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  • 20/05/2025
Mardi 20 mai 2025, retrouvez Estelle Peyrard (Responsable du TechLab, APF France handicap), Kim Helmbold (VP Innovation Insights & Foresight, Groupe SEB), Maurice Matar Wehbe (UX Designer, Razorfich) et Miloud Benaouda (Président, Barilla Europe de l'Ouest) dans INCLUSION4CHANGE, une émission présentée par Maya Hagege etJudith Aquien.

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Transcription
00:00Bonjour à toutes et tous et bienvenue sur Inclusion for Change.
00:10Comme chaque semaine, je suis accompagnée de Maya Ajège, déléguée générale de l'Association française des managers de la diversité,
00:17autrement appelée AFMD, qui est notre partenaire sur l'émission.
00:22Aujourd'hui, nous parlons des opportunités d'innovation liées à la prise en compte des handicaps au travail
00:27et nous sommes accompagnées de Estelle Perard, responsable Tech Lab d'APF France Handicap,
00:33chercheuse associée au Centre de Recherche en Gestion de l'École Polytechnique et lauréate du prix de thèse AFMD 2023.
00:41Bonjour Estelle. Bonjour.
00:42Et nous sommes également avec Kim Helmbold, VP Innovation Insight et Foresight au groupe SEB.
00:50Merci d'être présent sur ce plateau.
00:52Avant toute chose, j'aimerais que nous visionnions ensemble un exemple de design inclusif
00:57qui nous a été présenté par Miloud Benahouda, président de Barilla, Europe de l'Ouest.
01:13Moi, je suis convaincu que mon organisation, plus elle sera diverse, plus elle sera performante.
01:17Et j'ai la chance d'ailleurs au sein du groupe d'avoir eu des organisations les plus diverses
01:21et on est une organisation performante au sein de l'entreprise.
01:24Alors, pour tout ce qui est lié au handicap, il y a deux chemins qu'on a fait et que j'ai faits.
01:27Donc, un, moi je suis rentré en France il y a dix ans.
01:28Il y a dix ans, on payait la fameuse amende parce qu'on n'avait pas le nombre de personnes handicapées
01:33qui correspondaient donc à la législation.
01:36Donc, je trouvais ça plutôt très idiot d'avoir à payer une amende.
01:39Donc, avec nos équipes RH et, j'insiste d'ailleurs, dans une politique de diversité et inclusion,
01:44inclure les partenaires sociaux est une chose aussi extrêmement importante.
01:49Que je connecte à un deuxième événement où moi, j'avais pareil, je ne connais pas très bien le thème du handicap.
01:54Je ne l'ai pas autour de moi, donc je suis allé pareil, je me suis rapproché d'associations qui traitent du thème du handicap.
01:58Et je me souviens de cette dame qui m'a dit, monsieur, une politique de handicap, c'est pas d'en recruter les handicapés.
02:02Les handicapés sont chez vous.
02:06Une personne sur six en France souffre d'une forme d'handicap visible ou invisible.
02:10Ça veut dire 15% globalement de votre population.
02:12Vous ne les avez pas statistiquement.
02:14Donc, le problème était que j'ai chez moi des gens qui ne se sentaient pas en sécurité
02:19de pouvoir déclarer leur handicap à leur manager et au RH.
02:24Donc, on a construit avec nos partenaires sociaux un accord handicap
02:28où j'ai découvert, qui d'ailleurs fait foi aujourd'hui dans beaucoup d'entreprises d'industrie
02:32puisqu'on l'a mis à disposition des autres.
02:35Et donc, on a effectivement passé de 4-5% à plus de 8% de personnes se déclarant en situation de handicap.
02:41Donc, on a quasiment doublé.
02:43Certes, on n'est toujours pas au 15%, donc ça veut dire que le travail, une fois plus, il n'est pas fini.
02:46Mais globalement, voilà, on a construit un accord handicap qui a vocation à dire à nos salariés,
02:50une fois plus, vous pouvez vous sentir à l'aise et en sécurité de déclarer votre handicap.
02:56Qui plus est, l'entreprise saura adapter votre environnement de travail pour faire face à votre situation de handicap.
03:04On a fait un très bel exercice avec une association, une fois plus, sur le thème des handicaps
03:08qui était l'accessibilité de nos packagings aux personnes en situation de handicap.
03:13Et ça a été plein de leçons pour nous, puisqu'effectivement, vous avez les problématiques de taille de police,
03:17quand vous avez une problème d'éthique de vue.
03:19On a découvert que vous avez des associations de couleurs qui sont un problème pour un handicapé.
03:24Il y a bien sûr la manipulation manuelle des packs avec un handicap plus ou moins différent, ça peut impacter.
03:31Donc oui, on essaie de tenir compte de ces inputs-là qu'on allait chercher dehors, une fois plus, qu'on n'avait pas au sein d'entreprise.
03:38Et voilà, je me souviens de cet atelier qui a été extrêmement riche.
03:41Donc nous, on l'a fait avec une association en extérieur avec qui on a passé une journée
03:47et à qui on a demandé de manipuler tous nos produits.
03:50On a eu beaucoup de retours.
03:51Et on est surtout convaincus que c'est un chemin et qu'on a encore beaucoup de choses à faire.
03:59Je pourrais faire la liste de toutes les choses qu'on fait et au moment où je vous parle, je vous dis que ce n'est toujours pas suffisant.
04:04De retour sur le plateau d'Inclusion for Change, d'abord Estelle Perard et Kim Elbold, quelles sont vos réactions à ce que nous venons de voir ?
04:23Je pense que là, on est sur un exemple typique d'innovation inclusive, c'est-à-dire d'innovation avec et pour des publics qui ont pu être, à un moment donné, oubliés dans le processus de conception.
04:34Et on voit qu'en s'intéressant à leurs besoins, on va améliorer le produit pour tout le monde.
04:39Et vous, Kim ?
04:42Alors pour moi, ça met en évidence un biais qu'on a évidemment tous, moi inclus, c'est qu'on se fie à nos perceptions.
04:52Et comme 80% des handicaps sont invisibles, effectivement, c'est un vrai frein à notre compréhension, mais aussi appréhension du sujet.
05:05Et donc, c'est un point bloquant.
05:09Tout à fait. Alors juste pour éviter toute confusion, avoir des biais, c'est normal.
05:14C'est tout à fait, tout le monde en a, et ça fait partie de notre vie, basée sur notre expérience, notre éducation, etc.
05:22Et notre cerveau fonctionne comme ça.
05:24Merci. La transition n'est-elle pas toute trouvée ?
05:28Parce que Estelle, vous avez parlé de « Innover avec » et « Innover pour », et c'est le titre de l'ouvrage que nous avons rédigé.
05:36Enfin, on ne va pas rédiger ensemble, vous l'avez rédigé, Estelle.
05:38Et ce qu'on avait fait, en fait, c'est qu'on avait pris une partie de votre thèse, et on va parler de votre thèse en partie dans cette émission.
05:46Et avec cet ouvrage dont je vais rappeler le titre, « L'innovation inclusive au service de la transformation des organisations ».
05:52Et à l'intérieur de cet ouvrage, en fait, vous essayez d'explorer comment l'innovation inclusive peut être un pilier fondamental de l'innovation,
05:59de toutes les démarches d'innovation.
06:00Est-ce que vous pouvez déjà nous dire concrètement, c'est quoi l'innovation inclusive ?
06:04L'innovation inclusive, c'est l'innovation qui va s'intéresser à ces publics qui peuvent être oubliés, l'innovation ou exclues.
06:12L'innovation inclusive, elle part du constat que l'innovation, le design, peuvent créer de l'exclusion.
06:18Le design crée de l'exclusion quand un emballage est trop difficile à ouvrir qu'on n'y arrive pas.
06:24Le design, il crée de l'exclusion quand des interfaces sont uniquement tactiles et que du coup, une personne non voyante ne peut pas les utiliser.
06:33Ou encore quand le métro n'a pas d'ascenseur et qu'une personne en fauteuil ou qui va avoir du mal à descendre des marches va pouvoir l'utiliser.
06:41Et innover pour ces personnes, ça va être améliorer l'expérience d'utilisation pour tous.
06:46Mais entre l'innovation inclusive et l'exclusion par le design, il y a une zone grise qui est intéressante aussi à regarder, que moi j'appelle restriction d'utilisation.
06:59Cette zone grise, elle se base quand, par exemple, un formulaire, il est trop complexe à remplir, il est coûteux à remplir.
07:09Donc, on arrive à le faire, mais c'est coûteux.
07:11Quand des interfaces sont surchargées, pareil, on a du mal à s'y retrouver, mais on va finir par y arriver.
07:18Ou quand des équipements, par exemple, de sécurité n'existent qu'en taille homme et donc une femme va pouvoir les mettre, mais ça va moins bien la protéger.
07:27Et vous, Kim, depuis très longtemps, le groupe SEB travaille sur le design inclusif.
07:32Est-ce que vous pouvez un peu nous parler de la jeunesse, de justement la mise en place de ce que vient de présenter Estelle ?
07:37Je pense que le groupe SEB, en termes d'inclusion en interne au niveau RH, est plutôt investi et fait la promotion en termes d'employeur.
07:48Par contre, quand j'ai rejoint le groupe SEB, je trouvais qu'il y avait un vrai manque en termes de conception de nos solutions et de nos produits.
07:56Et nous avons donc initié un ouvrage différent en collaboration avec APF France Handicap, qui est intitulé Good Design Playbook,
08:07et qui reprend en grande partie les principes du design inclusif.
08:12Et donc, le design inclusif, c'est un sujet assez vaste, donc exactement comme Estelle l'a présenté, une manière très simple de le mettre en valeur et de l'expliquer,
08:26c'est effectivement de dire que quand on ne pratique pas l'inclusion, on risque de pratiquer l'exclusion à travers effectivement des produits qui sont plus utilisables par certaines personnes,
08:40certains consommateurs. Donc, c'est vraiment ce qu'on a mis en place.
08:47Et derrière, je pense que la conclusion, c'était aussi de vraiment être conscient de nos décisions et de nos choix,
08:56et pourquoi on ne peut pas toujours effectivement créer des solutions qui soient utilisables par tous et par toutes,
09:03et que ce soit en pleine conscience et pas par omission.
09:05Et ça veut dire que vous êtes arrivé, votre poste n'existait pas en tant que tel et que vous l'avez fait vivre pour mêler justement l'innovation et l'inclusion ?
09:16Alors, le design inclusif a irrigué en fait toutes les parties, tout le processus de création de nos solutions dans toute la chaîne.
09:28Et alors, ça porte aujourd'hui l'étiquette design, mais l'idée, c'était effectivement que ce ne soit pas que porté par le design,
09:36mais que ce soit évidemment porté par toute l'organisation.
09:39Pour continuer d'illustrer nos propos, je propose que nous regardions maintenant un sujet que nous avions tourné chez Publicis,
09:47où un collaborateur atteint de surdité parle de l'innovation dont lui a fait preuve pour sensibiliser sur son handicap,
09:54et ses idées aussi pour permettre à l'intelligence collective d'advenir.
10:00Je vous propose qu'on regarde ça maintenant.
10:01Bonjour, moi c'est Maurice, WFB, ça fait trois ans bientôt que je suis Seras Office France, qui fait partie du groupe Publicis.
10:20Je suis UX des ameneurs, dans mon quotidien du sourd au travail, la plus grande difficulté en fait,
10:27c'est que tous les jours, je suis amené à rencontrer des collaborateurs différents.
10:32Donc très souvent, les collaborateurs que je rencontre n'ont aucune idée que j'ai un handicap,
10:38étant donné que la surdité, c'est quand même un handicap assez invisible.
10:41Donc ils n'ont aucune conscience de mon handicap, en plus de ça, comment se comporter avec moi, comment me parler, etc.
10:47Et donc, pour moi, c'est beaucoup de travail pour en parler, pour m'expliquer, pour le sensibiliser.
10:56Surtout que ça demande quand même beaucoup de courage, parce que si c'est une personne qui est un supérieur hiérarchique,
11:05et que je dois m'expliquer, qu'elle doit mieux articuler, parler plus lentement,
11:10ne pas mettre sa main sur la bouse, et tout ça, c'est quand même un peu compliqué.
11:15Donc ça demande du courage. Et c'est pour ça qu'avec la mission Handicap,
11:19on s'est dit que ce serait peut-être intéressant, à l'occasion de la semaine européenne pour l'emploi des personnes en situation de handicap,
11:26de créer un format un peu ludique, qui mélange à la fois humour et sensibilisation.
11:33C'est comme ça que ce format de stand-up est sorti. Et ça a quand même eu un impact assez fort. Pourquoi ? Parce qu'avec ce stand-up, en fait,
11:45j'ai pris la parole devant une centaine de collaborateurs. Et tous ces collaborateurs, maintenant, me reconnaissent dans l'entreprise,
11:54quand elle me va passer dans les couloirs, ils me se croisent sur un projet, ils savent qui je suis, ils savent comment se comporter avec moi.
12:02On a eu une démocratisation des outils de transcription automatique, comme les sous-titres, surtout sur toutes les plateformes de visioconférence.
12:12Enfin, ça, ça a vraiment été un changement pour moi incroyable dans ma vie, dans le sens où ça a facilité la communication à plein du niveau.
12:19Mais plus concrètement, les aménagements que la mission Handicap a mis en place pour moi, c'est une facilitation de l'accès au télétravail.
12:27Pourquoi ? Parce que télétravailler rend beaucoup de choses plus simples pour moi.
12:31Déjà, au niveau des réunions en entreprise, c'est beaucoup plus simple de suivre à distance, surtout quand tout le monde est à distance.
12:40Pourquoi ? Parce que si c'est soit que ce micro, le temps de prise de parole est respecté.
12:45Alors que si on est en physique, on a souvent des personnes qui parlent en même temps, ou plusieurs discussions qui ont lieu dans la même salle.
12:53Donc forcément, ça rend le suivi un peu plus compliqué pour moi.
12:58Cette question de création d'une communauté de personnes à situation de handicap, c'est une bonne idée sur papier, mais je pense qu'elle ne peut voir plus grand.
13:06Parce que le handicap, c'est quand même une partie de la diversité et de l'inclusion.
13:13Et en fait, je pense que c'est important de créer une plateforme où toutes les personnes de tous les horizons, de toutes les diversités confondues, peuvent se réunir pour s'exprimer de manière ouverte et transparente.
13:29Avec le temps, j'aimerais vraiment apporter un regard holistique sur toutes ces expertises, pour vraiment venir insuffler des idées innovantes au sein de collaborateurs.
13:43Kim, est-ce que ce que nous venons de voir illustre l'approche qui est la vôtre ?
13:49Quelles sont concrètement les méthodologies que vous avez adoptées pour pouvoir inclure, comme ça, les individus en situation de handicap dans toutes les phases de votre conception ?
14:00Alors, j'évoquerais peut-être des initiatives et des actions qu'on avait mis en place.
14:04J'ai évoqué le Good Design Playbook, qui reprend vraiment toute l'expérience qu'on a accumulée, la connaissance et nos outils, nos méthodologies.
14:14Donc, qui est aujourd'hui disponible, qui a été édité et qui est disponible pour l'organisation, mais qu'on a aussi mis en open source pour diffuser au-delà.
14:25Puisque je pense qu'un des principes de l'inclusion, c'est effectivement que ça soit disponible au plus grand nombre.
14:33Donc, on l'a diffusé à l'extérieur et puis aussi en anglais pour que le reste de l'organisation internationale puisse aussi appréhender ce sujet.
14:41Mais je pense qu'on a initié aussi d'autres éléments pour vraiment sensibiliser, former le reste de l'organisation.
14:53Donc, par des actions de type qu'on appelle marketing guérilla.
14:57Donc, un matin, les collaborateurs se sont réveillés avec des posters dans les passages clés du campus, en interne et en externe, avec des exemples qui illustraient vraiment ces aspects d'inclusivité, mais aussi d'exclusion.
15:13Donc, des exemples tangibles et ça a créé un réel engouement.
15:19Évidemment, des webinaires, des méthodologies plus classiques, utiliser la chaîne de vidéos interne, les newsletters, etc.
15:27Estelle, de votre côté, les travaux que vous menez chez APF France Handicap exhortent à repenser les approches traditionnelles de la conception de produits et de services.
15:41Quels seraient les deux enseignements clés à en tirer que vous pourriez nous livrer et quels liens vous faites aussi avec le témoignage de Maurice qu'on vient de voir ?
15:51Le témoignage qu'on a vu à l'instant, c'est l'exemple aussi typique d'une innovation, de ce que peut apporter l'innovation inclusive.
15:59C'est-à-dire que si on traduit ce qu'il dit, si l'organisation s'adaptait à ses besoins, en fait, on gagnerait énormément en savoir-vivre dans toutes les réunions.
16:09On arrêterait de s'interrompre, on arrêterait de les apporter, on parlerait les uns après les autres.
16:16Et nous, c'est ça le premier enseignement qu'on tire au Tech Lab d'APF France Handicap.
16:21C'est que quand on conçoit pour les personnes en situation de handicap ou les personnes âgées ou autres, on améliore le confort d'usage pour tous.
16:31Et moi, j'utilise tous les jours la bouilloire de chez Seb qui a été conçue dans la première démarche qui a été menée par le groupe avec un groupe de personnes en situation de handicap.
16:45Et d'avoir une jauge mieux contrastée pour le dosage avec des caractères plus gros, une poignée plus large, etc.
16:53C'est des petites choses, mais qui, mise bout à bout, améliore l'expérience utilisateur.
17:02Et puis, la deuxième chose, c'est qu'il faut s'appuyer sur les savoirs expérientiels des personnes en situation de handicap.
17:10On vient de sortir avec Cécile Chamaret un article sur ces savoirs expérientiels.
17:17On a étudié de quoi ils relevaient parce que ces savoirs expérientiels, c'est ce qu'ils nous transmettent quand on fait de la co-conception avec eux.
17:24C'est-à-dire quand on les implique dans nos processus d'innovation.
17:28Et on a besoin de les qualifier, ces savoirs, en partie parce qu'on a besoin de les légitimer.
17:32Et puis aussi parce qu'en les qualifiant, on va mieux les adresser, mieux les questionner.
17:38Et ces savoirs expérientiels, c'est par exemple des savoirs corporels, sensoriels.
17:42C'est aussi des savoirs émotionnels.
17:44Qui je suis quand j'utilise le produit ? Qu'est-ce que je renvoie aux autres ?
17:49C'est des savoirs contextuels et c'est des savoirs cognitifs.
17:53Et en les mettant bout à bout, on comprend ce qu'est l'expertise d'usage des personnes, ce que va être leur apport aussi dans la conception.
18:04Kim, justement, la question effectivement est comment déjà on source les individus qu'on va intégrer dans une démarche de prise d'insight,
18:15puisque c'est dans votre titre et c'est ce que vous venez d'évoquer.
18:19Et comment on s'assure en fait d'avoir tout le spectre de personnes ?
18:26Parce que comme vous le disiez tout à l'heure, on a des biais.
18:28Donc parfois, on n'intègre pas toujours l'ensemble des personnes qui sont pertinentes.
18:33Comment est-ce qu'on travaille sur ça, dans une démarche de design inclusif ?
18:39Alors c'est facile et difficile à la fois, puisqu'effectivement, l'engouement est vraiment là.
18:45On a fait l'expérience dans les équipes d'innovation.
18:51Par contre, évidemment, la réalité opérationnelle arrive très rapidement et reprend le dessus.
18:56Donc ce n'est pas toujours évident de maintenir ce sujet bien présent et bien vivant.
19:03Alors ce que je pense, c'est que ce qu'il faut, c'est vraiment cibler certains projets
19:06qui vont être en fait des exemples tangibles et qui vont après aussi nourrir le reste des gammes de produits
19:16et servir vraiment de référence.
19:20Estelle mentionnait la gamme Includeo qui est vraiment un bon exemple.
19:24On a appliqué toutes les recettes et tous les principes du design inclusif.
19:29Et aujourd'hui, tous ces apprentissages et toutes ces innovations incrémentales qu'on a injectées
19:34dans quelque chose qui est aujourd'hui de la commodité, infusent aussi le reste des gammes.
19:40Et tout ce qui est entre guillemets gratuit a été implémenté dans des produits plus larges.
19:46Par contre, ce qu'on a aussi fait, c'est effectivement ouvrir le panel de nos testeurs.
19:50Donc il y a une organisation qui s'appelle le 7U chez nous.
19:54Et on a fait monter à bord des membres de APF France Handicap qui font partie aujourd'hui du panel des testeurs.
20:01Donc on ouvre le panel des testeurs, que ce soit des enfants, des personnes en situation de handicap,
20:08des personnes âgées, au panel de tests dans notre processus d'innovation.
20:16Et donc le test, ça arrive une fois qu'il y a déjà une partie du prototype qui a été produit.
20:21Comment est-ce que vous commencez avec ce panel en focus group ?
20:28Enfin, je n'en sais rien, je ne sais pas exactement quelle peut être la méthodologie,
20:32pour qu'au fur et à mesure des étapes de conception, vous soyez certain que même le produit soit pensé pour un usage réel
20:40qui n'est pas nécessairement celui qui a été pensé par le concepteur lui-même.
20:46Tout à fait, c'est évidemment très pertinent.
20:50Alors aujourd'hui, on a la chance d'avoir des anthropologues en interne
20:53qui vont vraiment observer les personnes en situation chez eux.
20:59Plus l'inverse, on faisait beaucoup de conception en interne.
21:03Donc aujourd'hui, on prend le point de départ, ce sont les personnes dans leur situation du quotidien.
21:09Et on prend ces enseignements et toutes ces observations en interne qu'on va réutiliser
21:15et qui sont, avec toutes les difficultés rencontrées au quotidien,
21:18qui sont évidemment des leviers et des opportunités d'innovation.
21:23Donc ça, ça apporte effectivement cette vision externe
21:26et qui va effectivement alimenter nos plans produits
21:34et aussi inspirer les équipes par rapport à des nouvelles solutions pour le futur.
21:42Et là, on a beaucoup parlé des aspects très opérationnels.
21:46Donc comment on met en place de manière opérationnelle.
21:48Mais est-ce qu'il n'y a pas des questions de marché, des questions de volume,
21:52justement de demandes des clients ?
21:56Est-ce que cette partie-là, elle n'est pas difficile à imbriquer
22:00avec cette volonté d'innovation ?
22:03Est-ce qu'on va dans le même sens ou est-ce que c'est des vents contraires ?
22:06Innover de manière inclusive prend plus de temps, c'est certain.
22:10J'évoquais la partie observation, mais aussi la partie test qui est plus longue.
22:15Et souvent aussi, il y a des coûts supplémentaires
22:19puisqu'il faut qu'on ajoute certaines fonctionnalités
22:25ou manières de concevoir les produits.
22:28Par contre, c'est des références qui nous permettent aussi d'établir une base
22:33sur laquelle on va pouvoir aussi définir quelle est la limite qu'on se pose.
22:39Et aujourd'hui, plus on aura de références et d'exemples,
22:43plus je pense la barre va monter.
22:45Alors évidemment, c'est des choses qu'on essaye toujours d'améliorer
22:49et c'est l'objectif.
22:52Et entre autres, c'est effectivement de pousser ces solutions
22:56qui sont bénéficiaires à tout le monde, comme on l'a évoqué tout à l'heure.
23:01Ce n'est pas juste certaines personnes, mais c'est un bénéfice plus large et élargi.
23:06Et donc, c'est effectivement un plus
23:09quand on raconte les histoires de nos solutions et produits.
23:12Donc, la difficulté, c'est de ne pas vouloir tout de suite prendre des raccourcis
23:17en se disant qu'on a fait la première étape, on a vu l'utilisation
23:21et donc c'est bon, on n'a plus besoin d'impliquer les consommateurs par la suite.
23:28En fait, c'est vraiment du temps, des questions de réparabilité,
23:31des questions de vieillissement, des produits pour être en flux continu.
23:36Faire de l'innovation, ce n'est pas une fois, quand on crée seulement,
23:40c'est vraiment à chaque étape de la vie d'un produit, c'est ça ?
23:43C'est absolument holistique, comme vous l'évoquez.
23:46C'est au départ jusqu'à la fin.
23:48Et puis, comment on le produit, en fait, tout le cycle du produit,
23:53effectivement, et comment ça se passe.
23:56Est-ce que les besoins évoluent, les attentes évoluent
23:59et s'assurer qu'effectivement, on soit toujours pertinent.
24:02Est-ce que le fait de penser en termes de diversité et inclusion
24:06au sein de l'innovation change quelque chose aux outils que vous utilisez ?
24:10On en a parlé en partie, bien sûr, mais à des outils plus quotidiens,
24:13à une manière de manager.
24:16Qu'est-ce qui change et qu'est-ce que vous observez,
24:20vous sur le terrain et vous, Estelle, sur un autre terrain
24:23qui est celui de la recherche ?
24:26Pour moi, ce qui change, ce ne sont pas forcément tellement les méthodologies.
24:31Alors, bien sûr, quand on fait de la co-conception
24:34avec les personnes en situation de handicap,
24:35on va adapter un petit peu nos outils de co-conception.
24:39Donc, on va adapter un petit peu la méthodologie d'un test utilisateur,
24:42d'un focus group, etc.
24:44Mais ça va rester un test utilisateur, un focus group,
24:47un entretien, une observation.
24:50Ce qui change, c'est les profils avant tout des personnes
24:54qu'on va impliquer.
24:54C'est ça qui est fondamental, d'élargir les profils
24:59des personnes qui sont impliquées dans ce type de démarche.
25:04Et puis, on a vu que ça pouvait être holistique,
25:09l'innovation inclusive, et toucher à tous les pans
25:12de la démarche d'innovation.
25:14Mais aussi, moi, ce que je dis aux entreprises,
25:16c'est que ça n'a pas besoin d'être tout de suite holistique.
25:18C'est-à-dire qu'on peut commencer par un projet,
25:22essayer de le mener avec une démarche plus inclusive,
25:25comprendre les bénéfices que ça apporte
25:27aux produits ou aux services,
25:30et puis initier comme ça une démarche
25:33un petit peu plus large au sein de l'organisation.
25:36C'est des bénéfices qui peuvent aussi être
25:38chez les salariés, les collaborateurs eux-mêmes,
25:40qui découvrent des méthodologies
25:42et qui peuvent être inclusifs,
25:45mais au sens très, très large, en réalité,
25:47dans leur manière d'envisager la conception
25:50et leur travail de manière générale.
25:52Kim, est-ce que vous pouvez parler, justement,
25:54de ce que vous observez sur le terrain de Seb ?
25:58Alors, j'évoquais au début l'aspect des biais
26:02qu'on a tous, évidemment.
26:05C'est ce manque d'expérience ou de compréhension.
26:08Donc ça, évidemment, ça passe par la sensibilisation,
26:13la formation.
26:14Aussi, mettre les équipes en situation immersive.
26:16Donc on a fait des sessions de ce qu'on appelle
26:19mise en situation avec des simulateurs de toutes sortes
26:23pour que les gens expériencent eux-mêmes des situations
26:26de malvoyance, d'arthrite, etc.
26:31Toutes sortes de simulateurs qu'on a pu faire vivre aux équipes.
26:38Et puis, les faire contribuer et les faire monter à bord
26:42dans la conception.
26:44Donc toutes les équipes R&D, marketing, design, évidemment,
26:48ont été impliquées.
26:50Mais c'est allé au-delà aussi.
26:51Donc les équipes RH qui voyaient, eux, la perspective employeur,
26:55mais qui ont vu la perspective consommateur.
26:58Et puis, les équipes de communication, corporate communication,
27:03qui vraiment sont aussi le canal de communication externe.
27:08Donc s'approprier ce sujet-là.
27:09C'est même allé jusqu'à la finance qui vraiment a pris le sujet aussi
27:14en tant que vecteur aussi de ce que l'engagement du groupe
27:19au niveau social et sociétal.
27:22Donc c'est vraiment tout.
27:23On parlait de holistique en termes de processus,
27:25mais aussi holistique en termes d'organisation
27:27où chacun peut avoir sa contribution et apporter le message
27:32et se l'approprier aussi.
27:34Merci beaucoup.
27:35Cette émission s'achève.
27:37Merci mille fois Estelle Perard.
27:39Je rappelle que vous êtes autrice du livre
27:41Innover avec, innover pour,
27:42l'innovation inclusive au service de la transformation des organisations
27:46qui a été publiée chez la FMD
27:48et qui est disponible gratuitement sur leur site.
27:50Un grand merci également Kim Elbold d'être venue depuis Lyon,
27:54depuis le siège de SEB.
27:56Et merci Maya.
27:57On se retrouve dans un mois.
27:59Et entre temps, toutes nos émissions sont disponibles
28:01sur le site de Be Smart for Change.
28:02A très bientôt.

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