00:00 Bonjour à vous Samim Aknogoul, vous êtes historien et politologue, directeur notamment du département d'études turques de l'université de Strasbourg.
00:07 Merci d'avoir accepté l'invitation de France 24.
00:09 Ce scrutin local, municipal, et surtout un scrutin avec un enjeu majeur autour d'Istanbul, en quoi cette ville façonne-t-elle l'avenir politique en Turquie ?
00:20 Premièrement, c'est une ville énorme. Comme votre correspondant l'a dit, c'est à peu près 20 millions d'habitants,
00:26 c'est près de 35% du PIB du pays, donc c'est en soi plus grand qu'une partie des pays européens.
00:34 C'est un pays en soi, cosmopolite, etc.
00:38 Mais au-delà de ça, il y a une charge symbolique très importante puisque Recep Tayyip Erdogan lui-même a commencé sa carrière en tant que maire d'Istanbul
00:47 et dans le style et dans la manière de faire la politique, l'actuel maire ressemble beaucoup au début de Recep Tayyip Erdogan.
00:53 Donc de ce point de vue, si encore une fois l'opposition l'emporte avec Ekrem İmamoğlu,
00:59 cela veut dire que Ekrem İmamoğlu sera sur des rails pour les prochaines présidentielles et pour devenir le nouveau chef du pays
01:07 puisque Recep Tayyip Erdogan, vieillissant, a déclaré lui-même que c'était ses dernières élections.
01:13 Alors c'est pas sûr, il peut revenir sur la scène politique et il est revenu plusieurs fois, mais en tout cas c'est ce qu'il a déclaré.
01:20 Quelles sont les chances d'Ekrem İmamoğlu ? On sait que lors de la présidentielle, l'opposition avait fait bloc.
01:25 Cette fois-ci, cette opposition est en ordre dispersé.
01:28 Est-ce que ça peut contrecarrer les chances d'Ekrem İmamoğlu de briguer ce deuxième mandat ?
01:34 C'est vrai, c'est vrai. La coalition lors des dernières élections a disparu à Aklete.
01:39 Aujourd'hui, il y a 34 partis politiques qui présentent des candidats aux élections municipales.
01:46 Autant plus qu'il s'agit des élections à un seul tour, donc ça n'est pas comme en France, il n'y a pas les trois premiers qui passent au deuxième tour.
01:53 Celui qui grège la majorité relative devient maire d'Istanbul, maire de la ville où il se présente.
02:02 Donc de ce point de vue, Ekrem İmamoğlu a un handicap maintenant,
02:06 mais il a su se placer au-dessus des partis politiques, de la politique partisane,
02:13 et tous les sondages montrent qu'il a une légère avance sur Murat Kurumu,
02:16 qui lui dispose de l'ensemble des moyens de l'État, y compris des ministres qui viennent faire campagne pour lui,
02:22 y compris les médias bien entendu, l'ensemble des outils de l'État.
02:27 Mais Ekrem İmamoğlu a une popularité telle qu'il a encore des chances réalistes de gagner ces élections
02:34 et de devenir le nouveau leader politique du pays.
02:37 Et face à lui, son rival, son adversaire, le candidat de la KP, Murat Kurumu,
02:42 vous venez d'évoquer son nom, est-ce que s'il emportait Istanbul,
02:47 est-ce qu'il dirigerait vraiment lui-même la ville,
02:49 ou est-ce que ce serait plutôt Erdoğan qui tirerait les ficelles derrière ?
02:53 Ah oui, vous avez raison.
02:55 Istanbul est très important pour Erdoğan.
02:58 Lui-même, il a commencé sa carrière là-bas.
03:00 Il vit là-bas toujours, il dispose de sa résidence à Istanbul.
03:04 Il y est souvent, c'est là où il accueille les leaders étrangers.
03:08 Donc Ankara, dans sa tête, a été toujours secondaire.
03:12 Istanbul a été le principal, primordial.
03:14 Donc de ce point de vue, si Murat Kurumu l'emporte,
03:17 évidemment, l'ombre de Recep Tayyip Erdoğan sera là.
03:20 C'est peut-être pour ça que c'est un enjeu national,
03:23 parce qu'au-delà des élections municipales,
03:25 cela représente quand même une confirmation,
03:28 une affirmation du pouvoir de Recep Tayyip Erdoğan
03:30 ou de la charge des Klemens Mamolod.
03:33 Donc de ce point de vue, Murat Kurumu a un profil bas.
03:38 Il a été ministre, bien entendu, mais il n'est pas un des stars de l'AKP.
03:42 Et donc on voit l'ombre de Recep Tayyip Erdoğan, même pendant la campagne.
03:45 Et qu'en est-il du taux de participation ?
03:47 On sait que d'ordinaire, les Turcs votent massivement.
03:50 Est-ce qu'on peut s'attendre à la même mobilisation ?
03:52 On sait que l'économie est fragile, l'inflation est galopante.
03:54 Peut-être aussi que le douloureux souvenir du séisme pèse encore.
03:58 Donc vers quel taux de participation on peut se diriger pour ce scrutin ?
04:02 Vous avez raison.
04:03 Les Turcs votent d'une manière générale beaucoup plus élevés
04:07 que les Européens, qui sont peu là à des élections.
04:11 Nous allons voir en France au mois de juin pour les élections européennes
04:14 le taux de participation.
04:16 Donc en Turquie, on peut s'attendre à un taux de participation élevé.
04:19 Ceci étant dit, les Turcs sont fatigués des élections.
04:22 N'oubliez pas qu'il y a eu des élections présidentielles et législatives
04:25 il y a un an, pas plus tard qu'il y a un an.
04:28 Et donc il y a eu un grand mouvement, une grande motivation, un grand engagement.
04:32 Il se peut que cette campagne-là soit un peu plus terne
04:36 que les campagnes précédentes.
04:37 Donc il peut y avoir un impact.
04:40 D'un côté, une lassitude des électeurs de l'opposition de voir que,
04:43 malgré cet engagement, le candidat de l'opposition n'a pas pu l'emporter
04:48 aux élections présidentielles.
04:50 De l'autre côté, une lassitude peut-être des électeurs du pouvoir
04:55 qui sont en train de subir une usure de pouvoir,
04:58 y compris les questions des difficultés économiques,
05:02 le séisme, pour mieux nous dire.
05:03 Donc on peut s'attendre à une légère baisse de participation.
05:07 Bien entendu, toujours bien au-delà des participations européennes.
05:11 Merci beaucoup Samim Aknogoul.
05:12 Merci d'avoir pris le temps de répondre à nos questions sur France 24.