• il y a 7 mois
Xerfi Canal a reçu Rachel Beaujolin, professeure de management et relations humaines, Neoma Business School, pour parler du travail réel.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00 [Musique]
00:09 Accompagner la conciliation travail-cancer, un enjeu épistémologique et méthodologique pour les sciences de gestion.
00:17 Bonjour Rachel Beaujolin.
00:18 Bonjour Jean-Philippe Denis.
00:19 Professeur de management des relations humaines à Neoma Business School,
00:23 c'est le point de vue que vous publiez dans la revue française de gestion.
00:26 Un point de vue qui va faire date, puisque dans ce point de vue, d'abord vous nous rappelez que chaque année en France,
00:32 400 000 personnes apprennent qu'elles ont un cancer et que parmi elles, 40 % sont en emploi.
00:37 Donc c'est un sujet de société majeur, absolument majeur, et un sujet que vous prenez à bras le corps, si vous me permettez.
00:45 Et à bras le corps épistémologique, avec une thèse très forte.
00:51 Quand on est confronté à la maladie, on prend conscience de la fragilité, de l'incertitude,
00:58 et donc ça c'est totalement contradictoire avec une épistémologie des comportements.
01:04 Pour faire simple, pour un public moins initié, nous le sommes, si je prends la science économique,
01:10 par exemple l'homo economicus, il est gouverné par son intérêt individuel,
01:15 et sur cette base-là, on va modéliser tout un tas de choses.
01:17 Vous ne dites ça, c'est une poubelle.
01:21 Une épistémologie du travail.
01:23 Une épistémologie du travail, et pour ça je m'appuie notamment sur les travaux de Pascal Uguetto,
01:30 c'est-à-dire en fait le retour au réel.
01:34 S'il s'agit d'apprendre en situation de travail, pour par exemple concilier une situation de maladie chronique,
01:41 de cancer et de travail, déjà, est-ce qu'on est en mesure de poser le réel, de le regarder,
01:48 de discuter autour du réel du travail ?
01:51 La clinique de l'activité nous a déjà dit beaucoup de choses là-dessus,
01:54 sur la différence entre le travail prescrit, le travail réel,
01:58 et puis récemment on a vu des enseignants-chercheurs en sciences de gestion justement
02:02 réinvestir ce champ-là pour venir éclairer des pratiques,
02:08 en particulier de gestion des ressources humaines.
02:11 Dans le cas de la conciliation travail-cancer,
02:16 déjà d'une façon générale, le réel ne se donne pas, le réel du travail.
02:19 Mais là, il se donne encore moins.
02:21 Il se donne encore moins parce qu'il y a certaines certitudes,
02:24 parce que c'est difficile d'en parler, parce qu'on ne sait pas ce qui va se passer,
02:28 parce que même l'individu ne sait pas comment va réajuster la façon de travailler.
02:36 Alors a fortiori pour des managers, cet accès au réel, il est extrêmement compliqué.
02:42 Et donc, ce réel qui ne se donne pas est néanmoins nécessaire,
02:49 s'il s'agit par exemple de réfléchir ensemble sur les situations de travail,
02:55 de telle sorte à reconcevoir l'activité,
02:58 le travail permet de recombiner le désir individuel et la performance.
03:04 Et finalement, je me suis demandé notamment,
03:12 quelles seraient des conditions organisationnelles qui favoriseraient le fait
03:18 que c'est possible de poser cette situation,
03:22 comme une situation qui devient un sujet dont on échange avec le manager,
03:28 avec les RH, avec la médecine du travail,
03:30 parce qu'ils sont tous un peu embarqués dans l'affaire.
03:32 Et ce n'est en soi pas simple.
03:35 Quelles seraient les conditions qui vont favoriser ça,
03:38 sachant que bien évidemment, certaines personnes ne vont pas avoir envie de dire ce qui leur arrive,
03:43 et le secret médical bien évidemment peut intervenir.
03:48 Donc, on ne sait pas toujours exactement de quoi on parle.
03:52 Et donc, ce que je propose indirectement, c'est de dire,
03:56 là, le sujet en tant que sujet de science de gestion,
03:59 ce n'est pas tellement un sujet de la maladie,
04:02 ce n'est pas tellement un sujet de problèmes médicaux,
04:05 c'est un sujet de la situation de travail.
04:08 Et pour poser ça, alors voilà, c'est des suggestions que je propose,
04:12 à mon avis, il faudrait creuser,
04:14 mais je pense qu'il y a, si, une politique de rémunération,
04:18 de prévoyance qui déjà sécurise la rétribution du salaire de la personne,
04:23 ça fait une sacrée charge mentale et incertitude en moins.
04:28 Si on a une organisation où on est habitué à avoir de la flexibilité du travail
04:35 interne, qualitatif, quantitatif, des temps de travail, des lieux de travail,
04:40 des missions, de la polycompétence, la possibilité d'avoir des mobilités professionnelles,
04:46 si on a des ressources de flexibilité interne, qualitative, dans l'organisation,
04:52 on va pouvoir plus facilement les activer,
04:55 là, dans cette situation qui est quand même un peu une situation de crise majeure.
05:00 La troisième condition organisationnelle qui me semble importante,
05:05 c'est, le plus on va avoir des espaces de discussion,
05:10 de conversation, en l'occurrence, j'ai préféré ce terme-là,
05:15 sur le travail, en ajustant au fur et à mesure ce que j'arrive à faire,
05:22 ce que j'arrive moins à faire, là où il y a du plaisir,
05:25 là où le plus on va avoir ces espaces de conversation,
05:28 le plus on va co-construire.
05:30 Et donc, la piste proposée autour de l'épistémologie du travail,
05:37 c'est de centrer finalement ces espaces de co-construction
05:44 sur la question du travail, dans toute sa variabilité et dans toute son incertitude.
05:50 Merci à vous.
05:53 [Musique]

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