s'est mis à travailler sur cette question, c'est parce que, depuis l'enfance, on était déjà extrêmement inquiets de la manière dont la biodiversité était mise en danger aujourd'hui.
08:33Donc, on a travaillé ça de notre propre émotion au départ, mais en devenant des spécialistes d'énormément de choses. Et moi-même, j'enseigne l'art environnemental depuis plus de 20 ans à l'université.
08:44Au début, les gens y allaient à reculons. J'avais rendu le cours obligatoire et c'était un peu compliqué parce qu'ils ne se disaient pas ça. Et puis, finalement, c'était une transmission qui se faisait très simplement au cours de l'année avec un nombre d'exemples qui semblait essentiel aux étudiants parce que l'intérêt de cet art, c'est qu'il n'était pas simplement un art formel qui décrit une époque d'un point de vue, on va dire, tendance, esthétique, etc., mais aussi un art de contenu.
09:14Et finalement, c'est très intéressant, un art de contenu. C'est un art qui ne rejette pas une tradition ancienne de l'art qui est l'iconologie, c'est-à-dire toute une histoire dans l'œuvre.
09:26Et ça, c'est vraiment prépondérant et intéressant.
09:30On va s'appuyer. Alors, il y a deux expos, c'est ça, en ce moment ? Il y a Chaosmos qui se termine, c'est ça ? Et il y en a une qui va démarrer qui s'appelle Voir la mer.
09:41Exactement.
09:42Alors, on peut en parler, on en choisit une. Laquelle ?
09:45Alors, Chaosmos s'achève le 26 juillet, je vais plutôt vous teaser la prochaine.
09:51Ok, alors c'est quoi Voir la mer ?
09:53Donc, Voir la mer, c'est une séquence de programmation, puisque c'est aussi bien exposition que spectacle vivant et débats d'idées au Maïf Social Club.
10:01Et Voir la mer, qu'on monte en collaboration avec Coal, qui est aussi assez pionnée sur les questions d'art et d'environnement,
10:09mais aussi avec Blum, l'association de Claire Nouvian, aussi avec SOS Méditerranée, qu'on a convié sur la partie débats d'idées.
10:18C'est prendre ce temps de regarder la mer, qui est cet espace immense qui fait rêver et que pourtant, on considère juste comme un endroit dans lequel on peut puiser des ressources.
10:29Et ça va être tout un parcours où on va partir de l'estran, plonger dans les abysses, découvrir les créatures incroyables qui y sont,
10:37mais aussi tous les débris humains qui vont échouer, et puis ressortir, traverser les questions de surpêche,
10:44proposer des solutions aussi avec des artistes qui travaillent autour de la question de la pêche artisanale,
10:49et puis aussi parler de tous ces nouveaux pirates que sont les militants écologistes qui défendent les océans.
10:56Alors, je reviens aux artistes. Les artistes, qu'est-ce qu'ils proposent, en fait ?
11:02Vous dites qu'ils travaillent sur la pêche artisanale. Ils imaginent des objets qui vont servir aux pêcheurs.
11:08En l'occurrence, j'avais en tête le travail de Carla Gay, qui est une jeune artiste qui travaille en ce moment même.
11:15Elle est en train de créer son œuvre au Sénégal. Elle travaille avec des femmes pêcheuses qui récoltent les huîtres dans les mangroves.
11:24Et du coup, il y aura une pièce un peu immersive où elle va convoquer par le son, par les matières, cet endroit à protéger aussi,
11:34qui est la mangrove. Et puis, voilà, montrer qu'un rapport de pêcheurs traditionnels, c'est aussi préserver les ressources,
11:44pour préserver des communautés et de l'emploi.
11:46La mangrove qui est d'autant plus à préserver, que c'est un puits carbone qui fonctionne très, très bien.
11:53L'art en entreprise, c'est une demande des salariés d'avoir de l'art dans leur lieu de travail ?
11:58Oui, il y a une étude qui a été publiée, comme quoi les trois quarts des salariés considéraient l'art comme un vecteur,
12:06un levier de créativité, d'innovation pour eux.
12:09Ça agit sur le bien-être.
12:12Donc, il y a ces vertus-là de l'art qui vous permettent, simplement par la présence esthétique, de décompresser, etc.
12:20Mais il y a aussi une sorte de créativité, parce que souvent, une œuvre, elle n'est pas facile, elle questionne, elle est différente.
12:29Et c'est le propre des artistes contemporains d'inventer de nouveaux langages.
12:32Et ce qui est très intéressant aussi, c'est concernant les valeurs des entreprises qu'elles ont besoin de partager,
12:38leurs engagements, elles ont beaucoup de mal à mobiliser sur leur transition, les collaborateurs, et convaincre les publics.
12:45Parce qu'au-delà de celles qui font du greenwashing, mais qui ne nous intéressent pas trop,
12:49il y a beaucoup, beaucoup de grands groupes qui se transforment vraiment, réellement.
12:53Et ce n'est pas facile.
12:55Et c'est justement là que la collaboration avec des artistes peut permettre la petite respiration, le pas de côté qui inspire.
13:02Merci beaucoup.
13:03Merci à toutes les trois d'être venus partager votre passion de l'art et cette conviction que c'est un levier de transformation de nos sociétés.
13:12Et on passe tout de suite à notre rubrique « Start-up et innovation ».
13:15Ce sera une chronique aujourd'hui.
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