- il y a 4 jours
Mardi 17 juin 2025, retrouvez Anne-Charlotte Fredenucci (Présidente, Ametra), Clémentine Gallet (Présidente, Groupe Coriolis), Didier Katzenmayer (Président, UIMM Occitanie) et Vincent Charlet (Délégué Général, La Fabrique de l’Industrie) dans SMART INDUSTRIES, une émission présentée par Sibylle Aoudjhane.
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00:00Ce programme vous est présenté par la Fabrique de l'Industrie, Laboratoire d'idées.
00:16Bonjour à toutes et à tous, je suis ravie de vous retrouver pour une nouvelle émission de Smart Industries au salon du Bourget,
00:21le salon international de l'aéronautique et de l'espace au stand d'Ametra,
00:25pour aborder un enjeu majeur pour les industriels, de l'aéronautique et du spatial,
00:30l'augmentation des cadences et des capacités de production, autrement dit le ramp-up industriel.
00:35Comment ces acteurs peuvent-ils répondre à des carnets de commandes de plus en plus remplis,
00:39faire face à des défis structurels tels que les pénuries de compétences,
00:42telles que les matières premières ou les tensions de financement ?
00:45Quels leviers peuvent être activés pour relever ces défis ?
00:47On en parle tout de suite avec mes invités dans Smart Industries.
00:49Et pour démarrer cette émission consacrée aux leviers de montée en cadence industrielle dans l'aérospatiale,
00:59j'ai eu plaisir d'accueillir trois invités autour des mois.
01:02Clémentine Gallet, vous êtes CEO de Coriolis Composite et présidente du comité aéro-PME du GIFAS,
01:08donc le groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales.
01:11Merci beaucoup d'être avec nous.
01:12Bonjour.
01:13Anne-Charlotte Fredenucci, vous êtes présidente du groupe Ametra,
01:15spécialiste de l'ingénierie et de l'intégration de systèmes mécaniques électriques et électroniques
01:21dans l'aéronautique et la défense.
01:22Merci d'être avec nous.
01:24Merci à vous.
01:24Et Vincent Charlet, vous êtes déléguée générale à la Fabrique de l'Industrie,
01:27un think tank dédié à l'analyse des mutations industrielles.
01:31Bonjour.
01:32Clémentine Gallet, on va tout de suite commencer avec vous.
01:36Quels sont aujourd'hui les objectifs de production de l'aérospatiale à moyen terme ?
01:42Et en fait, c'est pour savoir à quel point, qu'est-ce qui pèse sur ces entreprises aujourd'hui
01:47et qui force cette montée en cadence qui est un sujet fondamental dans le secteur ?
01:54Alors, ce qui force la montée en cadence, c'est le carnet de commande des avionneurs.
01:58Il faut savoir qu'aujourd'hui, Airbus a pratiquement 10 000 avions en commande,
02:01que les délais qu'il doit annoncer aux compagnies aériennes quand il prend une commande sont très très longs.
02:06Donc, on est tous un peu dans la marge forcée de livrer plus vite ou du moins de faire cette montée en cadence assez rapidement.
02:14Le tout en sortant d'une période où on était à zéro.
02:172020, ce n'était pas zéro parce qu'on a maintenu des cadences minimums,
02:20mais on a quand même perdu beaucoup de compétences et de ressources en interne.
02:25Donc, on n'est pas complètement sortis de la crise.
02:28Et dans le même temps, on prend un surplus de production qui n'était pas tout à fait anticipé.
02:32Donc, c'est toute une réorganisation qui est en train de se mettre en œuvre avec des ressources humaines d'une part,
02:38mais aussi l'aspect finance qui doit également financer ce besoin à fonds de roulement.
02:42Oui, voilà comment ça se traduit concrètement sur les entreprises, ce point.
02:46Concrètement, sur les entreprises, on est tous à trouver des solutions.
02:50Là, c'est au jour le jour parce que les commandes sont là et il faut livrer.
02:53Donc là, le GIFAS et la filière dont je préside le groupe des PME
02:59est vraiment à la manœuvre pour trouver les meilleurs leviers en collaboratif.
03:03Tout ça, ça se fait en collectif, sinon ça ne peut pas marcher.
03:05Donc, vous avez trois grands groupes dans le GIFAS.
03:07Vous avez les donneurs d'ordre, les sous-traitants de rang 1, qui sont les gros équipementiers,
03:11et puis ensuite les PME.
03:13Et tout ce petit monde s'accorde pour essayer de trouver les meilleures solutions
03:16et les plus efficaces possibles avec des programmes de soutien,
03:19des programmes de montée en performance industrielle.
03:22Donc, on a tous les dispositifs aujourd'hui au niveau du GIFAS
03:24pour aider ce palier qui est quand même colossal à franchir
03:27et qui est l'enjeu de la pérennité de la filière.
03:32Vincent Charglet, pourquoi est-ce que le REMPOP est une priorité aujourd'hui ?
03:36J'imagine que le contexte géopolitique, etc.,
03:40met une pression d'autant plus forte sur les entreprises.
03:43Oui, en fait, c'est un cumul.
03:45C'est-à-dire que l'aéronautique a toujours été, dans le paysage français,
03:49un secteur dynamique, donc avec des besoins au moins stagnants,
03:54voire en croissance.
03:56Vous ajoutez à ça le fait que, depuis les années 2012-2015,
04:00l'ensemble de l'industrie vit une période positive
04:03avec même des créations d'emplois dans l'industrie.
04:05Ça veut dire que les tensions sur les ressources,
04:08sur le personnel, ça croisse également.
04:13Et enfin, plus près de nous, il y a le redémarrage post-Covid
04:16qui, comme ça a été évoqué, crée ce qu'on appelle parfois
04:19un bullwhip effect, c'est-à-dire qu'un supplément de demandes
04:24en amont d'achat de valeur, ça peut créer par micro-désorganisation
04:28successive des effets de rupture assez violentes,
04:32comme au bout, donc, de ce fouet du cocher,
04:36des effets assez violents sur les variations de charges
04:39des sous-traitants.
04:41Quatrième phénomène, le contexte géopolitique,
04:45avec évidemment un supplément de demandes du côté de la défense
04:49pour l'équipement des forces armées.
04:51Or, l'aéronautique a ceci de particulier,
04:53que c'est un secteur éminemment dual.
04:56Si vous prenez au hasard un acteur de l'aéronautique,
04:59vous savez que son portefeuille d'activité sera entre 30 et 70 %
05:04au service de la défense.
05:05Et donc, évidemment, les acteurs qui sont autour de nous aujourd'hui
05:08sont fortement concernés par les besoins croissants
05:11qui se sont exprimés ces trois dernières années.
05:13Anne-Charlotte, Frédéric Nucci, avant encore ces contextes
05:16géopolitiques et le Covid, qui j'ai l'impression
05:18a été une rupture forte pour le secteur.
05:22Quelles ont été les conséquences de cette période-là sur Ametra ?
05:26Alors, chez Ametra, nous avons la chance d'être,
05:28comme le rappelait à l'instant mon voisin,
05:30d'avoir une activité très duale.
05:32Et donc, pendant la période Covid, notre activité défense
05:35a soutenu l'activité d'Ametra.
05:37Heureusement, cela dit, comme tout le monde,
05:40en sortie de Covid, nous avons eu des problématiques de ramp-up
05:42qui sont non seulement des problématiques de volume,
05:45comme l'expliquait Clémentine Gallet tout à l'heure,
05:47mais également des problématiques d'excellence opérationnelle.
05:51C'est-à-dire qu'en sortie de Covid, on nous demande
05:52d'être encore meilleurs, encore plus à l'heure,
05:55encore plus en qualité.
05:56Par exemple, Ametra est certifié bronze en cybersécurité.
06:00Nous regardons actuellement le programme Aéro Excellence,
06:03qui est un programme qui va permettre de monter encore
06:06en maturité industrielle.
06:07Donc, il y a vraiment cette double exigence en sortie de Covid
06:09et le volume et l'excellence sur tous les fronts,
06:13la sécurité des sites, la sécurité des réseaux,
06:15la sécurité des personnes, l'excellence opérationnelle
06:17sur tous les fronts.
06:18Et donc, c'est une bataille quotidienne que Mane Ametra
06:21pour continuer à livrer ses clients
06:22dans ce contexte de ramp-up et d'exigence accrue.
06:24Et en interne, comment est-ce qu'il y a des éléments très concrets
06:29que vous avez mis en place, peut-être des transitions d'entreprise, etc.
06:31Qu'est-ce que vous avez réalisé au sein de votre entreprise
06:34pour pouvoir suivre cette cadence ?
06:35Bien sûr, ça se traduit par des éléments extrêmement concrets.
06:38Si je prends notre partie ingénierie, nous avons certifié
06:41Diffusion Restreinte Spéciale France, nos réseaux informatiques.
06:45Donc, nous sommes montés en niveau de sécurité
06:50sur nos réseaux informatiques.
06:51Nous avons renforcé la sécurité d'accès sur nos sites.
06:54Dans nos usines, nous avons mené un programme de transformation
06:56que nous avons appelé NEO, Nouvelle Efficacité Opérationnelle.
07:00Et ça se traduit par du management visuel dans nos usines.
07:04Ça se traduit évidemment concrètement in fine
07:06par plus de ponctualité et plus de qualité chez nos clients,
07:09mais à travers tout un process de transformation
07:11dans lequel on embarque les équipes d'Ametra
07:14qui sont extrêmement fiers de participer
07:15à ces plans d'amélioration continue.
07:18Et pour vous, quel serait le défi le plus difficile à relever ?
07:23Est-ce que c'est un défi de compétence, de matière première,
07:26de financement ? Où est-ce que ça se situe ?
07:29Nous avons la chance chez Ametra.
07:30Mon père était au Vernia.
07:31Donc, nous avons la chance de garder nos fonds propres chez nous
07:35et de ne pas avoir de difficultés de financement.
07:38Un chou est un chou chez nous et on arrive à se financer.
07:41Donc, le problème n'est pas là.
07:42Nous avons eu des problèmes de supply chain en sortant du Covid.
07:46C'est-à-dire que nous avons eu des difficultés d'approvisionnement.
07:49Même si nous, nous étions prêts à fabriquer,
07:51les composants n'arrivaient pas chez nous
07:53puisque nous sommes intégrateurs.
07:54Nous achetons des calmes, nous achetons des cartes,
07:55nous achetons des mécaniques et ça n'arrivait pas chez nous.
07:58Donc, c'était une difficulté.
07:59Elle est moindre aujourd'hui.
08:01Il reste la difficulté de l'emploi
08:02et je crois qu'on en reparlera tout à l'heure
08:04parce que c'est vraiment ça le plus gros challenge aujourd'hui.
08:08Clémentine Gallet, justement, on parlait de trésorerie.
08:10Ça, c'est un des enjeux majeurs,
08:12un des défis majeurs de PME que vous accompagnez ?
08:16Alors, oui, oui, puisqu'en plus de tout ce qu'on vient d'expliquer
08:20qui sont quelque part le financement du fonds de roulement,
08:23on a également le remboursement des PGE
08:25qui ont été contractés en 2020.
08:26C'est ça.
08:27Et dont les échéances, quand elles ont été au mieux négociées,
08:31sont en 2027, dernier carat.
08:32Donc, on voit bien qu'en 26-27,
08:34la trésorerie va être fortement mise sous tension
08:36par les remboursements de ces échéances de prêts.
08:39Donc, ça, c'est un phénomène encore qui vient s'ajouter au reste.
08:42Et PGE qui ont été sollicités par une majorité d'entreprises ?
08:46À toutes les entreprises.
08:47D'accord.
08:47Enfin, j'en connais très peu qui n'ont pas...
08:49Ne serait-ce qu'un petit peu.
08:50Tout le monde n'a pas pris...
08:51C'était plafonné à 25% de son chiffre d'affaires,
08:54mais tout le monde n'a pas pris le maximum.
08:56Mais tout le monde en a mis un petit peu
08:57parce que c'était quand même le moyen de sécuriser nos trésoreries
08:59quand la période Covid est passée
09:01et qu'on a tous vu disparaître notre chiffre d'affaires.
09:03Il faut savoir que du jour au lendemain,
09:0440% de notre chiffre d'affaires a disparu
09:06parce que tout s'est étalé et tout s'est arrêté.
09:09Donc, il y a ce phénomène qui vient se rajouter aux autres
09:12et qui fait appel, du coup, à une nouvelle structuration,
09:15on va dire, du financement des entreprises
09:17qui va se tourner plus vers du capital.
09:19Donc, aujourd'hui, il y a vraiment des besoins
09:20de renforcement des fonds propres
09:21du fait de ces dettes un peu élevées.
09:25Donc, tout est remis sur la table,
09:26les relations avec les banques pour du crédit de court terme
09:28et du cours des crédits machines et autres
09:31et les fonds propres qui doivent aller avec.
09:35Mais je voulais revenir sur un point
09:36que vous avez évoqué avec Anne-Charlotte
09:38et qui est l'enjeu vraiment des PME.
09:40Alors, il y a l'enjeu des compétences,
09:41d'assurer la qualité, la montée en compétences
09:44et en performances industrielles de nos équipes.
09:46Mais il y a également la digitalisation.
09:47Et aujourd'hui, avant 2019,
09:49on savait qu'on avait un enjeu autour du numérique
09:52et d'être sûr que les entreprises,
09:54parce que le cyber, c'est ce qui rentre
09:56et ce qui sort de l'entreprise.
09:57Mais à l'intérieur de l'entreprise,
09:58les systèmes aujourd'hui ne sont pas assez informatisés,
10:00ne sont pas assez digitalisés
10:01et ça freine vraiment la performance industrielle.
10:06Donc, Aéro Excellence, qui est le programme du GIFAS,
10:07prend ce sujet-là aussi en main.
10:09Oui.
10:09Comment vous les accompagnez du coup dans ce...
10:11C'est la connexion entre les clients
10:14et les fournisseurs et le fabricant
10:16pour s'assurer que l'ensemble est bien au fait
10:20des besoins de production,
10:21des étapes de production, du stock,
10:24de tout ce qui va avec le fait
10:25de produire des matières ou des pièces.
10:28Donc, ça, c'est un point clé et majeur
10:30parce qu'on le voit trop souvent,
10:32les entreprises ne sont pas assez digitalisées
10:34et le gros enjeu est autour de ça également,
10:37qui va forcément autour des compétences après, naturellement.
10:39Oui.
10:39Et puis, soutenir cette montée en cadence, bien sûr...
10:43Exactement.
10:44Et ça permettra d'être également plus flexible
10:46parce que le digital permet aussi d'avoir de la souplesse
10:49et d'amortir les chocs.
10:51Les allées et venues dans les cadences
10:52sont quand même le quotidien.
10:54Donc, il faut au maximum rendre ces entreprises résilientes
10:57à tout ce genre de swing.
10:59Vincent Charlet, comment est-ce que vous voyez,
11:01de votre point de vue,
11:03assez extérieur,
11:04comment est-ce que vous voyez toute cette filière
11:05s'organiser justement pour une montée en cadence
11:09qui soit concomitante ?
11:10Parce qu'une montée en cadence individuelle
11:12ne sert pas à grand chose finalement.
11:14Alors, je dirais qu'organiser la filière, elle est déjà.
11:18En tout cas, quand on se penche sur le secteur
11:20en tant qu'économiste,
11:23une des premières choses qui frappe,
11:25et encore une fois, en France depuis longtemps,
11:28c'est que la filière aérospatiale,
11:30la filière aéronautique,
11:31est organisée d'une manière assez exemplaire.
11:35Elle fait souvent, d'ailleurs,
11:37elle est prise en cas d'école.
11:39On s'est penché récemment sur les meilleures pratiques,
11:43justement, en termes d'organisation de filière,
11:46pour essayer de comprendre ce qui,
11:48dans un paysage industriel,
11:50parfois un tout petit peu atone ou morose,
11:52permet à certains secteurs
11:54de performer à l'export, comme on dit,
11:57et d'obtenir d'excellents résultats.
11:59Donc, on pense au luxe, par exemple,
12:02mais aussi à l'aérospatiale et à la défense.
12:05Qu'est-ce que j'appelle bien organisé ?
12:07Ce sont des filières dans lesquelles,
12:10tout en étant en concurrence,
12:12ou parfois avec des conflits d'intérêts.
12:14C'est-à-dire que forcément,
12:15entre un acheteur et un vendeur,
12:18ils n'auront pas la même appréciation
12:19du juste prix du produit ou du service à vendre.
12:23Et pourtant, il y a un souci partagé
12:26qui dépasse chacun des acteurs industriels,
12:29une sorte de devoir qui les oblige
12:32et qui fait que chacun a cette intelligence
12:35ou ce morceau d'intelligence collective
12:36qui consiste à penser le devenir de la filière,
12:39encore une fois, au sens collectif.
12:40C'est pas propre à l'aérospatiale et à la défense,
12:45mais ça s'exprime tout particulièrement
12:46dans cet univers.
12:48Ça passe par des clubs d'entreprises,
12:52des syndicats de filières
12:54qui, effectivement, prennent en charge
12:56de manière vraiment opérationnelle,
12:58vraiment déterminante,
12:59l'anticipation d'un certain nombre de besoins.
13:01géopolitique, par exemple,
13:05la géopolitique des matières premières,
13:07puisque l'approvisionnement en ressources
13:09devient de plus en plus un sujet important.
13:12Mais c'est vrai aussi de l'anticipation
13:13des besoins de main-d'oeuvre
13:14avec l'implication dans la formation
13:16de ces personnes.
13:19Et puis, globalement, un dialogue intelligent
13:21au sein de la filière
13:21qui permet d'envisager avec exigence
13:24cette montée en cadence
13:26et qui se fera au profit de tout le monde.
13:29Merci beaucoup à tous les trois
13:31de nous avoir parlé de cette montée en puissance
13:33et des leviers qu'on pouvait solliciter
13:35pour ce Ramp-Up industriel.
13:37Et tout de suite, on va parler de ce sujet
13:38dont on a déjà un petit peu évoqué les prémices,
13:41à savoir l'emploi et les compétences
13:43pour accompagner ce Ramp-Up.
13:47Pour cette seconde partie d'émission,
13:49nous allons nous pencher sur un sujet central
13:50de cette montée en puissance industrielle
13:53qui est l'emploi, les compétences
13:54et l'attractivité des métiers.
13:56Et pour en parler, je suis entourée
13:58d'Anne-Charlotte Fredenucci
14:00qui est à nouveau présidente d'Ametra,
14:02spécialiste de l'ingénierie
14:03et de l'intégration des systèmes
14:04mécaniques, électriques et électroniques
14:06dans l'aéronautique et la défense.
14:09Vincent Charlet, délégué général
14:11de la fabrique de l'industrie,
14:12un think tank dédié à l'analyse
14:14des mutations industrielles.
14:16Bonjour.
14:17Et Didier Kazenmayer, vous êtes président
14:18de l'UIMM Occitanie,
14:20également engagé chez Airbus
14:23et au GIFAS.
14:24Et vous intervenez ici
14:25avec votre casquette de la branche
14:27de la métallurgie régionale.
14:28Merci d'être avec nous.
14:29Bonjour.
14:31Je vais commencer par vous
14:32parce que l'Occitanie est une des premières
14:35régions aéronautiques
14:36ou la première région aéronautique de France.
14:38Et concrètement, aujourd'hui,
14:39quel est l'état de l'emploi
14:41et de la filière, bien sûr,
14:43sur ce territoire ?
14:45Alors, aujourd'hui, ce qu'on remarque,
14:48c'est qu'on a une spécificité
14:50qu'on retrouve sur le territoire d'Occitanie
14:52qu'on ne retrouve pas forcément
14:53à l'étage national
14:55et à l'étage international.
14:56Donc, je vais repartir un peu d'en haut
14:57et après, on redescendra
14:59et on fera un zoom plus particulier
15:01sur l'Occitanie.
15:03Premier élément qu'il faut avoir en tête,
15:05c'est le fait qu'on a un contexte international
15:07qui est aujourd'hui très, très instable.
15:10Et ça, c'est une réalité,
15:11aussi bien du côté des Etats-Unis
15:13que du côté asiatique.
15:14On voit très bien que les conflits
15:16sont là pour nous aussi,
15:18nous ramener à des vérités.
15:20Et ces vérités-là nous pèsent.
15:22Et pèsent forcément sur l'économie.
15:24Ça, c'est le premier point.
15:25Quand on regarde à l'étage français,
15:27qu'est-ce qu'on voit ?
15:29Tout simplement qu'il y a certaines filières
15:30qui sont malheureusement en difficulté.
15:34Je pense notamment à la filière automobile.
15:36Je pense notamment à la chimie.
15:38Je pense notamment à la sidérurgie
15:40qui sont aujourd'hui très largement impactées
15:43par la récession.
15:44Ça, c'est une réalité.
15:46Quand on regarde la vision globale
15:48et nous sommes aujourd'hui
15:50au démarrage du Salon du Bourget,
15:51une super édition 2025, je l'espère,
15:54une caractéristique de notre filière Aerospace,
15:58c'est-à-dire aéronautique, spatiale et défense,
16:00c'est qu'elle est positive
16:01et qu'il y a de l'activité.
16:03Ça, c'est déjà le premier élément.
16:05On a un carnet de commandes qui tire, etc.
16:06On a un carnet de commandes, effectivement,
16:07qui est là
16:08et qui nous amène des perspectives.
16:10Ça, c'est à l'échelle mondiale,
16:12européen, national et bien sûr,
16:16à l'étage de l'Occitanie.
16:17Ça se traduit concrètement par quoi ?
16:20Par une activité qui est aujourd'hui
16:22une activité tirée par la filière Aerospace
16:26et qui nous amène forcément des besoins,
16:29des besoins en compétence,
16:31que ce soit aussi bien sur un environnement,
16:34ce qu'on appelle col bleu,
16:35c'est-à-dire des gens qui vont être plutôt
16:37sur des métiers qui commencent du CAP jusqu'au bachelor,
16:41mais également sur l'école Blanc
16:43et qui vont au-delà, donc bachelors
16:45et qui vont jusqu'au post-doc.
16:47Donc, on a, sur ces deux types de population,
16:49on va retrouver de l'activité et des besoins
16:52qui sont aujourd'hui conséquents
16:54dans cette fameuse région d'Occitanie
16:56qui, comme vous l'avez dit en propos introductif,
16:58est la première région aéronautique de France.
17:01Angiolos Pradenucci,
17:02comment est-ce que vous vivez ça ?
17:04Est-ce que vous souffrez de manque de compétences,
17:06de manque de profils au sein de votre entreprise
17:08et si oui, lesquelles ?
17:10Alors, je rejoins tout à fait ce que disait Didier Kattenmeyer.
17:13Chez Ametra, nous avons à la fois des cols bleus
17:15et des cols blancs.
17:16C'est-à-dire que dans les usines d'Ametra Intégration,
17:18où nous assemblons des équipements
17:19pour l'aéronautique et la défense,
17:21nous avons comme premier métier des câbleurs aéronautiques.
17:25Et ça, c'est un métier qui ne s'apprend pas
17:26sur les bancs de l'école.
17:27Donc, nous avons l'obligation de former les personnes
17:30que nous recrutons grâce à un partenariat
17:33avec France Travail.
17:35Et tous les six mois, à peu près en ce moment,
17:37nous lançons la formation de 12 câbleurs aéronautiques
17:40formés par les anciens de chez nous.
17:42Ils ont eux-mêmes appris le métier d'autres anciens.
17:45Ça, c'est une première problématique.
17:46Comment former et monter en compétence l'école bleue ?
17:49Ce sont par des écoles internes dans les usines d'Ametra.
17:52Et c'est vrai pour l'ensemble de la filière.
17:54Nous avons une deuxième problématique,
17:56c'est celle des cols blancs, celle des ingénieurs.
17:58Dans les bureaux d'études d'Ametra Engineering,
17:59nous sommes 450, 300 dans les usines,
18:04c'est-à-dire 700 personnes au total.
18:06Je ne vous ai pas donné le chiffre clé,
18:07nous avons 100 postes ouverts aujourd'hui.
18:09100 postes ouverts chez Ametra.
18:11Et donc, pour revenir au col blanc,
18:13ce sont des personnes qui sortent formées
18:14de l'université, des écoles d'ingénieurs.
18:17Et en même temps, on a quand même besoin
18:19de les former aux nouveaux métiers.
18:20Je pense à l'intelligence artificielle, par exemple.
18:23Aujourd'hui, nous avons fait un partenariat
18:25avec l'école d'ingénieurs ECE,
18:26avec leur lab IA,
18:27parce que nous avons besoin de former nos ingénieurs
18:30aux impacts de l'IA
18:31sur nos métiers à nous de bureaux d'études,
18:34d'ingénieristes,
18:35sur ce que les clients attendent de nous
18:37en matière d'IA.
18:38Nous avons également créé
18:39ce que nous appelons Ametra Research,
18:42un labo interne de recherche
18:44avec des docteurs qui planchent sur des sujets
18:46dont on aura l'occasion de parler un peu plus tard
18:48comme les métamatériaux.
18:50Bref, nous avons besoin de former en permanence
18:52même l'école Blanc.
18:52Donc, notre challenge, c'est recruter,
18:55mais aussi former, faire progresser,
18:57et faire évoluer l'ensemble de ces compétences
18:59pour répondre aux attentes d'aujourd'hui et de demain.
19:01Oui, parce que ce n'est pas tant des compétences
19:03dont vous avez le besoin directement,
19:08mais vraiment accompagnées aussi
19:09pour tous les changements d'une filière
19:11qui évolue extrêmement rapidement.
19:13Exactement.
19:14Et ça, c'est vrai, et pour les cols bleus,
19:17et pour les câbleurs,
19:18et pour les ingénieurs, techniciens, etc.,
19:20de nos bureaux d'études.
19:21Il faut continuer à évoluer.
19:22Et une fois qu'on est sortis de l'éducation nationale,
19:25quand on a 20 ans et des poussières,
19:27heureusement, la formation ne s'arrête pas là.
19:28Et chez Ametra, on accompagne toute cette formation
19:30tout au long de la vie.
19:31Et vous nous avez parlé de ce partenariat
19:33avec France Travail.
19:33Est-ce qu'il y a d'autres choses que vous réalisez,
19:36que vous mettez en place, justement,
19:37pour attirer ces talents ?
19:39Oui, bien sûr.
19:40Alors, nous avons différents parcours de formation.
19:43Il faut évidemment expliquer tout ça
19:45sur les réseaux sociaux.
19:46Les jeunes générations sont beaucoup plus touchées
19:48par les réseaux sociaux que, si je caricature,
19:51il y a 20 ans, quand j'ai démarré ma carrière,
19:53on mettait une annonce dans tel ou tel journal
19:55et puis on attendait que le téléphone sonne.
19:57Aujourd'hui, évidemment, on communique énormément
19:59sur nos projets.
20:01Parce que ce qui fait venir, ce qui attire chez Ametra,
20:03ce sont les projets passionnants sur lesquels nous travaillons.
20:06Donc ça, c'est le premier vecteur de communication.
20:08On explique les projets sur lesquels on aura la chance
20:10de travailler en venant chez Ametra.
20:11On explique les parcours de carrière.
20:13Et c'est ça qui nous permet d'attirer,
20:15avec en plus l'élément de différenciation
20:17que nous sommes une ETI familiale,
20:19ce qui permet aussi un autre contact
20:21avec la direction et les actionnaires.
20:23Les grands groupes, c'est génial, bien sûr,
20:26mais tout le monde n'est pas fait pour les grands groupes.
20:28Et chez les ETI industriels,
20:30nous avons aussi une carte à jouer,
20:33une différenciation à apporter au marché.
20:37Vincent Charlet, quels seraient les profils,
20:39les compétences vraiment recherchées
20:41ou qui manqueraient à la filière aéronautique ?
20:43Si j'en crois les témoignages qui nous reviennent de terrain
20:46ou les études d'ailleurs qui sont menées aussi sur le sujet,
20:49la caractéristique de la filière aéronautique,
20:51c'est justement d'avoir des besoins en recrutement
20:54qui sont assez diversifiés.
20:56Je prends un contre-exemple pour illustrer mon propos.
21:00La construction navale ou le nucléaire
21:03sont deux filières qui partagent avec l'aéronautique
21:06le fait d'être à finalité dual
21:07et d'être sur une dynamique positive.
21:10Et pourtant, dans ces deux filières-là,
21:13comme peut-être dans l'ensemble de l'industrie manufacturière,
21:16les besoins cruciaux vont être notamment
21:18autour des métiers de la métallurgie,
21:20chaudronnerie, soudeur, soudage.
21:23En tout cas, les enquêtes de besoins en main-d'oeuvre
21:26montrent les plus fortes tensions sur ces postes-là.
21:30Ce n'est pas le cas dans l'aéronautique
21:31où effectivement, comme ça a été dit,
21:33les besoins sont un peu tous azimuts.
21:36Et pour être tout à fait honnête,
21:37je ne sais pas dire quelle est la raison profonde
21:40qui expliquerait cette particularité
21:42des besoins en recrutement de la filière aéronautique.
21:45Il y a une première explication qu'on entend parfois,
21:47c'est que chez nous, l'excellence technologique
21:50est un tel impératif,
21:51c'est-à-dire, en d'autres termes,
21:53le coût humain, le coût industriel
21:54de l'échec technologique sur le terrain
21:57est tellement élevé qu'on ne peut absolument pas se permettre
21:59et donc on a une forme d'exigence en contenu technologique
22:03qui est peut-être plus élevée qu'ailleurs.
22:06Mais si on pense aux sous-marins
22:07ou aux centraines nucléaires,
22:09je pense que le coût du risque technologique
22:12ou de l'échec technologique est également élevé.
22:14Alors je pense que c'est plus une affaire de composition.
22:16C'est-à-dire que si vous prenez le système caractéristique
22:19dans le domaine de l'aéronautique, l'avion,
22:21et que vous le découpez en sous-systèmes,
22:23je pense que la proportion de ces sous-systèmes
22:26qui exigent un savoir-faire d'ingénierie,
22:29de numérique, de traitement logiciel ou de cybersécurité,
22:32est plus importante sur la masse totale
22:36ou sur le volume total du système en question.
22:38Et je pense que c'est de là que vient ce besoin
22:42tous azimuts ou tous horizons en recrutement,
22:45alors même que du fait de son dynamisme,
22:47l'aéronautique, l'aérospatiale,
22:48est aussi une filière qui est connue
22:51pour offrir des carrières très attractives, prometteuses.
22:54Il y a donc là une spécificité, je pense,
22:56qui tient à la nature des produits qu'elle vend.
22:58Didier Katzenmeyer, vous confirmez cette vision des choses ?
23:02Oui, tout à fait.
23:03Je pense qu'aujourd'hui, ce qui est important,
23:05c'est qu'en tout cas, côté métallurgie,
23:07c'est qu'on balaye un petit peu cette image
23:10qu'on peut avoir d'épinal.
23:12C'est-à-dire, finalement, l'industrie,
23:13est-ce qu'elle est propre, est-ce qu'elle est high-tech ?
23:16Et je pense qu'à la fois Anne-Charlotte
23:18a pu nous le spécifier et le traduire,
23:22et également, vous l'avez traduit précédemment.
23:25Donc, ce qu'il faut avoir en tête,
23:26c'est que notre industrie, dans l'aérospace,
23:30elle a de la technologie
23:31et elle doit être comprise par les gens
23:35pour qu'on aille chercher les meilleurs talents.
23:38Si je dis ça, c'est parce que,
23:40force est de constater que souvent,
23:42dans le corps académique,
23:43souvent les parents n'ont pas cette lisibilité
23:47et ne voient pas cette lecture
23:49de la technologie qui est la nôtre
23:51dans notre industrie.
23:53C'est une industrie qui est belle,
23:55c'est une industrie qui fait rêver,
23:57et ça, il faut qu'on en soit tous conscients.
24:00Donc, côté métallurgique, qu'est-ce qu'on fait ?
24:02On va là travailler
24:03et on va renforcer notre pénétration
24:06sur le marché de l'aérospace,
24:07notamment côté féminisation de nos métiers.
24:11Et je pense qu'aujourd'hui,
24:12ce qui fait malheureusement notre défaut,
24:15c'est que beaucoup de populations féminines
24:17se disent, c'est pas pour moi.
24:19Beaucoup de populations féminines disent,
24:21moi, les mathématiques
24:22et la culture scientifique, c'est pas pour moi.
24:24Et c'est un tort.
24:26Bien sûr.
24:27C'est un tort.
24:28Donc là, l'idée, c'est qu'on fasse
24:30beaucoup d'événements
24:32pour amener les jeunes,
24:34amener les parents,
24:35amener le corps académique
24:37pour qu'ils voient ce que c'est
24:39que notre industrie, pardon, aérospace.
24:42Et j'ai un exemple tout particulier
24:44que je veux mentionner.
24:47Vendredi, dans le semi-professionnel,
24:49puisque vous savez très bien
24:50que le Salon du Bourget commence aujourd'hui même,
24:53et se terminera jeudi soir
24:55d'un point de vue professionnel.
24:57Vendredi sera dédié
24:58dans une séquence semi-professionnelle
24:59et nous aurons le grand public
25:01à partir de samedi et dimanche.
25:03Vendredi, un ATR va décoller
25:05du site de Toulouse d'Airbus
25:07et va amener 72 gamins et gamines
25:10ou gamines et gamins
25:11découvrir le Salon du Bourget.
25:14Ça, nous le faisons conjointement
25:15avec le campus des métiers
25:17et des qualifications à Aérospace.
25:18On le fait bien sûr avec Airbus,
25:19on le fait avec ATR,
25:21mais on le fait également
25:22avec France Travail.
25:23Et je pense que c'est grâce
25:25à des démarches de ce type-là
25:26qu'on va sensibiliser
25:27nos jeunes
25:29à venir dans notre filière
25:30parce qu'on a besoin de talent.
25:32Et c'est ça qui caractérise.
25:33Ce qu'il faut avoir en tête,
25:34c'est que,
25:35tu l'as mentionné,
25:36Anne-Charlotte, tout à l'heure,
25:36précédemment,
25:37tu disais,
25:38oui, il n'y a pas que les grands groupes.
25:39Oui, il n'y a pas que les grands groupes.
25:41La métallurgie,
25:42il faut avoir en tête
25:42que 80% des adhérents
25:45sont des PME.
25:47Si on ne prend pas en compte
25:48cette dimension,
25:50je pense qu'on se trompe.
25:51Et Anne-Charlotte,
25:52pour terminer,
25:53à quel point
25:53est-ce que ce manque de talent
25:55chez Ametra
25:56freine cette montée en cadence
25:58dont on parlait tout à l'heure ?
25:59Et à quel point
26:00est-ce que ça pourrait
26:01la freiner
26:02si vous ne trouviez pas
26:04tous les talents
26:04dont vous aurez besoin ?
26:05Alors ça pourrait.
26:06Heureusement,
26:07chez Ametra,
26:07nous arrivons à recruter.
26:09On évoquait tout à l'heure
26:10l'ensemble
26:11de ce qu'on met en place.
26:12Puisqu'on parlait
26:13de féminisation,
26:14je voudrais souligner
26:14que chez Ametra,
26:15nous sommes Ecovadis Bronze,
26:18que nous travaillons énormément
26:19sur les sujets
26:20de la féminisation.
26:21Il ne suffit pas
26:21d'avoir une présidente femme
26:22pour féminiser l'entreprise,
26:24mais c'est vrai
26:24que c'est un sujet
26:25qui me tient particulièrement à cœur
26:27parce que Didier Katzenmeyer
26:29le soulignait très justement.
26:31Il y a toute une partie
26:32de la population,
26:33à savoir les femmes,
26:34qui s'auto-limitent
26:35en se disant
26:35l'industrie,
26:36et notamment l'aéronautique,
26:37n'est pas pour moi.
26:38C'est faux.
26:39Venez, jeunes filles,
26:41femmes plus expérimentées,
26:42venez voir
26:43comme nos métiers sont beaux
26:44et passionnants.
26:45L'aéronautique,
26:46ça fait rêver.
26:47Venez au Bourget,
26:47vous en serez convaincus.
26:49On va terminer l'émission
26:50sur ces belles paroles.
26:51Merci beaucoup à tous les trois
26:52d'avoir participé
26:53à Smart Industries.
26:54Merci à vous.
26:54Merci à vous tous et tous
26:55de nous avoir suivis.
26:56C'était Smart Industries
26:57sur Bsmart4Change.
26:59Ce programme vous a été présenté
27:01par la Fabrique de l'Industrie,
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