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Arrêts-maladies : "Il est difficile de montrer l'existence de comportements frauduleux", explique l'économiste de la santé Nicolas Da Silva
franceinfo
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28/10/2024
Nicolas Da Silva, économiste, spécialiste de la santé et de la protection sociale, était l'invité éco de franceinfo lundi 28 octobre. Il répondait aux questions de Camille Revel.
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Bonsoir à toutes et à tous, le budget de la sécu arrive dans l'hémicycle, les députés
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continuent en parallèle d'examiner le budget tout court en commission des finances.
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Bonsoir Nicolas Dasilva.
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Bonsoir.
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Vous êtes économiste, spécialiste de la santé, de la protection sociale, maître
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de conférences à l'université Paris 13 et vous signez la bataille de la sécu, une
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histoire du système de santé aux éditions La Fabrique.
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Avant qu'on parle du budget de la sécu, le gouvernement, l'annonce hier soir, il
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veut durcir l'indemnisation des arrêts maladie des fonctionnaires en passant à
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trois jours de carence, réduisant l'indemnisation à 90% de la rémunération.
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Il dit que c'est pour lutter contre l'absentéisme dans la fonction publique.
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Est-ce qu'il a le bon diagnostic et est-ce qu'il a les bons remèdes d'après vous ?
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Le récit du gouvernement est celui d'un dérapage des dépenses publiques.
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L'idée, c'est de dire que ces dernières années, les dépenses publiques auraient
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augmenté de façon exagérée et donc maintenant, il faut reprendre le contrôle sur ce dérapage
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non contrôlé.
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Or, en réalité, et donc c'est pour ça, bien entendu, qu'il propose de faire tout
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un tas d'économies, notamment sur les arrêts maladie du public, mais aussi du privé.
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Or, ce que montrent les rapports publics, notamment la Cour des Comptes, c'est que
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l'une des principales raisons pour lesquelles il y a un déficit de la sécurité sociale,
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c'est parce qu'il y a eu, comment dire, une politique des caisses vides, c'est-à-dire
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que les recettes qu'on pouvait attendre plus importantes sont moins importantes.
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Et donc, le rapport de la Cour des Comptes du mois de juillet explique que le manque
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à gagner en 2023, c'est 62 milliards d'euros.
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Et donc là, ce qui se passe, c'est que finalement, par un cadrage qui est celui du trou de la
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sécu, du dérapage des dépenses, ce que fait le gouvernement, c'est qu'il pointe le doigt
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vers certaines dépenses sans qu'on sache véritablement s'il s'est justifié de le
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faire.
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Et dans le cas de l'assurance qui couvre les indemnités journalières, en fait, ce
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que montrent les études, c'est qu'il n'y a pas vraiment de problème de ce point de
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vue-là.
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C'est-à-dire qu'il n'y a pas vraiment d'abus, il n'y a pas vraiment d'excès, il y a des
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augmentations, c'est vrai, mais elles sont légitimes.
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Et c'est ça l'enjeu.
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L'enjeu est de savoir, est-ce qu'il y a une augmentation des dépenses ? Oui.
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Est-ce qu'elles sont légitimes, ces augmentations ? Eh bien ça, il faut poser la question.
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Et dans le cas des arrêts maladie, mais comme dans d'autres cas, en ce qui concerne notamment
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le système de santé, mais aussi les questions de retraite, eh bien ces augmentations, elles
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sont légitimes.
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C'est difficile de montrer l'existence de comportements frauduleux.
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Mais il y a un déficit de la sécurité sociale qui arrive à 18 milliards cette année, ce
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chiffre, il est là ?
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Bien sûr.
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Or, justement, ce chiffre est là, et alors forcément, quand on annonce ce chiffre sans
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le contextualiser, ça dramatise un peu la situation.
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Or, quand on regarde le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, ce que
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dit aussi ce rapport, c'est que les déficits, ils sont liés à des moindres recettes, des
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recettes moins importantes qu'attendues, parce qu'il y a une politique délibérée, c'est
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la politique notamment des exonérations de cotisations sociales, des déductions d'assiette
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sur les cotisations sociales, qui peuvent s'élever à quelque chose comme 100 milliards
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d'euros par an.
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Quand on compare 100 milliards à 18 milliards, on se dit que peut-être que c'est là qu'il
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faut aller voir, et peut-être un peu moins du côté des arrêts maladie.
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Il y a aussi d'autres choses dans ce rapport qui sont assez étonnantes, c'est notamment
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le fait qu'il y a eu des dépenses nouvelles qui n'ont pas été financées.
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C'est le cas notamment du Ségur de la santé.
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Le Ségur de la santé coûte environ 13 milliards d'euros par an l'année dernière.
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Ce Ségur de la santé, c'est essentiellement des mesures de rémunération pour les personnels.
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Et c'est ce qu'avait dit le président de la République, il faut mieux rémunérer
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les personnels de santé.
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Sauf que finalement, il n'y a pas eu de recettes nouvelles.
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Alors imaginons, parlons de recettes, justement, votre recette à vous, si vous étiez Premier
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ministre ou ministre des Comptes publics ou de la santé, vous feriez quoi pour le budget
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de la sécurité sociale ? Ce serait quoi la priorité selon vous ?
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Je pense que mon avis personnel ne compte pas, mais on peut se nourrir de ce qui existe
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parmi d'autres économistes qui ont ce type de réflexion.
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Et en fait, si on considère que les dépenses sont légitimes, par exemple les dépenses
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de santé sont légitimes parce que la population vieillit, parce que la population est de
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plus en plus malade, parce que la population est plus nombreuse, etc.
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Si on pense que ces dépenses sont légitimes, alors il faut trouver des recettes.
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Et ces recettes, en fait, on peut les trouver.
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Des économistes se sont intéressés à cette question, notamment en revenant progressivement
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sur les exonérations de cotisations sociales, dont on sait qu'elles ont des effets assez
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limités sur le niveau de l'emploi.
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Et c'est d'ailleurs ce que dit le communiqué de l'intersyndical qui a été publié la
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semaine dernière, qui dit qu'il faut que les entreprises apprennent à être désintoxiquées
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d'exonérations de cotisations sociales.
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Vous savez que les entreprises, et notamment le patron des patrons, Patrick Martin, n'en
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veulent pas de cette baisse des exonérations patronales.
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Il y en a 4 milliards qui sont prévues dans le budget de la Sécu.
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Ça va créer, dit le Medef, des centaines de milliers de destructions d'emplois.
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Alors c'est bien entendu ce qu'il dit, c'est ce qu'il a intérêt à dire, mais
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ce n'est pas ce que montrent les études qui se sont accumulées ces dernières années.
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Ces dernières années, de nombreuses études ont été développées, et pas uniquement
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par des économistes critiques, et qui permettent de montrer qu'en fait les exonérations de
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cotisations sociales, elles ne sont pas très efficaces.
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En plus, on pense qu'elles créent, on n'est pas capable de le démontrer, mais des formes
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de trappe à bastélaire.
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Elles coûtent très cher aux finances publiques, parce qu'à chaque fois que le SMIC augmente,
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ça coûte cher pour les finances publiques.
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Donc il y a d'autres économistes, par exemple mon collègue Clément Carbonnier, qui exigent
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qu'une autre politique de l'emploi est possible, qui consiste à dire que les entreprises,
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ce dont elles ont besoin d'abord, c'est peut-être de services publics efficaces, des travailleurs
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en bonne santé, etc.
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Et c'est ce que dit aussi, par exemple, la note du pôle économique de la CGT, qui explique,
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comme d'autres syndicats, que peut-être est-il temps de revenir sur ces politiques.
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Je voudrais qu'on revienne un petit peu en arrière sur ce dont on parlait au début
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de cette interview, sur la question des arrêts maladie des fonctionnaires.
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Le raisonnement, c'est qu'on va s'aligner sur ce que fait le privé, est-ce que la comparaison
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de base a du sens ?
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Alors, la comparaison, elle a du sens, mais il faut comparer des choses comparables.
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Et en fait, d'abord sur les droits, les droits ne sont pas tout à fait comparables, puisqu'il
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y a déjà un jour de carence pour les fonctionnaires, il y en a en théorie trois pour les salariés
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du privé, mais en fait, dans la plupart des conventions collectives, dans la plupart
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des accords d'entreprise, c'est l'entreprise qui paye.
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Et donc on a de l'ordre de 60 à 70% des gens qui ont zéro jour de carence dans le privé.
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Et d'ailleurs, dire ça, c'est monter les salariés du privé contre les fonctionnaires.
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Et les études qui existent ne montrent pas ça.
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Les études qui existent disent autre chose.
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Elles disent qu'effectivement, ces dernières années, il y a eu une augmentation du nombre
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de jours d'arrêt maladie, à la fois pour les salariés du privé, mais aussi pour les
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fonctionnaires, mais que ces augmentations ont des explications très concrètes qui
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sont loin de l'idée d'opportunisme.
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Parce que le gouvernement se base sur un rapport de l'IGAS, l'Inspection Générale des Affaires
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Sociales, réalisé dans le cadre de la revue de dépenses réclamée par l'ancien Premier
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ministre Gabriel Attal.
06:35
C'est unique, le nombre de jours d'absence dans la fonction publique, c'est 15 milliards
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en 2022.
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Il a augmenté, disait Guillaume Cazabriand, de 80% entre 2014 et 2022, ça ce sont des
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chiffres bruts.
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C'est quoi les causes ?
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Alors, les causes, j'en ai déjà un petit peu évoqué quelques-unes, c'est d'abord
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le vieillissement de la population.
06:53
Donc les gens sont plus vieux, plutôt plus vieux, donc ils sont plutôt plus malades.
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Les causes vont être aussi liées, quand on regarde les différences entre le public
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et le privé, à des différences de composition des professionnels.
07:07
Les gens qui travaillent dans le privé ne sont pas tout à fait les mêmes, ils n'ont
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pas le même profil que les gens qui travaillent dans le public.
07:13
Et c'est ça qui va expliquer les différences.
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Par exemple, dans le public, les gens sont plutôt plus âgés, et donc c'est normal
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qu'ils soient plutôt plus malades.
07:21
Les gens sont plutôt plus malades, par exemple, ils ont plus souvent un dispositif, qui s'appelle
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le dispositif d'affection longue durée.
07:27
Et donc ça signifie que s'ils sont plus malades, si on reconnaît déjà qu'ils sont
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plus malades, c'est normal qu'ils soient plus arrêtés.
07:32
Il y a aussi une plus grande féminisation dans le public, et on sait que les arrêts
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sont associés au fait d'être une femme, parce que la femme s'occupe des enfants
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et de tout un tas d'autres choses, et donc ça rend plus difficile le travail.
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Est-ce que c'est un levier de prévention qu'il faut mettre en place, qui est moins
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d'arrêts maladie ? Est-ce que ce levier qui est suivi de l'incitation financière
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n'est pas le bon ? Ou est-ce que c'est une question de philosophie finalement ?
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Ça dépend de ce qu'on veut faire.
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Il n'est pas le bon si l'objectif c'est un objectif de santé publique, de bien-être
08:01
au travail.
08:02
Il faut faire des économies.
08:03
C'est comme avec les médicaments.
08:04
Si on rembourse moins bien les médicaments, les gens achètent moins de médicaments.
08:07
Ça ne veut pas dire qu'ils n'ont pas été malades.
08:08
Les arrêts maladie, c'est pareil.
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C'est-à-dire qu'avec des mesures telles qu'elles sont prévues dans le public et
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dans le privé, forcément, il y aura des économies qui seront faites.
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Mais est-ce que ça veut dire que la qualité de vie au travail sera améliorée ? Pas du
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tout.
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Est-ce que ça veut dire qu'on aura réussi à endiguer une forme d'abus ? Pas du tout,
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parce que les études montrent que quand on augmente les difficultés pour accéder aux
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arrêts maladie, ce qu'il se passe, c'est que les gens, en effet, prennent moins d'arrêts,
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mais ils prennent des arrêts quand ils les prennent des arrêts plus longs.
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Ça veut dire que probablement leur état s'est dégradé.
08:34
Alors, quelles seraient les bonnes solutions selon vous ?
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Eh bien, à mon avis, encore une fois, il faut se poser la question, est-ce que cette
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dépense est légitime ? Et si elle est légitime, alors, tout simplement, il faut décider
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de la financer.
08:44
Et c'est la même chose avec toutes les dépenses sociales et tous les objectifs d'une politique
08:50
publique.
08:51
Est-ce que ça a du sens de faire ça ? Et si ça a du sens, alors, il faut trouver des
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financements qui vont en face.
08:56
Et on pourrait très bien considérer que des gens disent « mais non, en fait, il
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faut arrêter de financer les indemnités journalières ». Alors, il faut simplement
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le dire.
09:02
Merci beaucoup Nicolas Da Silva, économiste, spécialiste de la santé et de la protection
09:06
sociale.
09:07
Je rappelle le titre de votre ouvrage « La bataille de la Sécu, une histoire du système
09:10
de santé ». Vous étiez l'invité Echo de France Info.
09:12
Merci.
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