La France accueille du 9 au 13 juin la troisième Conférence des Nations unies sur l'Océan à Nice. L'occasion pour Emmanuel Macron d’afficher son engagement en matière de protection maritime. Mais la France a-t-elle vraiment des leçons à donner alors qu’elle peine à protéger elle-même ses aires marines, qu’elle ne parvient pas à empêcher la pêche illégale et que le financement de ses projets reste insuffisant ? On en parle avec Romain Troublé, directeur général de la Fondation Tara Océan.
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NewsTranscription
00:00Générique
00:00Capture les océans cette semaine.
00:05Derrière les plages de rêve, les coraux multicolores et les dauphins surfant à côté des bateaux,
00:09il y a une réalité bien plus sombre.
00:12Acidification, surpêche, pollution plastique, perte de biodiversité.
00:16Nos mères sont en souffrance et c'est dans ce contexte que la France accueille ce week-end
00:20la troisième conférence des Nations Unies sur les océans à Nice.
00:23L'occasion pour Emmanuel Macron d'afficher son engagement en matière de protection maritime.
00:27Mais on peut tout de même s'interroger, la France est-elle vraiment à la hauteur ?
00:32Peut-elle donner des leçons alors qu'elle peine à protéger elle-même ses aires marines,
00:36qu'elle ne parvient pas à empêcher la pêche illégale
00:38et que le financement de ses projets reste largement insuffisant ?
00:41On en parle avec notre invité du jour, Romain Troublé.
00:45Bonsoir, vous êtes directeur général de la fondation Tara Océan.
00:50C'est une fondation engagée pour la défense de l'océan.
00:52Vous vous trouvez actuellement à Nice où les scientifiques venus du monde entier sont réunis depuis mardi.
00:58Ils veulent transmettre leurs recommandations avant l'ouverture de la fameuse conférence des Nations Unies sur l'océan.
01:05Vous qui êtes sur place, est-ce que vous diriez qu'il y a un vent d'optimisme qui souffle sur Nice
01:09ou que l'heure est plutôt à l'amertume ?
01:13Écoutez, bonsoir déjà.
01:18Effectivement, je suis d'Aniste devant la promenade.
01:22Effectivement, le sommet va commencer dans quelques heures maintenant.
01:28On est un peu avant les discussions.
01:31Je dirais que l'ambiance est assez festive.
01:33Les gens sont contents d'arriver ici, sont contents d'être retrouvés.
01:35On a quand même ici un panel de 180 États qui sont venus, notamment 90 États représentés au niveau chef d'État ou ministre.
01:44Ce n'est jamais vu quand même pour l'océan.
01:46Et donc pour ça, c'est déjà enthousiasmant de voir tous ces gens ici.
01:48Mais évidemment, il y a beaucoup de sujets sur la table.
01:51Alors on va y revenir.
01:51La France a donc choisi d'accueillir cette troisième conférence qu'elle co-organise avec le Costa Rica.
01:57La France, on le rappelle, elle possède le deuxième espace maritime mondial derrière les États-Unis.
02:01Elle est le seul pays à être présent sur quatre océans grâce à ses territoires ultramarins.
02:05Je posais la question en introduction.
02:06Est-ce qu'elle le protège vraiment, elle, son espace maritime ?
02:11Justement, il y a des sujets en France.
02:14On a du mal à protéger vraiment des zones de notre territoire marin, en métropole notamment.
02:20On fait très bien aller très loin des côtes métropolitaines, dans les îles indiens par exemple.
02:25Mais par contre, en métropole, on a du mal à protéger réellement les écosystèmes.
02:29On dit qu'ils sont protégés, mais en vrai, entre un parc marin et l'extérieur,
02:34il n'y a pas beaucoup de différences.
02:36On peut pêcher de la même façon.
02:37On peut avoir des techniques de pêche qui sont destructrices des habitats.
02:40On ne peut disparaître certaines espèces comme la civelle ou l'anguille.
02:44Et donc, c'est des sujets qui sont aujourd'hui sur la table.
02:46Il faut absolument qu'on arrive à avancer avec les pêcheurs, avec les scientifiques.
02:50Et aujourd'hui, c'est clair qu'on a encore beaucoup de chemin à faire sur ce sujet-là.
02:53Et on attend beaucoup du président Macron sur ce sujet-là.
02:56Le président Macron qui fait valoir qu'il y a 30% d'aires marines protégées en France.
03:02Mais selon certaines ONG, seulement 0,1% de ces aires sont réellement protégées du chalutage des activités industrielles.
03:10Est-ce que c'est un chiffre qui vous semble crédible ?
03:13Oui, bien sûr.
03:15C'est un chiffre qui fait consensus dans le monde scientifique.
03:17Il n'y a aucun doute là-dessus.
03:19On a du mal à protéger notre écosystème.
03:21On a du mal à concilier et à convaincre aussi le monde de la pêche
03:25que c'est en protégeant des zones qu'on va protéger la pêche de demain.
03:28Et ce n'est vraiment pas une lutte contre le métier de la pêche qui est un métier formidable.
03:34C'est vraiment un dit qu'on a du mal à convaincre nos concitoyens, nos amis pêcheurs
03:39que si on protège certaines zones, qu'on les protège bien,
03:42qu'on en fait des petits pas forcément très grands,
03:45mais des zones de régénération d'écosystèmes,
03:47les poissons vont se reproduire, vont grandir et on va pu chercher des poissons plus grands
03:52et de façon plus rapide et donc plus efficace.
03:55Tout ça, j'ai envie de dire, c'est pour nourrir la France, pour nourrir nos concitoyens,
03:59mais aussi pour faire vivre nos pêcheurs.
04:01Il ne s'agit pas d'être un combat d'un côté les ONG scientifiques
04:05et d'autre côté les pêcheurs qui ont un métier particulièrement difficile en mer.
04:08Est-ce que l'erreur de la France, c'est de continuer à subventionner
04:11certaines pêches industrielles destructives ?
04:16La France, elle ne subventionne pas vraiment.
04:19Elle fait des cadeaux de taxes, en fait, beaucoup de techniques au chalut.
04:23Vous savez, un bateau chalutier qui racle le fond,
04:27pour un kilo de poisson, c'est trois, quatre kilos de gasoil.
04:30Donc en fait, ce gasoil n'est pas taxé.
04:32Et donc, en ce sens, il est financé et cofinancé par nous tous aujourd'hui.
04:36Comment améliorer cette façon-là ?
04:38Comment être incitatif aussi pour avoir une pêche plus durable ?
04:42Et l'enjeu, ce n'est pas forcément que de créer des zones protégées,
04:45c'est aussi de changer la façon dont on pêche,
04:47les techniques de pêche des habitats,
04:50les techniques de pêche qui ne prennent que les poissons
04:54qui se sont déjà reproduits et pas ceux qui ne sont pas encore reproduits.
04:56Tout ça, c'est une réflexion qu'il faut avoir collectivement.
04:59Et moi, je l'appelle, et avec les ONG, d'ailleurs, dont on est parti,
05:01on appelle tous et toutes au dialogue et à la concertation pour avoir plus d'ambition.
05:06Pour notre pays, qui est un pays formidable,
05:08et que ce soit en métropole ou en outre-mer,
05:10il faut absolument qu'on avance sur ces sujets-là et il va l'intérêt de tous.
05:13Et alors, comment vous expliquez qu'Emmanuel Macron appelle à défendre les océans la journée
05:18et continue à protéger ceux qui l'abîment la nuit ?
05:21En fait, il faut bien aussi reconnaître que la France, à l'international,
05:27et moi, avec Tara, vous savez, on a été dans 75 pays depuis 15 ans,
05:31on a navigué dans le monde entier, on a croisé beaucoup de pays,
05:33beaucoup d'hommes politiques,
05:34et la France reste ce pays progressiste qui annonce
05:37et qui porte beaucoup d'ambition pour les océans.
05:40Aujourd'hui, la France, à l'international,
05:42on n'a vraiment pas beaucoup de choses à se reprocher.
05:45Et c'est ça qui est très déroutant, évidemment,
05:47c'est le contraste entre notre position internationale
05:49pour des traités plastiques contraignants,
05:53contre l'exploitation des ressources minières, des grands fonds.
05:58On est toujours très progressif quand il s'agit d'aller à l'étranger,
06:02mais en France, on n'arrive pas à convaincre
06:03et on n'arrive pas à avoir un dialogue apaisé et serein
06:06sur comment mieux protéger nos territoires et notre ressource,
06:10qui est, encore une fois, un territoire maritime gigantesque
06:13et qui en vaut la peine.
06:15Le nerf de la guerre, on l'imagine bien, c'est évidemment l'argent.
06:17Un rapport récent montre qu'il manque 14 milliards de dollars par an
06:21pour la protection des océans.
06:24Comment on peut faire sans moyens, finalement ?
06:27Est-ce qu'on peut réellement y arriver ?
06:32Écoutez, je crois qu'il faut faire tout ce qu'on peut pour y arriver.
06:34Ces sommets-là, comme je vous l'ai dit, c'est assez historique.
06:36On n'a jamais eu autant d'hommes politiques et de chefs d'État
06:38de haute personnalité à venir à un sommet comme ça pour s'intéresser à la mer.
06:45C'est la première fois.
06:45Les dernières conférences de l'ONU n'ont pas fait venir autant de monde
06:49et je crois que c'est sur la table.
06:50Aujourd'hui, il y a demain, après-demain, un sommet financier à Monaco
06:54sur comment trouver les moyens de protéger cet océan.
06:57Vous l'avez dit, c'est 14 milliards de dollars
06:58qui vont essayer de discuter avec les banquiers, l'assurance.
07:03Tout le monde financier va être à Monaco.
07:06Et puis, après ça, on va attaquer cette conférence en elle-même
07:09à partir du 8 juin, à partir du dimanche prochain,
07:12pour une durée de cinq jours, pour essayer de se mettre d'accord.
07:14L'enjeu n'est pas ici de signer un traité.
07:16Il n'y a pas de traité à signer ici.
07:17L'enjeu, c'est d'arriver à créer des coalitions,
07:21à rehausser l'ambition de tous ces États
07:23sur tous ces sujets de l'océan dont vous avez parlé au début,
07:25que ce soit le transport maritime décarboné,
07:27que ce soit la biodiversité,
07:28la pollution plastique,
07:31évidemment la pêche et la pêche illégale,
07:33qui est un véritable fléau,
07:34qui représente à peu près 15% de la pêche mondiale aujourd'hui.
07:37Est-ce qu'on peut faire tout ça
07:38sans le soutien des États-Unis, qui, rappelons-le,
07:40possède le premier espace maritime au monde ?
07:42Et on connaît les positions de Donald Trump sur la question.
07:45D'ailleurs, aucune délégation américaine
07:47ne sera présente ?
07:51Oui, alors,
07:51le premier espace maritime au monde,
07:54c'est l'Europe. Il ne faut pas l'oublier,
07:55et je crois que c'est ça qu'il faut bien se rappeler.
07:57Trump n'est pas là,
07:59l'Amérique n'est pas là,
08:00mais la Chine est là avec son vice-président,
08:02et c'est déjà une marque
08:02très forte d'intérêt
08:05de ce pays pour le multilatéralisme,
08:07et j'espère bien qu'on avancera
08:09avec cette partie du monde,
08:10et l'Amérique,
08:11pour l'instant,
08:12elle reste là où elle est,
08:14et c'est bien dommage,
08:15évidemment,
08:17on est tous un peu
08:18abasourdis de ne pas avoir l'Amérique
08:20ici avec nous,
08:21avec la NOA,
08:22avec toutes ces agences
08:23incroyables
08:24à qui on a fait confiance
08:24pendant des décennies
08:25et des décennies
08:26pour stocker de données,
08:27pour capter de données,
08:28et en fait,
08:29on se rend compte
08:29qu'avec une élection,
08:30finalement,
08:31cette science globale,
08:32cette science de l'intérêt général,
08:33elle peut être mise à mal,
08:35et donc comment aussi
08:36s'organiser demain
08:37pour que cette science
08:39soit répartie géographiquement
08:40sur le monde,
08:40et qu'on ne dépend pas
08:41d'un seul pays
08:42qui, d'un seul coup,
08:43peut faire disparaître
08:4450 ans de données
08:45très importantes
08:46pour les populations
08:47du climat.
08:47Un mot pour terminer
08:49sur votre fondation,
08:50la fondation Tara Océan
08:51qui mène des expéditions
08:52scientifiques.
08:54Quelles étaient
08:54vos dernières missions ?
08:55Quelles seront les prochaines ?
08:59Écoutez,
09:00Tara,
09:00ça a fait
09:01une mission
09:01qui a fait
09:0213 expéditions
09:02depuis 20 ans maintenant.
09:03La goélette Tara
09:04qui fait 36 mètres
09:05a été dans le monde entier,
09:06vous la voyez là.
09:07Elle est en ce moment
09:08à Monaco,
09:09elle sera à Nice
09:09après-demain,
09:10et elle a travaillé
09:12beaucoup sur
09:12comprendre pourquoi
09:14l'océan est vivant
09:15et comment mieux
09:15le protéger
09:16et comment mieux garder vivant.
09:17Et cette goélette,
09:19elle a été doublée
09:20d'une petite sœur
09:21qui s'appelle
09:21la station polaire Tara
09:22et qui,
09:23elle,
09:24est en route
09:25en ce moment
09:25où je vous parle
09:26vers le pôle Nord,
09:27vers l'Arctique,
09:27pour aller mieux étudier
09:28cette zone de la planète
09:29qui est complètement
09:30en danger sur le monde
09:31climatique,
09:32qui est sous pression.
09:33Là-haut,
09:34au pôle Nord,
09:34la température
09:36augmente
09:37de 3 à 4 fois plus rapidement
09:38qu'ailleurs
09:39dans notre monde.
09:41Donc,
09:41c'est un vrai sujet
09:41et un vrai sujet
09:42d'océans
09:43à mieux découvrir,
09:43mieux défendre
09:44et aussi à convaincre,
09:47à nos concitoyens.
09:49Le plus grand problème
09:50de la mer,
09:51c'est le dédain.
09:51Notre dédain à tous.
09:53On tourne le dos à la mer,
09:53on est fait comme ça,
09:54on est humain
09:55et dans le monde entier,
09:55c'est pareil.
09:56Comment retourner ça ?
09:57C'est ça la vraie question
09:59de ce sommet.
09:59Vous dites souvent
10:00que le problème,
10:00c'est que l'océan
10:01n'a pas d'électeur.
10:02On fait comment justement
10:03pour que les citoyens
10:04s'emparent de ce combat ?
10:07Je crois que la science,
10:09elle informe,
10:10elle nous informe
10:10des changements climatiques.
10:11Vous voyez bien,
10:11on est informé du CO2
10:13dans l'atmosphère,
10:14mais on ne fait rien.
10:14Je pense qu'il faut arriver
10:15à toucher l'émotion.
10:17L'émotion,
10:18elle engage les artistes,
10:20le récit,
10:21l'aventure,
10:21l'exploration.
10:22Ce sont des thèmes
10:23qui engagent nos concitoyens,
10:25nos enfants évidemment,
10:26mais aussi nous,
10:27parce que quelque part,
10:28on aime bien le risque,
10:30la prise de risque,
10:30les gens qui vont donner
10:31leur vie à l'exploration,
10:32qui consacrent à tous
10:35une franche énorme
10:37de leur existence à ça.
10:39Ça nous fascine
10:39et je crois qu'il faut
10:40se laisser fasciner,
10:41il faut se laisser emmener
10:42par cette émotion.
10:44C'est ça qui nous engagera
10:44à changer,
10:46mais évidemment,
10:47ce n'est pas facile
10:47et chaque culture
10:48a sa propre approche
10:50et c'est ça qui fait aussi
10:52la beauté quelque part
10:53des Nations Unies.
10:53C'est avec ça
10:54qu'il faut travailler.
10:55On n'a que ça.
10:56J'entends souvent des gens
10:56qui disent
10:57c'est trop tard,
10:58ça ne sert à rien,
10:59mais en fait,
10:59on n'a que ça pour avancer
11:01et je crois qu'il faut
11:02redoubler d'efforts
11:04et continuer à se battre
11:05pour cette planète
11:06et pour cet océan
11:06pour nos enfants.
11:08Merci,
11:09merci beaucoup Romain Troublé.
11:11On suivra évidemment
11:12sur France 24
11:13cette conférence
11:14des Nations Unies
11:15sur l'océan
11:16de très près.
11:18Elle doit donc se tenir
11:19ses prochains jours
11:20à Nice.
11:23C'est la fin de ce journal.
11:24Restez avec nous tout de suite.
11:26Vous allez retrouver Fatima Tamouane
11:28aujourd'hui,
11:28c'est Serine Bey
11:29pour le Journal de l'Afrique.
11:30On se donne rendez-vous
11:30juste après.
11:32Merci à tous.
11:33Merci à tous.
11:34Sous-titrage Société Radio-Canada