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00:006h-9h, Europe 1 Matin.
00:04Merci de nous retrouver sur Europe 1 Matin, il est 7h12, votre invité ce matin, Alexandre Lemaire et Nicolas Pouvreau-Monti,
00:12directeur de l'Observatoire de l'Immigration et de la Démographie.
00:16Bonjour Nicolas Pouvreau-Monti.
00:18Boilem Sansal reste en prison en Algérie.
00:20La diplomatie française échoue jusqu'ici à obtenir la libération de l'écrivain franco-algérien
00:25qui est resté à l'écart du récent train de grâce présidentielle en Algérie.
00:29Les relations toujours tendues entre Paris et Alger, au point qu'au début de l'année,
00:34on se souvient que François Bayou avait menacé de dénoncer les accords de 68
00:38qui régissent en France l'immigration algérienne.
00:40Vous publiez une note détaillée avec votre observatoire sur les chiffres de cette immigration
00:45avant d'en parler dans un instant.
00:47D'abord, ils disent quoi, en quelques mots, ces accords de 68 ?
00:51Écoutez, l'accord de 1968 qui a été revu à quelques reprises depuis la dernière fois en 2001,
00:56il a cela de particulier et qu'il régit de manière exclusive
00:59les règles de séjour des immigrés algériens en France.
01:03C'est-à-dire qu'une grande part de nos lois sur l'immigration ne s'appliquent pas aux Algériens
01:07qui sont pourtant la première nationalité bénéficiaire des titres de séjour en cours de validité.
01:12C'est un régime dérogatoire.
01:12C'est un régime dérogatoire qui couvre l'essentiel du champ de l'immigration
01:16mais qui a notamment pour particularité de prévoir des dispositions spécialement favorables
01:21pour ce qui relève de l'immigration familiale.
01:23On pourrait multiplier les exemples.
01:25Les Algériens ont accès plus vite que les autres étrangers extra-européens au regroupement familial.
01:29Pour avoir un titre conjoint de français, ils n'ont pas à prouver qu'ils ont effectivement une vie commune avec leurs conjoints.
01:35Les parents algériens d'enfants français n'ont pas à démontrer qu'ils contribuent effectivement à l'entretien
01:40et à l'éducation de cet enfant et ça conduit à ce que l'immigration algérienne en France
01:44soit beaucoup plus familiale que le reste de l'immigration.
01:47Et faciliter, c'était l'esprit à l'origine de ces accords.
01:50C'est ça, c'est-à-dire que ces accords ont été conçus en 68.
01:53Ils prenaient à l'époque la suite des accords déviants de 62 qui marquaient l'indépendance.
01:58Les accords déviants qui posaient un principe de libre circulation,
02:01donc les accords de 68 étaient déjà plutôt à l'époque une optique de plus forte régulation que dans la situation antérieure.
02:07Mais c'est vrai qu'on restait dans un contexte qui était celui des trains glorieuses
02:10avec à la fois un besoin d'émigration du côté algérien parce que les difficultés faisant suite à l'indépendance
02:16et aussi de vrais besoins en main-d'oeuvre du côté de l'économie française.
02:20Une main-d'oeuvre qu'on voulait à l'époque francophone et pas forcément très qualifiée.
02:23J'en viens donc à cette note sur l'immigration des Algériens que vous venez de publier
02:26avec votre observatoire de l'immigration et de la démographie, Nicolas Pouvomonti.
02:30Et vous relevez que ces accords de 68, de fait, ont permis une immigration particulièrement forte.
02:37Pour reprendre les termes de votre note.
02:39Absolument, c'est-à-dire que les Algériens aujourd'hui sont la première population immigrée en France.
02:44On compte environ 900 000 immigrés algériens au sens strict,
02:47c'est-à-dire des personnes qui sont nées algériennes en Algérie et qui vivent en France.
02:50Donc de la première génération.
02:51C'est ça, de la première génération, dont la moitié sont arrivées après l'an 2000.
02:55Donc c'est à la fois une immigration qui a commencé dans les années 50-60,
02:58mais qui est encore forte au cours des deux dernières décennies.
03:02Sur trois générations, donc en comptant la deuxième et la troisième génération des descendants,
03:07on peut estimer que la diaspora algérienne en France compte au moins 2,7 millions de personnes.
03:11Les Algériens, on l'a dit, sont la première nationalité bénéficiaire des titres de séjour actuellement valides.
03:16Donc quand vous dites diaspora, c'est y compris les naturalisés ?
03:18C'est ça, c'est-à-dire que la diaspora, c'est sur plusieurs générations,
03:21et il est évident qu'une large part des deuxième et troisième génération,
03:24une part très majoritaire, sont françaises.
03:26Une part importante d'entre eux peut avoir conservé par ailleurs une double nationalité algérienne,
03:30mais une part importante est française.
03:32Et peut-être pour finir sur cet état des lieux global,
03:35tout porte aussi à considérer que les Algériens sont la première nationalité
03:39représentée dans l'immigration clandestine en France.
03:42On le voit d'abord parce qu'ils ont été l'an dernier à nouveau les étrangers les plus nombreux
03:45interpellés dans la situation irrégulière,
03:47et parce qu'ils ont été aussi la principale nationalité dans les centres de rétention administrative,
03:52donc ces centres où l'on enferme les étrangers irréguliers,
03:54qu'on cherche à éloigner du territoire.
03:55Donc tous ces chiffres que vous nous dites sont très intéressants,
03:57devant toutes les autres communautés immigrées hors Union européenne,
04:01c'est-à-dire devant les Marocains, devant les Tunisiens.
04:04C'est ça, absolument, absolument.
04:05Si on regarde les titres de séjour, les nouveaux titres de séjour accordés ces toutes dernières années,
04:10les Marocains sont plus nombreux à avoir des premiers titres que les Algériens,
04:13mais il y a dans l'immigration au Marocaine une part importante d'immigration étudiante
04:16qui a plutôt tendance à repartir vers le pays d'origine,
04:19et donc en stock, ce sont bien les Algériens qui sont les plus nombreux à avoir des titres de séjour.
04:22Alors les Algériens, le niveau de cette immigration, dites-vous dans votre note,
04:27Nicolas Pouvomonti questionne notre modèle français d'intégration.
04:30Pour quelles raisons ?
04:31Écoutez, à plusieurs titres, cette diaspora algérienne, on l'a dit, elle est nombreuse,
04:36et elle en vient à symboliser par beaucoup d'aspects les difficultés et les défis
04:39de notre politique d'immigration et de notre politique d'intégration.
04:42On peut prendre trois exemples parmi d'autres.
04:45La question de l'emploi, si on regarde le détail des données de l'INSEE,
04:49on se rend compte qu'on a en France quasiment 40% des ressortissants algériens,
04:54c'est-à-dire des étrangers algériens, qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni à la retraite,
05:00c'est-à-dire qu'ils sont soit chômeurs, soit inactifs divers.
05:03Donc c'est un taux trois fois supérieur à celui des Français.
05:05Sur la question du logement, on voit qu'on a presque la moitié,
05:0849% des immigrés algériens en France qui vivent en logement social.
05:12Ça reste 44% à la deuxième génération, contre 11% des personnes sans ascendance migratoire,
05:18donc quatre fois plus. Et peut-être un dernier exemple dont on parle beaucoup dans l'actualité,
05:21qui est celui de la sécurité et de la délinquance.
05:24Le nombre des ressortissants algériens écroués en France a plus que doublé en dix ans.
05:30Et les Algériens sont la première nationalité étrangère écrouée en France.
05:33Ce n'est pas très surprenant, parce qu'on a dit que c'était aussi la population immigrée la plus nombreuse.
05:36Mais c'est ça, est-ce que ce n'est pas lié mécaniquement, statistiquement, au nombre d'immigrés algériens ?
05:40Là où c'est beaucoup moins mécanique et assez disproportionné,
05:42c'est que ces Algériens écroués sont plus nombreux à eux seuls
05:45que les étrangers écroués, issus de tous les pays de l'Union Européenne réunis.
05:49Là, il y a un phénomène de disproportion qui pose question.
05:51Alors, cet accord a un coût pour les finances du pays,
05:53qui fait d'ailleurs objet actuellement d'une évaluation.
05:56Deux députés Renaissance vont rendre aux deux mains les conclusions de leur rapport.
06:00C'est un tabou qui va être relevé, Nicolas Pouvromonti,
06:03au moment où on cherche, au bas mot, 40 milliards d'euros d'économie.
06:06Tout à fait. Les deux députés, Charles Rodouel et Mathieu Lefeuille,
06:09ont effectivement mené un travail remarquable sur ce sujet.
06:11Et j'ai hâte, comme vous, de lire ce rapport,
06:13parce qu'au-delà du contenu strict de l'accord franco-algérien,
06:17il y a aussi l'ensemble de ce qu'on appelle l'exception algérienne
06:20avec d'autres textes dérogatoires qui se sont consolidés autour de lui.
06:23Je pense notamment à la Convention franco-algérienne de sécurité sociale,
06:26qui date de 1980,
06:27qui pose le principe d'une égalité de traitement entre Français et Algériens
06:30dans l'accès aux prestations sociales.
06:32Et pour vous donner juste un exemple de ce que ça implique,
06:35les Algériens en France sont dispensés de la condition ordinaire
06:38qui consiste à avoir, depuis au moins cinq ans,
06:41un titre de séjour permettant de travailler en France,
06:43pour toucher le RSA.
06:44Pour les autres étrangers extra-européens,
06:45on exige d'avoir au moins, depuis cinq ans,
06:47un titre de séjour permettant de travailler.
06:49Les Algériens sont dispensés de cette condition.
06:51Pour finir très vite, hélas, le temps nous manque.
06:53Votre note, je voulais simplement dire qu'elle va au-delà du simple constat,
06:56puisqu'en conclusion, vous appelez, noir sur blanc,
06:58nos politiques, nos gouvernants,
06:59à revenir, à dénoncer ces accords de 66 sur l'immigration algérienne.
07:03Oui, je dirais qu'il y a trois raisons principales à ça.
07:06Une raison de cohérence de nos lois,
07:08si on adopte une énième loi sur l'immigration dans quelques mois,
07:11elle ne s'appliquera pas aux Algériens assez largement,
07:12et ça pose question.
07:14Une question d'équité par rapport aux autres étrangers extra-européens,
07:17et puis aussi une question d'opportunité.
07:18On a vu aujourd'hui à quel point l'immigration algérienne
07:20posait des questions importantes d'intégration
07:22qui méritent d'être traitées.
07:23Merci Nicolas Pouvromonti.
07:25Merci à vous.
07:25Directeur de l'Observatoire de l'immigration et de la démographie,
07:28ce matin sur Europe 1.

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