Décès de Jacques Delors : un homme politique aussi français qu'européen ?

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00:00 On va évoquer tout de suite l'héritage justement de Jacques Delors avec notre invitée, et c'est vous notre invitée ce matin, Fabienne Keller. Bonjour.
00:07 — Bonjour. — Vous êtes députée européenne sous l'étiquette Renew. Merci à vous d'être avec nous ce matin sur France 24.
00:13 On vient d'écouter un peu une sorte de résumé de la vie, du parcours politique de Jacques Delors.
00:19 Qu'est-ce que vous retenez, vous, de Jacques Delors ? D'abord l'homme politique français ou plutôt le président de la Commission
00:24 à la longévité exceptionnelle, il faut bien le dire ? — Alors j'ai envie de dire les deux à la fois, puisqu'il est marqué par son parcours français.
00:33 Et moi, je vois qu'il a travaillé avec Chablon-Delmas, puis avec François Mitterrand. Et donc ça le préparait très bien
00:40 à cette alliance de compromis qui est au cœur de la construction européenne. C'est le centre-droit et le centre-gauche qui travaillent ensemble.
00:48 C'est un immense bâtisseur. Je pense qu'on le nommera père de l'Europe avec le recul. Il a vu qu'il fallait entraîner...
00:57 C'était sa fibre sociale, là, la jeunesse, avec Erasmus, mais qu'il fallait aussi donner à voir à tous les Européens.
01:04 Et c'est cette marche vers l'euro. Il la fera pas tout à fait jusqu'au bout, mais il la préparera. C'est toute l'harmonisation
01:12 des politiques économiques avec le marché unique, qui a été vu comme un outil assez techno. Mais votre montage montre bien
01:21 qu'on comprend qu'il a une grande compétence dans ce domaine, avec notamment sa position de ministre de l'Économie et des Finances.
01:29 Donc c'est les deux à la fois. Comme tous les grands Européens, ils sont attachés à leur État membre.
01:36 Mais ils ont cette fibre qui permet de relier les gens dans la diversité des profils européens.
01:42 — Oui, vous avez dit... On le rappelle, il a été conseiller aux affaires sociales sous le gouvernement du gaulliste Chaban,
01:48 Chaban Delmas. Puis ensuite, il a été ministre de l'Économie, cette fois dans un gouvernement socialiste.
01:52 En fait, c'était un centriste, Delors. — Absolument. C'est un centriste. On se souvient aussi de la dimension sociale de Gaulle,
02:01 dont Chaban Delmas était le ministre. Et c'est cette position-là qui l'assurait à ses côtés.
02:09 Vous savez, les gouvernements européens sont en général du centre-droite ou du centre-gauche.
02:14 Maintenant, malheureusement, on a aussi l'extrême-droite avec Mme Mélanie. Mais pour être présidente de la Commission européenne,
02:21 il faut pouvoir dialoguer avec tout le monde et construire des compromis. On peut se rappeler qu'au moment où Helmut Kohl est chancelier
02:31 et François Mitterrand président de la République, il les rapproche. Mais Helmut Kohl, il est CDU, il est centre-droite.
02:38 Mais ça pose aucun problème. Et cette difficulté à construire l'Europe monétaire – on l'a un peu oublié, mais votre reportage le rappelle –
02:47 est liée à la méfiance à l'égard des monnaies faibles. Le franc était une monnaie faible, comme la lire italienne.
02:53 Mais Delors, avec toute son expérience, sa connaissance de ce défi, est apparu comme l'homme qui pouvait réunir.
03:03 Et puis l'histoire a fait le reste, puisque au même moment de la chute du mur, 89, le rapprochement des deux Deutschmarks,
03:11 donc l'Allemagne elle-même, doit surmonter une difficulté financière. Mais il a été extrêmement agile pour transformer ces événements
03:19 en force pour faire avancer l'Europe et créer au fond ce qui nous rassemble aujourd'hui, l'euro. On l'a tous dans la poche.
03:26 Et puis les entreprises en profitent. C'est la stabilité des marchés européens.
03:31 – Bâtisseur européen, on l'aura compris, un mot également avec vous sur son parcours français.
03:36 Cette fois, on le présente souvent comme une figure de la gauche du Parti socialiste.
03:40 Mais est-ce que ce n'est pas finalement plutôt une figure de l'aile droite de la gauche ?
03:43 Finalement, il n'était pas épargné par les critiques de son propre camp en son temps ?
03:48 – Absolument. Souvent, comme les gens très brillants, ils sont jalousés.
03:54 Et donc il était critiqué dans son propre camp. On se rappellera peut-être qu'en 95,
03:59 quand il envisage d'être candidat à la présidence de la République, Jacques Barreau l'encourage.
04:05 Jacques Barreau, homme de centre droit. D'autres auront déjà rejoint Balladur.
04:11 Mais il a cette position très centrale au fond de la vie politique française.
04:17 Je pense que c'est pour cela qu'il est très aimé. Mais vraiment, l'Europe lui doit beaucoup.
04:24 Notre capacité à bien réagir. La crise Covid, c'est quoi ? C'est la solidarité.
04:30 Cette idée de solidarité, d'épauler les pays qui vont mal au moment où ça se passe,
04:37 c'est vraiment Jacques Delors qui l'a installée. C'est ça qui rend l'Europe puissante.
04:41 Elle tend la main aux États, aux territoires qui sont fragilisés.
04:46 On a vu la force incroyable de cette idée au moment de la crise Covid, du plan de relance.
04:51 Et maintenant, à nouveau, à l'occasion, là on le voit avec Jean-Louis Borloo à l'image.
04:57 Il était très proche du centre droit français. C'est quelqu'un d'extraordinaire.
05:03 Et moi, je suis très heureuse d'oeuvrer à la Fondation Delors qui reprend ses idées.
05:08 C'est beaucoup les membres de son cabinet qui travaillent et qui sont inspirés par son action et sa manière d'être.
05:16 Ils disent souvent combien il était très respectueux de chacun.
05:20 Fabienne Keller, un dernier mot avec vous sur son rendez-vous,
05:23 d'une certaine manière, manqué avec les Français de Jacques Delors.
05:26 On pense bien évidemment à la présidentielle de 1995.
05:30 Il aurait pu y aller. Il s'est finalement désisté.
05:33 C'était aussi ça, sa marque de fabrique, se faire fi de ses ambitions personnelles pour Lionel Jospin.
05:39 Mais il l'avait d'ailleurs reconnu.
05:40 Il a dit finalement, d'une certaine manière, je n'y suis pas allé parce que je n'avais pas l'appui total de mon camp.
05:45 C'était ça aussi, Jacques Delors ?
05:47 Alors, je n'étais pas au Parti socialiste à ce moment-là.
05:50 Je pense qu'il ne l'a pas senti.
05:53 Vous savez, être candidat à un poste aussi élevé, ça doit être une passion totale.
06:01 Peut-être savait-il déjà au fond de lui-même que l'Europe lui convenait mieux, au fond,
06:08 lui qui est plus un homme de rassemblement qu'un homme de clivage.
06:12 Or, la politique française est extrêmement violente et clive,
06:16 alors que la stratégie en Europe, c'est au contraire de fédérer.
06:19 On est très nombreux, on est très différents.
06:22 On était peu avant la chute du mur, quand il prend la commission en 1985.
06:29 On sentait les mouvements dans l'ex-URSS.
06:32 Il a peut-être ressenti au fond de lui-même que c'était là sa place, là où il serait le plus utile.
06:38 Merci beaucoup Fabienne Keller pour justement ce parcours de Jacques Delors décrypté avec

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