00:00 7h52, l'heure de Carlier Libre et nous sommes impatients de connaître le thème de la chronique de Guy. Alors Laurie ?
00:05 Eh bien Patrick, ce matin Guy m'a simplement dit que sa chronique traitait de l'état de grâce et du BTP.
00:11 Alors j'ai envie de vous dire bonne chance à tous. Bonjour Guy.
00:14 Bonjour Laurie, bonjour Patrick, bonjour à tous. Non Laurie ne vous inquiétez pas, il suffit d'un peu de concentration
00:22 même si la chronique est complexe aujourd'hui effectivement.
00:25 Elle commence dans mes toilettes où j'emmène mon smartphone pour regarder des vidéos stupides et inutiles.
00:31 Vous savez on fait tout ça, c'est un peu du temps blanc comme ça qui sert à rien.
00:35 On regarde des vidéos de chantier. Hier j'ai vu le camion jaune.
00:41 Le camion jaune de mon enfance, un camion Ben de marque Berlier, un cadeau de Noël qui était devenu mon objet transitionnel qui ne me quittait jamais.
00:50 L'été d'après nous sommes partis en vacances avec ma mère et on allait en promenade le long des plages de Vendée.
00:58 Et le camion me suivait, relié à moi par une ficelle et un jour qu'on avait marché le long de la plage, on est arrivé au port
01:06 et le long du quai un bateau au ventre ouvert laissait apparaître une mer de sable.
01:11 Je me suis fait la réflexion que c'était un peu stupide de transporter du sable alors que les plages en regorgeaient.
01:17 Toujours est-il qu'un caterpillare puisait du sable dans le bateau qu'il transférait dans un camion jaune, comme le mien.
01:26 J'étais apeuré par le bruit de moteur du caterpillare avec sa fumée noirade mais je me blottissais contre ma maman
01:34 et je fis quand même coucou au monsieur noir parce qu'on avait une espèce de...
01:39 On sympathisait à travers ces camions jaunes le mien tout petit que j'avais posé sur le sable et le sien dans lequel il versait le sable.
01:50 Alors il a répondu à mon coucou par un bref coup de klaxon qui m'a fait sauter de joie.
01:56 Et puis à nouveau quelques instants plus tard un autre coup de klaxon plus bref comme s'il voulait attirer mon attention
02:02 au moment où il enfonçait la pelle dans le sable du bateau et il a pris le sable, il a pivoté et il s'est pas arrêté au-dessus de la benne du camion jaune.
02:13 Il a continué son tour jusqu'à se trouver à la verticale de mon petit camion jaune à moi.
02:18 Il est descendu tout doucement et il a versé avec une délicatesse infinie quelques poignées de sable dans la benne de mon camion jaune.
02:27 Je sais pas pourquoi j'ai éclaté en sanglots c'était probablement de l'émotion pure qui coulait sur mes joues.
02:34 Un homme qui construisait des maisons construisait un enfant.
02:38 Ce jour là cet homme avait transcendé sa condition ouvrière pour devenir une sorte de dieu.
02:44 C'était un pur moment de grâce.
02:47 Sans transition un autre moment de grâce mais vous allez voir qu'évidemment il y en a une de transition.
02:52 Il y a 22 ans précisément le 29 novembre 2001, George Harrison guitariste des Beatles nous quittait.
02:59 A cette époque j'avais dans ma maison à la campagne des toilettes, encore des toilettes,
03:04 au mur totalement recouvert de posters de photos des Beatles, au plafond, sur la porche, face à celui qui s'asseyait sur la cuvette.
03:11 Donc une grande photo de George Harrison en Inde prise sans doute à l'époque où les cadres de Liverpool suivaient l'enseignement du Guru Maharaji,
03:18 concepteur de la méditation transcendantale et qui fut le premier, un pionnier,
03:24 qui fut le premier à accepter le paiement des cours de méditation par carte bleue.
03:28 Je me souviens d'être assis dans mes toilettes face à George Harrison juste après avoir appris son décès à la radio
03:36 et j'ai pensé un type comme lui ne devrait jamais mourir.
03:40 J'étais envahi par une immense détresse et puis soudain un soulagement total
03:46 envahit mon cœur, mon corps, mon esprit.
03:50 Vous allez penser qu'un lien spirituel entre Harrison et moi-même expliquait cet état de grâce.
03:56 Honnêtement, je pensais que c'était plutôt la libération d'une déjection tombant dans la cuvette,
04:01 projetant une délicieuse petite éclaboussure.
04:03 Mais peu importe, quelques temps après le décès de George Harrison,
04:06 on organisa un concert en son hommage auquel participèrent de nombreuses stars
04:11 et cette représentation offrit à Prince de jouer le solo de la chanson "While my guitar gently weeps"
04:19 qui est considéré depuis comme le plus grand solo de guitare de l'histoire de tous les temps.
04:24 Le voilà le deuxième état de grâce de cette chronique.
04:27 Alors écoutez bien comment Prince met du bonheur en sable dans les camions jaunes de nos âmes.