00:00 On en parle avec notre invité Nicolas Tenzer, politologue, enseignant en Sciences Po, directeur de la publication Desk Russie, votre dernier livre
00:07 "Notre guerre, le crime contre l'oubli" pour une pensée stratégique qui vient de paraître aux éditions de l'Observatoire.
00:14 Merci d'être avec nous.
00:16 Merci à vous.
00:18 Nicolas Tenzer, avez-vous des informations, vous, sur les circonstances de la mort de Navalny ? Vous qui avez toujours beaucoup d'infos au Desk Russie.
00:26 Écoutez, je n'ai pas d'informations directes et je pense effectivement, comme le disait votre correspondant très justement, on ne connaîtra jamais la vérité.
00:34 Ce qui est absolument certain en revanche, quelles que soient les circonstances et en particulier si sa mort a été d'une manière ou d'une autre accélérée,
00:43 c'est que les conditions de détention de Navalny étaient absolument terribles, qu'elles équivalaient à de la torture.
00:51 Vous savez, une privation de sommeil, réveil en pleine nuit, absence de nourriture, confinement et dans la prison près du Cercle Polaire,
01:01 où il était, des températures extrêmement basses, donc des épreuves terribles pour le corps.
01:07 On savait que Navalny, qui avait déjà échappé à une tentative d'assassinat par le FSB, était dans des conditions évidemment de santé extrêmement précaires.
01:17 Et cet assassinat, parce que je crois qu'il faut vraiment dire que c'est un assassinat planifié, organisé, même si on ne savait pas nécessairement quand il surviendrait,
01:26 fait suite à tous ceux qui ont été commis par le régime de Poutine.
01:32 Rappelons quand même Anna Politovskaya, Natalia Estimirova, Anastasia Vapourova, Stanislas Markelov, bien sûr Boris Nemtsov aussi,
01:42 et des centaines d'autres qui ont été assassinés par ce régime. Ce n'est jamais qu'un de plus.
01:48 Et cet assassinat s'ajoute bien sûr aux centaines de milliers de victimes causées par ce régime en Tchétchénie, en Géorgie, en Ukraine, en Syrie, dans de nombreux pays d'Afrique.
02:00 C'est un régime qui est fondé sur le crime. Et ce crime-là n'est jamais que le dernier, au-delà de tous ceux qu'il poursuit aujourd'hui, en Ukraine en particulier, commis par Poutine.
02:11 Nicolas Tenzer, on a vu des manifestants qui se sont rassemblés à Moscou devant le mémorial Solovetsky.
02:17 Les autorités de Moscou, à l'instant, affirment qu'elles mettent en garde les Russes contre toute manifestation.
02:22 Il y a eu des manifestations, il y en a toujours à Paris, devant les différentes ambassades de Russie.
02:28 Navalny, en fait, incarnait une autre Russie. Qu'est-ce qu'il incarnait ?
02:33 Disons que Navalny était l'opposant le plus connu à Vladimir Poutine. Son organisation était ou est implantée,
02:43 même si évidemment ses dirigeants sont soumis à une forme de silence et à une répression terrible, dans de nombreux oblastes, donc provinces de la Russie.
02:52 Donc il incarnait cette opposition. Il pouvait être contesté. Il n'était pas d'accord avec un certain nombre d'autres opposants.
03:01 Oui, bien sûr, mais c'était quand même quelqu'un qui incarnait, alors non pas nécessairement un espoir,
03:07 beaucoup de Russes ne le connaissaient pas, mais en tout cas montrait qu'il y avait encore une possibilité d'imaginer une autre Russie.
03:14 Aujourd'hui, beaucoup de Russes sont résignés, ne pensent pas que cela surviendra,
03:18 mais c'est aussi à nous, dirigeants occidentaux, de recréer les conditions de cet espoir.
03:22 Cet espoir, il ne viendra pas tant que la Russie n'aura pas été défaite, d'abord en Ukraine, ensuite ailleurs.
03:28 Quand on parle effectivement aujourd'hui de la guerre totale que Poutine livre,
03:33 il faut savoir que c'est aussi une guerre, évidemment, contre son peuple,
03:37 et que de l'issue de cette guerre en Ukraine, et en particulier de la défaite de Poutine,
03:43 proviendra un jour l'espoir d'une Russie libre. C'est ça aussi, je crois qu'il faut rappeler.
03:48 Alors, je pense aujourd'hui, permettez-moi d'ajouter une petite chose, je pense aussi aujourd'hui à un autre opposant, à Vladimir Karamurza.
03:55 Il y en a d'autres qui sont emprisonnés, d'autres que Vladimir ou que Neleten Lavany,
04:00 mais Vladimir Karamurza est aussi emprisonné pour 25 ans de manière arbitraire.
04:05 C'est un des opposants les plus remarquables à Vladimir Poutine, qui a dénoncé ses crimes depuis toujours,
04:10 et il vit dans des conditions terribles. L'autre jour, dans sa détention, dans son endroit où il était détenu,
04:16 il faisait -17°, soumis aux mêmes conditions de privation de sommeil, au même traitement qui équivale à la torture.
04:23 Et aujourd'hui, on peut craindre pour sa vie comme on peut craindre pour la vie d'une multitude d'autres dissidents.
04:28 Le temps presse, et le temps presse de notre côté pour que nous agissions de manière absolument résolue.
04:34 Merci Nicolas Tenzer, politologue enseignant à Sciences Po, directeur de la publication d'Escrusie.