Le 22 mai 2025, la délégation aux droits des femmes du Sénat auditionnait les avocats de Gisèle Pelicot, Stéphane Babonneau et Antoine Camus, en présence de Sandrine Josso, députée MoDem, elle-même victime de soumission chimique, et Véronique Guillotin, sénatrice RDSE. Toutes les deux ont produit un rapport sur la soumission chimique comme forme de violence faite aux femmes. Les avocats sont revenus sur le procès des viols de Mazan et sur l’effet qu’il avait eu sur la société, confessant qu’une partie d’eux “était restée à Avignon”. Antoine Camus s’est voulu confiant en assurant que “les choses bougent et que la société change”. Il a aussi déclaré que ce procès avait mis en lumière le fait “que le profil du violeur n’existe pas, ou plutôt que le violeur a tous les profils”. Stéphane Babonneau a lui insisté sur “la dévastation causée par ces infractions” qu’on “ne mesure pas suffisamment”. Il a d’ailleurs regretté l’absence de sénateurs dans la salle d’audition, rappelant que “ce n’est pas un sujet qui doit être laissé uniquement aux femmes” puisque c’est un sujet “qu’on ne peut régler que collectivement”. La sénatrice Véronique Guillotin et la députée Sandrine Josso ont détaillé les principales recommandations de leur rapport en insistant sur la formation des professionnels et sur la connaissance de la société. Véronique Guillotin a par ailleurs considéré que “nous avons tous une introspection à faire sur l’invisibilité de ce phénomène pendant des décennies”. Année de Production :
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00:00:00Générique
00:00:10Bonjour à tous, bienvenue dans 100% Sénat,
00:00:12l'émission qui vous fait vivre le cœur du travail parlementaire.
00:00:16Aujourd'hui, nous vous proposons de suivre l'audition
00:00:19des avocats de Gisèle Pellicot,
00:00:20cette femme, victime, droguée par son mari à son insu,
00:00:23qui recrutait ensuite des hommes pour la violer.
00:00:2651 personnes ont été reconnues coupables dans cette affaire.
00:00:29Les deux avocats sont interrogés par la délégation du Sénat
00:00:32aux droits des femmes et ils sont accompagnés
00:00:34de deux parlementaires, Véronique Guillotin,
00:00:37sénatrice RDSE, et Sandrine Jossot, députée MoDem.
00:00:40Toutes les deux ont dirigé un rapport sur la soumission chimique
00:00:44comme une forme de violence faite aux femmes.
00:00:46Précisons aussi que Sandrine Jossot accuse un sénateur,
00:00:48Joël Guerriot, de l'avoir droguée pour abuser d'elle.
00:00:51On regarde l'audition.
00:00:53Mes chers collègues, c'est un très grand honneur
00:00:57pour notre délégation aux droits des femmes
00:00:58de recevoir ce matin Maître Stéphane Babonneau
00:01:01et Maître Antoine Camus,
00:01:03à qui je souhaite la bienvenue parmi nous.
00:01:06Cher maître, vous êtes tous les deux
00:01:07les avocats de Gisèle Pellicot.
00:01:09Il l'avait défendue au cours d'un procès
00:01:11de près de quatre mois,
00:01:13entre septembre et décembre 2024,
00:01:15que l'on peut, à beaucoup d'égards, qualifier d'historique.
00:01:19Ce procès, en première instance, qui s'est tenu
00:01:21devant la Cour criminelle départementale du Vaucluse,
00:01:24sera suivi par un second procès devant la Cour d'appel de Nîmes
00:01:27du 6 octobre au 21 novembre 2025,
00:01:30puisque, à ce jour, 4 des 51 accusés et condamnés
00:01:34ont décidé de faire appel de leur condamnation,
00:01:36et ce, malgré des peines prononcées
00:01:38globalement inférieures aux réquisitions du parquet.
00:01:40Cela dit, j'ai cru comprendre qu'un certain nombre
00:01:42qui pensait faire appel, finalement,
00:01:44ne vont pas faire appel.
00:01:45Peut-être que 4 vont encore diminuer, on verra.
00:01:48Pour donner à cette audition l'audience
00:01:50la plus large possible,
00:01:52nous avons décidé de l'ouvrir à nos collègues,
00:01:54membres de la Commission des lois
00:01:55et à ceux de la Commission des affaires sociales.
00:01:59Elle est, par ailleurs, diffusée en direct
00:02:01sur notre site Internet et les réseaux sociaux du Sénat
00:02:03et ouverte à la presse.
00:02:06J'ai également souhaité y associer nos deux collègues,
00:02:08chargés par le gouvernement, d'une mission temporaire
00:02:11ayant pour objet la soumission chimique
00:02:13comme forme de violence faite aux femmes,
00:02:16la sénatrice Véronique Guillotin
00:02:18et la députée Sandrine Jossot,
00:02:21elle-même membre de la délégation
00:02:24aux droits des femmes de l'Assemblée nationale
00:02:27et Véronique Guillotin étant membre
00:02:29de notre délégation également.
00:02:32Elles viennent de rendre publiques
00:02:34les conclusions de leur rapport
00:02:35et nous en exposerons les grandes lignes
00:02:37dans quelques instants.
00:02:38Nous l'avons toutes et tous en tête,
00:02:40le procès dit des viols de Mazan
00:02:42est d'abord le symbole du courage d'une femme,
00:02:45Gisèle Pellicot,
00:02:47qui a décidé de lever le huis clos de l'audience
00:02:49et de rendre ainsi public, aux yeux du monde entier,
00:02:53les multiples viols filmés et archivés
00:02:57dont elle a été victime depuis près d'une décennie
00:03:00par plus de 50 hommes différents,
00:03:03après avoir été droguée et sédatée à cette fin
00:03:05par celui qui était son mari et le père de ses trois enfants.
00:03:10Au dernier jour du procès, après le verdict,
00:03:12Gisèle Pellicot prononcera ces mots
00:03:14qui résonnent particulièrement au sein de notre délégation.
00:03:18J'ai voulu, en ouvrant les portes de ce procès,
00:03:21que la société puisse saisir des débats qui s'y sont tenus.
00:03:25Je n'ai jamais regretté cette décision.
00:03:29Cette décision courageuse et essentielle
00:03:31aura en effet ouvert la voie, de façon quasi cathartique,
00:03:34à une réflexion non seulement juridique,
00:03:37mais aussi sociale, sociétale,
00:03:41sur la question du consentement
00:03:42et sur celle de l'exercice de son libre arbitre.
00:03:46Si ce procès a constitué, dans notre histoire pénale,
00:03:49un véritable moment de bascule et un tournant conceptuel,
00:03:52c'est parce qu'il a, pour la première fois,
00:03:54fait la lumière sur une forme jusqu'alors impensée et invisible,
00:04:01tout autant de la violence sexuelle que de la violence conjugale.
00:04:04Le recours à la soumission chimique
00:04:07comme instrument du viol,
00:04:09et là, plus précisément, comme instrument du viol conjugal,
00:04:13ou au moins administré par le conjoint, quoi.
00:04:17Ce procès aura aussi permis que notre société
00:04:20se saisisse de questions fondamentales
00:04:23en lien avec l'égalité femmes-hommes
00:04:25et le traitement de violences sexuelles systémiques.
00:04:28À l'issue du procès, Gisèle Pellicot a déclaré
00:04:31« J'ai confiance à présent en notre capacité
00:04:34à saisir collectivement un avenir dans lequel chacun,
00:04:37femmes et hommes, puissent vivre en harmonie
00:04:40dans le respect et la compréhension mutuelle.
00:04:44Nous ne pouvons qu'être profondément admiratifs
00:04:46de sa résilience et de cette confiance
00:04:48qu'elle manifeste dans notre capacité au sursaut collectif.
00:04:52Cher maître, vous êtes parmi nous ce matin
00:04:54pour nous livrer votre analyse de ce procès,
00:04:57de ses conséquences en matière de jugement des affaires de viol
00:05:00et de reconnaissance du déni de consentement, notamment,
00:05:03et plus largement de son retentissement
00:05:06sur la société tout entière.
00:05:08Après votre prise de parole,
00:05:09pour laquelle je vous laisse vous organiser
00:05:11comme vous le souhaitez, je demanderai à nos collègues
00:05:14Sandrine Jossot et Véronique Guillotin d'intervenir
00:05:17afin de nous présenter les principales conclusions
00:05:19de leur rapport rendu public le 12 mai dernier
00:05:22sur la soumission chimique comme forme de violences faites aux femmes.
00:05:26Et, cher maître, je vous laisse la parole.
00:05:30Merci, madame la présidente,
00:05:33mesdames les sénateurs,
00:05:36mesdames les sénatrices.
00:05:38Je vais essayer d'être le plus court possible
00:05:41parce que je souhaite donner la priorité à nos échanges.
00:05:43Pour moi, c'est le plus essentiel.
00:05:46Madame la présidente, je voulais d'abord vous remercier
00:05:49de cette invitation qui est pour nous l'occasion
00:05:53de poursuivre la réflexion collective
00:05:55entamée le 19 décembre dernier
00:05:58avec ce verdict de la Cour criminelle du Vaucluse.
00:06:02Depuis cette date, Stéphane Babonneau et moi-même
00:06:06multiplions les échanges,
00:06:08multiplions les conférences, les tables rondes,
00:06:12avec toujours le même constat.
00:06:15Nous étions à Buenos Aires, il y a quelques semaines,
00:06:20avec madame la députée Sandrine Josseau, notamment.
00:06:23Nous étions à Madrid,
00:06:26nous avons été à Sciences Po Strasbourg,
00:06:30à l'université de la Sorbonne.
00:06:32Bientôt, nous serons à Boston,
00:06:35à Pointe-à-Pitre dans quelques semaines.
00:06:37Partout, le constat est le même,
00:06:40c'est celui d'une sidération collective,
00:06:43quelque part d'un trauma collectif
00:06:46avec le besoin toujours de poser,
00:06:51vous avez dit cathartique, le besoin de poser des mots
00:06:55sur ce qui s'est donné à voir
00:06:57pour tenter d'en tirer urgentement quelques enseignements,
00:07:02un peu comme on le ferait dans le cadre d'une thérapie.
00:07:06C'est quelque part exactement ce que voulait Gisèle Pellicot.
00:07:11En renonçant au huis clos,
00:07:14ce qu'elle voulait, c'était faire de cette salle d'audience
00:07:17une forme de laboratoire sociétal, un bocal en verre,
00:07:22pour livrer une matière brute,
00:07:25pour donner à voir le viol tel qu'il est,
00:07:27donner à voir comment il se défend et comment il se juge.
00:07:31Gisèle Pellicot avait évidemment perçu, la première,
00:07:35que son histoire n'était pas qu'un fait divers,
00:07:39qu'elle comportait une part d'universelle
00:07:43par le nombre d'accusés, bien sûr,
00:07:45par la variété de leurs profils,
00:07:47et qu'alors même que cette affaire, ce dossier,
00:07:50ce procès est unique, bien sûr,
00:07:52il n'y en a pas deux comme ça,
00:07:56eh bien, l'exceptionnel, pourtant,
00:08:00nous concerne tous.
00:08:02C'est un dossier qui transcende ses protagonistes
00:08:05et nous interpelle tous.
00:08:07C'est évidemment ce qui explique les files d'attente quotidiennes
00:08:12auxquelles nous avons assisté à Avignon,
00:08:14de toutes ces femmes, quelques hommes, bravant le froid,
00:08:17qui, pendant des heures, espéraient trouver une place
00:08:20dans cette salle d'audience.
00:08:22Nous avons discuté avec eux et toutes et tous nous disaient,
00:08:27lorsqu'on leur demandait pourquoi, en réalité,
00:08:30chaque jour, ils revenaient, bravant le froid,
00:08:32ils nous disaient tous et toutes,
00:08:34c'est de nous dont on parle dans cette salle d'audience.
00:08:41S'agissant des accusés, on s'est beaucoup demandé
00:08:43s'ils étaient des monstres ou des monsieur tout le monde.
00:08:48Peu importe, la réalité est là et elle est implacable.
00:08:53On peut encore, en France, au XXIe siècle,
00:08:56trouver près de 80 individus dans un rayon d'à peine 50 km
00:09:00prêts à violer une vieille dame profondément sédatée
00:09:04et qu'on croirait morte.
00:09:06La réalité est là, on peut même, manifestement,
00:09:09en tirer une forme de jouissance
00:09:11au point d'y revenir plusieurs fois.
00:09:14Ca a été le cas d'un certain nombre d'accusés.
00:09:17Qu'est-ce que cela dit de l'état de notre société ?
00:09:21Qu'est-ce que cela dit de nos rapports
00:09:24entre hommes et femmes ?
00:09:26Forcément, quelque chose.
00:09:28Ce besoin de comprendre, nous le partageons,
00:09:32Stéphane Babonneau et moi.
00:09:33Depuis 5 mois, nous avons repris le cours
00:09:36de nos vies professionnelles, retrouvé nos cabinets,
00:09:39ouvert de nouveaux dossiers.
00:09:41Mais je vous le confesse, une partie de nous
00:09:43est restée à Avignon.
00:09:47Parce que la matière livrée est dense,
00:09:51qu'elle est épaisse, qu'elle est stratifiée,
00:09:54et qu'il faudra probablement encore du temps
00:09:57pour la décrypter pleinement et la digérer.
00:10:02Alors, je vais probablement vous décevoir,
00:10:05madame la présidente, mais l'exercice
00:10:08auquel vous nous invitez ce matin,
00:10:11qui est de vous livrer nos enseignements
00:10:13sur ce procès,
00:10:15me semble à la fois prématuré
00:10:19et très ambitieux,
00:10:21surtout dans le délai de 10 minutes
00:10:23qui nous est imparti à l'un et l'autre.
00:10:26Prématuré parce que,
00:10:29précisément, je viens de le dire,
00:10:31la matière est dense et que le processus de digestion
00:10:34est toujours en cours.
00:10:37Il faudra du temps, bien sûr.
00:10:39Et ambitieux parce que les apports,
00:10:42il me semble, sont innombrables,
00:10:45presque moins juridiques que sociétaux.
00:10:49Et on pourrait probablement y passer toute la journée.
00:10:53Il y a bien sûr la notion de consentement actif
00:10:57qui a été précisée et mise au centre
00:10:59des débats de ce procès,
00:11:02puisque, manifestement,
00:11:03il semble que c'est encore nécessaire.
00:11:06Mais on pourrait aussi parler de l'importance de la preuve
00:11:10dans ces affaires de violences sexuelles en général,
00:11:13mais qui, au cas particulier de la soumission chimique,
00:11:15est absolument cruciale.
00:11:18On le sait, je l'ai plaidé,
00:11:20Gisèle Pellicot, c'est l'exception.
00:11:22C'est l'exception.
00:11:24La preuve matérielle irréfutable des viols,
00:11:28les vidéos, ça n'existe jamais.
00:11:30Au cas particulier,
00:11:32cette situation tient à la perversité immense
00:11:36de son ex-époux, Dominique Pellicot.
00:11:39Et ce côté collectionneur
00:11:41qui a sauvé la vie de Gisèle Pellicot,
00:11:43parce que cette preuve matérielle,
00:11:46qui était au centre de nos débats,
00:11:48elle était tout le dossier.
00:11:50Et si on ne les avait pas eues,
00:11:52j'ai envie de vous dire que Gisèle Pellicot
00:11:54n'en aurait jamais rien su, nous non plus.
00:11:56Il n'y aurait pas eu de dossier,
00:11:57et Gisèle Pellicot, probablement, serait morte aujourd'hui.
00:12:01Et ces photos, ces vidéos,
00:12:07en réalité, elles sont non seulement
00:12:11ce qui a sauvé la vie de Gisèle Pellicot,
00:12:13mais elles étaient tout le dossier,
00:12:15parce qu'elles montraient le luxe de précaution
00:12:19prise par ces violeurs pour ne pas la réveiller.
00:12:23On y entendait des chuchotements,
00:12:25on y entendait des ronflements
00:12:27qui ne laissaient aucun doute
00:12:28sur l'état de sédation profonde de Gisèle Pellicot.
00:12:32Et bien sûr,
00:12:36cette preuve était absolument indispensable.
00:12:40Mais enfin, les vidéos, on ne les a pas, d'habitude,
00:12:45dans la plupart des dossiers,
00:12:47et c'est bien évidemment tout le problème.
00:12:52On a vu les mécanismes dévoilés dans ce dossier
00:12:57de la soumission chimique.
00:12:59Gisèle Pellicot, on l'a dit,
00:13:00ne s'est pas réveillée un matin,
00:13:03le visage tuméfié sur un trottoir
00:13:05ou aux côtés d'un homme qu'elle ne connaissait pas
00:13:07dans un lieu qu'elle ne connaissait pas.
00:13:09En réalité, elle se réveillait chaque matin
00:13:10de la même manière qu'elle s'était endormie la veille,
00:13:13dans son pyjama, dans son lit, dans sa chambre,
00:13:15auprès de son mari.
00:13:18Et donc, elle n'avait strictement aucun moyen, à dire vrai,
00:13:22de mettre à jour ce qui lui était arrivé,
00:13:25de détecter ce qui lui était arrivé,
00:13:27alors même que les signes étaient là,
00:13:29puisqu'on le sait, elle perdait la mémoire,
00:13:34elle avait des difficultés d'élocution.
00:13:36Mais personne ne savait décrypter ça,
00:13:38pas même le corps médical,
00:13:39puisqu'il y a eu des années d'errance médicale.
00:13:43Donc, ce dossier, il met évidemment en lumière
00:13:48toute l'importance d'organiser, de faciliter le recueil
00:13:51et la conservation des preuves biologiques,
00:13:54biologiques en cas de suspicion chimique,
00:13:57puisque, en réalité, il est rarissime d'obtenir
00:14:00des preuves audiovisuelles telles que cela était le cas.
00:14:05L'importance d'informer, de former le grand public aussi
00:14:08et les professionnels de médecine pour poser l'hypothèse,
00:14:12puisque tel n'a malheureusement pas été le cas
00:14:14s'agissant de Gisèle Pellicot.
00:14:17Et en cela, le rapport qui vient d'être déposé
00:14:22sur la soumission chimique
00:14:25et, quelque part, les moyens de la prévenir
00:14:28et de la réprimer est absolument fondamental.
00:14:31On pourrait aussi parler, dans ce dossier,
00:14:33du rôle d'Internet,
00:14:35qui, quelque part, a été le grand absent de ce procès,
00:14:39alors qu'on sait très bien que ce dossier
00:14:41ne serait jamais arrivé dans de telles proportions,
00:14:44en tout cas, sans Internet.
00:14:47On pourrait parler de la place réservée
00:14:50à la parole des victimes dans ce type de procès,
00:14:53de la préservation de leur dignité.
00:14:55J'ai parlé, j'ai plaidé,
00:14:57de la maltraitance de prétoires,
00:14:59qui n'est, au final, rien d'autre que, finalement,
00:15:04l'application au sein de l'enceinte judiciaire
00:15:07de ce concept de victimisation secondaire
00:15:11qui, vous le savez, a connu quelques nouveaux développements
00:15:14judiciaires ces derniers temps.
00:15:17On peut avoir un débat
00:15:20sur les conséquences qu'il y a lieu
00:15:22de tirer en droit de cette victimisation secondaire.
00:15:27Ce débat, on le voit, est en cours,
00:15:29mais l'essentiel est de retenir
00:15:31que les choses bougent, la société change,
00:15:35et que ce qui, probablement,
00:15:39pouvait être toléré il y a encore quelques années,
00:15:42manifestement, aujourd'hui, ne l'est plus.
00:15:46On pourrait parler aussi du rôle des médias
00:15:49et de l'opinion dans le procès,
00:15:52dans ce type de procès à impact sociétal,
00:15:55mais je crois que, pour ce qui me concerne,
00:15:58vous savez que je ne suis pas un spécialiste
00:15:59des violences sexuelles, à la différence de Stéphane Babonneau,
00:16:02qui va s'exprimer dans un instant,
00:16:05mon activité de pénaliste étant davantage tournée
00:16:07vers le monde de l'entreprise.
00:16:08En ce qui me concerne, je dirais que ce qui m'a le plus marqué
00:16:14dans ce procès me rend, malheureusement,
00:16:16un peu pessimiste
00:16:19sur notre capacité d'en sortir rapidement,
00:16:25en dépit du fait que le politique se saisisse du sujet.
00:16:27C'est évidemment une bonne chose.
00:16:30Je crains, malheureusement, que ce n'est pas un toilettage
00:16:33de définition dans un texte,
00:16:36ce n'est pas même une nouvelle loi
00:16:38qui permettra rapidement de mettre fin
00:16:41aux fléaux des violences sexuelles,
00:16:44tout simplement parce que je crois que l'apport,
00:16:48en fait, vraiment sociétal de ce procès de Mazan
00:16:53a été de mettre à jour l'ancrage vraiment profond
00:16:59de tout un tas de stéréotypes, de tout un tas de clichés
00:17:04qui, probablement, participent
00:17:07de la perpétuation de ce fléau.
00:17:12Certains parlent de culture du viol.
00:17:14Je ne sais pas si le terme est le bon.
00:17:18En tout état de cause, il y a manifestement,
00:17:21je crois, à la racine
00:17:28de ce qui s'est donné à voir de la conception de la masculinité
00:17:31dans ce dossier quelque chose de manifestement problématique.
00:17:35Ces stéréotypes qui se sont déployés sous nos yeux
00:17:40et érigés en stratégie de défense,
00:17:42on peut probablement les regrouper de deux manières.
00:17:49Il y a d'abord l'idée qui s'est expliquée devant nous
00:17:55que seul un monstre pouvait violer,
00:17:58qu'on ne pouvait pas être bien inséré dans la société,
00:18:01engager et tourner vers l'autre,
00:18:05qu'on soit pompier, infirmier, journaliste
00:18:08et être un violeur.
00:18:11La quasi-totalité des accusés s'est employée à démontrer
00:18:14qu'ils étaient de bons pères de famille,
00:18:16des citoyens respectables
00:18:17et qu'ils n'avaient pas le profil du violeur,
00:18:21lequel serait forcément un pervers, serait forcément sériel.
00:18:25Ce que met à jour ce procès, ce dossier,
00:18:27c'est que le profil du violeur n'existe pas
00:18:30ou plutôt que le violeur a tous les profils,
00:18:33que le violeur, c'est celui qui viole
00:18:35et qu'on peut violer par faiblesse,
00:18:37qu'on peut violer par facilité,
00:18:38qu'on peut violer par indifférence,
00:18:40qu'on peut même violer par opportunité.
00:18:44Et ça n'est forcément pas un enseignement très réjouissant.
00:18:49Et puis s'est déployé aussi en défense
00:18:53tout un cortège de stéréotypes
00:18:54en lien avec l'objectalisation des femmes,
00:18:59au moins dans la sphère sexuelle.
00:19:03On a entendu beaucoup de choses de la part des accusés
00:19:07pendant ces quatre mois,
00:19:10avec notamment le fait qu'une femme
00:19:12qui ne dirait pas non expressément
00:19:14est une femme dont on va présumer le consentement.
00:19:17C'était finalement la thèse déployée en défense,
00:19:21celle d'un consentement présumé parce que non exprimé,
00:19:26qu'une femme pourrait délibérément
00:19:28se mettre en situation de sédation profonde
00:19:30pour se faire violer par des inconnus,
00:19:33même à 68 ans,
00:19:35qu'on pourrait se fier au mari
00:19:38s'il explique que sa femme est consentante.
00:19:41Alors un expert psychiatre de renom
00:19:46a pu, au cours de nos débats,
00:19:48expliquer le rôle et l'importance
00:19:52de l'industrie pornographique
00:19:54dans la construction des fantasmes
00:19:56et la perpétuation des clichés
00:19:58qui construisent la masculinité.
00:20:00On sait aujourd'hui l'importance de la pornographie,
00:20:04qui a presque pris le relais de l'éducation sexuelle
00:20:08avec son accessibilité de plus en plus tôt,
00:20:12dès l'âge de 13 ans.
00:20:13En réalité, on s'aperçoit que les jeunes y ont accès.
00:20:20Il y a sans doute ici une piste de réflexion à mener.
00:20:26Mais je crois que les sujets sont vraiment innombrables.
00:20:30Et voilà, je vais donner la parole à Stéphane Babonneau
00:20:35pour ensuite avoir un échange.
00:20:41Bonjour, merci, madame la présidente,
00:20:43madame la sénatrice, madame la députée.
00:20:47Vous avez rappelé, madame la présidente,
00:20:48certains des mots qui ont été prononcés par Gisèle Pellicot
00:20:51au sortir du procès,
00:20:52et notamment l'expression d'un espoir
00:20:56que, finalement, les hommes et les femmes
00:20:59puissent vivre en harmonie, dans le respect mutuel.
00:21:02Et je dois dire que je partage avec Gisèle Pellicot
00:21:07et aussi, je le sais, avec mon confrère Antoine Camus,
00:21:10même s'il a parlé d'un certain pessimisme,
00:21:13en réalité, il y a des raisons d'avoir un véritable espoir.
00:21:19Cet espoir, c'est celui, finalement,
00:21:22qu'on peut placer dans notre société.
00:21:24Je l'ai dit lorsque j'ai plaidé
00:21:26en clôture des débats au procès de Mazan.
00:21:32Je crois sincèrement que nous sommes, en France,
00:21:34une société de progrès social
00:21:36et que l'on recherche en permanence
00:21:38des manières de nous améliorer nous-mêmes
00:21:41en étant tout de même capables de reconnaître nos imperfections.
00:21:45Et aujourd'hui, notre présence devant vous,
00:21:47Antoine Camus et moi-même,
00:21:49me persuade dans cette conviction,
00:21:54c'est-à-dire celle que, de manière empirique,
00:21:57nous cherchons les manières, les voies,
00:22:00parfois en se trompant, parfois de manière maladroite,
00:22:04d'améliorer notre société.
00:22:06Et bien souvent, cette source d'amélioration,
00:22:08ce point de départ d'une amélioration sociale,
00:22:10elle provient d'une étincelle.
00:22:12Cette étincelle ne vient pas toujours d'en haut.
00:22:15Elle vient parfois de la société elle-même,
00:22:18de personnes, d'individualités.
00:22:21Et ici, dans notre cas, évidemment,
00:22:23cette étincelle, pour moi, c'est Gisèle Pellicot.
00:22:27Gisèle Pellicot, qui est une femme
00:22:29qui a vécu une vie simple, honnête,
00:22:33qui n'a pas été marquée par le militantisme,
00:22:36mais qui, lorsqu'elle s'est retrouvée
00:22:37face à une situation exceptionnelle,
00:22:41a pris ses responsabilités,
00:22:43c'est-à-dire a décidé de faire don de son histoire.
00:22:48C'est ce qu'a dit mon confrère.
00:22:50Et cette étincelle a provoqué un embrasement littéral.
00:22:55Je pense que c'est le mot qui nous est venu à l'esprit
00:22:58lorsque, à la fin de la 1re semaine du procès,
00:23:01nous avons vu à travers toute la France
00:23:03ces manifestations, ces mots d'ordre,
00:23:06qui étaient des mots d'ordre pacifiques,
00:23:09qui étaient des mots d'ordre de rejet complet.
00:23:12On a vraiment assisté, de notre point de vue,
00:23:15de spectateurs presque, finalement,
00:23:18au procès à Avignon,
00:23:20à une réponse que j'assimile à une réponse immunitaire
00:23:24face à un mal, un mal qui est connu,
00:23:27qui est quasiment aussi ancien que la société elle-même,
00:23:30celui des violences sexuelles,
00:23:32dont le viol, finalement, est l'expression la plus brutale.
00:23:36Je dis un mal et j'utilise à dessein
00:23:38le mot de réponse immunitaire
00:23:39parce qu'en tant que praticien de ces sujets,
00:23:45recevant chaque semaine des personnes,
00:23:47victimes d'agressions sexuelles de tous les âges,
00:23:50des enfants, des adultes,
00:23:52également, très souvent, des hommes
00:23:54accusés de ces infractions,
00:23:57je reste encore aujourd'hui...
00:24:00Je ne trouve même pas le mot, si le mot est choqué ou stupéfait,
00:24:04de la profondeur, finalement, des effets et de la durée
00:24:09des conséquences qui sont associées à ces actes.
00:24:12Il y a peu d'infractions, et je parle de cela
00:24:16comme un praticien du droit pénal
00:24:17et donc de toutes ces atteintes au corps social.
00:24:20Il y a peu d'infractions
00:24:22qui génèrent des effets sur des générations entières.
00:24:25C'est-à-dire, il y a peu d'infractions qui,
00:24:27causées aujourd'hui, auront des effets
00:24:29sur des enfants qui ne sont pas encore nés aujourd'hui.
00:24:32Et cela, aussi bien chez les victimes de ces infractions
00:24:36que chez les auteurs de ces infractions.
00:24:39Et les effets, la dévastation qui sont causées par ces infractions,
00:24:44je pense qu'encore aujourd'hui,
00:24:46même si, évidemment, il y a ce mouvement de rejet,
00:24:49on ne les mesure pas suffisamment.
00:24:51Parce que je pense que si on les mesurerait suffisamment,
00:24:54il y aurait peut-être plus d'hommes, aujourd'hui, ce matin,
00:24:57parmi nous aussi.
00:24:58Ce n'est pas simplement un sujet qui concerne les femmes,
00:25:01et on le sait.
00:25:03Je pense que c'est quelque chose qui...
00:25:05Ce n'est pas un sujet qui doit être laissé uniquement aux femmes,
00:25:09dont la responsabilité doit être laissée aux femmes.
00:25:12C'est évidemment un sujet qu'on ne peut régler que collectivement.
00:25:14Et je voudrais vous lire quelques phrases
00:25:19que j'emporte avec moi à chaque fois que je le peux,
00:25:22quelques phrases qui ont été prononcées lors du procès,
00:25:25qui, à mon sens, donnent la mesure de la profondeur
00:25:29du problème que je décris.
00:25:31L'un des accusés, M. Cédric V., 44 ans, père de 2 enfants,
00:25:37a déclaré, dans le cadre de cette procédure,
00:25:39vous me faites remarquer que je n'ai pas obtenu son consentement.
00:25:43Oui, pas directement.
00:25:44A votre demande, je vous précise que c'est M. qui m'a donné son accord.
00:25:48M. Romain V., qui a été âgé de 64 ans à l'époque,
00:25:53a dit, il fait ce qu'il veut, c'est sa femme.
00:25:57Plus tard, il a pu déclarer,
00:25:59non, vu que j'ai agi en accord avec son mari.
00:26:01S'il n'était pas d'accord, je ne l'aurais pas fait.
00:26:04Un autre accusé, âgé de 40 ans, père de 3 enfants,
00:26:07a pu déclarer, je ne suis pas d'accord
00:26:11sur le fait que j'ai pu commettre un viol,
00:26:13car c'est son mari qui me donnait les ordres pour faire ces choses.
00:26:16Enfin, un autre accusé a déclaré,
00:26:20vous connaissez, vous, un violeur qui caresse sa victime ?
00:26:24Et enfin, un autre,
00:26:25oui, c'est bien ça, c'est le mari qui était consentant.
00:26:30Et il ajoute, peu après, à l'audience,
00:26:32je ne suis pas un violeur, mais si je devais violer quelqu'un,
00:26:35ça n'aurait pas été une dame de 57 ans, mais une belle.
00:26:40Gisèle Pellicot était assise derrière moi
00:26:43au moment où ces mots ont été prononcés,
00:26:45et elle n'a pas très saillie.
00:26:47Elle a simplement gardé la tête haute
00:26:49et montré à quel point elle était prête
00:26:53à aller jusqu'au bout, finalement,
00:26:55en étant présente à chaque jour de ce procès,
00:26:58en étant présente aussi pour toutes les personnes qui lui écrivaient,
00:27:02pour lui dire à quel point elles admiraient sa force et son courage,
00:27:06mais aussi pour lui dire qu'elle se sentait représentée
00:27:09par sa capacité à faire face
00:27:12et représentée parce que beaucoup n'avaient pas trouvé la force,
00:27:17le moment venu, de dénoncer ce dont elles avaient été victimes
00:27:20et de s'engager dans ce processus judiciaire.
00:27:22Et ce qui doit nous interroger, je pense,
00:27:24c'est qu'est-ce qui fait, aujourd'hui,
00:27:27que beaucoup de personnes n'osent pas passer le pas
00:27:29de cette dénonciation, n'osent pas passer le pas
00:27:32des commissariats,
00:27:34et à la racine de ce blocage,
00:27:39je pense qu'il y a très souvent un sentiment
00:27:41qui a été très bien identifié pendant ce procès
00:27:43et par Gisèle Pellicot elle-même, c'est le sentiment de honte.
00:27:46Quand Gisèle Pellicot a dit la honte doit changer de camp,
00:27:48elle n'a pas simplement prononcé un slogan,
00:27:51elle a prononcé quelque chose, une réalité,
00:27:54une réalité personnelle, parce qu'elle a éprouvé cette honte,
00:27:59parce que cette honte l'a paralysée pendant longtemps,
00:28:02mais cette honte, et je pense que c'est l'une
00:28:05des plus grandes fiertés qu'elle peut avoir,
00:28:08elle a su la dominer, la subjuguer, la surpasser.
00:28:12Gisèle Pellicot était véritablement l'archétype
00:28:14de la personne pudique, de la personne
00:28:18qui n'aimait pas s'exposer,
00:28:20qui n'aimait pas exposer son intimité.
00:28:22Et elle a accepté que soit diffusée,
00:28:24elle s'est même battue pour que soit diffusée,
00:28:27ces vidéos de ces viols pour donner à voir,
00:28:29comme l'a dit Antoine Camus, la réalité
00:28:31de ce qui était un viol, pour interpeller la société
00:28:34et aussi pour donner, pour faire prendre conscience
00:28:38aux accusés et aux hommes qui l'avaient attagressé
00:28:42de l'étendue des ravages qu'ils avaient causés.
00:28:47Est-ce que ce message est passé ?
00:28:50C'est une interrogation qui subsistera,
00:28:52mais on peut néanmoins constater,
00:28:53comme vous l'avez relevé, madame la présidente,
00:28:56que sur 51 accusés, qui, pour l'immense majorité,
00:29:00je dirais plus des trois quarts, contestaient leur responsabilité,
00:29:04aujourd'hui, il n'y a plus que 4 appelants.
00:29:07Ca signifie que la décision de la Cour criminelle
00:29:10a finalement été acceptée par l'immense majorité des accusés.
00:29:13Et en cela, je pense que c'est une victoire,
00:29:16une victoire pour la justice, pour la société.
00:29:19Bien évidemment, l'exercice de l'appel est un droit,
00:29:23mais la décision de ne pas faire appel
00:29:25doit aussi être reconnue
00:29:26comme étant la reconnaissance d'une décision de justice,
00:29:30de sa signification et de sa portée.
00:29:33Ce sentiment de honte, aujourd'hui, comme société,
00:29:36je pense que nous devons nous interroger
00:29:37sur la manière de le faire disparaître chez les victimes.
00:29:42Et je pense que cette responsabilité,
00:29:43nous la portons tous,
00:29:45puisque c'est le regard que la société porte
00:29:47sur les victimes d'agressions sexuelles et de viols
00:29:51qui fait, finalement, qui va faire, finalement, dans le futur,
00:29:56leur capacité à dénoncer,
00:29:58leur capacité à demander justice
00:30:01et surtout leur capacité à se réintégrer dans notre société.
00:30:05Les travaux que vous menez sont essentiels,
00:30:08et c'est pour ça que c'est un honneur pour nous
00:30:09d'y participer avec Antoine Camus,
00:30:12parce que Gisèle Pellicot l'a dit,
00:30:15ce que j'ai fait à ce procès, je ne l'ai pas fait pour moi,
00:30:19je l'ai fait pour ceux qui viendront derrière.
00:30:22Et dans quelques semaines,
00:30:25elle recevra, représentée par son fils,
00:30:28Laurent Pellicot, un prix, le prix Liberté,
00:30:32qui a été décerné à la suite du vote de très nombreux jeunes,
00:30:36plus de 10 000 jeunes à travers toute l'Europe.
00:30:38Et je sais que pour Gisèle Pellicot,
00:30:40c'est le fait de se rendre compte
00:30:44que son message a été reçu,
00:30:46le fait de se rendre compte que le sacrifice qu'elle a fait
00:30:51est aujourd'hui compris,
00:30:53eh bien, c'est pour elle une des plus grandes victoires,
00:30:55et je pense qu'elle aura l'occasion un jour
00:30:57de le dire elle-même, parce qu'on occupe beaucoup
00:31:00la place pour le moment,
00:31:01mais je sais qu'elle aura beaucoup de choses à dire
00:31:04le moment venu.
00:31:05Je vous remercie, madame la présidente.
00:31:07Merci beaucoup. Oui, le temps permet,
00:31:09et la preuve pour les accusés qui,
00:31:12alors qu'ils pensaient faire appel,
00:31:14probablement, le temps aussi a permis pour eux
00:31:17d'avoir un peu de recul sur ce qui s'était passé
00:31:21et sur le fait qu'ils étaient réellement des violeurs.
00:31:24Je vais juste faire un petit...
00:31:25Hier, nous avons remis un rapport
00:31:28avec la délégation en droits des femmes
00:31:30sur la récidive du viol, et effectivement,
00:31:33la conclusion, c'est qu'un violeur n'est pas forcément un fou.
00:31:36Ca peut tout à fait être votre voisin,
00:31:39tout à fait sain d'esprit
00:31:40et parfaitement socialement inséré,
00:31:43et c'est ce que ce procès a montré.
00:31:47Mais maintenant, je me tourne vers nos deux collègues,
00:31:51auteurs d'un rapport sur la soumission chimique
00:31:54remis au gouvernement la semaine dernière,
00:31:56Véronique Guillotin et Sandrine Josseau,
00:31:58que j'invite à se joindre à moi
00:32:01pour que vous puissiez parler face à la salle,
00:32:06ce qui sera plus agréable, à mon avis,
00:32:07et pour vous et pour la salle.
00:32:13Je vous laisse de la place.
00:32:18C'est bon ?
00:32:19Alors, comme je le soulignais au début de cette audition,
00:32:24c'est finalement, d'abord,
00:32:27cette affaire judiciaire très médiatisée,
00:32:29puis le procès lui-même,
00:32:30qui auront révélé à l'opinion publique et aux politiques
00:32:33la question de la soumission chimique
00:32:35comme un objectif d'élimination de la violence
00:32:38et de l'agressivité de la violence.
00:32:41La question de la soumission chimique
00:32:43comme modalité de violence intrafamiliale.
00:32:46C'est ce qui m'a le plus marquée,
00:32:48parce qu'on connaissait le phénomène dans un cadre festif,
00:32:52mais on ne l'imaginait pas dans le cadre familial.
00:32:54Et d'ailleurs, lorsque, avec Émilie Chandler,
00:32:56on avait fait notre plan rouge juif,
00:32:58à aucun moment, ce sujet n'a été évoqué.
00:33:01Et quand j'avais eu l'appel de Sandrine
00:33:04et qu'on en avait discuté, elle m'avait dit
00:33:05qu'est-ce que vous avez fait sur le sujet,
00:33:07mais au moment où on a parlé de violence intrafamiliale,
00:33:10personne ne nous en a parlé.
00:33:13Pas une association, pas un policier ou un gendarme,
00:33:17pas un magistrat, personne ne nous en a parlé.
00:33:21Or, le procès était...
00:33:23Alors, il n'y avait pas encore le procès,
00:33:24mais l'instruction était forcément déjà en cours.
00:33:27Donc, forcément, on avait connaissance
00:33:30du fait que ça pouvait exister, mais personne n'en parlait.
00:33:34Donc ça, c'est très important.
00:33:36Et je pense que votre rapport remis au gouvernement le 12 mai
00:33:40et qui avance 50 propositions, donc 15 prioritaires,
00:33:44va être de nature à mieux détecter
00:33:47et sanctionner le recours à la soumission chimique,
00:33:49ainsi que sensibiliser et accompagner les victimes.
00:33:53Il appelle à la lutte contre la soumission chimique
00:33:56une priorité nationale,
00:33:57beaucoup de priorités nationales,
00:33:59mais la protection des femmes
00:34:01me paraît être une priorité nationale de toute façon.
00:34:06Donc, je vous laisse la parole, mes chers collègues.
00:34:10Merci, madame... On entend ?
00:34:13Oui, c'est bon ? OK.
00:34:15Merci, madame la présidente, chère Dominique,
00:34:18mesdames les sénatrices,
00:34:23chers maîtres.
00:34:25Déjà, vous dire que je suis ravie...
00:34:27J'étais déjà hier, effectivement, à la remise du rapport
00:34:30à la délégation du droit des femmes hier après-midi
00:34:33et ravie, avec Sandrine, de pouvoir,
00:34:35après l'avoir présentée à l'Assemblée nationale,
00:34:38présentée, bien sûr, dans cette belle maison
00:34:42qu'est le Sénat et je pense qu'il va pouvoir enrichir
00:34:45les travaux de la délégation.
00:34:46Et je pense que c'est à la fois un honneur
00:34:48et de vous entendre aujourd'hui
00:34:50vous exprimer sur cette affaire inédite.
00:34:54Alors, effectivement, nous avons remis ce rapport
00:34:57sur la soumission chimique le 12 mai au gouvernement.
00:35:00Une mission doit durer théoriquement 6 mois.
00:35:03On l'a remis plus d'un an
00:35:05après notre 1re nomination,
00:35:08simplement liée aux multiples rebondissements
00:35:12et soubresauts de la vie politique.
00:35:17Donc ça n'a pas été, pour plein de raisons,
00:35:20un long chemin tranquille,
00:35:21mais en tout cas, c'est chose faite.
00:35:25Et nous n'avons pas, malgré ces difficultés,
00:35:27en tout cas, ce rapport a été au bout de son travail
00:35:31et je crois que les conclusions vont pouvoir,
00:35:34en tout cas, je l'espère, être déversées
00:35:36dans cette réflexion collective que vous appelez de vos voeux.
00:35:40Vous l'avez dit, maître, ce rapport,
00:35:43comme cette histoire et ce procès
00:35:45n'est pas un rapport parlementaire comme les autres.
00:35:49Bien avant que le procès Pellicot ne débute,
00:35:52nous avions fait le choix, en fait,
00:35:54d'entamer nos travaux par une 1re table ronde
00:35:56et ça a été peut-être la 1re réflexion
00:35:58que nous nous sommes entendues avec Sandrine Jossot,
00:36:02c'est de se dire que la 1re table ronde
00:36:04doit être réservée aux victimes,
00:36:07parce que c'est pour elle
00:36:10que le rapport doit être construit
00:36:11et c'est avec elle qu'il doit être construit.
00:36:15C'est également le moyen pour nous de comprendre
00:36:19et tenter de décrypter les différents mécanismes
00:36:22et peut-être les différents fils attirés
00:36:24autour de la soumission chimique
00:36:31pour nous dire sur quel axe nous devons travailler
00:36:33et je crois que c'est vraiment pour cela que nous l'avons fait.
00:36:36Et puis, une fois que l'affaire Pellicot
00:36:40a explosé au grand jour,
00:36:42je crois que le courage de Gisèle Pellicot,
00:36:46en fait, nous a obligés et nous oblige encore à nous y pencher.
00:36:51Alors, ça a été dit, plus de 50 auditions,
00:36:5515 déplacements, 4 groupes de travail
00:36:59et ce rapport, en fait, conclut à 50 recommandations
00:37:03qui s'articulent autour de quelques axes prioritaires,
00:37:06mais 15, et on insistera un peu plus sur celle-ci,
00:37:0915 recommandations qui doivent être
00:37:12et qui devraient être mises en place de manière immédiate
00:37:15et 50 autres de manière peut-être à moyen et plus long terme.
00:37:21Les axes prioritaires autour duquel ce rapport s'articule,
00:37:26c'est déjà la meilleure définition de la soumission chimique.
00:37:30Qu'est-ce que la définition chimique ?
00:37:31Quels mots on doit poser dessus ?
00:37:33Parce qu'on ne peut comprendre que ce qui est bien décrit.
00:37:38Et puis, reconnaître également la vulnérabilité chimique
00:37:42comme une circonstance aggravante
00:37:44et là, ça rejoint un peu cette notion, je crois,
00:37:46de culpabilité, de honte.
00:37:48J'ai bu, j'ai fumé, il m'est arrivé ça,
00:37:51mais c'est peut-être aussi un petit peu de ma faute.
00:37:54Donc je pense que ça, c'était le 1er axe important
00:37:57et autour de ça, c'est renforcer la sensibilisation de tous,
00:38:02mais la formation des professionnels,
00:38:04tous les professionnels de 1er recours
00:38:06vers lesquels la victime va s'adresser.
00:38:09Le 2e axe, c'est mieux prendre en charge les victimes, bien sûr,
00:38:13mieux les entendre, mieux les écouter, mieux les accompagner,
00:38:16mieux encourager le dépôt de plaintes,
00:38:18améliorer leur accueil en tout lieu,
00:38:21sécuriser la course contre la montre du recueil de preuves
00:38:24et le dernier axe autour duquel ce rapport s'articule,
00:38:26c'est développer la recherche
00:38:28et mieux lutter contre la cybercriminalité,
00:38:31vous l'avez dit.
00:38:3215 recommandations,
00:38:34notamment, sont à mettre en oeuvre et en priorité.
00:38:37Tout d'abord, l'éducation.
00:38:40L'éducation et la formation qui tiennent une place centrale
00:38:44sur ce rapport, c'est pas tellement
00:38:45les bascules législatives, en fait,
00:38:47ou les points législatifs.
00:38:49Il y en a deux, c'est pas... On en parlera,
00:38:51mais voilà, c'est, dès le plus jeune âge,
00:38:53comment on éduque, on forme,
00:38:57quel rôle de l'éducation nationale,
00:38:58comment on renforce ça, quel rôle de la parentalité
00:39:01et puis quel rôle collectif nous avons à jouer
00:39:04sur ce sujet.
00:39:08Bien sûr, la prévention à l'école.
00:39:11Plusieurs recommandations insistent sur ce sujet
00:39:13car des jeunes sensibilisés, j'ai été...
00:39:16Je suis très en accord avec ce qu'a dit votre collègue,
00:39:19votre collègue maître, Stéphane, voilà.
00:39:23Je crois que c'est pas qu'une génération
00:39:25quand on éduque un enfant, c'est plusieurs générations
00:39:28qui peuvent être impactées positivement
00:39:30ou négativement, justement, et des jeunes sensibilisés,
00:39:33ce sont clairement des agressions en moins.
00:39:37Ensuite, les professionnels formés,
00:39:40c'est également des victimes mieux prises en charge
00:39:42et des surtraubatismes évités.
00:39:45Il nous faut collectivement prendre ce sujet à bras le corps
00:39:48pour améliorer concrètement l'accueil
00:39:49et l'accompagnement des victimes
00:39:51chez les forces de l'ordre, les procureurs, les juges,
00:39:53les avocats, bien sûr.
00:39:54Et puis les professionnels de santé,
00:39:57étant moi-même médecin, la 1re interrogation,
00:40:02je me suis retournée sur ce procès et j'ai eu...
00:40:05J'ai eu cette réflexion de me dire, mais comment est-ce possible ?
00:40:08Comment est-ce possible, 10 ans, chez des médecins,
00:40:1110 ans chez des spécialistes,
00:40:14chez des généralistes, des gynéco-obstétriciens,
00:40:15voire des gérontologues, si j'ai bien compris,
00:40:18parce qu'il y a eu aussi une suspicion de diagnostic,
00:40:22de démence, peut-être précoce.
00:40:26Et je me suis posée clairement la question,
00:40:27est-ce que toi, si tu avais eu cette patiente-là
00:40:29en face de toi, est-ce que tu y aurais pensé ?
00:40:32Je crois que non.
00:40:33Je crois que non, parce que ce n'est pas la petite lumière
00:40:37qui se sera allumée dans mon cerveau après 10 ans d'études
00:40:40en me disant, oui, c'est peut-être le petit mouton à cinq pattes
00:40:43auquel il faut penser.
00:40:44Je crois que là, on a un vrai travail collectif à faire
00:40:48chez l'ensemble des professionnels,
00:40:50qu'ils soient de santé, mais pas que.
00:40:52Et puis, en fait, améliorer le dépistage,
00:40:53l'orientation et l'accompagnement des victimes
00:40:55de soumissions chimiques, de vulnérabilité.
00:40:57On préconise, dès cette année, en fait,
00:41:02un référentiel de la haute autorité de santé
00:41:05pour qu'il y ait des recommandations
00:41:06spécifiquement destinées aux professionnels de santé
00:41:09et qui permettront à la fois de clarifier
00:41:11un parcours de prise en charge
00:41:14qui est aujourd'hui peu lisible.
00:41:16Nous avons suggéré au gouvernement
00:41:18de le publier le 25 novembre prochain
00:41:20à l'occasion de la journée internationale
00:41:22de lutte contre les violences faites aux femmes.
00:41:25Enfin, nous demandons également une sensibilisation
00:41:27à la soumission chimique dans le cadre du service sanitaire
00:41:30des étudiants en santé,
00:41:32service sanitaire qui dure six semaines,
00:41:35qui est réalisé pour tous les étudiants
00:41:37en médecine, pharmacie, maïeutique,
00:41:39masse au kinésithérapie, odontose ou infirmier.
00:41:41Je vous les cite pour vous montrer le panel
00:41:43et l'importance de cette sensibilisation
00:41:46sur un nombre important de professionnels,
00:41:48pas que les médecins,
00:41:51parce qu'une patiente traumatisée
00:41:52peut se retrouver chez un kinésithérapeute
00:41:54pour une raison ou pour une autre,
00:41:56des tensions qui pourraient être liées
00:41:58à un psychotrauma, par exemple.
00:42:00Et il nous a semblé indispensable
00:42:02de toucher l'ensemble de ces jeunes étudiants en santé.
00:42:06Et puis, ce que nous a relevé effectivement les doyens,
00:42:10c'est que poursuivre une formation
00:42:12dès la 6e année, plus ciblée justement
00:42:15sur la pharmacologie du médicament,
00:42:16parce qu'on voit bien que le coeur
00:42:18de la soumission chimique est bien le médicament
00:42:20et pas le GHB en boîte de nuit.
00:42:22Donc, c'est aussi un sujet important.
00:42:24Et puis, continuer sur la formation continue,
00:42:27bien sûr, à chaque fois que c'est possible
00:42:30et que les professionnels le souhaitent.
00:42:33Nous demandons par ailleurs une modification
00:42:35de l'article 226.14 du Code pénal
00:42:37pour élargir la levée du secret médical
00:42:40en cas de soumission chimique.
00:42:42Lorsque le médecin estime en conscience
00:42:45que la victime n'est pas en mesure de se protéger
00:42:48en raison d'une altération temporaire
00:42:50de son discernement et du contrôle de ses actes par un tiers.
00:42:54C'est un des deux points, en fait,
00:42:56qui est demandé sur le plan législatif.
00:43:00Notre mission recommande également
00:43:02une actualisation des textes sur la procédure
00:43:04de recueillement des preuves sans dépôt de plainte,
00:43:07ce qui est un sujet central également,
00:43:10au sein des hôpitaux afin d'y intégrer
00:43:11les victimes de soumission chimique
00:43:13ou de vulnérabilité chimique.
00:43:17En fait, ça avait déjà existé.
00:43:18Il y avait eu des circulaires qui étaient passés
00:43:21suite à une affaire un peu sordide de soumission chimique.
00:43:25Et en fait, c'est retombé.
00:43:26C'est-à-dire qu'à un moment donné,
00:43:27tous les hôpitaux, tous les professionnels de santé
00:43:29avaient reçu des circulaires pour leur dire,
00:43:32en cas de soumission chimique, en cas de vulnérabilité,
00:43:34voilà quel est le processus.
00:43:36Et c'est retombé dans l'oubli.
00:43:38Alors, peut-être aussi un message,
00:43:40je crois qu'il faut qu'on continue à porter cette parole-là
00:43:43pour que cette histoire et cette affaire Pélico
00:43:45ne retombent pas à nouveau une fois l'effet médiatique passé,
00:43:48parce que moi, je reste persuadée que notre rapport est poussé
00:43:52grâce à la médiatisation de l'affaire Pélico.
00:43:54Donc voilà, on a aussi cet héritage-là à porter
00:43:57pour que ça ne retombe pas.
00:44:00Parce que la soumission chimique, effectivement,
00:44:01c'est ce que Sandrine Josseau appelle le crime parfait,
00:44:05sauf que c'est un crime qui laisse des traces.
00:44:09Sauf qu'il faut également savoir à la fois les rechercher,
00:44:11on en a parlé, mais les analyser, pardon,
00:44:14les analyser et les conserver.
00:44:16Parce que ces traces qui sont la bile,
00:44:19qui disparaissent rapidement,
00:44:22restent toutefois le pire ennemi de leurs agresseurs.
00:44:25Cette mesure viendra compléter la généralisation
00:44:28dès janvier 2026, mais tu en parleras peut-être
00:44:30plus longuement de l'expérimentation
00:44:32sur le remboursement des prélèvements biologiques
00:44:35sans dépôt de plainte, qui reste un vrai frein,
00:44:37en tout cas, à la possibilité de judiciarisation
00:44:39de ces crimes.
00:44:42Enfin, la prise en charge des victimes
00:44:43ne peut être décorrélée du soutien à la recherche clinique.
00:44:48Rechercher une recherche en galénique et en toxicologie,
00:44:52on voit bien le but à travers les médicaments,
00:44:55pour le fait de détourner les médicaments
00:44:57de leur usage habituel.
00:44:59Une recherche également en santé sexuelle,
00:45:00indispensable pour mieux comprendre
00:45:02la survenue et le développement des violences sexuelles
00:45:05et construire un parcours de soins
00:45:06afin de les enrayer.
00:45:07Et enfin, une recherche clinique sur le psychotraumatisme
00:45:11lié aux violences sexuelles pour laquelle nous souhaitons
00:45:13la création d'un appel à projets spécifiques
00:45:15dans le cadre de France 2030,
00:45:16qui mentionnera explicitement
00:45:18les situations de soumission chimique.
00:45:20Voilà, si je me suis attardée plus particulièrement
00:45:22sur la santé, je vous l'ai dit, étant moi-même médecin,
00:45:25ça m'a beaucoup interpellée.
00:45:27Mais c'est aussi pour rappeler que nous avons tous
00:45:30une introspection à faire sur la visibilité
00:45:32de ce phénomène pendant des décennies,
00:45:34jusqu'à l'exceptionnel procès des viols de Mazan.
00:45:39Si la soumission et la vulnérabilité chimique
00:45:41ont pu si longtemps prospérer, c'est parce qu'il y a eu,
00:45:44je le nomme assez facilement, une défaillance collective.
00:45:48La médiatisation du procès a laissé place
00:45:50à un traumatisme collectif.
00:45:52Il nous faut désormais passer à une mobilisation collective.
00:45:55Et s'il faut retenir un mot d'ordre,
00:45:57nous souhaitons clairement que ce soit celui-ci.
00:46:00Je ne serai pas plus longue, je pense que j'ai déjà
00:46:02dépassé mon temps de parole, mais je laisse la parole
00:46:04à ma collègue Sandrine Josseau.
00:46:13Merci beaucoup, Véronique.
00:46:17Je tiens à vous remercier, madame la présidente,
00:46:20chers collègues, chers maîtres, chers amis,
00:46:23de nous recevoir ici.
00:46:25C'est un moment important pour Véronique et moi.
00:46:29J'ai eu la chance d'être accompagnée par une sénatrice.
00:46:33Quand moi, j'ai moi-même vécu de la soumission chimique,
00:46:37j'ai pensé qu'il ne fallait plus que ça arrive.
00:46:40Et j'ai aussi eu cette volonté d'intégrer aussi le Sénat,
00:46:46parce que j'ai compris dès le départ
00:46:48qu'il y avait beaucoup de choses à faire
00:46:50et qu'on avait besoin des deux chambres
00:46:52pour mener à bien tout ce qu'on a pu recommander
00:46:58dans ce rapport.
00:46:59Véronique vous a étayé quelques recommandations.
00:47:04Je vais les compléter.
00:47:08Donc, moi, c'est déjà vous dire dans un premier temps
00:47:13que les personnes qui nous ont beaucoup renseignées
00:47:16et dès le départ sur le sujet, ce sont les chercheurs.
00:47:21Les chercheurs, les toxicologues, les pharmacologues
00:47:24qui, dans leur laboratoire, parfois dans les tribunaux,
00:47:31donc à la barre,
00:47:32pouvaient donner quand même pas mal d'informations
00:47:35sur les modes opératoires des prédateurs.
00:47:39On a eu aussi beaucoup d'informations précieuses de victimes,
00:47:43parce que ces victimes, en fait, deviennent quelque part expertes
00:47:48avec le parcours médical qu'elles vivent,
00:47:51le parcours aussi judiciaire.
00:47:54C'est pour ça qu'on a créé au sein de cette mission
00:47:58un groupe de victimes expertes.
00:48:01Il y a quelques recommandations
00:48:04qui demandent à les inclure un petit peu plus
00:48:07dans les instances de décision et notamment sur les territoires,
00:48:12parce que nous croyons aussi à une territorialisation
00:48:16de cette protection contre les violences sexuelles,
00:48:21toute forme, pour les enfants, pour les femmes,
00:48:23bien évidemment, personne n'est épargné.
00:48:27Tout à l'heure, Maître, vous avez parlé aussi du fait
00:48:31qu'est-ce qu'aujourd'hui,
00:48:33on est quelque part dans une phase d'acceptation.
00:48:36En fait, le procès Péilico,
00:48:39ça nous a aussi montré quelque part toutes les horreurs.
00:48:44On a été contraints de regarder ça
00:48:48sans, pour une fois, détourner le regard.
00:48:51Il y a un moment d'acceptation
00:48:53qui est en train de se passer dans la société,
00:48:56accepter peut-être ce qui était difficile à voir,
00:49:00qu'on ne voulait pas voir.
00:49:02Je pense qu'il faut encourager toutes les femmes
00:49:05qui osent parler.
00:49:09Je pense que c'est aussi un acte de protection pour nous tous,
00:49:16les remercier de parler.
00:49:17C'est jamais simple de parler,
00:49:20parce que la société juge avant de comprendre.
00:49:23Je pense que quand quelqu'un est victime de violences sexuelles,
00:49:28quand il parle, quand il se confie,
00:49:30sachez que c'est quand même un cadeau qu'il fait.
00:49:32C'est important de l'accompagner dans cette démarche-là,
00:49:36quel que soit notre rôle dans la société.
00:49:42Sur la loi, les lois à venir,
00:49:45il y aura certainement des choses
00:49:47qui pourront être amenées dans la prochaine loi
00:49:52que propose la ministre Aurore Berger
00:49:55sur pas mal de recommandations de ce rapport.
00:49:58Ca, ça va être un outil pour nous législatifs intéressant,
00:50:02même si vous avez entendu ce matin
00:50:04qu'on ne peut pas tout faire dans la loi.
00:50:08On ne peut pas non plus espérer
00:50:09que ce changement culturel, sociétal,
00:50:13se fasse uniquement au travers de la loi,
00:50:15mais quand même, nul n'est censé ignorer la loi.
00:50:19Je pense qu'il y a quand même des choses à modifier
00:50:21pour accélérer, justement,
00:50:26la conscientisation et puis, quelque part,
00:50:29endiguer tous ces phénomènes de violences sexuelles.
00:50:34On a parlé aussi tout à l'heure de la recherche,
00:50:38de mesurer les effets de ces infractions
00:50:44sur les familles, sur la société toute entière.
00:50:48On a beaucoup de recommandations du rapport
00:50:50qui vont dans ce sens, travailler vers la recherche.
00:50:54Il y a des recherches,
00:50:57il y a des gens qui se sont mobilisés.
00:51:00C'est parfois, malheureusement,
00:51:02des choses qui sont un peu invisibilisées.
00:51:05Il va falloir leur donner un petit peu plus
00:51:07de visibilité parce qu'on a pris conscience
00:51:12tout au long de cette mission que sur des sujets
00:51:15comme, par exemple, les conséquences des violences
00:51:18sur la santé de nous tous sont très importantes.
00:51:23Les violences physiques, les violences psychologiques
00:51:26ont des conséquences énormes avec aussi toute cette conscience
00:51:31que l'épigénétique peut aussi aider
00:51:35à atténuer ces violences-là.
00:51:36Donc c'est aussi avec cet appui-là
00:51:39qu'il y aura des recommandations qui, je l'espère,
00:51:42pourront nous aider à avancer et à mieux comprendre
00:51:46tous ces mécanismes pour les atténuer
00:51:48parce que ça fait effectivement des ravages dans notre société.
00:51:54Et j'ai aussi à cœur, lorsqu'on parle du rapport,
00:51:57d'écouter vos questions.
00:52:00Vous l'avez précisé, Maître Camus et Maître Babonneau,
00:52:05c'est aussi avoir des questions, pouvoir répondre à ces questions.
00:52:08C'est aussi une façon de faire de la sensibilisation.
00:52:11Donc je serai très attentive à vos questions.
00:52:15Le sujet des violences sexuelles, de la soumission chimique
00:52:17a été aussi abordé hier à Cent Expo
00:52:20et on a eu énormément de questions de professionnels,
00:52:23justement, qui, en fait, se disent
00:52:26mais comment c'est possible ? Que faire ?
00:52:29Et c'est pour ça que, comme l'a précisé Véronique tout à l'heure,
00:52:34on va mettre en place, avec la Haute Autorité de Santé,
00:52:37des fiches réflexes pour que partout,
00:52:41qu'on soit médecin,
00:52:44professionnel de santé,
00:52:47aussi, par exemple, tous les professionnels du monde social,
00:52:50pour qu'on puisse avoir vraiment des bons réflexes.
00:52:53Quand on est pompier, que faire ?
00:52:55Quand on est gendarme, que faire ?
00:52:58Aujourd'hui, malheureusement, comme les réflexes ne sont pas là,
00:53:01eh bien, les preuves sont très difficiles
00:53:05à pouvoir, tout simplement, être reconnues
00:53:08comme des bonnes preuves devant un tribunal
00:53:11et donc, ça complexifie tout le parcours des victimes
00:53:14avec aussi de la victimisation secondaire
00:53:17et ça, c'est vraiment terrible.
00:53:19Donc, il y a aussi une obsession dans notre mission,
00:53:22c'est que ça a été aussi faciliter l'accès à la preuve
00:53:26avec aussi toute une recherche,
00:53:28avec un groupe de travail pluridisciplinaire
00:53:31pour mettre en place des kits de prélèvement
00:53:34parce qu'on aurait espéré pouvoir aller, par exemple,
00:53:39dans une pharmacie, acheter un kit de détection,
00:53:44sauf que ce n'est pas possible.
00:53:45Pourquoi ? Parce qu'on n'aura pas de bonnes preuves,
00:53:47parce que la toxicologie est vraiment une science de pointe,
00:53:51qu'on ne peut pas, aujourd'hui,
00:53:54avec un kit tout simple, avoir des résultats.
00:53:57Si on se présente à la barre avec ces résultats-là,
00:54:00on n'y arrivera pas, ce ne sera pas pris en compte.
00:54:03Donc, vous voyez, il faut vraiment faire très attention
00:54:05et dans ce rapport, on a aussi travaillé
00:54:07pour faire en sorte qu'on puisse flécher,
00:54:09en France et en Outre-mer, les laboratoires
00:54:13qui seront des laboratoires vraiment référencés,
00:54:15spécialisés en toxicologie
00:54:17et qui pourront vraiment apporter des preuves irréfutables.
00:54:22Parce qu'aujourd'hui, on pourrait penser
00:54:24que si on va dans un laboratoire de quartier,
00:54:27avec, par exemple, une ordonnance de notre médecin traitant,
00:54:30eh bien, on pourrait tout simplement avoir
00:54:33des résultats d'analyse toxicologique fiables
00:54:36avec une bonne interprétation.
00:54:38Or, ce n'est pas possible.
00:54:40Et là encore, c'est une perte de chance pour les victimes.
00:54:43C'est pour ça qu'il y a un parcours très sérieux
00:54:46qu'il faut mettre en place pour accéder aux preuves.
00:54:49Donc, ce parcours, il est en train de se valider
00:54:52au sein d'un groupe de travail
00:54:53qui perdure au sein de la mission
00:54:56qu'on a eu le plaisir de conduire avec Véronique.
00:55:00Donc, tout ça, c'est aussi au long cours.
00:55:04Je pense que vous avez bien compris
00:55:05que la mission ne s'arrête pas là.
00:55:08Quelque part, on est en continuité
00:55:11et on fera, si vous permettez l'expression,
00:55:13le SAV de la mission partout, dans les ministères,
00:55:16parce qu'on a beaucoup de recommandations
00:55:18qui concernent le ministère de l'Intérieur, par exemple,
00:55:22pour la formation, ne serait-ce que, par exemple,
00:55:25la formation des policiers, des gendarmes.
00:55:27Aujourd'hui, ils sont de mieux en mieux formés,
00:55:29fort heureusement, aux violences sexuelles,
00:55:31mais pas à la soumission chimique.
00:55:33Et ça, c'est très important.
00:55:35Prendre en compte aussi l'état très particulier
00:55:39d'une victime de soumission chimique.
00:55:41Pourquoi ? Parce que vous avez une victime
00:55:45qui a déjà vécu une trahison.
00:55:47Pourquoi ? Parce qu'à 82 %, c'est un proche
00:55:50qui la drogue à son insu.
00:55:53Donc, il y a aussi toute une colère,
00:55:56toute une sidération qui se développe à cet endroit-là,
00:55:58au niveau psychologique, et puis aussi tous les faits
00:56:01cumulés des drogues ou des médicaments,
00:56:05toutes de ces substances qui vont altérer son discernement.
00:56:09Donc, une victime de soumission chimique,
00:56:12une fois sur deux, elle se rappelle de rien.
00:56:14Donc, il faut aussi prendre en compte cela.
00:56:16Une victime de soumission chimique,
00:56:18parfois, elle s'endort, parfois, elle est sédatée,
00:56:22mais parfois, elle a un changement de comportement.
00:56:25Par exemple, il y a des substances qui visent à désinhiber.
00:56:30Donc, on peut avoir une personne qui change de comportement
00:56:34et qui, tout d'un coup, devient hypersensuelle.
00:56:37Donc, c'est très compliqué de pouvoir prendre en compte tout ça,
00:56:42mais les substances n'endorment pas toujours.
00:56:45Et en cela, il faut faire très attention
00:56:47parce que quelqu'un qui, tout à coup,
00:56:50a des comportements complètement inhabituels, hypersensuels,
00:56:55là, on peut se demander ce qui se passe,
00:56:57mais il suffit juste de se dire
00:57:00que quelqu'un qui a un changement de comportement brutal,
00:57:03eh bien, ça doit être vraiment un sujet pour nous tous dans la société
00:57:09et vraiment accompagner ces personnes, jamais les laisser seules.
00:57:13Mais les effets des substances sont vraiment très différents.
00:57:17Et c'est pour ça qu'il faut faire des formations partout,
00:57:20que ce soit à l'École nationale de la magistrature,
00:57:23que ce soit dans les universités,
00:57:25que ce soit auprès des professionnels médicaux, de l'éducation.
00:57:30Donc, on découvre, en fait, ce qu'est la soumission chimique.
00:57:34C'est aussi une expression qui vient de rentrer dans le dictionnaire.
00:57:37Donc, c'est aussi très important de prendre ça en compte.
00:57:40Aujourd'hui, on comprend un peu mieux cette expression
00:57:43parce qu'effectivement,
00:57:46on l'a beaucoup entendue avec le procès Pellicot.
00:57:50Mais sachez que moi, parfois, je demande à certaines personnes,
00:57:55s'ils connaissent l'expression soumission chimique.
00:57:57Eh bien, l'autre jour, on m'a dit,
00:57:59je pensais que c'était en lien avec l'écologie,
00:58:01parce qu'on parle de chimie.
00:58:03Donc, vous voyez, on a encore beaucoup à faire.
00:58:06Malheureusement, ce n'est pas encore tout à fait pris en compte.
00:58:09Donc, je compte aussi sur vous pour sensibiliser
00:58:14et puis pour parler et puis pour vous emparer de ce rapport partout
00:58:18et demander aussi peut-être à Véronique
00:58:22de venir aussi exposer les conclusions du rapport
00:58:25à certains endroits où moi-même,
00:58:28voilà, on le fera avec plaisir et partout où ce sera possible d'aller.
00:58:34Donc, moi, je vais bientôt conclure,
00:58:35mais je pense que vous avez bien compris
00:58:38qu'en fait, ce rapport vise aussi à mettre tout en œuvre
00:58:44pour qu'on ait une société plus protectrice
00:58:49et aussi une société qui ne soit pas fragilisée
00:58:53avec toutes ces violences et cette forme de violence
00:58:56qu'est la soumission chimique.
00:58:58Et encore une fois,
00:58:59il y a aussi quelque chose de très important dans ce rapport,
00:59:02c'est la notion de vulnérabilité chimique.
00:59:05Et aujourd'hui, dans notre société,
00:59:07on en a parlé à plusieurs reprises,
00:59:10notamment au cours du rapport,
00:59:11mais on en parle au quotidien, par exemple,
00:59:15avec le Chemsex, avec plein de choses
00:59:18qui sont aussi satellites de la soumission chimique.
00:59:22Ça doit tous nous alerter.
00:59:24On a monté un groupe aussi de cybercriminalités
00:59:29avec des experts au sein de la mission.
00:59:32Malheureusement, le monde virtuel accélère.
00:59:37En fait, tous ces modes opératoires,
00:59:39donc il faut quand même en avoir conscience.
00:59:41Il y a des prédateurs qui œuvrent en toute impunité,
00:59:46par exemple, dans des sites de rencontres
00:59:48ou à plein d'endroits, par exemple, de réseaux sociaux.
00:59:53Sachez-le, il y a beaucoup à faire aussi au niveau des entreprises
00:59:57pour faire en sorte que les entreprises aussi mettent en place
01:00:00des vrais plans de prévention
01:00:03et que pour, enfin, comme disait Gisèle Pellicot,
01:00:08que la honte change de camp,
01:00:10mais aussi que la peur change de camp,
01:00:12que toutes les victimes puissent être accompagnées partout
01:00:15et qu'une victime qui dénonce est une victime courageuse.
01:00:20Je vous remercie.
01:00:22Merci beaucoup.
01:00:23En fait, je note qu'au fil des rapports et au fil des affaires,
01:00:28on relève toujours la même chose.
01:00:30Formation de tous,
01:00:32services sociaux, éducation nationale.
01:00:34Formation.
01:00:36Formation, c'est pas forcément plus d'argent.
01:00:38Formation, c'est pas forcément plus d'argent.
01:00:40C'est juste que dans les programmes qu'on était accurés,
01:00:45quand on parle, par exemple, de la santé des femmes
01:00:48et des problèmes de coeur,
01:00:51vous savez, où l'infarctus n'était pas détecté
01:00:53parce que les symptômes chez les femmes
01:00:55ne sont pas les mêmes que chez les hommes,
01:00:56c'est juste un problème de formation
01:00:58et se dire que les médecins ne sont pas formés
01:01:00aux réactions des femmes
01:01:03et du coup ne sachent pas le détecter,
01:01:05on se dit que c'est totalement absurde.
01:01:07Donc c'est vraiment un problème de programme
01:01:10au niveau des formations.
01:01:12Cela dit, je parlais de médecine, je reviens.
01:01:15Les médecins sont interrogés quand même de façon assez régulière.
01:01:19Et vous parliez de médias.
01:01:21C'est vrai que les viols de maison ont été fortement médiatisés.
01:01:25Je trouve qu'on n'a pas du tout cette médiatisation
01:01:27avec le procès, le Squarnec.
01:01:29Excusez-moi, il y a aussi un grand nombre de victimes mineures.
01:01:33Et peut-être qu'on pourrait s'interroger de savoir
01:01:36pourquoi ça n'a pas plus de retentissement
01:01:38alors que c'est effectivement aussi très violent.
01:01:43Tout ne passe pas par la loi, effectivement.
01:01:45Très bonne nouvelle, en fait.
01:01:46Très bonne nouvelle, surtout en ce moment.
01:01:47Objectivement, moins on fait passer de loi
01:01:49et plus on peut faire en réglementaire
01:01:51et plus on se dit qu'on pourra agir vite.
01:01:54La prise en compte du psychotraumatisme,
01:01:56là encore, de rapport en rapport,
01:01:59que ce soit sur les violences sexuelles sur les mineurs,
01:02:03je regarde Marie Mercier,
01:02:04que ce soit d'une façon générale la récidive du viol,
01:02:09tous nos rapporteurs pourraient vous le dire,
01:02:11la prise en compte du psychotraumatisme
01:02:13est effectivement très intéressante.
01:02:16Je vais laisser la parole à mes collègues.
01:02:20J'ai une question qui s'adresse vraiment à vous.
01:02:24Est-ce que si la loi avait déjà été changée
01:02:28au niveau de la définition du viol
01:02:29en introduisant le consentement, ça vous aurait servi ?
01:02:35Je vais peut-être commencer à répondre.
01:02:39Pour moi, clairement pas, parce que...
01:02:41Enfin, preuve en est,
01:02:43tous les accusés ont été condamnés,
01:02:45alors même que le texte n'avait pas évolué.
01:02:50Donc, en réalité, le texte de l'époque,
01:02:54en tout cas, très clairement,
01:02:55était suffisant pour comprendre ce qu'est un viol
01:03:00et entrer en voie de condamnation.
01:03:02Parce qu'il y avait des preuves, bien sûr.
01:03:05Bien sûr, mais dans le cadre d'un nouveau texte,
01:03:08en réalité, le problème de la preuve
01:03:09restera de toute façon central.
01:03:13C'était un petit clin d'œil à Elsa Schalk.
01:03:16Je vais donc laisser maintenant la parole à mes collègues,
01:03:21parce que nous serons toutes les deux rapporteurs sur le sujet.
01:03:25Donc, j'ai deux demandes de parole.
01:03:28Olivia Richard, puis Annick Billon.
01:03:33Et Elsa Schalk.
01:03:36Merci, madame la présidente.
01:03:41Cher maître et chère mesdames les rapporteurs,
01:03:44merci pour cet échange qui est évidemment passionnant
01:03:47et qui était, je pense, très important
01:03:49pour chacune d'entre nous qui sommes membres de délégations
01:03:52ou impliquées dans la lutte contre les violences sexuelles
01:03:56faites aux femmes, aux enfants et aux hommes aussi,
01:03:58ne les oublions pas, c'est 10 % des victimes.
01:04:01Ils sont donc minoritaires, mais ils existent
01:04:03et plusieurs personnes me le font remarquer assez régulièrement.
01:04:09Cher maître, vous avez tous les deux parlé
01:04:11de ce que ça remet en cause dans notre société,
01:04:15soit avec pessimisme, soit avec espoir.
01:04:17Je note que beaucoup d'hommes,
01:04:19à la suite du procès et de la médiatisation
01:04:22des viols de Mazan,
01:04:25se sont remis en cause.
01:04:27Mais n'observe-t-on pas également un mouvement inverse
01:04:31de réaffirmation d'une masculinité
01:04:35qui se sent annihilée par un féminisme
01:04:37qui, en fait, ne demande que la protection
01:04:40des droits des femmes et des femmes ?
01:04:42Est-ce que vous êtes...
01:04:44A votre avis, comment peut-on
01:04:47essayer de contrebalancer,
01:04:49enfin, d'éviter ce balancier
01:04:52entre progrès et réaction
01:04:55qui fait que, quand on affirme plus fort
01:04:57qu'il faut se battre pour un droit,
01:04:59à l'inverse, et en miroir,
01:05:02d'autres réclament...
01:05:05Ca va, c'est bon, vous l'avez maintenant.
01:05:07Donc je ne sais pas, et vu...
01:05:09Vous avez cité des travaux très importants
01:05:12de la délégation des droits des femmes du Sénat
01:05:14sur le porno, l'influence du porno,
01:05:16la traite, les tortures, les actes de barbarie.
01:05:19Comment on fait, à l'avenir ?
01:05:21Vous avez parlé d'éducation.
01:05:23Comment vous pouvez convaincre les hommes
01:05:26de rejoindre ça ?
01:05:27Parce que vous avez bien raison,
01:05:29on n'arrivera pas sans eux.
01:05:30Merci beaucoup.
01:05:32Anne Higbillon ?
01:05:34Merci, madame la présidente.
01:05:36Merci à vous, maître,
01:05:37et merci à nos deux collègues,
01:05:40députés et sénatrices,
01:05:42pour leur exposé.
01:05:44Et la qualité du travail qui a été menée,
01:05:46parce qu'hier, je regardais
01:05:48les 50 propositions,
01:05:50et je pense véritablement
01:05:52qu'il y a énormément de choses
01:05:53dans ces 50 propositions
01:05:55qui peuvent être en capacité
01:05:58de changer les choses
01:05:59pour la soumission chimique.
01:06:01Je trouve cette audition, madame la présidente,
01:06:04très intéressante à plus d'un titre,
01:06:06à la fois parce que nous avons avec nous
01:06:10les avocats de l'affaire Gisèle Pellicot,
01:06:13et qu'ils ont eu des mots extrêmement importants
01:06:16à souligner lors de leurs propos,
01:06:19et parce que, dans le même temps,
01:06:20il y a eu ce travail mené par le Parlement,
01:06:24et les deux concomitamment,
01:06:27ça permet de mettre en exergue
01:06:29quelque chose qui n'aurait pas été possible
01:06:31si, à la fois, il n'y avait pas eu le courage
01:06:33de Gisèle Pellicot
01:06:36pour rendre public tout ce qu'elle avait vécu,
01:06:40mais en même temps, ça apporte du poids
01:06:43véritablement à vos travaux,
01:06:45et je trouve ça très intéressant.
01:06:47Pourquoi ? Parce que c'est un sujet de société,
01:06:52et vous l'avez dit, au-delà des chiffres,
01:06:54de la victime qui a subi des faits graves,
01:06:58d'une importance extrêmement grave,
01:07:02en réalité, il faut pouvoir
01:07:05le faire passer dans la société.
01:07:08Vous l'avez dit, maître, au début de votre propos.
01:07:10Et si on regarde des exemples récents,
01:07:13pour avoir porté la proposition de loi
01:07:16devenue loi sur le seuil de non-consentement,
01:07:19et un certain nombre de collègues qui m'avaient soutenu
01:07:21à ce moment-là sont dans la salle,
01:07:24nous avons réussi, au sein du Sénat,
01:07:27à sortir et à faire voter ce texte
01:07:30très largement à l'unanimité.
01:07:31Pourquoi ? Parce qu'au même moment,
01:07:34il y avait une actualité,
01:07:37c'était le livre de Camille Kouchner
01:07:39sur l'inceste.
01:07:41Donc on se rend compte que parfois,
01:07:43nous, législateurs,
01:07:45pour mettre en exergue nos travaux,
01:07:47nous avons besoin de vous, en l'occurrence,
01:07:51du courage de Gisèle Pellicot,
01:07:53qui a eu... Cette affaire a eu un retentissement
01:07:57national, international,
01:07:59et a changé véritablement
01:08:01le regard que nous pouvions porter.
01:08:03Madame la présidente disait,
01:08:05la soumission chimique était jusqu'alors
01:08:07associée à un côté festif.
01:08:09En gros, ça se résumait à dire à nos enfants,
01:08:12pour ce qui est de mon âge,
01:08:14attention lorsque vous sortez,
01:08:16à prendre véritablement conscience
01:08:19que le cercle familial
01:08:20dans lequel il y a déjà beaucoup d'inceste,
01:08:23beaucoup de violence,
01:08:24puisque la civise a démontré
01:08:26qu'il y avait environ 200 000 victimes,
01:08:29eh bien le cercle familial,
01:08:31c'était aussi un cercle
01:08:33dans lequel il pouvait y avoir
01:08:35de la soumission chimique.
01:08:37Je voudrais juste faire un petit parallèle
01:08:40et vous dire qu'au Sénat,
01:08:42avec la délégation aux droits des femmes,
01:08:44nous avons porté des travaux
01:08:45sur l'industrie de la pornographie.
01:08:47Avec la présidente qui a organisé
01:08:50un événement à l'ONU sur ce travail,
01:08:53nous étions les précurseurs.
01:08:54Vous avez raison de dire, maître,
01:08:56que c'est l'éducation,
01:08:58ça a été prouvé dans notre rapport,
01:09:00nous éduquerons depuis plus de 20 ans
01:09:02des générations entières à l'industrie,
01:09:04avec l'industrie de la pornographie.
01:09:06Vous avez parlé de 12 ans,
01:09:08en réalité, la moitié des enfants de 9 ans,
01:09:10désormais, ont vu des images,
01:09:12de manière volontaire ou involontaire,
01:09:14des images pornographiques.
01:09:16Ce visionnage a des conséquences
01:09:18extrêmement graves sur leur construction,
01:09:22sur la notion du consentement,
01:09:24sur la capacité d'empathie,
01:09:27et ça a été démontré dans ce travail
01:09:29Porno, l'enfer du décor.
01:09:31Alors, ce travail,
01:09:33nous avons pu le mener,
01:09:35et il y a eu, au fil du temps, un intérêt,
01:09:38c'était, finalement, parce que chacun
01:09:40a des enfants, des petits-enfants,
01:09:42parce qu'on pouvait se dire aussi,
01:09:43chacun fait comme il veut,
01:09:44s'il veut voir des images pornographiques.
01:09:46Et ce travail, finalement,
01:09:48lorsqu'on dit des enfants
01:09:50où ces petits-enfants sont touchés,
01:09:51on arrive quand même à toucher un peu plus de monde
01:09:53pour se dire, le sujet est grave.
01:09:56Eh bien, dans ce cas-là aussi,
01:09:58nous avons besoin, finalement,
01:10:00pour changer ce regard de la société,
01:10:02parce que là, c'est un sujet de société,
01:10:04la soumission chimique aussi,
01:10:06malgré vos 50 propositions,
01:10:08eh bien, nous avons besoin de condamnation.
01:10:10Et il y a eu une décision
01:10:12que rappelait notre collègue
01:10:13Laurence Rossignol hier,
01:10:15l'affaire French Book A.K.
01:10:16Nous aussi, mesdames, nous avons voulu entendre,
01:10:19au début de nos travaux sur l'industrie pornographique,
01:10:22les associations, les victimes,
01:10:23ces associations qui portaient la parole des victimes.
01:10:27Eh bien, le 16 mai 2025,
01:10:30il y a eu une décision qui est majeure
01:10:33de la Cour de cassation,
01:10:34qui a cassé une décision
01:10:36de la Chambre d'instruction de la Cour d'appel de Paris,
01:10:39qui était cette décision, en réalité,
01:10:41entachée de stéréotypes sexistes
01:10:43et également racistes.
01:10:45Eh bien, désormais,
01:10:47ce que nous avions démontré dans notre rapport,
01:10:49c'est qu'à partir du moment
01:10:50où vous avez l'achat d'actes sexuels,
01:10:53l'affaire French Book A.K. est le cas,
01:10:55eh bien, ces personnes sont condamnables.
01:10:57Nous avons besoin de la justice
01:10:59pour avancer sur ces sujets-là
01:11:00et que ces affaires soient retentissantes
01:11:03et que les victimes, finalement...
01:11:05Il leur faut déjà beaucoup de courage.
01:11:07Et vous avez eu raison, pardon,
01:11:10de le dire, chers collègues,
01:11:13pour témoigner, pour dire les choses.
01:11:16Il faut qu'elles soient entendues,
01:11:17mais après, effectivement,
01:11:19c'est d'autant plus difficile
01:11:22d'être aussi, finalement, porte-parole.
01:11:25C'est difficile d'être porte-parole.
01:11:27Donc, moi, ce que je voudrais dire, c'est que...
01:11:30Si on peut arriver, parce qu'il y a d'autres questions,
01:11:32et le temps avance.
01:11:34Il y a une industrie qui prolifère.
01:11:36Il faut tout mettre en oeuvre,
01:11:37et nous l'avons proposé au Sénat,
01:11:39pour cette industrie de la pornographie
01:11:41qui biaise l'éducation à la sexualité.
01:11:43Donc, moi, j'adhère à toutes les propositions.
01:11:46J'avais une question,
01:11:47et c'est pour ça que j'étais un petit peu longue.
01:11:48C'était... Non, non.
01:11:50C'était sur le consentement.
01:11:52Je ne suis pas persuadée
01:11:54que la notion de consentement inscrite dans la loi
01:11:57va faciliter les choses.
01:11:59Et donc, de l'espoir, malgré tout,
01:12:02parce que la société peut changer.
01:12:03Nous avons le devoir de faire changer la société,
01:12:07à la fois du côté législatif
01:12:09et à la fois du côté de l'actualité et du droit.
01:12:14Elsa Schalk, Marie-Pierre Meunier,
01:12:17Marie Mercier,
01:12:19et Evelyne Corbière-Namazon.
01:12:22Merci, madame la présidente.
01:12:23A mon tour de saluer et de remercier, en fait,
01:12:26nos intervenants pour cette audition qui est passionnante,
01:12:29de remercier également nos deux collègues
01:12:32pour ce rapport à la fois très complet
01:12:35avec les 50 recommandations et les 15
01:12:38qui doivent, effectivement, opérer dans un temps
01:12:41beaucoup plus court.
01:12:42Et merci, en fait, de mettre des mots, justement,
01:12:45sur, finalement, un phénomène et un véritable fléau
01:12:49que nous devons combattre toute la société.
01:12:52Effectivement, on l'évoquait tout à l'heure,
01:12:54il ne s'agit pas seulement d'une question, en fait,
01:12:56qui concerne les femmes,
01:12:58mais qui concerne aussi, en fait, les hommes.
01:13:00Et les hommes eux-mêmes, en fait, doivent pouvoir
01:13:03se rendre compte et se saisir de ces différentes questions.
01:13:06Remercier les avocats pour vos propos,
01:13:11pour aussi l'assistance.
01:13:13Hélène, nous savons à quel point l'importance des avocats
01:13:16dans un procès comme celui-là,
01:13:18face aussi au courage de Gisèle Pellicot,
01:13:22qui a eu ce geste politique,
01:13:23parce que c'est un geste politique
01:13:25d'avoir refusé le huis clos
01:13:27et de faire en sorte que la société,
01:13:29dans son intégralité, et le monde entier,
01:13:32puisqu'on a vu qu'il y avait aussi une émotion,
01:13:34pas seulement dans notre pays,
01:13:36mais également à travers les frontières,
01:13:39sur à la fois le drame,
01:13:40mais aussi l'horreur, évidemment, vécue.
01:13:44Je voulais revenir peut-être sur deux points.
01:13:46Effectivement, la question, en fait, du consentement.
01:13:48Maître Camus, vous avez été très clair dans votre réponse,
01:13:53mais vous l'évoquiez d'ailleurs dans votre plaidoirie
01:13:56sur la question qui revenait, semble-t-il,
01:13:59dans le procès, de la question,
01:14:01qu'il est quand même très malheureux, en 2024,
01:14:03que des femmes doivent démontrer, justement,
01:14:07ce qu'est une bonne victime.
01:14:09Je reprends les termes bonne victime.
01:14:11Est-ce que vous pensez, justement,
01:14:13que le changement dans la définition du viol,
01:14:17puisque c'est un texte qui va arriver sous peu au Sénat,
01:14:22justement, si elle ne modifie pas cette possibilité,
01:14:26puisqu'il faudra toujours rapporter effectivement la preuve,
01:14:28nous l'avons bien compris,
01:14:29mais change ce paradigme par rapport, en fait, à la victime
01:14:33et qu'on ne se focalise pas systématiquement,
01:14:36malheureusement, sur la victime,
01:14:37comme c'est le cas à l'heure actuelle,
01:14:39mais qu'on commence quand même à s'interroger
01:14:40sur le comportement, en fait, des auteurs et des accusés ?
01:14:44Est-ce que vous pensez que là-dessus,
01:14:46la définition pourrait évoluer ?
01:14:48Et dans votre plaidoirie, vous évoquiez aussi le fait
01:14:51que dans notre droit pénal à l'heure actuelle,
01:14:53il n'y ait pas de responsabilité solidaire.
01:14:57Est-ce que vous pensez que c'est une lacune
01:14:59de notre droit pénal à l'heure actuelle
01:15:01ou est-ce qu'il faut rester sur ce principe constant
01:15:05de responsabilité individuelle ?
01:15:07Je vous remercie.
01:15:10Marie-Pierre Meunier.
01:15:11Merci, madame la présidente.
01:15:13Merci pour cette audition.
01:15:15Merci à vous de vous être déplacés
01:15:17et pour les propos que vous avez tenus.
01:15:20Je pense que cela fera du bien aux victimes de vous entendre.
01:15:24Moi, j'avais d'abord des remarques et puis quelques questions.
01:15:28Ah oui, la honte et la peur doivent changer de camp.
01:15:32Mais comment vont-elles changer de camp ?
01:15:34Et quand ?
01:15:36Parce que les violences faites aux femmes,
01:15:37c'est un sujet qui est porté au sein de la délégation,
01:15:39que nous portons sur nos départements.
01:15:41Moi, les gendarmes avec qui je suis en lien,
01:15:43souvent me disent que c'est sans cesse en augmentation
01:15:46et que ça leur prend beaucoup de temps pour s'occuper de ça.
01:15:49Donc c'est vraiment très prégnant.
01:15:51Pourtant, des plans, il y en a eu, des rapports, il y en a eu.
01:15:54C'est au grand jour, mais ça n'est pas efficace.
01:15:58Donc c'est quand même...
01:16:00Il faut arriver à des choses très concrètes.
01:16:03Maître, dans un des deux, je ne sais plus lequel,
01:16:05vous avez relaté les propos des violeurs
01:16:08et qui se justifient en disant
01:16:10qu'ils ont demandé au mari le consentement et pas à la femme.
01:16:15Vous imaginez ce que ça envoie pour les femmes ?
01:16:17Mais qu'est-ce qu'on est ?
01:16:18Des objets, des êtres dénués de sens humain ?
01:16:21Enfin, c'est terrible.
01:16:23Pardon ?
01:16:24Ca ne fait pas longtemps qu'on a le droit de travailler
01:16:26sans demander l'accord de son mari.
01:16:27Voilà. Donc ça aussi, ça dit où on en est dans notre société,
01:16:32où il est grand temps d'agir.
01:16:34Alors, vous avez parlé justement, un des deux,
01:16:37sur l'ancrage profond de tout un tas de clichés et de stéréotypes.
01:16:42J'aimerais que vous développiez un petit peu plus
01:16:44et si vous avez des pistes aussi pour que cela bouge.
01:16:47Vous avez parlé du consentement.
01:16:50Est-ce qu'il faut le mettre dans la loi ou pas ?
01:16:51Je ne sais pas quelle efficacité il y aura au niveau de la loi,
01:16:54mais je suis certaine qu'au niveau de la société,
01:16:56si on dit qu'il faut un consentement,
01:16:58ça pose quand même les choses.
01:17:01Et me réexpliquer pourquoi.
01:17:02Vous avez dit que là, en l'occurrence,
01:17:03il y avait des preuves, mais dans des cas où il n'y en a pas,
01:17:06si quand même on doit obligatoirement...
01:17:08Je comprends bien que ça doit être compliqué
01:17:09de demander la preuve du consentement,
01:17:11mais enfin, c'est quand même le sujet.
01:17:15Et enfin, deux autres questions, après j'en termine,
01:17:17de ma collègue qui voulait sur les produits
01:17:19qui sont utilisés pour la soumission chimique.
01:17:22Est-ce que ce sont des produits qui existent dans le commerce ?
01:17:25Est-ce que ce sont des choses qui sont dans un marché parallèle ?
01:17:27Enfin, développez un petit peu.
01:17:28Et enfin, pour mesdames les parlementaires,
01:17:31j'ai vu dans les 15 recommandations
01:17:33qui sont à mettre en place immédiatement,
01:17:36certaines sont cibles, le PLFSS,
01:17:39projet de loi de financement à la Sécurité sociale,
01:17:41ou projet de loi de finances.
01:17:43Donc, je suppose que vous avez déjà...
01:17:45Vous êtes entretenue. Est-ce que vous avez des engagements,
01:17:48je dirais, pas avec la ministre des Droits des femmes,
01:17:50ni avec Mme Borne, je dirais avec le ministre du Budget,
01:17:53qui, lui, sera prêt, bien sûr, à mettre de l'argent.
01:17:56Parmi les autres, est-ce qu'il y en a d'autres
01:17:58où vous allez, vous, être les porte-parole
01:18:00pour aller rencontrer tous ceux qui peuvent mettre en place
01:18:03et celles qui peuvent mettre en place pour mesure ?
01:18:05Vous avez dit que vous étiez prête à vous déplacer
01:18:07pour venir présenter votre mission, c'est super,
01:18:09mais est-ce que vous, vous allez continuer,
01:18:10après cette mission, à solliciter...
01:18:13Voilà, tous ceux qui peuvent appliquer vos mesures ?
01:18:16Et puis, je crois que j'ai fini.
01:18:21Marie Mercier.
01:18:22Merci, madame la présidente.
01:18:24Je pense que le point commun,
01:18:26c'est ce qu'on pourrait appeler un porté à connaissances.
01:18:30Donc, je voudrais d'abord m'adresser à Véronique.
01:18:33Ce que tu as dit me marque beaucoup.
01:18:35Si on avait eu un patient avec cette pathologie,
01:18:37on n'y aurait pas pensé.
01:18:40On n'y aurait pas pensé, tout simplement
01:18:41parce qu'on ne l'a pas appris.
01:18:43Donc, nous apprenons à poser un diagnostic.
01:18:46Et ça, on ne peut pas le faire, nous ne le savions pas.
01:18:50Pour notre collègue Sandrine,
01:18:54moi, je voulais te remercier aussi
01:18:56de ce porté à connaissances public.
01:18:59Quand on est une femme, on a une victime.
01:19:02On a souvent toujours le doute pour la victime,
01:19:04mais en plus, quand on est une femme politique,
01:19:07on doit être encore plus forte.
01:19:10Et quand on subit ce genre de choses
01:19:12dans l'exercice, finalement, de notre mandat,
01:19:15pour toi, ça a été une soumission chimique,
01:19:17pour d'autres, ça peut être autre chose,
01:19:19il y a une forme de honte qui nous empêche, après, de le dire.
01:19:25Parce que ça ne devrait pas nous arriver.
01:19:27On doit être forte encore plus.
01:19:31Donc, merci d'avoir porté à connaissances cette histoire.
01:19:37Messieurs les maîtres, comment allez-vous ?
01:19:41Comment retourner dans la vie normale des affaires
01:19:46pour chacun d'entre vous ?
01:19:47Vous n'étiez pas connus pour ça,
01:19:49comme certaines d'ailleurs de vos consoeurs.
01:19:52Il y a souvent des femmes qui défendent les victimes.
01:19:54On le voit quand on assiste à des procès.
01:19:57C'est une chance d'avoir eu...
01:19:59Excusez-moi d'être un peu caricatural,
01:20:01mais de mâle alpha-blanc
01:20:03pour défendre Gisèle Pellicot dans cette monstruosité.
01:20:09Il y a tellement de comment, tellement de pourquoi.
01:20:14Une psychiatre me disait,
01:20:15quand je l'interrogeais sur cette affaire,
01:20:17elle me disait, écoute, je n'y comprends rien,
01:20:19là, je suis sans voix.
01:20:20Pour une psychiatre, c'est à noter,
01:20:22je ne sais pas quoi te dire là-dessus.
01:20:24C'est quelque chose qui a dépassé notre entendement.
01:20:27Alors, évidemment, on parle toujours d'éducation,
01:20:30on parle de parentalité.
01:20:32Moi, je me suis bagarrée pour protéger les enfants
01:20:34des films pornographiques gratuits,
01:20:35puisqu'on sait combien ça les bousille.
01:20:37Il a fallu 14 mois pour que le décret soit pris,
01:20:41après la loi de juillet 2020.
01:20:43L'action que je voulais vous poser, c'est les auteurs.
01:20:46Ils ont certains des filles,
01:20:48mais comment les éduquent-ils, alors ?
01:20:51Comment font-ils... Comment changer cette culture ?
01:20:54Je crois que le chantier est immense.
01:20:56Merci d'en avoir pris tous les quatre ici votre part.
01:21:01Je dirais comment ils éduquent leurs garçons aussi,
01:21:04pas que leurs filles.
01:21:05Non, je synthétisais.
01:21:07Leurs garçons, ça me semblait une évidence,
01:21:09mais quand ils disaient,
01:21:11je demande au mari, il dit oui.
01:21:13Alors, est-ce que pour leur propre fille,
01:21:15ils vont dire au garçon, tu seras le maître de ta fille ?
01:21:22Yves-Lyn Corbière-Namazou.
01:21:25Merci, madame la présidente.
01:21:27À mon tour de vous remercier
01:21:28pour les présentations que vous avez faites,
01:21:32très sincères aussi, tellement vraies.
01:21:37Merci également à nos collègues
01:21:40pour le travail nourri que vous avez pu faire.
01:21:46Et vous êtes à la fois dans des préconisations,
01:21:50mais on sent bien que vous êtes aussi constamment,
01:21:53et vous nous dites encore,
01:21:56vous envisagez, vous vous préparez à rester dans l'action.
01:22:00Et ça, c'est très rassurant
01:22:02parce qu'on a besoin d'un suivi aussi
01:22:05et on a besoin de voir les choses avancer et évoluer.
01:22:09Moi, ma question,
01:22:10elle va venir sur le sujet de la vulnérabilité chimique
01:22:16parce qu'il y a une phrase qui a été dite,
01:22:21c'est qu'il y a peu d'infractions
01:22:24qui génèrent des effets sur des générations.
01:22:27Et à la fois, le Sénat,
01:22:31nous avons travaillé sur la récidive du viol,
01:22:33donc on a pu aussi nous plonger sur ce sujet.
01:22:37Et dans le rapport sur la soumission chimique
01:22:40et à travers le procès Pélico,
01:22:43cette question-là m'interpelle énormément.
01:22:46L'impact que cela peut avoir sur plusieurs générations,
01:22:49pas seulement au niveau des stéréotypes,
01:22:51au niveau des schémas qu'on transmet,
01:22:54mais aussi sur les psychotraumatismes
01:22:58qu'on porte et qu'on peut aussi transmettre.
01:23:03Et puis, j'avais une réflexion
01:23:07sur, justement, la soumission chimique,
01:23:11la vulnérabilité chimique.
01:23:13Cela apparaît aujourd'hui au grand jour
01:23:16et c'est mis en lumière et c'est détaillé
01:23:18à travers l'affaire Pélico et votre rapport,
01:23:22parce qu'en fait, elle couvre
01:23:25des infractions d'une extrême gravité.
01:23:28Et finalement,
01:23:31moi, j'ai envie de dire, l'alcoolisme, par exemple,
01:23:34dans le cadre des violences intrafamiliales,
01:23:36c'est un sujet connu, récurrent.
01:23:39Et quand on a une victime qui arrive dans un état
01:23:45débrillété pour déclarer des violences qu'elle a subies,
01:23:48elle n'est pas crédible aux yeux des forces de l'ordre.
01:23:52Elle est...
01:23:54Plutôt que d'apparaître comme une circonstance aggravante
01:23:58des violences qu'elle dénonce ou qu'elle dit avoir subies,
01:24:02en réalité, elle est,
01:24:05comme l'a dit ma collègue Elsa,
01:24:08elle n'a pas le profil de la bonne victime,
01:24:11parce que, justement, elle subit encore l'effet
01:24:15de quelque chose qu'elle a pris
01:24:17soit volontairement, soit sous la contrainte.
01:24:20Mais au moment où elle arrive pour dénoncer les violences,
01:24:25on n'a pas encore...
01:24:28On n'en sait pas plus.
01:24:29Mais pour le coup,
01:24:31elle est victime,
01:24:35doublement victime de ce qu'elle subit.
01:24:39Et j'aurais aimé avoir peut-être votre regard
01:24:42mettre sur ces cas particuliers
01:24:46et vous, chers collègues, sur comment vous l'envisagez
01:24:50après avoir travaillé sur le sujet. Merci.
01:24:54Voilà beaucoup de questions à laquelle je vais juste en rajouter une,
01:24:58très pratique.
01:24:59J'avais cru entendre, mais moi, je n'ai pas participé du tout
01:25:02ni suivi pleinement le procès,
01:25:05que quand Gisèle Pellicot allait chez le médecin,
01:25:08son mari l'accompagnait.
01:25:09Et là, je m'adresse au médecin, pour le coup.
01:25:13Ça, ça devrait être un signal d'alerte, quand même,
01:25:15de ne pas avoir la patiente seule
01:25:18et sans avoir besoin d'avoir une formation de 10 ans.
01:25:24Je vous remercie.
01:25:25Merci beaucoup,
01:25:27mesdames les sénatrices, pour les questions que vous avez posées,
01:25:29parce que chacune de ces questions,
01:25:33pour nous, qui avons vécu ces quatre mois en première ligne,
01:25:37fait vibrer,
01:25:39ou nous renvoie à des souvenirs qu'on a eus à des moments.
01:25:42Chacune des questions que vous avez posées
01:25:44a fait écho à des interrogations que nous avons pu nous-mêmes avoir
01:25:48au moment du procès.
01:25:49Je vais m'efforcer de répondre de façon globale.
01:25:52Et puis, évidemment, mon confrère prendra la parole après moi.
01:25:57S'agissant de ce mouvement que vous avez évoqué,
01:26:00madame la sénatrice,
01:26:01ce mouvement qui peut sembler être un mouvement de réaction,
01:26:03c'est-à-dire cette impression qu'il y a finalement un contrepoids
01:26:06à cette volonté que nous pouvons avoir
01:26:09d'aller vers plus d'égalité, vers plus de respect.
01:26:12Gisèle Pellicot a reçu des milliers de lettres pendant ce procès,
01:26:16et beaucoup de ces lettres, elle nous les a fait lire.
01:26:19Et nous avons pu avoir...
01:26:20En tout cas, moi, j'ai eu ce sentiment
01:26:22qu'il y a en réalité, effectivement,
01:26:25ce mouvement que vous évoquez,
01:26:27qui est très bruyant, qui est très vocal.
01:26:30Mais est-ce qu'il est vraiment majoritaire ?
01:26:32Je ne le pense pas.
01:26:33Je pense, au contraire, à travers ces nombreuses lettres
01:26:36que nous avons pu lire avec Gisèle Pellicot,
01:26:39avec beaucoup d'émotion parfois,
01:26:41le sentiment qu'il y a une majorité, en réalité,
01:26:43qui rejette finalement tout ce que peut représenter,
01:26:47tout ce que peuvent véhiculer comme stéréotypes
01:26:49ces agressions, l'inégalité de genre,
01:26:52l'objectualisation du corps de la femme.
01:26:55Simplement, cette majorité, il faut qu'elle soit entendue.
01:26:57Et puis, il faut surtout qu'elle prenne conscience
01:26:58du fait qu'elle est majoritaire
01:27:00et qu'elle ne se laisse pas impressionner
01:27:02par, effectivement, ceux qui sont très bruyants, très vocaux,
01:27:05qui, parfois, sont dans la caricature
01:27:07et qui peuvent donner à penser qu'en réalité,
01:27:09la société n'avance pas.
01:27:11Et pour prolonger, je pense également
01:27:13que chaque changement social, évidemment,
01:27:16se fait avec difficulté, avec fracas,
01:27:19mais que ce changement-là, il ne peut exister
01:27:22que s'il est pérennisé, en réalité.
01:27:24Il y a cette étincelle que j'ai évoquée tout à l'heure,
01:27:27mais il n'y a pas de changement sans prolongation du changement
01:27:30dans la durée, sans transmission, génération après génération.
01:27:34Voilà pour cette audition des avocats de Gisèle Pellicot,
01:27:36accompagnée de Véronique Guillotin et Sandrine Josseau,
01:27:39co-auteurs d'un rapport sur la soumission chimique
01:27:42comme une forme de violence faite aux femmes.
01:27:44Cette audition, comme toutes les autres,
01:27:46est à retrouver sur notre site internet en replay.
01:27:48Très bonne journée sur les chaînes parlementaires.