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00:00J'ai la chance de recevoir un chanteur qu'on a découvert au début des années 2000
00:05et qui nous a marqués avec sa voix et son histoire.
00:30J'ai la chance de recevoir un chanteur qu'on a découvert au début des années 2000.
01:00On va en parler dans un instant de ce livre, mais d'abord on va revenir sur votre histoire.
01:04On va dresser votre portrait sonore, des petits sons pour mieux vous connaître.
01:08Et voici le premier.
01:12Vous êtes allé loin !
01:15On est revenu au racine, parce que vous êtes né à Fribourg, en Allemagne, Corneille,
01:21où vos parents faisaient leurs études, vous vivez là-bas jusqu'à vos 6 ans.
01:25Et cette chanson de Noël qu'on entend, Tling Glöckchen, ça fait partie des quelques souvenirs qui vous restent dans cette période ?
01:32C'est mes classiques d'enfance.
01:33Je sais que c'est drôle de dire ça comme ça, mais c'est vrai.
01:37Je suis né en Allemagne, mes parents faisaient leurs études.
01:39Quand je suis né, je suis resté en Allemagne jusqu'à l'âge de 6 ans.
01:43Il y a ça et John Wayne, doublé en allemand.
01:46Ça aussi, vous regardiez.
01:46Oui, on ne choisit pas ce qu'on consomme culturellement.
01:53Quand on est gamin, on prend ce qu'on nous donne.
01:56L'Allemagne, c'était une terre provisoire pour vos parents.
01:59Ils parlaient déjà de revenir au pays, au Rwanda.
02:01Vous êtes né en exil, quelque part.
02:03Oui, c'est très bien dit.
02:05Il y a une drôle de façon de naître.
02:08Moi, je suis né naïvement pensant que l'Allemagne était mon chez moi.
02:13Mais mon père nous a tout le temps dit
02:15« Non, il y a un autre chez toi, un autre chez vous, mon petit frère et moi.
02:21Et ce chez nous est loin de l'Allemagne.
02:25Et vous vous sentirez beaucoup mieux que dans l'Allemagne où vous êtes né. »
02:31Et ce lieu, c'est le Rwanda.
02:32Vous n'êtes pas vraiment senti si bien que ça en arrivant là-bas ?
02:36Pas trop, non.
02:36Vous étiez considéré comme un blanc, en fait.
02:38Oui, c'est beau et c'est marrant parce qu'on n'est pas resté dans la capitale Kigali tout de suite
02:42quand on est arrivé avec ma famille.
02:43On est allé dans le village où mon père est né et a grandi.
02:48Et les gamins du village, je me suis rendu compte en apprenant la langue, le Kinyarwanda,
02:52que les gamins du village m'avaient trouvé un sobriquet, en fait.
02:55Et j'ai réussi à le traduire un jour.
02:58Et j'ai compris que ça voulait dire « petit blanc ».
03:00Petit blanc.
03:01Et moi, en fait, ça a été ma première grande leçon en termes de vivre ensemble.
03:06J'ai compris que, en fait, tous les critères de division sont des constructions.
03:10En fait, moi, je peux prendre un mot puis en faire ce que je veux.
03:12Parce que je comprenais, je voyais bien que je n'étais pas blanc.
03:15Mais ce qu'il voulait dire, c'est que je n'étais pas comme eux.
03:19Qu'est-ce qui fait que vous étiez différent ?
03:20Sur quoi il jugeait ça ?
03:22Bah, j'avais probablement des attentes un peu bizarres de la vie.
03:27Genre, je cherchais un interrupteur, par exemple.
03:30Qu'est-ce que tu cherches ?
03:31Ah oui, il faut allumer la lumière.
03:31Je veux allumer la lumière, par exemple.
03:33Il me disait « mais ça n'a aucun sens ».
03:35Il voyait bien que dans mon comportement, jusque dans ma gestuelle,
03:41mon accent, quand je parlais la langue, c'était la langue de mes parents,
03:44mais moi, je la parlais avec un petit accent, un léger accent allemand.
03:48Votre prénom aussi ?
03:50Vous vous appeliez Cornelius encore à l'époque ?
03:52Je m'appelais Cornelius.
03:53Bon, ça dérangeait, mais bon, ça à la limite...
03:58Ça passait.
03:59Ça passait.
04:00Mais vous avez quand même décidé de changer de nom.
04:01J'ai changé de nom.
04:02Le Rwanda, c'était un pays très catholique,
04:05donc on avait l'habitude des prénoms francophones,
04:11avec des racines latines.
04:13Donc ça, à la limite, ça passait.
04:14Non, c'était plutôt au niveau de mon comportement,
04:19tout simplement, de mon comportement culturel,
04:25jusqu'à ma psyché, ma psychologie était différente.
04:28Et je n'avais pas les mêmes attentes de la vie
04:32que les gamins du village de mon père.
04:34Et puis, vous avez découvert la musique.
04:35Johnny Cash, Ring of Fire, ça, c'est votre...
04:51Ça, vous l'avez pas chanté au karaoké ?
04:52Un peu moins, un peu moins.
04:54Moi, je fais ça, parce que j'ai la voix de Johnny Cash.
04:58C'est votre père qui vous l'a fait découvrir ?
05:00Oui, c'est mon papa qui...
05:01Je pense que si j'ai fait de la musique,
05:03c'est en grande partie grâce à mon papa
05:05que je soupçonne avoir été un artiste refoulé.
05:10Il m'a fait découvrir toutes sortes de musiques.
05:15C'est lui qui m'a fait découvrir Mozart, Tchaikovsky,
05:19puis...
05:19Mahalia Jackson...
05:21Le gospel, le country...
05:24Il m'a ouvert les yeux sur un chant culturel en musique
05:28qui m'a formé, en fait.
05:30Ma première éducation, ma première école en musique, c'était lui.
05:33Et tous les dimanches après-midi, on écoutait,
05:35il me sortait des vieux vinyles
05:37de tout ce que vous avez nommé du gospel à la folk.
05:43Et puis, un jour, malheureusement, arrive le drame de votre vie.
05:46J'ai vécu l'enfer sur la terre qu'on appelle mon pays.
05:51Je vous demande pardon, vous serez frère,
05:54mais qu'on peut montrer pardon.
05:56J'ai perdu tout ce qui m'est cher dans ce pays.
06:00Mon vie, c'est la triste histoire de nos vies.
06:05J'ai vécu l'enfer sur la terre qu'on appelle mon pays.
06:07Ce sont les paroles de cette chanson,
06:09Terre, issue de votre premier album solo,
06:11parce qu'on vient de loin,
06:13dans la nuit du 15 au 16 avril 94.
06:15Corneille, votre famille entière est tuée
06:18lors du génocide rwandais.
06:20Vous avez 17 ans et vous êtes le seul rescapé.
06:22Vous avez raconté votre histoire dans votre livre,
06:25déjà, là où le soleil disparaît.
06:27On parle souvent de vous comme d'un miraculé.
06:30Est-ce que c'est le bon mot, selon vous ?
06:33C'est lourd à porter quand même, un miraculé.
06:38Il y a quand même de ça.
06:39Oui, il y a quand même de ça.
06:42En fait, je dis que c'est lourd à porter
06:44parce que j'ai l'impression que ça réduit toute une existence
06:48à un miracle, justement.
06:52Mais en même temps, oui, je comprends ce que ça veut dire.
06:56Puis oui, j'ai survécu à des circonstances un peu particulières.
07:02Après, la vie a repris, quoi.
07:07La vie a repris.
07:10Mais moi, je n'ai pas l'impression que ma vie relève du miracle aujourd'hui.
07:15Je pense qu'il y a des gens qui vivent l'enfer tous les jours aujourd'hui.
07:22Quand on dit miraculé, on a l'impression que ça fait de moins une exception.
07:27Non, mais on peut dire peut-être un survivant aussi
07:29parce que ce à quoi vous avez survécu, c'est incroyable.
07:32Ce n'est pas seulement ce jour-là où vous vous êtes caché.
07:35C'est aussi tout ce que vous avez vécu.
07:37Ensuite, ce que vous avez dû affronter pour revenir jusqu'en Allemagne.
07:41Vous avez survécu à un exil, à la malaria,
07:44à tous ceux qui voulaient vous tuer sur le chemin.
07:46Enfin, votre parcours, il est incroyable.
07:49Et on se dit qu'il avait très peu de chances de s'en sortir.
07:54Oui, là j'entends.
07:56Après, vous avez entendu dire ça, oui, miraculeux.
07:59Des fois, je manque de recul par rapport à ma propre histoire.
08:03C'est peut-être pour ça que je l'écris,
08:05pour ne pas en oublier des bouts.
08:07Pour me rappeler qu'elle est bien la mienne,
08:09parce qu'elle est particulière.
08:14Et en même temps,
08:15c'est une des raisons pour lesquelles j'ai écrit ce bouquin.
08:21Cette histoire m'a construit, vraiment.
08:27J'ai fait de la musique comme métier, je veux dire.
08:31Parce que j'ai toujours fait de la musique.
08:32J'ai toujours chanté.
08:35Mais bon, jusqu'à l'âge de 17 ans, c'était un hobby.
08:37Mais je m'en suis obsédé à l'âge de 17 ans,
08:41avec la disparition de ma famille.
08:42J'en ai fait, en fait, c'est devenu une forme d'exutoire.
08:46C'est devenu une forme de thérapie.
08:49Et j'écris, je commence à écrire des bouquins aujourd'hui,
08:52dans la continuité de tout ça,
08:55pour essayer de faire passer un message,
08:58pour dire que...
09:01C'est le problème que je trouve dans la société aujourd'hui.
09:04C'est qu'on ne se pose pas les vraies questions.
09:06On ne comprend pas les dangers qui nous guettent.
09:09Du simple fait, parfois, de ne pas arriver à se dire
09:11« Aimons-nous d'abord ».
09:13Ça a l'air d'un truc un peu à l'eau de rose, comme ça.
09:15Mais j'ai vu de mes yeux ce que ça donne
09:18quand on ne met pas l'amour avant tout.
09:22Et ce nouveau livre, c'est la mélodie du pardon, Corneille.
09:26On va en parler dans un instant.
09:27On revient tout de suite sur Orbe.
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