- 28/05/2025
Vendredi 30 mai 2025, retrouvez Marion Ranvier (Directrice, Contentsquare Foundation), Marie-Ange Schellekens (Chercheuse associée, La Rochelle Université), Anne-Charlotte Fredenucci (Présidente, Ametra Group) et Lars Herbillon (Cofondateur, Hoummi) dans SMART IMPACT, une émission présentée par Thomas Hugues.
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00:00Bonjour, bonjour à toutes et à tous, bienvenue, c'est un long format de Smart Impact que je vous propose aujourd'hui,
00:13une heure pour décortiquer les enjeux de transformation environnementale et sociétale avec un grand entretien,
00:1926 minutes face à une personnalité qui compte dans notre économie.
00:23Et cette question, êtes-vous prête pour l'impact que je poserai tout à l'heure à Anne-Charlotte Frédéric Lucci,
00:28présidente d'Ametra Group, qui travaille notamment pour trois grands secteurs stratégiques, défense nucléaire et aéronautique.
00:35Auparavant, je reçois Marion Ranvier, la directrice de la fondation Content Square,
00:40initiative philanthropique pour lutter contre les fractures numériques.
00:44Selon son dernier baromètre, 40% des sites web ne font pas d'efforts pour améliorer l'inclusion.
00:50Dans notre débat, on va prendre conscience de l'impact environnemental des guerres, les atteintes à l'environnement
00:56provoquent sur le long terme plus de décès que les conflits eux-mêmes.
00:59Et puis, dans notre rubrique Start-up et innovation, je vous présenterai les Tiny Houses créés par Oumy,
01:05des habitations modulaires autonomes et éco-conçues.
01:09Voilà pour les titres. C'est parti pour ce Smart Impact en format XXL.
01:19L'invité de ce Smart Impact, c'est Marion Ranvier. Bonjour.
01:23Bonjour.
01:24Bienvenue. Vous êtes la directrice de la fondation Content Square,
01:27l'icône française spécialiste de l'analyse du parcours client.
01:30Cette fondation, quel est son rôle, sa mission ?
01:33La fondation Content Square a pour mission de promouvoir le sujet de l'accessibilité numérique,
01:39sujet qui est parfois encore méconnu ou mécompris.
01:42On pense à l'accessibilité au réseau, à l'accessibilité au hardware, au matériel,
01:47mais on ne se rend pas compte que le web, cet espace universel, n'est pas accessible pour tous.
01:53Un milliard de personnes en situation dans le monde,
01:5612 millions de personnes en situation de handicap en France.
02:00Notre mission avec la fondation, c'est vraiment de promouvoir ce sujet
02:04et de créer des programmes éducatifs gratuits de sensibilisation.
02:09Donc, l'accessibilité numérique, c'est quoi ?
02:13C'est tout simplement quelqu'un qui se retrouve face à un site
02:18et qui ne va pas réussir à le lire, qui ne va pas le comprendre, qui va être mal à l'aise dedans ?
02:23Tout à fait. L'accessibilité numérique, c'est le fait de rendre les sites web,
02:28les applications mobiles ou les interfaces numériques, je pense notamment aux bornes numériques,
02:34utilisables par tous, y compris des personnes en situation de handicap,
02:37et notamment handicap visuel, auditif, cognitif ou moteur.
02:41Quelle leçon principale ensuite en rentrera dans le détail de vous tirer de ce baromètre ?
02:46Alors, on a créé le baromètre de l'accessibilité numérique en 2022.
02:51Le but, c'était d'avoir, dans un premier temps, un paysage sur l'accessibilité numérique en France.
02:57Donc, on a audité la première année les 50 sites les plus visités en France,
03:01parmi 4 catégories, les sites publics, les sites e-commerce, les sites médias et les sites bancaires.
03:06Le but, c'était vraiment de faire une comparaison entre ces secteurs
03:10et de comprendre où on se situait.
03:13La deuxième année, on a étendu le scope pour avoir un baromètre un peu plus élargi,
03:18en auditant les 100 sites les plus visités, toujours sur ces 4 secteurs,
03:22mais là, en ajoutant des sites européens et des sites américains.
03:26Et ce qu'on a vu, c'est que les sites publics en Europe ont été beaucoup plus accessibles,
03:32notamment par le fait que les lois sont plus anciennes en France et en Europe.
03:36Et, à contrario, aux États-Unis, les sites du secteur privé, eux, sont plus accessibles,
03:42ou en tout cas montrent des meilleurs scores d'accessibilité.
03:45Et ce qui vient notamment des lois, mais aussi du fait des poursuites judiciaires.
03:52Parce qu'aux États-Unis, les sites non-accessibles ont eu des poursuites judiciaires de par les utilisateurs.
03:57Il y a un cas qui est très connu, le cas de Domino's Pizza,
04:00où une personne malvoyante n'avait pas pu commander une pizza en ligne,
04:04et donc avait attaqué Domino's Pizza en justice.
04:07Ce baromètre, c'est quoi ? C'est un outil de mobilisation aussi pour les pouvoirs publics, pour les entreprises ?
04:14On a des progrès à faire ?
04:16Tout à fait. De mobilisation, de réflexion aussi.
04:20Typiquement, sur la dernière version, on voyait que les sites publics, notamment en France,
04:25arrivaient en premier dans notre catégorie, suivi des sites bancaires,
04:28et de loin, les sites e-commerce et les sites médias.
04:32Donc c'est aussi un appel à l'action, c'est-à-dire qu'il faut se mobiliser,
04:36parce que l'accessibilité numérique, c'est un impératif de citoyenneté,
04:40mais il y a aussi des obligations légales sur l'accessibilité numérique.
04:44Et ces obligations légales s'accélèrent notamment avec l'entrée en vigueur de la directive européenne
04:50qu'on appelle l'European Accessibility Act, dont la deadline est le 28 juin prochain, donc demain.
04:57Oui, il faut se mettre en conformité très très vite.
05:00On va revenir sur les chiffres clés de ce baromètre,
05:03mais vous avez cité les 12 millions de Français qui vivent avec un handicap,
05:087 millions qui souffrent de troubles dyslexie, dyspraxie, dysphasie,
05:13pourtant 70% des contenus en ligne leur restent inaccessibles.
05:17La fondation Cantan Square propose aussi des formations.
05:21Elles s'adressent à qui, ces formations ?
05:24Elles s'adressent aux professionnels, notamment aux UX designers, aux développeurs,
05:30mais pas que, parce que l'accessibilité numérique, c'est vraiment un sujet transverse,
05:33et dès qu'on crée du contenu, il faut qu'on le pense accessible.
05:36Je pense notamment aux équipes marketing.
05:38Donc on a créé une sensibilisation gratuite à destination des professionnels,
05:44et on a aussi créé une sensibilisation gratuite à destination des établissements d'enseignement supérieur.
05:50Parce que, croyez-le ou non, les étudiants qui sortent d'école,
05:54et notamment d'école de formation numérique,
05:56n'ont presque jamais entendu parler de l'accessibilité numérique.
06:00Alors comment peut-on créer un web accessible et inclusif,
06:03en tout cas le web accessible et inclusif de demain, sans former les futures générations ?
06:07Alors il y a plusieurs chiffres intéressants dans ce baromètre,
06:10avec un constat global qui est assez alarmant, j'en parlais en titre,
06:1440% des sites web analysés ne prennent aucune mesure significative pour améliorer leur accessibilité.
06:21Alors vous avez assez peu de recul, puisque le premier baromètre c'était en 2022,
06:24mais quelle est l'évolution ? Est-ce que c'est grosso modo le même chiffre ?
06:28Est-ce qu'il y a une petite amélioration ?
06:31Alors on a vu une amélioration significative sur le secteur bancaire,
06:35et notamment une prise de conscience,
06:37notamment aussi parce que leur public de personnes peut-être de seniors,
06:41ils ont aussi compris que les seniors avaient besoin d'accessibilité ou d'adaptabilité.
06:47Mais oui, les chiffres sont quand même alarmants,
06:50dans le sens où on ne se rend pas compte quand on n'est pas porteur de handicap,
06:55mais aujourd'hui on parle vraiment d'exclusion numérique.
06:57Est-ce que vous vous rendez compte, une personne ne peut pas remplir ses impôts en toute autonomie,
07:02ne peut pas prendre un rendez-vous médical, acheter des biens et services de première nécessité en ligne ?
07:08Donc on parle vraiment d'exclusion numérique,
07:10et donc ces 40%, on espère, dans la nouvelle version du baromètre, vont diminuer,
07:14mais c'est vrai qu'il y a vraiment un appel collectif
07:17pour une vraie prise de conscience sur le sujet de l'accessibilité numérique.
07:20Et donc vous l'avez évoqué, les sites publics sont en avant sur les sites privés,
07:28comment vous expliquez cette différence public-privé ?
07:30Alors on l'explique notamment par l'ancienneté des lois,
07:35la loi handicap date de 20 ans, a fêté ses 20 ans en février 2025,
07:43donc le secteur public a dû amorcer cette transformation plus en amont que le secteur privé,
07:51or il reste encore beaucoup à faire,
07:53notamment sur les 250 démarches données comme directives par le gouvernement,
08:00où ces 250 démarches doivent être accessibles.
08:03Aujourd'hui, ce n'est toujours pas le cas,
08:05donc on espère et on attend aussi beaucoup de cette directive européenne pour faire bouger les choses.
08:10Il y a quand même une dimension business derrière tout ça,
08:13parce que je vous le disais tout à l'heure,
08:15l'e-commerce et les médias sont les grands retardataires,
08:18leur score s'est noté sur 10, c'est à peine la moyenne,
08:21c'est 5,4 pour l'e-commerce, 5,8 pour les médias.
08:24Les sites de e-commerce perdent des clients, ça semble absurde.
08:29Ça semble assez hallucinant de ne pas voir qu'en fait,
08:32de rendre un site accessible peut amener une nouvelle audience et des nouveaux consommateurs,
08:37ce qu'il faut savoir aussi que les personnes en situation de handicap sont très fidèles,
08:41donc quand elles peuvent faire un achat sur un site qu'elles connaissent bien,
08:45elles y retournent souvent, donc il y a une forme de fidélisation de cette clientèle,
08:49et donc effectivement il y a un appel aussi au site e-commerce de dire
08:52l'accessibilité numérique c'est bien sûr un impératif légal, un impératif sociétal,
08:58mais il y a aussi un enjeu business et il y a aussi un enjeu pour les employés.
09:04Moi je vois les sociétés qui ont amorcé cette transformation sur l'employabilité,
09:10travailler sur des sujets éthiques comme l'accessibilité numérique,
09:14fédère aussi énormément des équipes.
09:16Mais ça coûte plus cher de rendre son site accessible ?
09:20Je cherche des explications, ça coûte beaucoup plus cher ?
09:23Ça ne coûte pas beaucoup plus cher mais effectivement ça demande un investissement
09:27parce que la première chose à faire c'est un audit d'accessibilité
09:30pour connaître un petit peu les erreurs sur son site et où on se trouve.
09:34Nous toute notre démarche avec la fondation c'est de se dire et c'est de dire aussi aux entreprises
09:39que si le sujet est pris en amont dès la conception des produits et services,
09:43finalement on crée un produit universel, universellement accessible.
09:47Et donc là ça reviendrait moins cher.
09:49Mais aujourd'hui effectivement il y a quand même un investissement de base à faire,
09:52il y a une formation aussi des équipes parce que c'est important de se mettre en conformité
09:57mais ce qui est très important aussi c'est de maintenir ce niveau d'accessibilité dans le temps.
10:02Alors vous avez comparé les Etats-Unis avec l'Europe.
10:08Les Etats-Unis en tête vous l'avez exposé à une note moyenne de 7 sur 10 en Europe.
10:12Le Royaume-Uni par exemple 6,5, l'Allemagne 6,3 sont juste devant la France à 6,2 sur 10.
10:19Et il y a donc ce règlement européen, je veux bien qu'on rentre dans le détail,
10:22qui rentre en service fin juin.
10:24Qu'est-ce qui change ? Qu'est-ce qu'il y a dans ce règlement ?
10:26Alors qu'est-ce qui change ?
10:28Initialement en France c'était le secteur public ou délégataire d'une mission publique
10:32et le secteur privé qui générait plus de 150 millions de chiffres d'affaires
10:36qui devaient rendre leur site internet et leurs services numériques accessibles.
10:41Aujourd'hui avec la directive européenne ce sont tous les sites e-commerce, les sites bancaires,
10:46les sites médias qui doivent être accessibles.
10:49Notamment tous les sites qui vendent des biens et services en France et en Europe.
10:53Donc ça change beaucoup de choses.
10:55Il n'y a plus finalement ce seuil de chiffres d'affaires de 250 millions.
10:59C'est pour ça qu'on en attend beaucoup parce que finalement il y a une prise de conscience collective
11:04et donc là c'est une obligation pour tous les sites web privés.
11:08Est-ce qu'il y a des sanctions prévues dans ce règlement européen pour celles et ceux qui ne s'y conformeront pas ?
11:13Alors tout à fait et donc les sanctions sont notamment dans la loi française
11:19et ce qui est intéressant aussi c'est qu'aujourd'hui on a des organes de contrôle
11:22qui sont l'ARCOM et la DGCCRF, ce qu'il n'y avait pas auparavant.
11:26Et donc effectivement aujourd'hui ces organes de contrôle ont déjà commencé des audits
11:31et envoyé des mises en demeure à des entreprises pour leur dire
11:36attention là votre contenu n'est pas du tout accessible
11:39ou vous n'avez même pas fait mention d'accessibilité numérique sur votre site.
11:43C'est le 28 juin c'est ça ?
11:45Là vous avez des retours d'entreprises qui sont en train de se mettre aux normes un peu dans l'urgence ?
11:52Oui en France les experts accessibilité ont beaucoup de travail actuellement
11:57puisque tout le monde se réveille un petit peu au dernier moment.
11:59Merci beaucoup Marion Ranvier, à bientôt sur Be Smart For Change.
12:03On passe à notre débat, l'impact environnemental des guerres.
12:13C'est le zoom de ce Smart Impact, on va parler de l'impact environnemental des guerres
12:19avec Marie-Ange Schellenkens qui est avec nous en duplex de La Rochelle,
12:23chercheuse associée à l'université de La Rochelle, vous êtes juriste,
12:27votre domaine de spécialité c'est la sécurité environnementale.
12:31Je vais commencer par une question très générale,
12:34parce que c'est un peu une conséquence oubliée des guerres dont on parle ensemble maintenant,
12:40l'impact environnemental.
12:42Tout à fait, l'environnement c'est un peu une victime silencieuse des guerres,
12:47on en parle beaucoup moins que les pertes humaines, c'est moins marquant, c'est moins médiatisé aussi.
12:52Pourtant sur le long terme ces atteintes environnementales en pratique
12:55ça cause beaucoup plus de décès que la guerre elle-même.
12:59Et plus grave encore, ces destructions environnementales sur le long terme
13:04vont aussi générer de nouvelles causes de conflits,
13:07et malheureusement on en parle beaucoup moins parce que c'est moins visible, c'est moins médiatisé.
13:13On peut parler d'une pollution de longue durée d'une certaine façon ?
13:17Tout à fait, vous voyez les décès humains liés à la guerre,
13:23vous les visualisez, vous les comptabilisez dans les médias,
13:26mais les décès sur le long terme liés aux maladies, à l'accès compromis à l'eau potable,
13:32aux sols pollués qui vont affecter toute la chaîne alimentaire,
13:35tout ceci, ça causera des décès dans plusieurs dizaines d'années
13:39qui ne seront pas comptabilisés dans les guerres.
13:41Donc c'est en fait une bombe à retardement.
13:43C'est une arme comme une autre, une bombe à retardement.
13:46Alors ça on va le détailler, le fait que les atteintes à l'environnement
13:49puissent être une arme pendant le conflit lui-même,
13:53mais sur l'effet à long terme, vous disiez que finalement,
13:57en affectant la santé, la sécurité alimentaire, etc.,
14:02ça peut générer de nouveaux conflits ?
14:05Oui, tout à fait, parce que vous portez atteinte à la sécurité humaine.
14:10C'est-à-dire que quand vous n'avez pas accès à de l'eau,
14:12vous avez trois éléments qui vous permettent de survivre en tant qu'être humain,
14:15c'est donc l'air que vous respirez, l'eau que vous buvez,
14:18et la nourriture, une nourriture de qualité.
14:20Si vous portez atteinte à ces trois éléments vitaux,
14:22vous créez automatiquement des tensions au niveau social,
14:26que vous allez attribuer soit à votre État, dans le cas de guerre civile,
14:29soit à d'autres, donc de guerre internationale.
14:32Ces besoins sont vitaux.
14:34Du moment que les populations ne les ont pas,
14:36elles vont se battre pour les obtenir.
14:38On pense évidemment à la guerre en Ukraine qui fait rage depuis plus de trois ans.
14:44Vous avez dû étudier ses impacts sur l'environnement.
14:46Est-ce que vous pouvez en lister un certain nombre ?
14:49Il y a plusieurs types d'impacts.
14:51Vous voyez les impacts indirects,
14:54l'environnement en tant que victime collatérale de la guerre,
14:57c'est-à-dire qu'on ne vise pas l'environnement en particulier,
15:00mais la guerre par nature est un exercice destructeur,
15:04destructeur du vivant, qu'il soit humain ou non humain.
15:07Si je prends d'abord un bilan global,
15:10vous avez 3 millions d'hectares de forêts brûlées,
15:14vous avez 30% des zones protégées d'Ukraine qui sont affectées par la guerre,
15:19vous avez des impacts qui sont énormes et qui proviennent…
15:25Des sites peut-être particulièrement importants en matière de biodiversité
15:31qui ont été touchés ou qui sont en danger, ça existe ça aussi ?
15:34Oui, tout à fait.
15:36Vous avez par exemple ce site, ce parc national important
15:39qui s'appelle le parc des montagnes sacrées en ukrainien,
15:41je pense que c'est Sviatihori, qui a été détruit à 80%.
15:45Vous avez la zone de protection de la biosphère de la mer Noire,
15:49incendiée au début de la guerre, vous avez le delta du Nièvre
15:52avec l'inondation due à l'explosion du barrage de Kharkovka
15:55et le delta du Nièvre c'est une zone Ramsar,
15:58c'est-à-dire une zone humide d'importance internationale
16:01et ça c'est donc des zones qui sont complètement affectuées
16:04et avec des écosystèmes qui mettront des années à se reconstituer.
16:07Vous avez parlé du barrage de Kharkovka,
16:11on est juste avant ou au tout début de la contre-offensive ukrainienne
16:15de l'été 2023, là c'est l'atteinte à l'environnement
16:19comme arme de guerre, on peut dire ça ?
16:21Tout à fait, c'est une utilisation de l'environnement
16:23comme arme de guerre, on a fait exploser ce barrage
16:26pour freiner la contre-offensive ukrainienne
16:31donc avec des impacts environnementaux extrêmes,
16:34le ministre d'environnement ukrainien parle de la plus grande
16:37catastrophe environnementale depuis Tchernobyl
16:39avec uniquement un objectif militaire,
16:42donc c'est une instrumentalisation de l'environnement
16:44pour satisfaire un objectif militaire.
16:47Si on regarde les impacts de ce conflit,
16:50de cette guerre en Ukraine sur la biodiversité,
16:53est-ce qu'on peut détailler, est-ce qu'il y a des espèces
16:56qui souffrent plus que d'autres ?
16:59Il faut savoir qu'en Ukraine, chaque conflit a un historique environnemental
17:06particulier en fonction de son héritage,
17:08et l'Ukraine, c'est extrêmement important au niveau environnemental,
17:13juste un chiffre simple, c'est 6% du territoire de la biodiversité.
17:19Donc vous avez une biodiversité extrême,
17:22c'est un quart des tiers des mondiaux,
17:24donc un sol particulièrement fertile,
17:26et vous avez par exemple aussi 150 espèces
17:29sur la liste rouge de l'IUCN,
17:32toutes ces espèces ont été affectées par exemple
17:34sur l'explosion du barrage de Kharkovka,
17:37vous aviez certaines espèces endémiques
17:39qui ne se trouvaient que dans cette zone,
17:42donc qui vont être menacées d'extinction
17:44avec un impact en chaîne sur les écosystèmes futurs.
17:49J'ai lu aussi que les dauphins de la mer Noire
17:51pouvaient être impactés par cette guerre.
17:55Alors les dauphins exactement, les dauphins ça fait partie là,
17:57par contre ce n'est pas une arme de guerre,
17:59c'est un effet indirect, c'est un effet collatéral de la guerre,
18:02personne ne vise précisément les dauphins
18:05dans le cadre du conflit,
18:07mais les sonars du bateau,
18:09des bateaux qui circulent dans la mer Noire
18:11dans le cadre de la guerre,
18:13détruisent l'oreille interne des dauphins,
18:15qui sont désorientés,
18:17n'arrivent plus à se nourrir et meurent.
18:19Donc c'est vraiment symbolique
18:21d'un effet collatéral du conflit
18:23avec un impact fort sur la biodiversité.
18:26Si on regarde, vous n'êtes pas historienne,
18:29si on regarde l'histoire des guerres
18:32et notamment des deux grands conflits mondiaux,
18:34Première et Seconde Guerre mondiale,
18:36on en voit les effets sur l'environnement,
18:38même par exemple de la Première Guerre mondiale,
18:40encore aujourd'hui, peut-être sur la pollution des sols par exemple ?
18:43La Première Guerre mondiale est un très bon exemple,
18:46puisque vous vous souvenez sans doute
18:48que pendant la Première Guerre mondiale,
18:50les zones de Verdun étaient classées en zone rouge,
18:52où il est interdit de s'adonner à des activités agricoles
18:54pour cause de pollution.
18:56Aujourd'hui encore,
18:58quand vous mesurez les taux de pollution dans le sol,
19:00c'est encore impropre à l'agriculture.
19:02Donc ces pollutions durent des décennies, voire des siècles.
19:06Et on n'étant pas, je pense que certaines zones du Donbass
19:09sont largement dans la même catégorie
19:11que la bataille de Verdun,
19:13au niveau de la pollution des sols.
19:15Est-ce qu'on peut encadrer,
19:17parce que bon, on va parler de droit international,
19:20mais le droit international,
19:22il est plutôt en période de faiblesse aujourd'hui,
19:25avec non seulement des pays dictatoriaux,
19:28mais d'autres qui le remettent en cause.
19:30Bref, est-ce qu'on encadre l'impact environnemental
19:34des conflits armés aujourd'hui ?
19:36Pendant longtemps, on n'a pas du tout encadré,
19:39puisque ce n'était pas une grande préoccupation
19:41de la communauté internationale.
19:43Et puis la guerre était un régime d'exception,
19:45quelque part il fallait d'abord gagner.
19:47Jusqu'à la sonnette d'alarme de la guerre du Vietnam,
19:49où on a assisté à des dérives
19:51qui ont alerté la communauté internationale.
19:53Les millions de litres d'Agent Orange
19:55déversés pour défolier et mettre en lumière
19:58les troupes ennemies.
20:00On fait un peu réfléchir,
20:01on a adopté tout un corpus juridique
20:04pour essayer d'encadrer ces pratiques en temps de guerre.
20:06Vous avez trois documents majeurs
20:09qui sont d'abord la Convention ENMODE
20:11qui va interdire la guerre géophysique,
20:13c'est-à-dire par exemple l'ensemencement des nuages
20:15pour déclencher la mousson,
20:17comme c'était le cas au Vietnam.
20:19Vous avez le protocole additionnel 1
20:21aux conventions de Genève
20:23qui lui va interdire l'usage de l'environnement
20:26en temps de guerre
20:28et même l'imposément
20:32lors de la poursuite des hostilités.
20:34Et plus récemment le statut de rame
20:36qui établit la Cour pénale internationale
20:38qui lui aussi instaure un crime de guerre environnemental.
20:40Là c'est un corpus juridique,
20:42je veux dire technique qui existe,
20:43mais il ne s'applique pas.
20:45C'est la question que j'allais vous poser.
20:47Est-ce qu'il y a des procédures
20:49qui ont été lancées devant la Cour pénale internationale
20:51en matière de conséquences de la guerre
20:55en matière environnementale ou pas ?
20:57En matière environnementale, non pas précisément
20:59puisque généralement, comme vous le savez,
21:01la CPI est relativement affaiblie,
21:03elle a peu de moyens, peu de soutien.
21:05Donc quand elle arrive à lancer une enquête,
21:07généralement elle table sur le profil gagnant
21:10et plutôt sur les conséquences humaines
21:12qu'environnementales.
21:14Mais en plus, c'est très difficile.
21:16Même si ces textes existent,
21:18ils sont pratiquement impossibles à mettre en œuvre
21:21puisque vous devez prouver les dommages
21:23étendus, durables et graves,
21:25donc cumulatifs,
21:27une notion qui elle-même vague,
21:29mais qui en plus n'a pas été définie
21:31et avec des définitions contradictoires.
21:34Et dans le cadre de la CPI que vous mentionnez,
21:36on doit ajouter un critère d'intentionnalité.
21:38Donc il faut prouver,
21:40si on prend l'exemple du barrage de Khakovkar,
21:42que l'explosion était intentionnelle.
21:44Et deuxièmement, la non-proportionalité,
21:46c'est-à-dire qu'on pourrait,
21:48si on prouvait ces quatre critères,
21:50arguer du fait que finalement,
21:52contrer la contre-offensive ukrainienne,
21:54c'était un objectif militaire suffisant
21:58pour justifier ces destructions.
22:00Donc finalement, en pratique,
22:02c'est quasiment inapplicable.
22:04Il y a aussi l'accès au site.
22:06Comment prouver, démontrer
22:08ce qui est en train de se passer ?
22:10Exactement, c'est un gros problème
22:12de tout ce qui est dommages environnementaux
22:14en temps de guerre.
22:16Premièrement, vous avez besoin d'accéder au site
22:18en période d'hostilité,
22:20ce qui n'est pas simple.
22:22Puis sur l'évaluation, vous avez aussi
22:24un problème technique.
22:26Comment évaluer les effets à long terme,
22:28les effets transversaux,
22:30les effets sur plusieurs années ?
22:32Vous faites des prélèvements,
22:34vous n'avez pas d'idée de ce qui va se passer
22:36dans 20 ans.
22:38Donc l'évaluation elle-même,
22:40techniquement, est problématique
22:42Créer un nouveau cadre juridique,
22:44ça vous semble possible ?
22:46Je pense que ça me semble souhaitable,
22:48surtout vu l'état
22:50de fonctionnement du cadre actuel.
22:52Alors on essaye, pour l'instant,
22:54vous avez vu les dernières initiatives,
22:56la déclaration de Lviv le 9 mai dernier,
22:58pour créer un tribunal spécial
23:00pour la poursuite du crime d'agression.
23:02C'est un peu de la créativité juridique
23:04pour contourner le veto russe
23:06au Conseil de sécurité des Nations Unies,
23:08faire en sorte que ces crimes ne restent pas impunis.
23:10Ça ne vise pas précisément
23:12les crimes environnementaux,
23:14mais les dégradations environnementales
23:16sont un caractère aggravant
23:18du crime d'agression.
23:20Donc on essaye, mais pour que ça fonctionne,
23:22il faut un soutien majeur
23:24de la communauté internationale.
23:26Pour l'instant, il n'y a que 40 États
23:28qui soutiennent l'initiative,
23:30et ce n'est pas encore suffisant
23:32pour changer le système.
23:34Merci beaucoup Marie-Ange Schellekens,
23:36et à bientôt sur BeSmart for Change.
23:40BeSmart
23:42Prêt pour l'impact, c'est la question
23:44que je pose chaque semaine à une personnalité
23:46qui compte dans notre économie.
23:48Cette semaine, je reçois Anne-Charlotte Frelenucci.
23:50Bonjour. Vous êtes la présidente
23:52d'Ametra Group.
23:54On va démarrer par une question très générale
23:56de présentation. Votre métier,
23:58c'est l'ingénierie, c'est ça ?
24:00Vous produisez pour quel secteur ?
24:02Présentez-nous Ametra Group.
24:04Bien sûr. Ametra Group est une société
24:06d'ingénierie, mais également de fabrication,
24:08d'assemblage, on y reviendra. Nous sommes
24:10700 collaborateurs sur 12 sites en France
24:12et un site en Tunisie. Notre métier,
24:14c'est d'abord le bureau d'études. On commence
24:16par concevoir, par dessiner
24:18des équipements mécaniques, électriques, électroniques
24:20pour l'aéronautique, la défense, le nucléaire,
24:22le ferroviaire, le naval, le médical,
24:24bref, des industries à forte contrainte
24:26et à petite série. Et ensuite,
24:28une fois que nous avons conçu
24:30ces produits, nous les transférons
24:32dans nos usines. Une usine en France,
24:34une usine en Tunisie, qui elles, intègrent,
24:36assemblent ces équipements.
24:38Intègrent, assemblent, qu'est-ce que ça veut dire ?
24:40Ça veut dire que nous achetons une pièce mécanique,
24:42des fils, des connecteurs, des cartes,
24:44tous les composants électroniques
24:46qui vont à l'intérieur et nous assemblons, nous intégrons
24:48le tout pour livrer un sous-système,
24:50un équipement au client.
24:52Par exemple, une partie des commandes de vol
24:54du Rafale pour Dassault Aviation, des harnais
24:56pour le lanceur Ariane, des sous-systèmes
24:58de missiles pour MBDA,
25:00des bancs de tests de cœur électrique
25:02pour Safran. C'est ultra varié
25:04et chaque produit
25:06est adapté
25:08au grand ensemble
25:10dans lequel il va s'intégrer.
25:12Vous avez donné quelques-uns de ces chiffres clés
25:14750 salariés, 55 millions
25:16d'euros de chiffre d'affaires, plus de 200 clients,
25:183 sites d'intégration, 9 bureaux d'études.
25:20Il y a une volonté de
25:22diversification, je vois, plus de 200 clients
25:24et là, elle est un peu liée à l'histoire familiale
25:26je crois. Pourquoi vous souhaitez à ce point
25:28diversifier vos clients ?
25:30Je vois que vous avez lu quelques informations
25:32sur l'histoire du groupe. Quand j'ai repris le groupe
25:34en 2009, nous traversions une période
25:36extrêmement difficile et nous avons eu une grosse
25:38chute d'activité
25:40et mon père, à ce moment-là, est venu me voir et m'a dit
25:42écoute, je crois qu'on devrait fermer l'usine parce que
25:44là, on a encore de l'argent pour payer nos collaborateurs
25:46pendant quelques mois
25:48pour terminer les contrats clients
25:50au moins maintenant, on a un peu de trésorerie
25:52on peut déposer le bilan. Et là, je lui ai dit
25:54mais papa, il n'en est pas question, donne-moi les rênes
25:56je suis prête et tu vas voir, je vais
25:58sauver l'entreprise parce qu'on a fait une promesse
26:00à nos collaborateurs qu'on leur verserait un salaire
26:02à la fin du mois pour qu'ils puissent
26:04nourrir leur famille. On a fait une promesse à nos clients
26:06c'est qu'on leur livrerait les équipements dont ils ont besoin
26:08en temps et en heure. Et cette promesse-là, on se doit
26:10de dépenser chaque goutte de sueur
26:12pour l'honorer. Et les difficultés
26:14elles étaient liées à un gros contrat
26:16qui s'était terminé, c'est ça ?
26:18Alors c'était lié à un ensemble de contrats
26:20en fait, vous vous souvenez, 2008, crise des subprimes
26:222009, cette crise
26:24des subprimes financières se traduit par une
26:26crise économique réelle sur le terrain et par
26:28beaucoup de pertes d'emploi. Mais nous étions à l'époque
26:30très dépendants de l'aéronautique
26:32et pour venir à votre question
26:34moi c'est ça que j'ai retenu, j'ai d'abord
26:36redressé l'entreprise avec l'équipe formidable
26:38qui était avec moi à l'époque et qui est
26:40en partie encore dans le groupe
26:42et la deuxième étape
26:44une fois que nous avions redressé, une fois que
26:46nous étions revenus à l'équilibre et même en 2011
26:48une fois que nous avions atteint le
26:50meilleur résultat historique, mon obsession
26:52ça a été de rendre cette entreprise
26:54la plus robuste possible, la plus
26:56pérenne possible pour ne jamais revivre
26:58une situation de plan social comme nous avions vécu
27:00en 2009. Et pour ça, nous avions deux
27:02axes. D'abord, apporter plus de valeur
27:04ajoutée aux clients parce qu'évidemment, plus on apporte de valeur
27:06ajoutée, plus on devient
27:08alors indispensable est un mot... En tout cas, c'est difficile
27:10de se passer la métro. Voilà, plus
27:12on devient proche de nos clients et plus il est
27:14difficile effectivement de se passer de nous. Et le deuxième
27:16axe, c'est votre question, c'était la diversification.
27:18Ne jamais dépendre d'un secteur
27:20ne jamais dépendre d'une industrie
27:22et c'est une logique qui est absolument
27:24vertueuse pour l'ensemble des acteurs économiques
27:26qui sont en contact avec Ametra. Pour nos collaborateurs
27:28quand en 2020, on a
27:30connu une baisse très forte dans l'aéronautique
27:32on a pu les replacer sur des
27:34sujets nucléaires ou des sujets défense
27:36qui eux, continuaient à vivre
27:38pendant la période de la pandémie.
27:40Pour nos clients, c'est très vertueux parce qu'en
27:42sortant de la pandémie
27:44nous n'avons licencié personne
27:46nous avons gardé les
27:48effectifs et donc lorsque l'aéronautique est
27:50repartie, nous avions encore des effectifs à disposition.
27:52Et pour l'entreprise, c'est vertueux
27:54évidemment parce que ça évite des hauts
27:56et des bas économiques. Donc tout le monde a
27:58gagné à cette diversification.
28:00On va ouvrir un chapitre sur le secteur de la défense
28:02déjà il pèse quel
28:04poids dans le chiffre d'affaires
28:06d'Ametra ?
28:08L'ensemble des industries
28:10de défense, qu'elles soient défense terrestre,
28:12défense aérienne, défense nucléaire, représentent
28:14plus de la moitié de notre chiffre d'affaires. Nous avons
28:16tendance à dire, chez nous, la défense
28:18que nous appelons défense, c'est-à-dire terrestre
28:2030%, l'aéronautique 25%, le nucléaire
28:2225% et dans le reste, on a
28:24le ferroviaire, le médical, etc. Mais si
28:26vous extrayez de l'ensemble de ces
28:28industries la partie défense, ça
28:30représente plus de la moitié de notre activité.
28:32Justement sur ce secteur de la défense, on va
28:34écouter tout de suite la question de celui qui était à votre place
28:36la semaine dernière, le président du
28:38Crédit Mutuel
28:40Alliance Fédérale, Daniel Bal.
28:42Bonjour Anne-Charlotte.
28:44Heureux de rencontrer
28:46une dirigeante d'une entreprise
28:48de l'aéronautique, de la défense.
28:50Par rapport à cette activité de défense,
28:52j'ai une question. Moi, en tant que banquier,
28:54on a souvent été accusé, par certains
28:56hommes politiques, parfois même par certains journalistes,
28:58de ne pas accompagner
29:00l'industrie de la défense. J'aimerais
29:02savoir si vous avez
29:04ce même ressenti et si vous croyez
29:06vraiment que les banques ont fait des choix,
29:08par rapport à leur politique ESG, de ne
29:10pas accompagner une industrie pourtant essentielle
29:12en France, qui est celle
29:14de la défense.
29:16C'est-à-dire des banques qui ne
29:18financent pas le secteur de la défense.
29:20Est-ce que ça existe encore aujourd'hui ?
29:22C'est une très bonne question et c'est formidable que ce soit
29:24un banquier qui pose la question parce que
29:26nous avons vu, depuis le conflit
29:28entre la Russie et l'Ukraine, clairement
29:30un changement de position des banques,
29:32des fonds d'investissement, des assureurs,
29:34des facteurs.
29:36C'est l'ensemble du secteur financier
29:38et on ne parle pas seulement des banques, c'est l'ensemble du
29:40secteur financier qui avait un biais
29:42contre le secteur de la défense
29:44déjà il y a 2-3 ans.
29:46C'est-à-dire des investisseurs qui classaient l'industrie militaire
29:48parmi des secteurs à exclure
29:50qui font ou ont fait marche arrière,
29:52c'est ça ? En fait, on a vu plusieurs
29:54mécanismes. On a vu d'abord à Bruxelles
29:56de grands débats pour savoir
29:58de quel côté la défense allait tomber dans
30:00ce qu'on appelle la taxonomie. En clair, Bruxelles
30:02dit cette industrie ou ce pan d'activité
30:04est vertueux ou ne l'est pas et la défense
30:06était en ballottage entre vertueux
30:08et non vertueux. Pour l'instant,
30:10nous restons dans le secteur
30:12des industries qui ne sont
30:14pas blacklistées à Bruxelles.
30:16Mais il y avait tout un débat. Ensuite,
30:18ce débat se traduisait au niveau des banques françaises
30:20que ce soit à leur direction ou que ce soit sur le
30:22terrain. Je vais vous raconter une anecdote
30:24hallucinante. L'assistante
30:26d'un dirigeant d'une entreprise
30:28du secteur de la défense s'est vue refuser son
30:30prêt immobilier par le conseiller
30:32de l'agence du coin parce qu'elle travaillait
30:34dans la défense. Évidemment, aucune banque n'a jamais donné
30:36ce type de directives. Ce type de consigne,
30:38c'était un excès de zèle. Absolument.
30:40Mais l'agent du coin a pensé que
30:42comme sa banque avait dit
30:44on va investir dans des secteurs dits vertueux,
30:46il fallait refuser ce prêt immobilier à cette assistante.
30:48C'était évidemment totalement absurde
30:50et aucune consigne n'avait été donnée
30:52dans ce sens.
30:54Mais il y avait quand même des consignes.
30:56Il y avait cet état d'esprit général.
30:58Ensuite, il y avait les fonds d'investissement.
31:00Les fonds d'investissement avaient pour certains
31:02des politiques d'investissement
31:04qui excluaient de fait le secteur
31:06de la défense. Et quand on
31:08a demandé à Ametra
31:10au salon du Bourget 2022
31:12d'intervenir devant des journalistes
31:14pour parler de ces difficultés de financement,
31:16moi j'ai fait le tour
31:18de quelques confrères et j'ai remonté
31:20effectivement des problématiques
31:22de financement à l'export, des problématiques d'assurance,
31:24des problématiques de fonds d'investissement.
31:26Donc il y avait des cas concrets.
31:28Aujourd'hui, heureusement, on voit
31:30que la plupart des banques, des institutions financières
31:32au sens large, des assureurs
31:34ont pris conscience que notre secteur
31:36d'activité, notre industrie de défense
31:38est une industrie indispensable
31:40à la défense de nos valeurs,
31:42à la protection de nos valeurs
31:44dans une période
31:46où le Président de la République nous dit
31:48nous sommes en économie de guerre, nous sommes au moins en préparation
31:50d'un éventuel conflit.
31:52On n'y est pas encore, mais on voit un pays comme la Pologne
31:54qui décide de consacrer 5%
31:56de son PIB
31:58à la défense.
32:00Et puis, les décisions européennes, je vais appuyer sur une citation
32:02d'une interview que vous avez donnée
32:04à nos confrères de l'usine Nouvelles, c'était il y a quelques semaines
32:06mars de cette année.
32:08Il faut avoir en tête qu'avant que les annonces des dirigeants politiques
32:10ne se traduisent par des commandes
32:12ruisselant au niveau des PME
32:14des entreprises de taille intermédiaire, des ETI,
32:16il faut compter beaucoup de temps.
32:18Défense, c'est un secteur de cycle long,
32:20autrement dit, le plan européen,
32:22il vient de 800 milliards d'euros, c'est une dynamique
32:24positive, il n'a pas encore irrigué la filière,
32:26il générera peut-être
32:28de premières embauches d'ici un an.
32:30Est-ce que ça veut dire que vous anticipez
32:32que vous êtes
32:34dans un plan d'embauche
32:36ou de montée en puissance
32:38en prévision de ce ruissellement dont vous parlez ?
32:40Oui et non.
32:42Chez Ametra, si je prends la partie usine,
32:44nous formons
32:46des câbleurs aéronautiques, Défense,
32:48et ce métier-là ne s'apprend pas
32:50sur les bancs de l'école. Donc, nous voyons
32:52une accélération de nos commandes
32:54pour la fin de l'année qui s'appuie à la fois
32:56sur de véritables commandes de la part de nos clients
32:58mais également sur des prévisionnels
33:00liés au plan
33:02que nous évoquions à l'instant.
33:04Et comme nous avons besoin de 3 à 6 mois
33:06pour qu'une personne rentrée chez nous
33:08commence à fabriquer même un produit simple
33:10et après c'est plusieurs années pour travailler sur
33:12l'îlot des commandes de vol du Rafale de Dassault,
33:14comme nous avons besoin de plusieurs mois,
33:16si nous voulons 10 ou 20 câbleurs
33:18de plus dans nos effectifs à fin décembre,
33:20c'est maintenant qu'il faut s'en préoccuper
33:22pour les embaucher avant l'été et faire en sorte
33:24qu'ils soient prêts à fin décembre.
33:26Donc oui, et en même temps,
33:28on ne peut pas non plus anticiper
33:30100 commandes. Aucune entreprise
33:32ne construit un bâtiment,
33:34ne crée des emplois
33:36si on n'a pas la certitude
33:38d'avoir une commande.
33:40Et donc ça veut dire qu'il y a un peu de retard à l'allumage
33:42entre la volonté politique
33:44et la commande ferme
33:46aux industries de la défense ?
33:48Oui, il y a un peu de retard à l'allumage.
33:50Nous voyons par exemple
33:52que la commande publique vers les grands industriels,
33:54la commande publique de défense vers les grands industriels
33:56est plutôt en train de diminuer
33:58en 2025 par rapport à 2024
34:00que d'augmenter.
34:02Et ça, ça se traduit nécessairement
34:04six mois plus tard par des diminutions de commandes
34:06vers ce qu'on appelle la BITD,
34:08la base industrielle et technologique de défense,
34:10c'est-à-dire des sociétés comme Ametra.
34:12Et dans le même moment, dans la même période,
34:14on entend beaucoup de politiques, ministres,
34:16chefs d'État,
34:18mettre la pression sur l'industrie de la défense
34:20en disant qu'il faut accélérer la cadence,
34:22il faut produire plus, plus d'obus, plus de rafales, etc.
34:24Donc,
34:26il y a une sorte de contradiction.
34:28Est-ce que vous, vous êtes quand même
34:30obligé d'augmenter la cadence en ce moment ?
34:32Vous avez complètement raison. Chez Ametra,
34:34nous ne sentons pas cette pression des pouvoirs publics
34:36parce que nos grands clients sont
34:38KNDS, TNS, Safran, Dassault, etc.
34:40Nous ne travaillons pas en direct pour les armées
34:42ou pour la DGA, la direction générale.
34:44Mais ça peut être par effet de capillarité.
34:46Ça peut être par rebond,
34:48effectivement par effet de capillarité,
34:50comme vous dites. Pour l'instant,
34:52nous voyons réellement
34:54des augmentations de cadence. Ça, c'est une certitude.
34:56Mais nous ne voyons pas d'accélération
34:58liée aux annonces de l'Europe
35:00sur les centaines de milliards
35:02d'euros qui devraient être injectés
35:04dans l'industrie de défense. Ça, nous ne l'avons
35:06pas vu et nos grands clients nous disent
35:08qu'ils ne l'ont pas vu non plus.
35:10Vous avez évoqué l'histoire
35:12familiale. Vous avez repris le groupe de Roux
35:14créé par votre père Claude de Roux en 2009.
35:16Quelle leçon vous en tirez ?
35:18Et là, je généralise
35:20sur l'industrialisation
35:22ou la réindustrialisation.
35:24Comment maintenir, comment créer
35:26des emplois industriels en France ?
35:28La première réponse, c'est la passion.
35:30Il faut des équipes passionnées
35:32qui aient envie de se donner
35:34au quotidien. C'est d'abord une aventure d'hommes
35:36et de femmes, que ce soit l'industrie ou d'autres activités
35:38bien sûr économiques.
35:40Mais ce que je vois dans nos métiers,
35:42c'est que ce sont des métiers
35:44très techniques qui passionnent
35:46les hommes et les femmes
35:48qui travaillent. Que ce soit dans les bureaux d'études,
35:50quand on travaille
35:52sur l'avion à hydrogène
35:54de demain, quand on travaille sur un projet
35:56je pense à un de nos clients, Flying Wells,
35:58sur des projets de gros ballons dirigeables
36:00qui vont demain assurer
36:02du transport
36:04de bois, de marchandises
36:06de façon moins
36:08carbonée ou presque décarbonée.
36:10Ce sont des projets qui sont tellement passionnants
36:12qu'ils embarquent tous les bureaux d'études
36:14d'Ametra. Il y a la valeur ajoutée aussi
36:16bien sûr.
36:18La passion est le premier élément.
36:20Je reviendrai à la valeur ajoutée.
36:22Pour finir sur la passion, c'est important
36:24de dire qu'elle est partagée aussi
36:26dans nos entreprises
36:28jusqu'au câbleur. On a récemment
36:30fait venir un pilote
36:32de chasse du Rafale, qui a parlé
36:34aux collaborateurs de l'entreprise
36:36et qui leur a dit, quand je suis en l'air
36:38en train de mener des actions, des opérations extérieures
36:40il faut que mon avion soit hyper fiable.
36:42Donc ce que vous faites au quotidien
36:44ça a un impact sur
36:46mon assurance vie,
36:48ma capacité à survivre, mais aussi ma capacité
36:50à mener à bien la mission dont la France a besoin
36:52quand on est en opération extérieure.
36:54Après il nous a passé un film
36:56de ces vols et évidemment
36:58tous les câbleurs et toutes les câbleuses de l'atelier
37:00étaient passionnés, impressionnés.
37:02Donc il faut maintenir cette passion. Je pense qu'il faut
37:04donner du sens à tout ce que
37:06nous faisons au quotidien, que ce soit dans les bureaux
37:08d'études ou dans les usines.
37:10J'entends cet argument, mais bien sûr
37:12il n'y a pas la valeur ajoutée, on peut avoir
37:14toute la passion du monde, on ne va pas survivre face à
37:16une concurrence étrangère par exemple.
37:18On est tout à fait d'accord. Vous vous souvenez que tout à l'heure
37:20je vous ai dit que nous avions eu pour première stratégie
37:22d'apporter davantage de valeur ajoutée
37:24à nos clients. Qu'est-ce que ça veut dire
37:26concrètement, quand j'ai repris le groupe, on avait
37:28un bureau d'études qui faisait des projets
37:30mécaniques, des projets de conception mécanique
37:32d'un côté et puis un atelier de sous-traitance
37:34électronique de l'autre, où nous recevions
37:36ce qu'on appelle des paniers gardis dans nos métiers
37:38c'est-à-dire nous recevions les composants
37:40de la part de nos clients et nous assemblions à façon.
37:42Vous voyez bien que d'un côté comme de l'autre
37:44il n'y a pas beaucoup de pont entre ces activités
37:46et puis on n'apporte pas énormément de valeur ajoutée.
37:48Donc on s'est mis côté bureau d'études
37:50chez Ametra Engineering à remonter
37:52dans la chaîne de valeur, c'est-à-dire à prendre
37:54des projets de plus en plus complexes avec des métiers
37:56nouveaux comme la conception électronique
37:58la conception électrique, comme le
38:00calcul, la simulation. Nous avons embauché
38:02des docteurs dans un département qu'on appelle
38:04Ametra Research pour faire de la R&D en interne.
38:06Bref, nous sommes allés de plus en plus
38:08loin, de plus en plus en amont
38:10dans les projets de R&D de nos clients.
38:12Et du côté usine, pour apporter davantage
38:14de valeur ajoutée, nous avons
38:16là aussi créé un petit bureau d'études
38:18en interne pour avoir des ingénieurs
38:20immédiatement collés à l'atelier. Nous avons acheté
38:22des machines 3D
38:24lorsque nous avions des idées d'amélioration
38:26des machines d'impression 3D
38:28lorsque nous avions des idées d'amélioration dans l'atelier
38:30pour pouvoir imprimer immédiatement les petits outillages
38:32qui permettaient aux collaborateurs
38:34de gagner du temps, de réduire la pénibilité
38:36à leur poste, même s'il n'y en a pas beaucoup
38:38dans nos métiers, mais c'est très important.
38:40Nous avons mieux piloté
38:42notre supply chain, nos fournisseurs.
38:44Nous avons mieux acheté. Nous avons
38:46dit à nos clients que nous n'allions plus accepter
38:48les paniers garnis, mais que nous allions gérer la totalité
38:50de la fabrication.
38:52Et nous avons rapproché les deux entreprises pour proposer
38:54à nos clients une prestation complète de l'étude
38:56jusqu'à la réalisation, tout en
38:58renforçant notre présence dans les pays à bas coût.
39:00On continue à créer de l'emploi en France,
39:02bien sûr, mais il faut absolument proposer
39:04cette présence bas coût à nos clients.
39:06C'est ce package global
39:08qui est le nouveau groupe Ametra, si je puis dire,
39:10qui apporte davantage de valeur ajoutée
39:12aux clients. Alors, on va parler de RSE
39:14et on va commencer par le S,
39:16la question sociale et sociétale.
39:18Vous menez un certain nombre de combats,
39:20notamment pour la féminisation des métiers
39:22de l'ingénierie.
39:24Déjà, le constat, on part d'où ?
39:26Un petit tiers de femmes dans les métiers
39:28de l'ingénierie, moins que ça ?
39:30Moins que ça. Aujourd'hui,
39:32si sortent des écoles d'ingénieurs,
39:34entre 20 et 23% de femmes,
39:36ça n'est pas suffisant.
39:38C'était déjà le même chiffre
39:40il y a 20 ans, il y a 30 ans, il y a 40 ans.
39:42Donc, on ne voit pas de nette amélioration
39:44chez les jeunes femmes
39:46en matière de choix, de métiers
39:48scientifiques. Et ça, c'est tout à fait dommage
39:50parce que dans une société comme Ametra,
39:52on ne peut pas retrouver 50% d'ingénieurs femmes
39:54si sortent des écoles d'ingénieurs
39:5622% de jeunes filles.
39:58Ça n'est pas possible.
40:00Le premier combat pour la féminisation
40:02de ces métiers, c'est un combat qui démarre
40:04au collège et au lycée.
40:06Aller rencontrer les jeunes,
40:08qu'ils soient garçons ou filles d'ailleurs,
40:10mais particulièrement les jeunes filles, puisqu'on sait qu'elles ont du mal
40:12à choisir ces métiers après, pour leur dire
40:14venez dans nos métiers, ce sont des métiers passionnants.
40:16Vous êtes partenaire de l'association Bouge ta boîte,
40:18c'est ça qui porte un peu
40:20ces enjeux-là ?
40:22Absolument. Bouge ta boîte, 100 000 entrepreneurs
40:24pour aller dans les collèges et lycées
40:26parler aux jeunes. Et Bouge ta boîte,
40:28c'est une très belle association créée par Marie-Éloi
40:30qui a deux objectifs.
40:32Aider les femmes entrepreneurs lorsqu'elles créent
40:34leurs activités, et puis aider les femmes dans les entreprises
40:36pour qu'elles aient davantage confiance
40:38en elles, puisqu'on voit bien que l'une
40:40des difficultés
40:42à faire monter les femmes dans les entreprises,
40:44c'est le plafond de verre qu'elles s'auto-imposent
40:46elles-mêmes. C'est ce que Marie-Éloi
40:48essaie de faire bouger dans les entreprises.
40:50Effectivement, 100 000 entrepreneurs, c'est là que vous y allez-vous ?
40:52Dans les collèges et les lycées ?
40:54Pour porter la bonne parole, en quelque sorte ?
40:56Oui, absolument. Dans 100 000 entrepreneurs,
40:58c'est moi qui vais parler aux collégiens et lycéens
41:00et c'est toujours un grand plaisir parce qu'ils ont
41:02des questions qui sont
41:04très intelligentes, très pertinentes, et parfois
41:06des questions qui sont très naïves mais qui sont rafraîchissantes
41:08aussi. Et qui obligent à se poser
41:10une problématique qu'on n'avait pas en tête.
41:12C'est bien quand des jeunes disent
41:14vous ne pensez pas qu'il y a des métiers
41:16pour les hommes et pour les femmes ? Eh bien non, on va en parler
41:18ensemble, mais c'est bien, merci d'avoir posé la question
41:20parce que dans d'autres environnements, on n'ose plus
41:22se poser la question et donc on n'ose plus apporter la réponse
41:24qui, moi, me semble être la réponse de bon sens
41:26qui est non, bien sûr, sauf
41:28évidemment, parler de métiers qui réclament
41:30une force physique telle que, là,
41:32pour des raisons statistiques, on va dire
41:34ça serait plutôt des hommes que des femmes
41:36mais non, merci d'avoir posé la question.
41:38Vous avez conscience
41:40d'être une sorte de rôle modèle quand vous intervenez
41:42dans ces classes ?
41:44Je n'aime pas beaucoup ce mot
41:46Vous n'aimez pas ce mot-là, pourquoi ?
41:48Ce mot me met mal à l'aise parce que moi, je n'ai jamais eu
41:50de rôle modèle dans mon environnement. Je préfère dire
41:52que ce sont des hommes et des femmes proches de moi
41:54Je ne parle pas de Simone Veil que je n'ai jamais connue
41:56qui était certainement une femme formidable et dont le parcours
41:58est remarquable, mais je ne l'ai pas connue
42:00donc je ne dirais pas qu'elle m'a inspirée
42:02En revanche, je vois des femmes
42:04des hommes autour de moi qui ont des parcours
42:06notamment d'équilibre vie privée, vie professionnelle
42:08que je trouve particulièrement remarquable
42:10Oui, mais quand vous allez dans une classe, pardon de vous interrompre
42:12vous devenez un peu
42:14entre guillemets, un peu proche
42:16Vous voyez ce que je veux dire ? C'est-à-dire, d'un seul coup, il y a une
42:18incarnation d'un parcours qui peut
42:20inspirer. Et là, l'expression rôle modèle
42:22peut trouver son sens. Je vois ce que vous voulez dire
42:24mais pour moi, le côté rôle modèle
42:26est trop grandiloquent par rapport à ce que
42:28j'essaie d'incarner. J'essaie d'incarner juste
42:30une personne qui est
42:32à côté de leur professeur et qui vient leur parler
42:34et qui se veut la plus proche possible
42:36de ses élèves. En revanche, pour parler
42:38de rôle modèle, je vous ai dit
42:40que je n'aimais pas beaucoup ce mot, mais
42:42pour parler de la façon dont nous allons à la rencontre
42:44des jeunes, il y a
42:46également les ambassadeurs de l'ingénierie
42:48qui est un engagement d'Ametra
42:50qui a nommé plusieurs de ses collaborateurs
42:52enfin, nous ne les avons pas nommés, pardon
42:54qui a appelé à candidature
42:56parmi ses collaborateurs et collaboratrices
42:58et donc nous avons des ambassadeurs et ambassadrices de l'ingénierie
43:00qui vont dans les écoles d'ingénieurs
43:02là, c'est plutôt après
43:04le bac
43:06nous allons à la rencontre des jeunes pour leur dire
43:08vous allez avoir un diplôme d'ingénieur formidable
43:10vous avez envie d'aller dans la finance, d'accord
43:12mais il y a aussi l'industrie, l'ingénierie
43:14des métiers passionnants. N'oubliez pas
43:16ces métiers qui ont besoin de vous
43:18et dans lesquels on peut faire des carrières absolument remarquables
43:20Est-ce que le fait de
43:22je m'intéresse maintenant
43:24de RSE l'environnement
43:26est-ce que c'est vraiment un enjeu
43:28pour faire baisser l'impact carbone d'une entreprise
43:30comme la vôtre ? Oui, absolument
43:32c'est un enjeu d'abord parce que ça correspond à mes valeurs
43:34je n'ai pas envie de laisser à mes 4 enfants
43:36à mes 4 fils une planète
43:38salie avec
43:40mes enfants qui pourraient me dire mais qu'est-ce que tu as fait pour la planète ?
43:42Rien. Donc déjà à titre
43:44personnel c'est un engagement
43:46si ça ne l'était pas et que j'étais
43:48un peu plus
43:50mercantile, je regarderais simplement
43:52ce que les collaborateurs et les candidats
43:54réclament et ce que les clients et les prospects réclament
43:56et de toute façon
43:58on ne peut plus aujourd'hui faire l'impasse
44:00sur le E de RSE. On est obligé de se poser
44:02les questions de bilan carbone. Chez Ametra
44:04nous avons fait notre premier bilan carbone
44:06en 2023 avec
44:08lecture des résultats et
44:10mise en place des premières mesures en 2024
44:12parce que
44:14nos clients nous mettaient une pression
44:16on savait qu'on devait le faire, on avait envie de le faire
44:18mais le déclencheur a été la réclamation
44:20d'un client qui nous a dit c'est maintenant
44:22et on a compris qu'il avait raison
44:24qu'il fallait qu'on le fasse. Et donc l'audit
44:26permet d'identifier les leviers les plus
44:28efficaces par quoi vous commencez
44:30ou sur quoi vous accélérez en quelque sorte
44:32pour faire baisser le bilan carbone ?
44:34Absolument. Nous avons commencé notre
44:36audit dans la partie usine, la partie
44:38ingénierie viendra en 2025
44:40Dans les usines, je vous ai parlé de la date
44:42de création de l'entreprise 1978
44:44c'est vous qui me l'avez évoqué, nous avions
44:46des bâtiments qui avaient besoin d'un petit rafraîchissement
44:48donc on a commencé tout simplement
44:50par changer les luminaires, changer les
44:52ampoules, ce qui a permis de réduire notre consommation
44:54d'à peu près deux tiers
44:56rien qu'avec
44:58sur la partie éclairage
45:00On est passé en LED en fait ? Exactement, on est passé en LED
45:02et on a réduit de manière significative
45:04notre consommation
45:06On a également changé les systèmes
45:08de chauffage et les systèmes de climatisation
45:10qui avaient besoin là aussi d'être
45:12au goût du jour
45:14Nous avons
45:16travaillé sur des ponts thermiques, il y avait
45:18des fenêtres qui étaient particulièrement
45:20des ponts thermiques, on a rajouté des joints à l'intérieur
45:22Voilà, tous ces sujets-là qui avaient été mis
45:24en évidence, on a également
45:26joué sur la température en été
45:28comme en hiver, on a mis des systèmes
45:30de contrôle
45:32automatisés, on a sensibilisé
45:34les collaborateurs de l'entreprise pour leur dire
45:36on a offert des doudounes aux collaborateurs
45:38de l'entreprise aussi, avec un beau logo
45:40Ametra, en leur disant
45:42si vous avez un petit peu froid dans l'usine
45:44mettez une doudoune et en même temps on protégera
45:46plus la planète si on se maintient entre 19 et 20
45:48dans l'atelier
45:50et idem en été, on ne peut pas mettre la clim à 20
45:52en été quand il fait 30 dehors
45:54Alors je suis 100% d'accord avec vous sur le fait
45:56qu'on ne puisse
45:58plus passer à côté de cet enjeu
46:00même cyniquement pour des questions
46:02de business, mais est-ce qu'il faut quand même
46:04être en bonne santé financière
46:06je parle de l'entreprise
46:08pour se lancer dans ces investissements-là
46:10et si c'était l'inverse
46:12et si pour attirer les bons collaborateurs
46:14les bons candidats, pour séduire
46:16de nouveaux clients et gagner des nouveaux
46:18contrats, on n'avait pas besoin d'abord
46:20de montrer patte blanche sur l'environnement
46:22ça devient une vraie exigence sociétale
46:24donc bien sûr
46:26vous avez raison, on ne peut pas aller trop loin
46:28dans des démarches environnementales si l'entreprise
46:30est en difficulté
46:32la première responsabilité de l'entreprise
46:34c'est de préserver sa propre pérennité
46:36ses emplois et de servir ses clients
46:38ça j'en suis convaincue
46:40c'est qu'en 2009 vous n'auriez pas pu le faire
46:42non, en 2009 on n'aurait pas pu le faire
46:44parce que de toute façon on était tellement
46:46pris par sauver l'entreprise
46:48préserver les emplois
46:50servir nos clients que nous n'avions pas le temps
46:52de regarder ces sujets-là, mais attention
46:54mettre comme prérequis une excellente
46:56santé économique avant de se pencher
46:58sur les questions environnementales, c'est à mon avis
47:00inverser la charrue et les bœufs
47:02oui, je suis assez d'accord avec vous
47:04si on continue de rentrer dans le
47:06détail des
47:08mesures, par exemple
47:10sur les déplacements, la flotte de véhicules
47:12vous travaillez aussi là-dessus ?
47:14tout à fait, j'ai commencé par l'usine
47:16mais l'un des principaux chantiers que nous avons lancé
47:18c'est déjà l'optimisation des
47:20transports, je vous ai expliqué que nous
47:22achetions des composants
47:24des mécaniques qui venaient de l'extérieur
47:26et puis qu'ensuite nous allions livrer nos clients
47:28de ces systèmes, nous avons
47:30cherché à optimiser
47:32la logistique
47:34de ces achats et de ces livraisons
47:36chez les clients, parce qu'on se rend compte que si on s'organise
47:38un petit peu mieux et qu'on fait
47:40une livraison par semaine plutôt que deux
47:42on diminue presque de moitié notre bilan
47:44carbone sur le fret
47:46et comme nous avons également une usine en Tunisie
47:48les allers-retours entre la Tunisie
47:50et la France ont été aussi travaillés pour optimiser
47:52les dépenses carbone
47:54qui contrôle ?
47:56Parce que là, il y a
47:58beaucoup d'actions qui sont mises en oeuvre
48:00donc comment vous évaluez
48:02vos progrès pour pouvoir
48:04éventuellement faire encore mieux dans quelques années ?
48:06Alors Infiné c'est moi
48:08mais nous avons évidemment cherché à avoir
48:10des indicateurs
48:12extérieurs, nous sommes par exemple
48:14certifiés Ecovadis, nous avons été
48:16Ecovadis Silver jusqu'à ce qu'Ecovadis
48:18remonte sa notation, nous sommes repassés Bronze
48:20et là toute l'équipe d'Ametra est en train de pédaler
48:22pour que nous repassions Silver en 2025
48:24c'est notre objectif, donc déjà les certifications extérieures
48:26nous sommes également
48:28labellisés UIMM, Engagés Responsables
48:30ça, ça apporte un regard extérieur
48:32avec des critères, avec des notes, avec des évaluations
48:34ensuite dans l'organisation
48:36il faut que ces sujets soient suivis au niveau du
48:38Codire, j'en suis convaincue, c'est stratégique
48:40absolument, si vous prenez un apprenti
48:42ce que nous avons fait par ailleurs
48:44nous avons engagé une jeune femme
48:46apprentie qui gère ces sujets au quotidien
48:48mais si vous ne les remontez pas au niveau du
48:50Codire, ils ne sont pas pilotés correctement
48:52donc c'est votre responsabilité ?
48:54Donc c'est ma responsabilité avec un membre du Codire
48:56qui est dans chacune des branches qui a été
48:58désigné et qui pilote ces sujets de RSE
49:00Merci beaucoup Anne-Charlotte
49:02Frédéric Nutti et à bientôt sur
49:04Be Smart for Change, on passe tout de suite à notre rubrique
49:06Startup
49:13Smart Ideas, notre rubrique consacrée
49:15aux startups éco-responsables
49:17avec Lars Herbillon, bonjour
49:19Bonjour
49:20Bienvenue, vous êtes co-fondateur
49:22de Oumy, créé en juin 2020
49:24avec Maïdis Kanzler et
49:26Jean-Michel Herbillon, votre
49:28père, c'était quoi l'idée de départ ?
49:30Racontez-moi
49:31Alors, l'idée de départ c'était de proposer
49:33une nouvelle solution constructive
49:35de repenser la façon de construire un habitat
49:37plus petit, plus sobre
49:39d'y associer moins de ressources
49:41et puis de montrer qu'on peut construire un habitat qui soit
49:43déplaçable, donc qui n'ait pas forcément
49:45vocation à être installé de façon
49:47pérenne et définitive sur un lieu
49:49qui puisse être utilisé, on appelle ça aujourd'hui
49:51de l'habitat transitoire, qui puisse être installé
49:53pendant quelques années sur un terrain, puis déplacé
49:55sans pour autant parler d'un mobile home
49:57ou d'une construction précaire, on est vraiment sur
49:59de l'habitat au saturbois
50:01on est sur quelque chose de très durable dans la
50:03façon de construire, mais qui peut
50:05être flexible dans son usage
50:07Alors, on voit quelques photos en illustration
50:09pendant que vous nous parlez, il faut les décrire, quelle superficie
50:11quel choix vous avez fait
50:13Alors, aujourd'hui, nous
50:15on se concentre uniquement sur les petits espaces
50:17des petites maisons, des petites constructions
50:19de 15 à 50 m²
50:21donc on ne va pas au-delà de 50 m² pour montrer
50:23qu'on peut vivre bien et confortablement dans un espace
50:25qui est réduit, repensé, complètement
50:27réaménagé, avec des grandes
50:29ouvertures vers l'extérieur, l'idée c'est de
50:31maximiser le ressenti d'espace
50:33sans pour autant avoir plus de surface
50:3550 m², on y vit
50:37à combien dans ces maisons
50:39de 50 m² ? Alors, c'est sûr que c'est pas
50:41forcément adapté pour des familles, surtout
50:43des familles nombreuses, l'idée c'est de proposer
50:45en plus 50 m², c'est le maximum
50:47de ce qu'on propose, on peut aller bien
50:49en dessous de 50 m², on commence
50:51à 15 m² avec l'idée d'une tiny house
50:53la tiny house c'est une solution
50:55qui est aujourd'hui de plus en plus
50:57utilisée un peu partout en France et dans le monde
50:59moi-même j'ai construit ma tiny house
51:01dans laquelle j'ai habité pendant plusieurs années
51:03avant de me lancer dans ce projet entrepreneurial
51:05et donc ça m'a permis d'acquérir
51:07l'expérience et le savoir vivre
51:09pour imaginer la suite de l'aventure
51:11et de proposer plus largement ces habitations
51:13on s'adresse à l'usage
51:15qu'on peut faire de ces modules, c'est pour loger des étudiants
51:17des personnes, des jeunes actifs
51:19des seniors par exemple
51:21qui peuvent bénéficier d'une petite
51:23surface de 30, 40, 50 m²
51:25de plein pied ou
51:27pour toute forme d'habitat temporaire
51:29de relogement temporaire, petite famille
51:31on peut habiter
51:333, 4, voire 5 personnes
51:35tout dépend si c'est de façon pérenne
51:37ou plus transitoire
51:39avec j'imagine
51:41on va parler des matériaux
51:43on va parler de l'autonomie de ces maisons
51:45mais une ingéniosité dans l'aménagement de l'espace
51:47ça doit être passionnant à penser
51:49tout à fait
51:51déjà on a pensé le concept
51:53comme étant très modulaire, on peut moduler
51:55les surfaces de façon très standardisée
51:57en même temps tout reste très personnalisable
51:59l'ossature des maisons
52:01tout est conçu en ossature bois
52:03et en matériaux biosourcés
52:05et puis bien évidemment
52:07le mobilier, l'agencement intérieur
52:09tout est entièrement sur mesure pour
52:11venir optimiser chaque m², chaque cm²
52:13d'espace
52:15l'idée c'est que quand on arrive dans un module
52:17oumi, on se rend compte que
52:19l'espace est beaucoup plus grand
52:21l'impression d'espace est beaucoup plus grande
52:23que la réalité sur le papier
52:25et donc effectivement un module oumi aujourd'hui
52:27sa grande particularité c'est qu'on a voulu
52:29pousser l'autonomie de l'habitat
52:31montrer qu'on peut avoir un habitat
52:33ce côté déplaçable est très intéressant
52:35mais en général un habitat est raccordé au réseau
52:37d'eau et d'énergie
52:39l'ambition de oumi c'est de proposer des habitations
52:41qui soient totalement autonomes
52:43en eau et en énergie
52:45j'imagine qu'il y a des panneaux solaires
52:47on intègre des panneaux solaires en toiture
52:49et on peut en intégrer également en façade
52:51pour venir augmenter la capacité de production installée
52:53donc on vient doubler
52:55cette capacité de production ce qui permet aussi
52:57d'avoir plus d'énergie produite le matin
52:59parce que le soleil est bas dans le ciel
53:01et le soir et en hiver, c'est là où on a le plus besoin
53:03d'énergie, c'est généralement là où les panneaux
53:05installés en toiture en produisent le moins
53:07on peut ajouter à cela un système
53:09d'éolienne par exemple pour compléter
53:11la production lors des phases
53:13en hiver, là où il y a moins de production solaire
53:15et puis l'eau
53:17c'est un point très important
53:19c'est moins évident, donc comment vous rendez
53:21vos maisons autonomes en eau ?
53:23ça fait plusieurs années qu'on travaille
53:25sur le développement de systèmes techniques
53:27en réalité la technique aujourd'hui est assez avancée
53:29on a des pays qui réutilisent entièrement
53:31leurs eaux usées par exemple et la repotabilisent
53:33derrière, aujourd'hui en France ce n'est pas encore
53:35possible d'un point de vue réglementaire mais techniquement
53:37aujourd'hui on sait faire des systèmes qui viennent
53:39récupérer l'eau de pluie, stocker
53:41on peut utiliser cette eau de pluie qui a été filtrée
53:43préalablement et ensuite
53:45on peut venir réutiliser cette eau
53:47en circuit fermé, autrement dit vous prenez votre douche
53:49le lendemain vous allez prendre votre douche avec la même eau
53:51même si
53:53entre temps elle aura subi
53:55un traitement assez spécifique
53:57et
53:59elle sera passée par un ensemble de filtres
54:01de systèmes de filtration plus traitement
54:03ce qui permet derrière
54:05de la réutiliser sans problème. Et l'eau des toilettes
54:07qu'est-ce qu'elle devient ?
54:09Pour les toilettes c'est beaucoup plus compliqué
54:11si on veut être autonome sur la partie
54:13toilette, ce qui est aussi l'objectif
54:15on va partir sur des toilettes sèches ou autonomes
54:17il y a plein de systèmes de
54:19toilettes autonomes, on a souvent en tête
54:21la solution un peu triviale, traditionnelle
54:23des toilettes sèches avec de la SIU
54:25aujourd'hui on a d'autres solutions qui fonctionnent
54:27et notamment des toilettes à congélation
54:29de matière ou à combustion de matière
54:31ce qui veut dire que vous allez aux toilettes
54:33la matière est congelée
54:35entièrement et vous jetez ça dans un
54:37sac poubelle biodégradable
54:39ou alors elle est entièrement incinérée
54:41et vous en retirez des cendres que vous pouvez jeter dans le jardin
54:43au compost ou à la poubelle sans problème
54:45Juin 2020, vous allez fêter vos
54:475 ans d'existence, vous en avez tout du développement
54:49de Oumy aujourd'hui ?
54:51On a concentré nos premières années de développement
54:53justement sur la recherche du développement
54:55pour optimiser
54:57toutes les solutions d'autonomie
54:59qu'on propose, avancer sur le côté modulaire
55:01on a testé plein de choses, on a fait de l'ossature
55:03métallique, de l'ossature bois
55:05aujourd'hui on est arrêté sur une
55:07solution essentiellement faite de matériaux
55:09biosourcés, donc on a une isolation en laine
55:11de bois, on a une ossature bois, on a
55:13des revêtements intérieur et extérieur qui sont en bois
55:15on a des menuseries, des grandes baies vitrées
55:17autour de chaque module
55:19qui rendent encore une fois l'impression d'espace plus importante
55:21aujourd'hui on a lancé
55:23un atelier de production
55:25dans l'Est de la France, en Alsace, après avoir
55:27travaillé avec certains partenaires pendant
55:29quelques années au démarrage de l'aventure
55:31et on a
55:33conçu nos premiers projets, on a livré
55:35un certain nombre de programmes
55:37dès aujourd'hui, on est
55:39en cours de livraison de
55:41certains, on ne travaille pas forcément que sur de l'habitat
55:43aussi sur des solutions dédiées à des
55:45professionnels, que ce soit
55:47du tourisme, que ce soit des bailleurs sociaux
55:49des collectivités, on livre
55:51là on travaille sur un
55:53poste de secours
55:55pour des équipes côtières
55:57pour un poste de plage
55:59donc c'est assez varié, c'est ce qu'on comprend
56:01merci beaucoup
56:03Lars Herbillon nous interrompt, bon vent à
56:05Oumy, voilà c'est la fin de ce numéro
56:07de Smart Impact, merci à toutes et à tous
56:09de votre fidélité
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