Comment l'islamisme s'est-il imposé ? En toute vérité avec Gilles Kepel

  • l’année dernière
Avec Gilles Kepel, politologue spécialiste de l'islam et du monde arabe contemporain

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##EN_TOUTE_VERITE-2023-10-01##

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Transcription
00:00 En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio, Alexandre Desvecquiaux.
00:04 En toute vérité, chaque dimanche, entre 11h et midi, sur Sud Radio,
00:08 sécurité, économie numérique, immigration, écologie, pendant une heure,
00:11 chaque semaine, nous débattons sans tabou des grands enjeux pour la France d'aujourd'hui et de demain.
00:16 Et ce dimanche, nous avons le plaisir de recevoir l'islamologue Gilles Kepel,
00:19 auteur d'un passionnant essai biographique, "Prophètes en son pays",
00:23 qui vient de paraître aux éditions de l'Observatoire,
00:26 et dans lequel il retrace quatre décennies durant lesquelles il a arpenté le monde arabe et musulman,
00:31 ainsi que les banlieues françaises.
00:33 Quatre décennies durant lesquelles il aura observé la progression de l'islamisme,
00:37 aussi bien dans le monde arabe qu'en France.
00:39 Quatre décennies durant lesquelles il aura tenté de tirer la sonnette d'Annar en vain.
00:44 Comment l'islamisme s'est-il imposé dans le monde arabe, mais aussi en France,
00:48 en seulement quelques années ?
00:49 De l'affaire du voile de Creil à l'Abaya, quelle a été l'influence des frères musulmans ?
00:53 Le 11 septembre 2001 a-t-il été un tournant ?
00:56 Les responsables politiques ont-ils fait preuve d'avoglement,
00:59 wauquisme et islamisme, la convergence des luttes ?
01:02 Tout de suite, les réponses de Gilles Kepel, en toute vérité.
01:05 - Gilles Kepel, bonjour. - Bonjour.
01:13 - Très heureux de vous recevoir.
01:14 De l'assassinat de Sadat à la fatwa de Khomeini,
01:17 du 11 septembre 2001 à la tuerie de Charlie Hebdo,
01:20 des émeutes de 2005 à celles de 2023,
01:23 dans votre nouveau livre, "Prophète en son pays",
01:26 on le rappelle qu'il sort aux éditions de l'Observatoire,
01:28 vous conjuguez récits intimistes et grande histoire.
01:31 Pendant une heure, nous allons remonter le fil de l'histoire et de votre histoire,
01:35 Gilles Kepel.
01:36 Tout commence en 1974, lors de votre premier voyage en Égypte.
01:40 - En effet, oui, j'avais raté le concours d'entrée à l'école normale supérieure,
01:45 établissement dont je suis chassé maintenant par le wauquisme,
01:48 donc il y a une continuité.
01:49 Et je ne sais pas quoi faire de mon existence.
01:52 Il y avait au-dessus du tableau, en Cagne, une carte de l'Empire romain,
01:56 et avec un copain, on a décidé de visiter la carte.
01:59 J'ai eu un coup de foudre pour la Syrie de l'époque,
02:03 dans un petit village qui était l'ancienne capitale des Céleucides,
02:07 des successeurs d'Alexandre, qui s'appelait Appamé dans l'Antiquité,
02:11 qu'Al-Ratel m'ont dit qu'aujourd'hui, qui est désormais un champ de ruines,
02:13 parce que c'était sur la ligne de front entre les Sunnites et les Alaouites
02:18 pendant la guerre civile en Syrie.
02:21 Et je suis rentré ensuite, après un périple aussi en Égypte, à Paris,
02:25 et j'ai décidé d'apprendre l'arabe,
02:27 parce que c'était le seul endroit où j'avais été heureux pendant cet été-là.
02:30 Et voilà, 50 ans bientôt après, je suis toujours là, et finalement...
02:36 - Et justement, vous imaginiez à l'époque à quel point ça allait changer ?
02:40 Dans votre livre, on voit bien que la Syrie et l'Égypte de l'époque,
02:43 ça n'a rien à voir avec aujourd'hui.
02:46 C'est une terre de liberté ?
02:47 - Oui, c'est ça, et c'est bon, ça fait un peu vieux con de dire ça,
02:51 mais c'était des pays merveilleux.
02:54 La douceur de vivre, y compris sous la dictature du père Assad,
03:00 et à l'époque, c'était sa date.
03:04 On y avait encore un certain nombre d'espaces
03:08 où on avait le sentiment qu'il y avait une sorte de civilisation du Levant
03:13 et de la vallée du Nil qui perpétuait.
03:15 L'explosion démographique n'avait pas fait les ravages qu'elle a fait aujourd'hui.
03:19 Et la corruption, la violence n'avaient pas atteint
03:23 le point, malheureusement, dans lequel nous sommes précipités de nos jours.
03:27 Il y a bien sûr un côté un peu nostalgique chez moi,
03:30 mais pas mélancolique, puisque, après tout,
03:33 j'ai essayé d'accompagner l'évolution de ces pays, de les suivre.
03:37 Et du reste, l'un des moments tournants, charnières dans mon parcours,
03:42 c'est le moment des émeutes et des soulèvements de 2011,
03:48 qu'on a appelé les printemps arabes, qui n'ont pas eu lieu en hiver,
03:52 et non pas en printemps, je ne sais pas si c'était prémonitoire de ce qui deviendrait par la suite,
03:56 où j'avais pu, au moment de l'effondrement de tous les régimes dictatoriaux,
04:00 parcourir le monde arabe de toutes les manières possibles
04:04 en traversant la frontière tunéso-libyenne à pied,
04:08 turco-syrienne également, poursuivie par les chiens des gardes-frontières turques.
04:12 Mais bien sûr, tout le monde a dit "Ah, c'est formidable,
04:17 c'est la démocratie, etc." Dans mon titre "Passion arabe",
04:21 il y avait une ambiguïté, même si moi-même je me définis comme un providentialiste athée,
04:27 il y avait aussi dans le terme "passion", seulement par-delà le sens de l'amour extrême,
04:33 la souffrance maximale, au sens de la passion du Christ,
04:37 et du reste, le livre est écrit en 14 chapitres, peu de gens l'ont remarqué,
04:41 comme les 14 stations du Juman Croix.
04:45 - Malgré tout, vous avez une intuition, puisque vous travaillez dès le début
04:49 sur les mouvements islamistes, ils sont encore embryonnaires à l'époque ?
04:54 - Oui, presque inexistant. En fait, là, c'est 1980,
04:58 donc ce livre "Prophète en son pays" commence en 1980,
05:03 je commence sur le bateau, le ferry un peu pourri italien
05:07 qui m'emmène de Venise à Alexandrie,
05:11 et j'appréhende à ce que je vais faire,
05:15 je vais rejoindre mon poste de chercheur dans un centre d'études français au Caire,
05:20 pour ma thèse sur les mouvements islamistes.
05:23 Et j'avais aucune idée de ce que c'était, je ne l'appelais même pas comme ça,
05:27 je ne savais pas comment appeler ce phénomène,
05:29 j'avais lu un article dans Le Monde, un journal qui n'était pas encore totalement gagné au wauquisme à l'époque,
05:34 de Jean-Pierre Perroncelli-Beau, qui était le correspondant du Monde au Caire.
05:40 La presse écrite avait encore les moyens d'avoir des correspondants,
05:43 je vous parle d'un temps que seuls les moins de 20 ans peuvent encore connaître.
05:47 Et donc, Perroncelli-Beau avait écrit ce reportage très intéressant
05:54 sur les universités égyptiennes, où les jeunes étaient barbus, les filles voilées,
05:59 critiquaient sa date, alors nous aussi on était barbus,
06:02 à la fac, moi j'étais un ancien trotskiste,
06:05 - Mais la barbe n'avait pas le même sens !
06:07 - La barbe de Guevara, marqué Guevara, venait du Liban,
06:10 c'était une famille qui s'appelait Jbara, qui étaient des chrétiens libanais,
06:13 - Pardonnez-moi, je vous interromps, parce que tout se tire,
06:16 ça commence à l'université, avec des barbus trotskistes,
06:21 et des barbus... c'est pas si loin de ce qu'on connaît aujourd'hui !
06:25 - C'est pas si les wauquistes portent tellement la barbe,
06:28 parce que tout ça se mélange avec les revendications LGBT, inter-machin-chose, transgenre,
06:33 donc je sais plus où ils en sont sur la pilosité, sur la signification de la pilosité,
06:38 mais effectivement, oui, il y a une sorte d'éternel retour finalement,
06:42 de l'université à l'université, et c'est d'ailleurs un vrai problème,
06:46 c'est l'un des coeurs de mon interrogation dans ce livre,
06:49 c'est que, quand j'étais jeune, dans les années,
06:54 je ne suis plus grand d'ailleurs, 70, c'est ça, il y a eu 70-80,
06:58 j'avais la vingtaine, et puisque je suis né en 55,
07:01 l'université était terminée la phase d'emprise du Parti Communiste,
07:06 sur ce monde, et on était encore dans le monde post-guerre froide, disons,
07:12 et puis le gauchisme universitaire commençait à se répandre partout,
07:17 on le retrouvera d'ailleurs dans le récit, puisque j'ai montré
07:20 comment il y avait une congruence entre la pensée de Gilles Deleuze
07:23 sur le rhizome révolutionnaire, et l'idéologie du principal penseur de Daesh,
07:28 Abou Moussa Abessouri, qui étudiait du reste à Jussieu,
07:32 la faculté de Jussieu, au moment où les idées de Deleuze faisaient fureur.
07:36 Et mon interrogation, c'est justement comment se fait-il que,
07:42 alors que les instruments de connaissance de ce phénomène,
07:46 dans sa complexité, moi je ne le réduis pas, contrairement à ce que
07:50 beaucoup d'interlocuteurs me demandent, vous avez vu le danger,
07:56 moi comme universitaire, mon enjeu, après comme intellectuel,
08:00 je peux m'exprimer différemment, mais ça n'est pas tant de pointer
08:04 un danger ou une menace, mais simplement d'analyser un phénomène
08:08 dans sa complexité, dans la pluralité de ses significations,
08:13 et puis de voir ce qui se passe. Pour reprendre votre question,
08:17 quand j'arrive en Égypte en 1980, pour étudier ce phénomène,
08:21 à partir de la curiosité du paradoxe que je vois dans cet article,
08:25 il n'y a pas seulement Péroncellugo, même si je lui rends un hommage tardif,
08:29 je ne l'ai pas vu depuis très longtemps,
08:33 il y avait aussi des phénomènes qui m'interrogeaient,
08:39 qui étaient paradoxaux. Mon mode de fonctionnement,
08:43 ça a toujours été ça, c'est-à-dire d'aller vers,
08:45 qu'est-ce que ça veut dire en grec, "paradoxa",
08:47 c'est-à-dire ce qui est contre l'opinion, le mot "opinion",
08:50 et donc, élucider le paradoxe, c'est quelque chose qui permet,
08:54 si on continue à parler grec, à faire surgir l'épistémède,
08:57 où il y a l'épistémologie, c'est-à-dire le savoir, la connaissance.
09:00 Et il faut se confronter au paradoxe.
09:02 C'est le contraire de ce que fait l'idéologie,
09:04 le wokisme aujourd'hui par exemple, qui abonde en permanence
09:08 le social tel qu'il le perçoit, et qui ne veut jamais le décrypter.
09:12 Le wokisme explique qu'il faut déconstruire les métarecits,
09:17 c'est-à-dire le métarecit du colonialisme, de l'impérialisme,
09:21 de la domination masculine, etc.
09:23 Mais il n'interroge jamais, par exemple,
09:25 le métarecit de l'islamisme politique.
09:27 Parce que là, c'est pas bien,
09:30 parce qu'on parle d'une population que Jean-Luc Mélenchon,
09:33 aujourd'hui, considère comme étant le symbole des opprimés,
09:37 un peu comme il voyait le prolétariat autrefois,
09:40 comme étant le levain qui ferait lever la pâte de la révolution.
09:45 - Merci Gilles Kepel.
09:47 On continue à en parler, de ce métarecit islamiste.
09:51 On va voir comment il s'impose, notamment, dans les banlieues françaises,
09:54 que vous avez aussi arpentées assez tôt.
09:57 On se retrouve après une courte pause, en toute vérité,
10:00 sur Sud Radio, toujours avec Gilles Kepel.
10:02 - En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio, Alexandre Desvecquiaux.
10:07 - Nous sommes de retour, en toute vérité, sur Sud Radio,
10:10 avec Gilles Kepel, qui est notre invité.
10:13 Il vient nous parler de son essai biographique,
10:15 "Prophète dans son pays", qui vient de paraître aux éditions de l'Observatoire.
10:19 Essai intime, qui revient sur votre parcours, Gilles Kepel,
10:24 mais qui retrace aussi quatre décennies d'histoire,
10:28 de montée de l'islamisme.
10:30 On en parlait avant la pause, notamment, dans les pays arabes,
10:33 dans les pays musulmans.
10:35 Vous avez été très vite un de ceux qui ont vu
10:38 que quelque chose se passait, dès la fin des années 70,
10:41 le début des années 80.
10:44 Il y a eu une rupture dans ce monde arabo-musulman,
10:49 mais ça s'est aussi, finalement, assez vite propagé en France.
10:53 On en a les premiers signes, dès la fin des années 80.
10:57 Je pense notamment à l'affaire du voile de Creil,
11:01 sur laquelle vous revenez dans votre livre.
11:04 - Oui, les banlieues de l'islam, mais avant même Creil...
11:09 - Le tournant, c'est peut-être 79, je suis passé un peu vite.
11:13 - 79 ?
11:15 - La révolution iranienne.
11:17 - Il ne se passe rien, véritablement, en France,
11:19 sauf qu'il y a des Iraniens pro-roméunis qui sont ici.
11:22 - Je suis passé peut-être vite à la France, c'est pour ça que je vous dis ça.
11:26 - Non, pas vraiment, parce que l'élément clé, c'est Creil.
11:29 C'est ça qui l'a amené.
11:31 De même que j'arrive en Égypte avant l'assassinat de Sadat.
11:34 Ce sont ceux que je suis qui vont l'assassiner.
11:38 Mon patron de l'époque, Rémi Levaux,
11:43 qui était l'un des grands entrepreneurs universitaires,
11:45 qui était professeur à Sciences Po,
11:47 et qui avait été conseiller culturel en Égypte,
11:50 m'avait amené dans ses bagages là-bas,
11:52 déjà pour surmonter la méfiance des commissions de sélection
11:56 qui ne voyaient pas ce qu'un hurluberlu de mon espèce pouvait apporter.
12:00 À l'époque, il fallait expliquer ce qu'il en était,
12:03 de l'extorsion du surplus à l'échelle mondiale.
12:06 Mais l'islamisme, ça ne faisait pas bien, ça ne faisait pas propre.
12:11 Il passait son temps à faire des allers-retours avec la France,
12:15 au début du premier septennat de François Mitterrand.
12:19 Et il me dit un jour, "Gilles, il y a quelque chose de bizarre,
12:22 dans les usines occupées, on était au début de ce que maintenant on appellera
12:25 la délocalisation, la mondialisation,
12:28 qui ont détruit le tissu social français,
12:33 en faisant prévaloir la chaîne de valeur asiatique sur les emplois,
12:37 ce qui a amené la catastrophe que l'on sait en Europe,
12:41 qu'on essaie aujourd'hui de réparer.
12:43 Donc il y a beaucoup de grèves, parce qu'il y a eu délocalisation des emplois,
12:47 suite aussi à la hausse du pétrole de 1973.
12:49 Donc tout ça est assez lié aussi à ce qui se passe au Moyen-Orient.
12:52 Et donc il me dit, "Gilles, il y a quelque chose de bizarre,
12:55 vous devriez venir voir après l'Égypte, qu'on serait rentré en France,
12:59 parce que sur le parking des usines occupées à Renault,
13:04 Flyn, Citroën, Holney, Talbot, ça n'existe plus aujourd'hui, Poissy,
13:09 les ouvriers en bleu de chauffe font la prière en direction de la Mecque.
13:15 Donc là c'était tout à fait stupéfiant.
13:18 Et les dirigeants socialistes à l'époque, je pense à Jean Auru,
13:23 qui était le ministre du Travail, disent "c'est le complot de Roméini
13:26 qui veut déstabiliser la société française".
13:28 Alors les Iraniens avaient essayé, ils avaient distribué des traques,
13:32 je les avais retrouvés en disant "non pas prolétaires de tous les pays,
13:35 unissez-vous, mais musulmans de tous les pays, unissez-vous".
13:38 Mais en fait, en allant voir sur place, c'était beaucoup plus compliqué.
13:43 Vous aviez d'un côté le patronat de l'autonomie qui avait fait venir
13:46 des imams maisons, qui expliquaient aux ouvriers musulmans
13:50 que plus les cadences étaient rapides, plus ils iraient vite au paradis.
13:53 Et face à cela, la CGT avait amené aussi ces imams à elle,
13:57 qui expliquaient que la grève était légitée au nom d'un larvée.
14:01 Et donc le religieux, tout d'un coup, se met à infuser
14:05 les rapports sociaux et les rapports politiques dans un contexte de crise.
14:09 Parce qu'il y avait des grèves à répétition, etc.
14:13 Et donc je commence à m'intéresser à ce phénomène,
14:17 au conflit d'influence entre les différents pays d'origine.
14:23 L'Algérie s'efforce d'utiliser les réseaux de l'AMICAD
14:27 pour s'étendre de la mosquée de Paris grâce à Gaston Defer.
14:31 Les erreurs qu'a faites Emmanuel Macron en croyant que l'Algérie,
14:35 lors de la visite qu'il a faite, où j'ai participé l'année dernière,
14:39 de M. Teboun serait un allié, alors qu'ensuite Teboun était allé expliquer à Poutine
14:43 qu'il était l'ambienfêteur de l'humanité. C'était déjà la même chose
14:47 dans le logiciel du PS à l'époque. Gaston Defer, maire de Marseille,
14:51 la plus grande ville algérienne de France, et l'une des plus grandes villes algériennes
14:55 de l'Algérie du reste, fait en sorte que la ministre de l'Intérieur aussi,
15:01 que la mosquée de Paris, le rectorat de la mosquée de Paris, soit affermé
15:05 à un représentant d'Alger, qui sera chez Rabas, et non plus un descendant
15:09 des anciens Algériens favorables à la colonisation française.
15:13 Et donc tout ça, ça pose des questions identitaires extraordinaires.
15:17 Je me rappelle un épisode en particulier à Marseille.
15:21 C'était en 1986, je crois, quelque chose comme ça.
15:29 En tout cas, Zidane avait 13 ans, j'ai calculé.
15:32 Je vais à la cité de la Castellane, celle où justement, sur la place Tartan,
15:36 Zizou, enfin il allait devenir... - Il a commencé à jouer.
15:40 - Il dit que c'est là qu'il a tout appris. Et donc peut-être,
15:44 en se dispellant vers le responsable de la mosquée qui venait d'ouvrir
15:48 à la cité, dans la cité HLM, peut-être que je prends un coup de ballon
15:52 dans la figure d'un garnement qui n'est autre que Zizou.
15:56 Je ne sais pas si nos destins sont croisés à ce moment-là.
15:58 Donc, jour ete, je vais voir ce monsieur, on discute, j'essaie de comprendre
16:02 ce que ça signifie que l'ouverture d'une salle de prière,
16:04 il explique les questions sociales, la médiation, le fait que les dealers
16:08 n'osent pas venir dans un escalier où il y a une mosquée,
16:11 ça crée le sentiment de ce qu'on appelle en arabe "la chouma",
16:14 c'est-à-dire la honte par rapport à ça. Et puis dans la conversation,
16:17 je lui pose une question que je ne pense que je ne pourrais plus poser
16:20 aujourd'hui dans ces termes-là, mais ça ne l'a pas du tout choqué
16:23 à ce moment-là. Je lui dis "au fait, monsieur, est-ce que vous êtes
16:26 algérien ou français ?" Et donc, moi je suis en partie niçois par ma mère,
16:32 donc j'ai le droit d'imiter l'accent marseillais sans que les éditeurs
16:35 de Sud Radio considèrent que c'est du mépris parisien.
16:39 Et puis il me répond "je suis ni français ni algérien, je suis marseillais
16:44 et musulman, t'es con !" T'es con à Marseille, c'est pas du tout
16:48 aussi d'hostilité, c'est une ponctuation sympathique.
16:51 Et qu'est-ce qu'il voulait dire par là ? C'était très intéressant,
16:53 parce qu'il voulait dire qu'il refusait d'être écartelé, déchiré horizontalement
16:58 par d'un côté l'État algérien qu'il tirait à U et l'État français
17:02 qu'il tirait à Dia, mais qu'il se reconstituait son identité,
17:06 en tout cas c'est ce qu'il me disait, c'était peut-être plus complexe
17:08 que ça, en ayant les pieds dans la gleb, dans le turf, comme on dirait en anglais,
17:12 marseillais, et la tête dans le ciel.
17:15 Et c'était très intéressant, et c'était toujours la même méthode.
17:19 Contrairement à d'autres grands maîtres à la cheville de laquelle
17:22 je n'arrive pas, je pense à Alain Touraine, à Pierre Bourdieu,
17:26 ou à d'autres, qui construisent un système.
17:29 Et à partir de là, qui font entrer la réalité dans ce système.
17:33 Moi je suis toujours, j'ai toujours été dans ce qu'on pourrait appeler
17:36 en termes pédants, une démarche d'empiriste, d'empiro-criticiste,
17:40 si vous voulez. J'ai toujours été attiré par ce que je ne comprenais pas.
17:45 Par les phénomènes sociaux paradoxaux, et j'ai consacré mon énergie
17:49 à tenter de les élucider en ramassant des collections de signes disparates
17:55 qui pouvaient fonctionner ensemble, et qui pouvaient donner une lecture,
17:59 une interprétation du réel, qui bien sûr, après, comme on dit
18:03 dans le jargon universitaire, fancifiable. Vous pouvez la critiquer.
18:07 Elle est mise dans le débat. Mais, ce qui me semble très important,
18:11 et c'est pour ça que je suis tellement en pétard contre le délire wokiste,
18:14 d'autant plus qu'il me rappelle le délire gauchiste de ma jeunesse,
18:18 d'être présent d'un sens de congruence avec celui-ci d'ailleurs,
18:21 c'est que, loin d'avoir une exigence intellectuelle ou épistémologique
18:25 face à la réalité, devant la réalité, on abonde dans le soutien
18:31 à des causes Y ou Z qui sont peut-être justes, mais qui sont des œillères
18:35 idéologiques sur le réel et qui nous empêchent de le comprendre.
18:38 - C'est intéressant, votre anecdote marseillaise, vous le prenez quand même
18:43 comme un signe de la ré-islamisation au moment où les gens ont du mal.
18:49 - Oui, bien sûr, mais tout en ne savant pas vraiment ce qu'elle signifie.
18:52 - À ce moment-là. - Voilà. Et effectivement, ce monsieur
18:55 mettait dans la notion d'islam quelque chose de très différent
19:00 de ce que les travailleurs immigrés musulmans algériens portaient avec eux.
19:05 Et la plupart d'entre eux, par exemple, ne faisaient pas le ramadan,
19:08 puisqu'ils considéraient qu'ils n'étaient pas en terre d'islam,
19:12 et donc quand on voyage, on n'est pas tenu à faire le ramadan.
19:15 La notion de halal était à l'époque complètement inconnue.
19:19 Pendant cette enquête, on avait posé une question justement,
19:22 dans toute la France, enfin, c'est un petit nombre,
19:25 avec la petite équipe que j'avais à l'époque, et qui était,
19:28 parmi les nombreuses questions du questionnaire,
19:31 il y avait la suivante, "Est-ce que vous ou vos enfants
19:34 accepteriez que vous ou vos enfants soyez invités à déjeuner
19:38 ou manger chez un non-musulman ?"
19:41 Une partie significative des réponses, c'était, à l'époque,
19:44 des personnes concernées musulmanes, "Qu'est-ce que c'est que cette question
19:47 débile, vous êtes raciste, en quoi est-ce que je suis différent des autres ?"
19:51 Une autre était de dire, c'était à peu près un gros tiers pour chacun,
19:57 je ne me souviens pas exactement, d'accord, mais on ne boit pas d'alcool
20:02 et on ne mange pas de cochon. C'était surtout le cochon.
20:05 L'alcool, pour les enfants, non, mais l'époque, l'alcool était assez consommé,
20:09 le vin rouge en particulier.
20:11 Et un tout petit groupe ne disait jamais, c'était surtout les non-francophones
20:16 qui venaient d'arriver, les turcs, les maliens, qui étaient comme là,
20:19 étrangers, alors c'était français, ce qui n'avait pas eu un mélange culturel
20:23 colonial, le Mali, oui, mais la population était très pauvre et éloignée.
20:28 Et puis un groupe vraiment minime qui disait, il faut que ce soit halal.
20:33 On avait un ou deux répondants.
20:35 25 ans après, c'était au ramadan 85, 25 ans après, en 2010,
20:40 alors là avec une équipe beaucoup plus conséquente, j'étais plus âgé bien sûr,
20:44 et puis on avait le soutien de l'Institut Montaigne, on a passé un an
20:48 à Clichy-Montfermeil pour essayer justement d'élucider le déclenchement
20:53 des émeutes de 2005. Et là encore, même méthode, je suis arrivé persuadé
20:57 comme tout le monde, que les émeutes avaient été causées par l'électrocution
21:03 malencontreuse de deux enfants, Zied et Buna, dans le transformateur
21:09 électrique de Clichy-Sous-Bois, alors que la police recherchait des gens
21:14 qui avaient volé des matériaux de construction, et que les enfants ont eu peur
21:19 d'être pris pour cible, et surtout étaient terrorisés parce que c'était le ramadan,
21:23 et si jamais ils arrivaient en retard pour la rupture du jeûne
21:27 et que leurs parents devaient les chercher au commissariat,
21:29 ils allaient prendre une raclée épouvantable.
21:31 Donc les malheureux se réfugiaient dans le transformateur,
21:33 où pourtant il y avait des mémoires, c'était écrit en graphe,
21:36 "N'entre pas là-dedans, le courant est plus fort que toi", etc.
21:39 Ils décèdent comme on le sait, ça suscite deux-trois jours d'émeutes sur place
21:45 chez les jeunes, qui sont en voie de se calmer.
21:48 Ça n'a pas du tout de diffusion à l'échelle de l'ensemble de la France.
21:53 Les CRS étaient là, et c'était le ramadan, les gens se réunissaient
22:00 pour prier la nuit dans un entrepôt qui faisait fonction de mosquée
22:04 à côté de l'actuel marché de l'Ichibon-Fermeil,
22:06 ancien entrepôt de tissus, et des jeunes viennent caillasser les CRS
22:12 qui se dégagent, une grenade atterrit à l'entrée de la mosquée,
22:16 qui laissait la porte ouverte à cause de la foule,
22:18 les gens sortent en suffoquant, et sur le téléphone portable,
22:22 si j'ose dire, ou cellulaire arabe, se répand alors le bruit
22:26 que l'armée française attaque les musulmans en prière.
22:29 Et donc c'est ça qui va déclencher les émeutes dans leur immense dimension.
22:35 Et ça c'est quelque chose qui a été assez largement occulté à l'époque
22:39 parce qu'il fallait présenter les émeutes comme totalement découplées
22:43 de la question religieuse.
22:45 La question religieuse n'était pas un complot islamique ou un complot anti-islamique,
22:52 mais c'est le vocabulaire, la référence aux référents religieux
22:57 qui a fourni le carburant qui a permis de transformer un soulèvement local,
23:02 et malencontreux, et beaucoup plus important en réalité que les gaz lacrymogènes,
23:08 et qui a permis d'embraser la France entière.
23:11 Et quand je commence à expliquer ça, parce que ce sont les acteurs eux-mêmes
23:14 qui me l'expliquent, là je me fais agonir, notamment dans un...
23:20 - Au Bodyblog. - Au Bodyblog, si j'ai bien compris,
23:23 mais c'est bien Luméchich, vous avez fait votre formation de journaliste.
23:27 - Tout à fait, vous êtes bien informé, je suis désolé de vous couper,
23:30 on fait une nouvelle courte pause sur Sud Radio,
23:34 on se retrouve avec Gilles Kepel, on continue à parler de la progression de l'islamisme en France.
23:40 A tout de suite sur Sud Radio, en toute vérité.
23:42 - En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio, Alexandre Desvecquiaux.
23:46 - Nous sommes de retour en toute vérité sur Sud Radio avec Gilles Kepel,
23:50 nous parlons de son nouveau livre "Prophètes dans son pays", un essai biographique
23:54 qui retrace aussi 4 décennies d'histoire, qui nous montre comment l'islamisme a progressé,
23:59 notamment dans les pays arabes, mais aussi en France.
24:03 Justement avant la pause, on était en banlieue.
24:06 En 2005, pendant les émeutes, Gilles Kepel nous disait qu'en réalité,
24:11 ces émeutes ont été déclenchées par une grenade acrymogène près d'une mosquée,
24:20 et que ça a créé finalement un phénomène de mimétisme,
24:26 et le sentiment que l'islam était attaqué, alors que c'était accidentel, il faut le rappeler.
24:33 Donc vous nous rappeliez cet épisode avant la pause, en réalité,
24:37 la dimension islamiste des émeutes de banlieue de 2005.
24:42 C'est quelque chose qui a été nié à l'époque, et même après,
24:46 vous alliez nous raconter un épisode avec le Bondy Blog,
24:51 qui vous a accusé d'islamophobie, tout simplement parce que vous expliquiez les faits.
24:56 Ce n'étaient pas des émeutes islamistes, simplement c'était la dimension religieuse.
25:01 C'était un catalyseur. Mais même dire ça, c'était entrer en contradiction
25:08 avec le grand récit qui voulait que ce soit le symbole des violences policières,
25:13 qui est toujours vu, utilisé.
25:16 Et donc je me fais agresser par un gars du Bondy Blog qui dit que ce n'est pas vrai,
25:22 alors que moi je n'avais pas intérêt à dire ça ou autre chose.
25:26 Je suis allé sur le terrain, et j'ai discuté, on a passé un an à Kichwa,
25:30 on a tout étudié de fond en comble, et j'avais des relations très cordiales
25:35 avec un certain nombre de gens qui étaient d'anciens émeutiers.
25:38 - Et qui habitaient... - Oui, dont l'un d'entre eux s'est présenté aux élections.
25:43 Et c'est lui qui m'a raconté ça, qui m'a expliqué, il y avait un consensus.
25:47 - Pour le processus. - Oui c'est ça.
25:48 Et du reste, aujourd'hui, tout le monde est d'accord là-dessus.
25:51 Ça a été d'autres que moi ensuite... - Montré.
25:54 - Vérifié à Bondy. Et donc, critiquant la manière dont j'ai été traité,
26:01 et on est au cœur du débat qui fait qu'aujourd'hui je suis excommunié de l'université,
26:06 interdit de séjour sur la radio publique, etc.
26:09 C'est que... Donc je dis ça, et je me fais prendre une soufflante
26:16 de la part de mon ancien supérieur hiérarchique à la Ligue Communiste Révolutionnaire,
26:21 l'ex-le s'y devant camarade Krasny, c'est-à-dire Edwin Penel, dans Mediapart,
26:26 qui dénonce dans un tweet, je ne sais pas trop comment ça s'appelait,
26:31 à l'époque on disait comme ça, avant qu'Elon Musk ait changé,
26:34 on ne veut plus dire "XC", ça n'a pas beaucoup de sens aujourd'hui,
26:37 qui dénonce les déclarations ignorantes et je ne sais plus trop quoi de Gilles Kepel.
26:43 Alors l'ignorance qui est imputée par mon ancien chef Krasny,
26:48 je lui renvoie le compliment, lui il est dans l'idéologie la plus totale.
26:51 - Oui, je crois qu'il vous attaque, il vous traite de raciste, simplement.
26:53 - Non, délirant, délirante et ignorante, des accusations délirantes et ignorantes de Gilles Kepel.
26:57 Merci Edwin, mais j'aimerais maintenant que tu me démontres la réalité de tes accusations, c'est le moment.
27:03 - C'est intéressant parce que vous avez fait le parallèle entre les émeutes de 2005 et celle de 2023,
27:09 j'aimerais qu'on revienne, parce que du coup on a un peu glissé dessus,
27:12 sur l'affaire du voile de Creil en 89, puisque vous montrez très bien que ça a été un tournant,
27:18 c'est au moment où les frères musulmans considèrent finalement que la France est une terre d'islam
27:22 et qu'il faut y mener une offensive.
27:24 Peut-être le parallèle entre 89 et aujourd'hui avec l'Abaya, est-ce que c'est le même problème ?
27:29 - Oui, alors 89, il faut bien le situer dans son contexte international aussi.
27:33 89, c'est l'année de l'effondrement de l'armée rouge à Kaboul.
27:45 Le 15 février 89, sous les coups du djihad sunnite, financé par les pays de la péninsule arabique
27:55 et armé, "trained and equipped" par la CIA, l'armée rouge doit quitter Kaboul,
28:02 doit quitter l'Afghanistan, la queue entre les jambes, c'est un tigre de papier.
28:06 Et l'effondrement militaire de l'URSS en Afghanistan conduira à l'effondrement de l'URSS le 9/11/1989.
28:16 Je vous dis 9/11 parce que derrière il y aura le 11/9, le 11 septembre, c'est-à-dire c'est la fin du XXe siècle.
28:22 C'est le vieux monde communiste qui s'effondre et ce qui a porté l'estocade final,
28:28 ce sont les djihanistes, financés par les saoudiens à l'époque et armés par la CIA.
28:35 Vous n'étiez pas né à l'époque. - Si, j'avais 2 ans.
28:38 - Donc vous n'étiez pas là. Moi j'en avais 34, c'est vous dire notre différence d'âge qui m'effraie.
28:44 Et j'étais déjà spécialiste de cette région, j'avais publié plusieurs livres.
28:48 Même moi je n'ai pas fait attention à ce qui s'est passé le 15 parce que j'en étais tous obsédé.
28:53 Parce qu'il s'est passé le 14 qui a obnubilé, comme j'expliquais aux étudiants,
28:57 obnubilé ne veut pas dire obsédé mais dissimulé avec des nuages,
29:00 ce qui s'est passé le lendemain, le 14 février.
29:03 Alors quand je demandais aux étudiants, aux étudiantes qu'est-ce qui s'est passé le 14 février 89,
29:07 eux-mêmes n'étaient pas nés. - La fatwa de l'ayatollah roméniste sur Salman Rojhi.
29:11 - Alors vous auriez eu une très bonne note malgré vos 2 ans.
29:14 La plupart des étudiants disaient "Monsieur c'était la fin valentin, regardons leurs chaussures".
29:18 Et c'était la blague mais je n'ose plus la faire maintenant parce que je serais accusé de je ne sais trop quoi.
29:23 Et donc qu'est-ce qu'il a fait Roménie ?
29:28 Il a pris le pouvoir dans la guerre médiatique.
29:32 Et il a tiré le tapis si j'ose dire sous les pieds des sunnites.
29:35 Il s'est fait le défenseur des musulmans offensés, opprimés à travers le monde.
29:40 Le héros avec un AUT et OS à la fin.
29:43 Et c'est une histoire très sérieuse puisqu'elle ne se limite pas simplement à ce qui s'est passé en 89.
29:49 Mais elle va jusqu'à pour l'instant l'assassinat de la décapitation de notre collègue Samuel Paty.
29:56 - Samuel Paty, oui. - Parce que c'était d'épargne une affaire sunnite,
29:59 une affaire chiite, pardon, excusez-moi, qui a été ensuite reprise par les islamistes sunnites
30:04 à travers les caricatures du prophète publiées dans le journal J.Posten au Danemark,
30:09 puis Charlie Hebdo, puis l'assassinat de la rédaction, la tuerie de la rédaction le 7 janvier 2015, puis Samuel Paty.
30:17 Donc ça c'est un élément important. Très important aussi pourquoi ?
30:20 Parce que ça va avoir comme conséquence que les djihadistes sunnites, furieux que les chiites leur aient tiré le tapis sous les pieds,
30:28 vont construire le 11 septembre en grande partie pour avoir un événement plus fort que la fatwa
30:35 et pour capturer l'attention médiatique, c'est ce qu'expliquera l'idéologue de l'Al Qaïda Ayman Azouairi
30:42 dans son livre "Forsan Tartarayat en Nabi", "Le cavalier sous la bannière du prophète"
30:47 qui dit "il faut que nous gagnions la guerre médiatique".
30:49 Mais c'est aussi extrêmement important parce que l'année 89, outre l'affaire Roujdi,
30:58 c'est l'année en France où il y a très peu de choses sur l'affaire Roujdi en France,
31:02 il y a quelques manifestations très limitées, dans un groupe uscule où deux petits enfants convertis de Maurice Thorez,
31:11 ancien grand chef du parti communiste français, jouent un rôle très important,
31:14 mais c'était vraiment ridicule en termes de nombre.
31:16 La traduction française de ça...
31:19 C'est l'affaire de Creil.
31:21 C'est l'affaire de Creil. C'est ça qui est construit et monté par les frères musulmans,
31:25 dont l'organisation de l'époque, qui s'appelait avant 89 "Union des organisations islamiques en France",
31:32 puisque la France était terre d'impiétés, "Dar el-Kofr",
31:36 donc une association islamique qui s'appelait de Bordeaux, de Grenoble, de Marseille,
31:40 mais pas de France parce que la France était le symbole du domaine de l'impiété.
31:45 Ils décident à leur congrès de cet été-là de le transformer en France,
31:49 en France qui devient "De France", une organisation de France,
31:53 puisque ils estiment qu'à partir du moment où il y a des jeunes français qui sont musulmans nés en France,
31:58 c'est leur pays, et donc ils ont le droit, même le devoir,
32:02 d'appliquer les injonctions de la charia, la loi religieuse, dans leur vie quotidienne.
32:07 Me disent-ils à l'époque, parce que je parle beaucoup avec eux,
32:10 à titre personnel, et on ne va, rassurez-vous, tuer personne.
32:15 Mais bon, j'étais habitué à leurs propos, et ça, ça va donner l'affaire du voile de Creil.
32:22 De Creil dont on n'est pas sorti d'une certaine manière aujourd'hui,
32:26 puisque l'Abaya, c'est toujours la même technique et tactique,
32:30 un moyen de ré-islamiser la jeunesse, de se compter...
32:33 Avec cette différence qu'à l'époque on avait une organisation structurée,
32:37 qui étaient les frères musulmans, bien financés par des athlètes comme le Qatar.
32:42 Aujourd'hui, les frères musulmans sont considérablement affaiblis au Moyen-Orient,
32:47 il n'y a qu'en Europe qui sont forts, c'est le paradoxe,
32:49 et on a plutôt affaire à un phénomène que j'ai appelé le djihadisme d'atmosphère,
32:55 qui passe par les réseaux sociaux, qui est dilué par les influenceurs et les influenceuses,
33:00 et qui est quelque chose de beaucoup plus complexe.
33:03 Mais le traitement de l'Abaya a été finalement le même par l'État que le traitement de l'affaire du voile.
33:08 Je faisais partie de la commission Stasi à l'époque,
33:10 et c'était exactement la même dynamique juridique qui a été enclenchée.
33:15 – Nous sommes ici Gilles Kepel, on continue à discuter après une courte pause sur Sud Radio.
33:20 En toute vérité, on parle de votre livre "Prophètes en son pays",
33:23 où on terminera sur les dernières années tragiques de cette montée de l'islamisme depuis 2015,
33:29 avec notamment les attentats djihadistes et ilafatois, dont vous avez été vous-même victime.
33:35 A tout de suite sur Sud Radio.
33:37 – En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio, Alexandre Desvecquiaux.
33:42 Nous sommes de retour sur Sud Radio, en toute vérité, avec l'islamologue Gilles Kepel,
33:47 auteur de "Prophètes en son pays", un essai biographique dans lequel il retrace son parcours.
33:53 Mais c'est aussi un essai historique dans lequel il montre la progression de l'islamisme
33:58 dans le monde arabe dans un premier temps, mais aujourd'hui aussi en France.
34:03 On a remonté le fil de l'histoire, on a parlé de l'affaire du voile de Creil
34:07 qui fait écho aujourd'hui à la polémique autour de la Baïa.
34:13 On n'a pas parlé encore du 11 septembre, où vous nous avez dit,
34:16 durant cette interview, que vous adoptiez toujours une méthode empirique.
34:20 Gilles Kepel, vous alliez voir les gens, vous allez sur le terrain
34:23 et ensuite vous échafaudez une théorie et non pas l'inverse.
34:28 Et pendant le 11 septembre, vous avez justement été dans les pays arabes,
34:33 juste après le 11 septembre, pour essayer de voir le ressenti.
34:38 Vous avez eu certaines surprises, je crois.
34:40 Oui, c'était très intéressant.
34:42 À ce moment-là, les affaires étrangères, qui me regardaient avec un peu de distance,
34:47 affolées par le phénomène, me proposent une mission d'enquête pour faire un rapport.
34:53 Je vais en séance tenante en Égypte, en Syrie, au Liban, dans le Golfe,
35:00 pour essayer de tout de suite recueillir quelques impressions à chaud.
35:04 Je suis très frappé par le fait que mes interlocuteurs officiels,
35:09 ou officieux, me disent tous "ce n'est pas nous" et "c'est horrible".
35:15 Il y avait des banderoles dans les facs égyptiennes disant "on est contre le terrorisme", etc.
35:19 Mais en fait, la réalité est un peu plus complexe.
35:24 Je me souviens de cette nocta, cette blague égyptienne,
35:30 en Égypte, les blagues ont une fonction d'expression du politique,
35:33 parce que tout est sous contrainte, qui raconte ceci.
35:37 Il y a une dame, tout d'un coup, après le 11 septembre, en Égypte,
35:40 qui entre dans les toilettes pour homme.
35:42 On l'arrête tout de suite, "Madame, ce n'est pas là".
35:44 Il me dit "pourquoi Ben Laden est dans ces toilettes ?"
35:46 Il n'y a plus qu'un homme en Égypte.
35:48 Il n'y a plus qu'un homme dans le monde musulman, c'est lui.
35:50 Tout les autres, c'est un homme qui reste.
35:52 Et ça va créer à la fois un sentiment de complexe,
35:58 mais on va dire aussi, d'abord, il y a aussi dit "ce n'est pas nous".
36:02 C'est un coup des Juifs, des Israéliens,
36:05 parce qu'ils ont diffusé un fax.
36:07 Il y a ça, mais pour en revenir sur votre nocta,
36:09 ça montrait aussi que Ben Laden était finalement considéré
36:13 comme le vrai homme musulman.
36:15 Il est aujourd'hui, l'effet du 11 septembre est toujours là.
36:18 C'est un héros pour une partie du monde arabe ?
36:21 C'est un héros, pas forcément pour ce qu'il a fait lui-même,
36:24 mais c'est celui qui signe à partir du 11 septembre
36:29 la fin de l'hyperpuissance occidentale.
36:31 Même si Al-Qaïda a été détruit,
36:35 néanmoins ça reste, parce que ça expose, au fond,
36:40 l'Occident comme un colosse aux pieds d'argile.
36:42 Et pourquoi est-ce que le 11 septembre a été fait ?
36:44 On le disait tout à l'heure, aussi pour effacer l'échec des djihads
36:49 après l'Afghanistan. L'Afghanistan est une réussite de leur point de vue.
36:52 En Algérie, en Bosnie, en Égypte et en Tchétchénie,
36:56 dans les années 90.
36:58 Le calcul, le raisonnement de Ben Laden et de Zawahiri,
37:01 c'est de se dire que les masses musulmanes n'ont pas suivi
37:03 parce qu'elles ont peur de l'Occident qui est toujours trop fort.
37:06 Et en montrant qu'on peut taper l'Occident au cœur,
37:08 il n'y avait pas seulement les tours jumelles,
37:10 il y avait aussi le Capitole et le Pentagone.
37:12 Le Capitole, ça n'a pas marché parce qu'il y a eu une révolte des passagers.
37:15 Et donc, on va montrer qu'il ne faut pas avoir peur et qu'on va triompher.
37:21 Le 11 septembre, c'est aussi au début du temps 2001,
37:25 au début du troisième millénaire chrétien.
37:27 Et c'est la volonté de surimposer le millénium islamiste
37:32 dans l'esprit des djihadistes au millénaire chrétien.
37:35 Je vous l'ai dit tout à l'heure, il y a aussi le fait que le 11/9,
37:39 le 11 septembre, 9/11 en anglais, c'est l'inverse du 9/11/89.
37:44 C'est la fin du communisme, la chute du mur de Berlin
37:48 qui signifie la fin du XXe siècle et du deuxième millénaire chrétien.
37:52 Et le 11/9 qui, dans la vision des militants, est l'avenir.
37:58 Et ça, c'est aujourd'hui.
37:59 Le sommet des BRICS, aujourd'hui, vous avez eu galop de nu,
38:03 lors de cette session où quasiment personne n'est allé par les dirigeants occidentaux,
38:08 c'était le vieux monde, l'Occident, l'Europe en particulier.
38:11 C'est fini, du reste, la France perd ses positions anciennes
38:16 dans l'Afrique sahélienne, avec le Maroc, l'Algérie, la Tunisie en train de se brouiller.
38:22 Ces gens retrouvent leur véritable indépendance,
38:27 se dégagent de tous les séquelles de la colonisation,
38:30 faisant l'impasse sur tout ce qui s'est passé réellement.
38:33 Et c'est la grande revanche du Sud.
38:35 Je ne sais pas si c'est pour ça que vous avez appelé cette radio "Sud Radio",
38:38 mais en tout cas, vous êtes dans l'air du temps, si tel est le cas.
38:41 Donc, Al-Qaïda fait un coup d'éclat,
38:46 mais finit quand même par s'effondrer.
38:49 Mais on a en fait Daesh, et vous l'avez dit tout à l'heure,
38:53 peut-être un islamisme moins vertical, moins organisé,
38:57 mais mieux implanté et plus dangereux.
38:59 Le tournant, avant même Charlie Hebdo, c'est 2012, Mohamed Merah.
39:05 Vous êtes un de ceux qui ne croient pas du tout à la thèse du lot solitaire.
39:09 À ce moment-là, on a perdu beaucoup de temps, Gilles Kepel.
39:12 Je ne vais pas entrer dans le détail pour les lecteurs.
39:15 Il nous reste 6 minutes.
39:17 C'est une manière pour eux de les convaincre d'acheter le livre, bien évidemment.
39:21 Mais j'essaie de montrer dans le livre, à travers toutes ces années,
39:24 comment il y a une dialectique du djihadisme.
39:26 C'est-à-dire un premier temps, qui est le djihad contre l'ennemi proche,
39:29 un deuxième temps, celui d'Al-Qaïda contre l'ennemi lointain,
39:33 et un troisième temps, le monde du dépassement,
39:36 où Daesh va dire que c'est trop loin, les États-Unis,
39:39 c'est trop compliqué d'y aller.
39:41 On va privilégier l'interaction entre le terrain européen,
39:44 où un certain nombre de jeunes sont sensibles à la propagande,
39:47 à la fisce djihadiste, etc., et les pays de départ.
39:50 Après tout, prendre un charter pour aller en Turquie,
39:54 puis l'autobus pour la Syrie ou pour la Tunisie,
39:56 c'est à la portée de n'importe quel bout.
39:58 Sans compter, vous l'expliquez, il n'y a même pas besoin de prendre un charter,
40:01 puisqu'il y a une forte population,
40:04 immigrée ou issue de l'immigration,
40:06 qui parfois n'est pas intégrée et parfois sensible au discours d'Islam.
40:10 - Qui est de façon très minoritaire, sensible à ça.
40:12 Mais cette petite minorité suffit à ce que nous ayons eu
40:15 le nombre de morts et de blessés que nous savons en France
40:19 pendant l'épisode Daesh.
40:21 Et donc, ça c'est un phénomène qui est extrêmement préoccupant.
40:26 Et justement, je suis très préoccupé par le fait
40:30 qu'en 2008, j'ai accès à ce texte dont je pense,
40:36 à l'avance, je devine, contre beaucoup,
40:39 mais rétrospectivement j'ai raison.
40:41 Cet idéologue qui étudie à Jussieu dans les années 90,
40:45 qui s'appelle Abou Moussa Abdessouri,
40:47 un Syrien radicalisé, frère musulman radical,
40:51 qui ensuite va devenir le bras droit de Ben Laden,
40:53 puis qui va critiquer Ben Laden en disant
40:55 "le 11 septembre c'est une erreur, c'est trop gros, trop fort,
40:58 on n'était pas en position de le faire,
41:00 il faut substituer un djihad en réseau par le bas en arabe
41:03 pour les auditeurs arabes qui nous écoutent,
41:05 Nesam la Tanzim".
41:07 Et donc, il est assez finalement proche de l'idéologie
41:11 diffusée à l'époque par Gilles Deleuze
41:13 sur le réseau révolutionnaire et anti-léniniste.
41:16 Et donc, on voit comment tout ça se met en place
41:20 et Abdessouri explique qu'il faut attaquer
41:24 dans la vie quotidienne, il faut tuer les apostas,
41:27 c'est-à-dire selon lui, les musulmans par exemple,
41:30 qui exercent des fonctions de policiers, de militaires
41:33 pour semer la terreur dans la population musulmane
41:36 et dire "si vous trahissez, vous allez être tués
41:40 comme apostas, tout de suite".
41:42 Et c'est ce que va faire Merah en commençant par tuer
41:44 les militaires à Montauban, dont ils pensent qu'ils sont musulmans,
41:47 pas tous ne le sont, certains sont anti-yé,
41:50 mais c'est sur cette base-là.
41:52 Ensuite, les juifs, parce que ça, ça fait,
41:54 c'est populaire, pensent-ils, dans le monde arabe,
41:57 et également les intellectuels et autres
42:00 qui ont une présentation critique de l'islam.
42:02 Et si vous regardez Merah, alors Merah n'avait jamais lu Souris,
42:05 Merah, il était peu équipé intellectuellement,
42:08 on l'emmène Merah, mais tout ça percole à travers
42:11 les réseaux sociaux, c'est mâchouillé, si vous voulez,
42:14 dans la djihadosphère de l'internet, dans les machins des informateurs.
42:17 - Ça infuse. - Voilà. Et c'est ça qu'on m'a dit,
42:20 qu'Eppel dit n'importe quoi, lui, il lit ses textes de 2000 pages,
42:23 il n'a pas tout lu, il serait devenu fou.
42:25 Et je les ai traduits, je les ai publiés, tout ça, en 2008.
42:27 2012, le livre passe inaperçu, bien sûr.
42:30 2012, on a le phénomène, et le patron du renseignement
42:33 de l'époque, Nicolas Sarkozy, puisque c'est à ce point
42:36 pendant les élections présidentielles, il verra triompher
42:39 de justesse François Hollande, grâce notamment
42:42 à une mobilisation massive de l'électorat
42:45 qui se dit musulman, pas pour Hollande tellement,
42:48 mais contre Sarkozy, perçu comme ayant agressé
42:51 l'islam, parce que Sarkozy, qui avait pourtant fait
42:54 beaucoup de lèches aux frères musulmans,
42:57 qui étaient allés à leur congrès, etc., dans les émeutes des banlieues
43:00 2005, voit tout d'un coup l'occasion de récupérer l'électorat
43:03 d'extrême droite, ce qu'il va réussir à faire en
43:06 2007, quand il est élu, mais qu'il va perdre
43:09 en 2012, avec Mérin qui joue dans la ferme.
43:12 C'est un élément extrêmement complexe
43:15 qui je crois n'a pas vraiment été étudié par
43:18 les politistes majeurs, parce qu'ils se fichent complètement
43:21 des choses que j'étudie moi, considère que c'est trop petit, trop minoritaire,
43:24 mais en fait c'est au centre de notre société.
43:27 Et ce que j'essaye de montrer dans ce livre, c'est comment
43:30 ce qu'on appellerait aujourd'hui des signaux faibles, que
43:33 mes étudiants, moi-même et mes successeurs, aujourd'hui, parce qu'il y en a quand même
43:36 qui ont réussi à échapper
43:39 au coup pré-Walk,
43:42 comme mon collègue Bernard Rougier, par exemple,
43:45 nous avons montré. Et justement, je pense qu'il est très
43:48 important d'arriver... Alors on peut nous critiquer, bien sûr, la critique
43:51 libre, mais aujourd'hui c'est le silence, c'est
43:54 l'excommunication, c'est si j'ose dire le motu
43:57 proprio, la fatwa ou l'oukaz. Et ça,
44:00 c'est un véritable problème qui se pose à l'ensemble
44:03 de notre société, et notamment à nos autorités universitaires.
44:06 - C'est bien, vous avez fait la synthèse, on arrive à la fin de l'émission
44:09 et à la fin de votre livre, puisqu'effectivement
44:12 ça se termine sur cette "Omerta"
44:15 à l'université, avec une nouvelle convergence
44:18 des luttes, d'une certaine manière, entre le wauquisme
44:21 et l'islamisme. Certains ont appelé ça l'"islamo-gauchisme".
44:24 Est-ce que vous partagez... - Oui, alors peut-être que c'est...
44:27 Le terme a été reproché par un certain nombre d'amis musulmans
44:30 qui n'ont rien à voir avec les islamistes, et qui disent
44:33 "Islamo" veut dire "musulman". On pourrait peut-être tester, je vous le soumets aujourd'hui,
44:36 une nouvelle formule, surtout après le pacte de Médine
44:39 qui a eu lieu dans l'université de la gauche médine.
44:42 Ça, je l'ai déjà pris par d'autres. Je suggère par exemple le "Salafo-Mélenchonisme".
44:45 Ou le "Mélenchon-Salafisme". J'espère que comme ça
44:48 il va réagir, et que nous aurons un débat entre transquistes.
44:51 - Ce sera le mot de la fin, Gilles Kepel.
44:54 On n'a pas eu le temps d'y revenir, mais vous avez été vous-même victime
44:57 d'une fatwa. C'est aussi pour ça que le manque
45:00 de solidarité, je dirais, du monde universitaire et intellectuel
45:03 est grave, parce qu'effectivement, on les a pas
45:06 entendus beaucoup vous défendre à ce moment-là.
45:09 Voire ils en ont rajouté. - Je n'ai pas
45:12 soufflé. J'ai pas eu les teintes d'encre crevées par les hurlements
45:15 de douleur de mes collègues et de solidarité lorsque j'étais
45:18 condamné à mort par Daech, et que je vivais sous protection
45:21 policière perclusiatique, parce que j'avais une toute petite
45:24 voiture de véhicule de police, qui avait
45:27 au moins 200 000 km/h, plus d'amortisseurs,
45:30 et que c'était dur, avec l'angoisse de reprendre la faille de mitraillette.
45:33 - Les méchants policiers, selon les WOC, ne sont pas très bien équipés.
45:36 - En tout cas, ils m'ont sauvé la vie.
45:39 Je les en remercie. - Bien sûr.
45:42 Je disais qu'on leur travaille parfois dans des conditions
45:45 difficiles et avec un matériel vétuste, mais
45:48 c'est le lourd de finir cette émission.
45:51 Gilles Guépel est très bavard, et moi aussi.
45:54 Merci de nous avoir écoutés. On se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau
45:57 numéro. Dans toute vérité, je vous laisse avec
46:00 les informations et je vous souhaite un beau dimanche. Merci.
46:03 En toute vérité sur Sud Radio, Alexandre De Vecchio.

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