Christophe Ono-dit-Biot : L'Heure des Livres (Émission du 13/05/2025)

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Anne Fulda reçoit Christophe Ono-dit-Biot pour son livre «Mer intérieure» dans #HDLivres

Transcript

00:00Bienvenue à l'heure des livres, Christophe de Dibiot.

00:02Merci de votre invitation.

00:03Alors, on vous connaît, vous êtes journaliste, vous êtes romancier,

00:07vous avez déjà écrit beaucoup de livres, certains imprimés, plongés,

00:11trouvés refuge, croire aux merveilleux.

00:13Vous venez de là de publier Mère Intérieure, un livre qui est paru à l'Observatoire.

00:17Un très joli livre, assez personnel, comme une déclaration d'amour à la mer, finalement.

00:24Cet épitherme fluide, comme vous écrivez joliment, qui vous fascine.

00:27Et c'est un livre qui, d'une certaine manière, synthétise toutes vos passions

00:31que l'on a vues dans vos livres précédents.

00:33Il y a la mer, bien sûr, la Grèce antique, la mythologie, la plongée, également.

00:38Une sorte de cabinet de curiosité personnel et nomade, comme vous l'écrivez,

00:42écrit d'une très jolie plume.

00:44Alors, vous précisez dans l'introduction qu'il y a, selon le vieil Aristote,

00:49trois sortes d'or.

00:52Les vivants, les morts et ceux qui prennent la mer.

00:54Alors, vous, vous appartenez clairement à la troisième catégorie.

00:58Quand cela s'est-il révélé ?

01:01En fait, j'avais envie vraiment de partager, effectivement, cet amour pour la mer

01:05que j'ai depuis tout petit, puisque j'ai grandi au Havre,

01:08et donc au bord de l'eau.

01:10Et quand j'étais enfant, il n'y a pas eu une journée sans que j'aille.

01:15Je vivais, en fait, sur les falaises à côté du Havre.

01:18Et donc, tous les jours, j'avais l'horizon en ligne de mire.

01:21Et à l'horizon, c'est cargo chargé de conteneurs de toutes les couleurs.

01:26Donc, pour un enfant, évidemment, ça ressemblait un peu au Lego,

01:29comme des boîtes à trésors, en fait, qui venaient du monde entier.

01:32Donc, j'étais fasciné par ça.

01:33Et puis, toute ma famille, aussi mon grand-père,

01:36travaillait sur les chantiers navals.

01:37Donc, il réparait des bateaux sur lesquels il n'embarquait jamais,

01:41mais il connaissait absolument toutes les histoires de mer.

01:43Et mon grand-oncle était imprimeur sur le France.

01:46Parce qu'en fait, à bord du paquebot France, il y avait une imprimerie.

01:50Et donc, mon père était géologue, passionné par les fossiles.

01:54On allait chercher les dents de requin, les ammonites dans les falaises.

01:57Donc, en fait, la mer a été au cœur de mon enfance.

02:01Et là, je fais un peu mon aveu de passionné de la mer.

02:05Et je voulais partager ça avec tout le monde,

02:09puisque c'est une passion universelle.

02:10Oui, alors, vous écrivez joliment, l'histoire commence forcément là.

02:13Donc, au Havre, par un effet de manche,

02:14manche comme ces morceaux d'Atlantique coincés entre la France et l'Angleterre,

02:17passant du verre profond au vif argent du velours soyeux,

02:20au marbre lisse et dont mes yeux ne se sont jamais lassés.

02:23Alors, un univers magnifique, comme un appel d'air,

02:26une porte ouverte à la rêverie.

02:28Mais c'est un...

02:29Vous le dites, le Havre, vous l'avez fui pourtant, le Havre.

02:32C'est plus le Havre que la mer que vous avez fui.

02:34Oui, mais en fait, le Havre est un port.

02:36Donc, c'est à la fois l'endroit où des gens, des marchandises arrivent du monde entier.

02:40Mais c'est aussi un endroit qui vous pousse à partir.

02:43Parce qu'en fait, quand vous vivez près de la mer,

02:45par rapport à des gens qui sont nés en montagne, par exemple,

02:49avoir comme ça l'horizon, la mer,

02:52imaginer ce qu'il y a de l'autre côté de la mer,

02:54voir les bateaux sans arrêt,

02:55c'est une école de la liberté,

02:57c'est une école de l'ouverture, du départ.

02:58Donc, le Havre, même si on l'aime,

03:01finalement, cette ville vous appelle à la quitter pour mieux y revenir.

03:06Parce que c'est toujours mon port d'attache.

03:09Même si au début, le Havre, vous disiez, je viens de Normandie.

03:11Vous ne disiez pas...

03:12Oui, parce que c'est une ville qui...

03:15Et puis le Havre, d'ailleurs, ça veut dire le refuge, en ancien français.

03:17Donc, il y a ce côté aussi, on sait qu'on y revient.

03:19Oui, le Havre a été une ville martyrisée pendant la Deuxième Guerre mondiale.

03:22Elle a été vraiment réduite à néant,

03:24bombardée à plus de 90%.

03:27D'ailleurs, mon grand-père me racontait ça aussi.

03:29Donc, c'est une ville qui a été reconstruite,

03:31qui porte aussi la mémoire, en fait, de ces bombardements.

03:34Donc, c'est vrai que j'ai souvent dit Normandie

03:38avant d'assumer ce beau nom du Havre.

03:42Et alors, ce qui est amusant, c'est qu'effectivement,

03:44vous avez vécu, vous avez grandi auprès de la Manche.

03:47Mais alors, vos mers de prédilection,

03:48elles sont beaucoup plus au sud.

03:51J'aime les deux. Je prends tout de la mer.

03:53Mais en fait, oui, j'ai eu...

03:54Vous parlez de la mer et pas de l'océan, ce que vous pensez.

03:55Oui, parce que c'est vrai qu'il y a ces deux mots.

03:58Il y a ces deux mots de mer et océan.

03:59Mer a le côté plus maternel, ne serait-ce que phonétiquement.

04:03L'océan, c'est déjà quelque chose de plus hostile.

04:06Quand on dit l'océan, d'incontrôlable.

04:08Mer, il y a quelque chose de familier.

04:10Et ce livre-là, il est fait pour raconter, au fond,

04:14vous l'avez dit, c'est toutes mes...

04:16Des clarasses, toutes mes histoires d'amitié et d'amour avec la mer.

04:19Que ce soit les requins, la mythologie.

04:23C'est fait pour être picoré, d'ailleurs, comme ça.

04:25Et plus on...

04:26Et je pense, et j'espère,

04:28qu'on s'y reconnaît tous.

04:30Parce que la passion pour la mer,

04:32cet appel de la liberté,

04:33cette envie de découvrir ce qu'il y a sous l'eau.

04:35Le premier bain, le souvenir du premier bain,

04:37quand on découvre...

04:38En Bretagne.

04:40Exactement.

04:41En Bretagne.

04:41Parce qu'il y a des attaches aussi bretonnes dans la famille.

04:43Alors, vous consacrez toute une partie de votre livre

04:46aux petites mythologies marines,

04:48aux souvenirs,

04:49et aux mots qui nous apprendraient à nager.

04:52Donc c'est la rencontre de vos passions.

04:54Vous évoquez notamment cette professeure

04:56qui était au Havre,

04:58qui, autour d'un chocolat chaud,

04:59vous a fait découvrir le grec ancien.

05:01Oui, ma prof de grec.

05:02Oui, en fait, en cinquième,

05:04qui nous a initiés aux grecs.

05:06Et en fait, tous les samedis midi,

05:08quand l'établissement se fermait,

05:10il n'y avait plus que 5-6 élèves

05:12en cours de grec.

05:13Alors qu'on n'avait pas l'âge de faire du grec.

05:15Elle nous offrait le grec sur un plateau.

05:17La Méditerranée venait comme ça

05:18déchirer le ciel gris du Havre.

05:21Et finalement, la Méditerranée s'invitait dans la Manche.

05:24Donc, d'où aussi mon attachement, je pense,

05:26pour la Méditerranée.

05:27Et puis, vous ne pouvez pas étudier le grec,

05:29vous pencher sur l'histoire d'Homère et tout,

05:32sans vous plonger dans la Méditerranée.

05:33Donc, c'est pour ça que je dis,

05:34je prends les deux.

05:35Je prends les mers tropicales,

05:36je prends les mers plus froides.

05:38Parce qu'en fait,

05:39ce sont des territoires de légende.

05:41à chaque mer, son conteneur à histoire, en fait.

05:45Alors, vous évoquez évidemment aussi

05:47quelques lectures salées

05:48qui continuent à vous souffler dans les voiles.

05:51Bon, alors, vraiment,

05:52Moby Dick, 200 000 lieux sous les mers,

05:54une jeune fille nue.

05:56Et puis, vous insistez sur la plongée,

05:58l'importance de la plongée.

05:59Effectivement, vous en avez parlé.

06:01C'est un monde à part, en fait.

06:03C'est une autre dimension.

06:04Oui, parce que quand on regarde la mer,

06:06on voit une surface.

06:09Et quand on se met à plonger,

06:10moi, ça a changé ma vie

06:11il y a maintenant plus de 20 ans

06:14parce qu'on s'aperçoit

06:14qu'on découvre un autre monde.

06:16Les gens, aujourd'hui,

06:17pensent aller sur Mars.

06:19Nous, en fait,

06:20on a une planète inconnue.

06:21On connaît moins la mer

06:23que la surface de la Lune.

06:24Et une fois que vous plongez,

06:26c'est ce que j'essaie aussi

06:27de partager,

06:28parce que c'est un livre de partage,

06:29c'est que vous êtes dans un monde

06:31où vous êtes un invité,

06:33vous rencontrez des animaux

06:34absolument fabuleux,

06:35d'une beauté extraordinaire.

06:36C'est un monde merveilleux.

06:37On comprend aussi

06:38que la mer ait fabriqué

06:39tant de légendes,

06:40tant d'histoires.

06:41Et puis, c'est aussi,

06:42quelque part, dans la mer

06:43que notre passé s'est joué,

06:45mais aussi notre futur se joue.

06:47Parce que c'est aussi un appel,

06:48effectivement,

06:48à préserver cette mer,

06:50à la considérer aussi,

06:51parfois, comme un sanctuaire.

06:53Et c'est vrai que quand j'y vais,

06:55j'y vais un peu

06:56avec l'état d'esprit

06:57de celui qui est invité

06:58à un endroit un peu sacré

07:02où des tas de choses

07:03merveilleuses se passent.

07:04Et c'est ça que j'avais envie

07:05de raconter.

07:05Voilà, les poulpes,

07:06les requins,

07:07les coraux,

07:08les mythes,

07:09le Havre.

07:10Vraiment à picorer

07:11et à partager

07:12l'histoire de s'endormir

07:13le soir

07:14avec un petit morceau

07:15de mer

07:16avant de fermer les yeux.

07:17Et vous le faites très bien.

07:19C'est délicieusement écrit.

07:20Ça s'appelle

07:21Mer Intérieur.

07:22C'est paru à l'Observatoire.

07:23Merci beaucoup.

07:24Merci de votre invitation.

07:28Sous-titrage Société Radio-Canada

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