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  • 31/05/2025
A neuf jours de la conférence des Nations unies sur l'océan, nous avons choisi le prisme de l'émerveillement. Vincent Doumeizel, conseiller océan à l'ONU, vient nous parler de sa passion : les algues et le plancton. Vous n'avez peut être pas encore idée des trésors qu'ils représentent, et pourtant, ils sont l'avenir de notre humanité. C'est ça la magie de la nature.

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Transcription
00:00Place à notre invité au cœur de l'info.
00:02A neuf jours de la conférence des Nations Unies sur l'océan,
00:05nous avons choisi le prispe de l'émerveillement.
00:07Vincent Dumezel est conseiller océan à l'ONU
00:10et vient nous parler de sa passion, les algues et le plancton.
00:14Vous n'avez peut-être pas encore idée des trésors qu'ils représentent
00:17et pourtant ils sont l'avenir de notre humanité.
00:20C'est ça la magie de la nature.
00:21Bonsoir Vincent Dumezel.
00:23Bonsoir.
00:23Merci d'avoir accepté notre invitation.
00:25Alors vous n'êtes pas venu les mains vides,
00:26nous allons voir cela dans un instant.
00:28Mais avant de parler des algues,
00:30intéressons-nous tout d'abord au plancton.
00:33Peut-être moins identifié par le grand public,
00:35c'est l'objet d'un tout dernier texte que vous venez de publier,
00:39le manifeste du plancton.
00:41Quand on lit votre livre,
00:42on comprend instantanément que sans lui, la vie serait impossible.
00:46Vous écrivez d'ailleurs, si nous le préservons, le plancton nous sauvera.
00:51Oui tout à fait.
00:52Le plancton est la base de la vie sur Terre.
00:55Tout a commencé là.
00:56Au niveau historique et biologique, notre planète est une planète plancton.
01:01En fait, avant tout, 90% de l'histoire du vivant sur Terre, c'est du plancton.
01:06Et la vie sur Terre, sur les continents, est un épiphénomène relativement récent
01:12dans l'histoire de la vie sur notre planète.
01:15Donc c'est le fondement de tout.
01:17Et je pense que si on veut reconstruire, rebâtir et réparer un bâtiment,
01:20on commence toujours par le fondement.
01:21C'est un peu pareil, si on veut se demander comment réparer notre planète,
01:27c'est intéressant de commencer par ce qui est le fondement de tout,
01:30à savoir le plancton.
01:31Le plancton est défini par tout ce qui dérive dans l'océan.
01:35Donc tout ce qui n'est pas ni dans les sols,
01:37qui n'a pas de muscles, qui ne peut pas remonter contre le courant.
01:39Et ça regroupe un ensemble extrêmement vaste d'organismes
01:44qui va à de petits virus microscopiques,
01:49même bien plus petits que le microscopique,
01:51complètement invisibles.
01:53On voit quelques exemples derrière vous.
01:54Voilà, à des organismes comme les méduses, qu'on connaît bien,
01:57qui sont aussi du plancton,
01:58et à des siphonophores, qui sont les organismes les plus longs du monde,
02:02bien plus longs qu'une baleine, puisqu'ils peuvent mesurer 100 mètres de long.
02:04Donc ces organismes...
02:05Ça c'est du plancton aussi.
02:06On voit la diversité, effectivement, de ces organismes.
02:09C'est vraiment une grande diversité qui, pour l'essentiel, demeure invisible.
02:12Et ce qui est assez magique, c'est de comprendre qu'une bulle d'eau,
02:15ce qu'on croit être vide, est en fait bouillonnant de vie.
02:18Il y a des millions d'organismes différents dans une goutte d'eau.
02:22Concrètement, quand on boit la tasse dans l'océan, on avale tout ça.
02:25On boit un bon bouillon de culture, et qui nous sauve d'ailleurs.
02:28Sans ça, on ne serait pas vivant.
02:29Et nos intestins et notre corps survient grâce à tous ces organismes qui nous composent.
02:36Et donc, qu'est-ce serait l'application du plancton ?
02:39Comment est-il accompagner les mutations que nous vivons ?
02:43Elles sont absolument phénoménales, dans le sens où le plancton, il va déjà gérer tous les cycles géochimiques.
02:47Donc il va gérer la chimie planétaire, la biologie planétaire.
02:50On va découvrir la biologie planétaire grâce au plancton, tous les cycles des nutriments,
02:56ce qui va recycler l'azote, le phosphate, mais surtout l'oxygène, dont on a tant besoin, l'eau douce, le cycle de l'eau douce.
03:03C'est-à-dire que tout comme les forêts en Amazonie, il rééquilibre notamment...
03:06Bien plus que les forêts en Amazonie, encore même.
03:10En fait, c'est un peu comme ça.
03:11Ignorer le plancton, c'est un peu comme ignorer les forêts.
03:14Se dire qu'on ne connaît pas les forêts, qu'on ignorerait qu'il y aurait des forêts sur Terre,
03:16et que le rôle du plancton est largement aussi grand.
03:20C'est 90% de la biomasse des océans.
03:22C'est ce qui va créer la matière première dans l'océan et qui va nourrir tout le reste.
03:26Sachant que les océans représentent eux-mêmes 70% de la surface de la planète.
03:30Voilà, et une grande partie de la zone habitable surtout.
03:33Mais ce qui est intéressant, c'est qu'on parle toujours des baleines, des tortues, des dauphins,
03:36qui sont des grands animaux charismatiques, et qu'on ne se demande jamais comment les sauver.
03:41Parce que les sauver, finalement, c'est avant tout leur donner à manger,
03:43et c'est donc préserver les communautés de plancton qui les nourrissent.
03:45Donc il faut vraiment remonter d'un cran pour essayer de préserver le vivant tel qu'il est aujourd'hui,
03:51et comprendre d'où tout cela part.
03:53Donc ça va avant tout être cela, et puis après il y aura des applications après
03:57de nettoyer les océans, de réparer le cycle de l'eau.
04:01La pluie, elle est gérée par des gaz émis par le plancton.
04:05Donc il y a tout un ensemble de solutions.
04:07Après, il y a des nouveaux matériaux, des nouveaux plastiques.
04:09Le plancton peut dégrader le plastique, peut créer une forme de plastique biodégradable.
04:12Le plancton va pouvoir nettoyer les océans.
04:14Certains planctons, les plus fréquents, vont créer du verre.
04:20Ils savent créer du verre à 4 degrés.
04:22Une carapace de verre, quand nous, il nous faut 1500 degrés pour créer du verre.
04:25Enfin, c'est illimité en fait.
04:27Le biomimétisme à partir du plancton est absolument illimité.
04:29Il s'est créé de l'hydrogène, il s'est coulé du carbone de façon massive,
04:34et donc refroidir l'atmosphère.
04:35C'est quelque chose qui est extrêmement intéressant aussi.
04:39Les différents climats, au travers des millénaires et des millions d'années passées,
04:43ont été dictés par les efflorescences de tel ou tel plancton,
04:46selon sa capacité à absorber et couler du carbone ou à le relâcher dans l'atmosphère.
04:51C'est ça qui a défini le climat sur Terre.
04:52Donc aujourd'hui encore, on voit bien que...
04:55Ça façonne, effectivement, la réalité dans laquelle on existe.
04:58Nous sommes en train de détruire ce plancton.
05:01Quand on sait qu'on retrouve du plastique à 10 000 mètres de profondeur,
05:05comment est-ce que l'homme agit-il contre le plancton ?
05:10Il n'agit pas forcément contre le plancton.
05:11Le plancton, il était là bien avant nous.
05:13Il va survivre à l'homme, ça c'est certain.
05:15Mais il y a des zones mortes.
05:16Ce sont de plus en plus importantes.
05:18C'est-à-dire des zones sans plancton.
05:20Alors, on va trouver des méduses, on va trouver certains types de...
05:22D'ailleurs, les méduses sont perçues comme ayant survécu aux cinq extinctions de masse
05:26comme un organisme assez fascinant
05:27qui est bien parti pour aimant tout ce que nous lui faisons.
05:32Les eaux chaudes, la pollution, elles adorent ça.
05:34La surpêche, elles adorent ça.
05:36Étant bien parti peut-être pour de la suite.
05:37Si jamais on venait à disparaître, on verra.
05:39Peut-être que ce serait une planète des méduses demain.
05:40En tout cas, le plancton, il ne va pas disparaître en soi.
05:43C'est juste que notre écosystème aujourd'hui, notre biodiversité et notre existence à nous,
05:49elle est basée sur des communautés de planctons précises
05:51qui, si elles disparaissent, sont remplacées par d'autres.
05:54Planctons qui nous sont toxiques ou qui n'absorbent pas de carbone.
05:57Eh bien, là, nous, on va disparaître.
05:59Par contre, c'est sûr.
05:59Alors, après, il y aura d'autres choses qui vont arriver.
06:01Peut-être des méduses, peut-être d'autres organismes.
06:03Mais le plancton n'est pas en soi menacé.
06:05C'est le plancton qui nous permet de vivre qui est menacé, en fait.
06:08Parmi les applications, vous avez évoqué certaines.
06:11Je voulais parler aussi des pansements micro-algues.
06:13Ça, ce sont des Chiliens qui ont développé ça.
06:15Oui, voilà, qui vont être capables de créer de l'oxygène sous la peau pour réparer les blessures.
06:20Dans les applications, il y a la nourriture aussi.
06:21On connaît tous la spiruline, qui est un plancton, qui est une micro-algue à caractère planctonique.
06:27La bioluminescence.
06:28La bioluminescence, voilà.
06:29C'est magique quand on voit ces images-là dans l'océan.
06:31C'est très beau.
06:32Mais les militaires australiens, ils voient une application concrète.
06:35Eux, ils se sont faits...
06:36On voit leurs sous-marins sous l'eau, en fait, par satellite, quand ils passent dans des zones bioluminescentes.
06:41Mais il y a une société française, d'ailleurs, qui a essayé de travailler sur éclairer les rues des villes
06:46grâce à des planctons bioluminescents qui sont complètement...
06:50Voilà.
06:51Très peu énergivores, évidemment.
06:53Donc, il y a tout un ensemble de potentiels.
06:55Vous avez apporté des lunettes, c'est ça ?
06:57Oui, c'est des lunettes en plancton.
06:58En effet, c'est une première mondiale.
07:00Ce sont des lunettes en plancton.
07:02C'est un bon style, en plus.
07:03Le plancton, il crée une forme de matière, de réserve, en fait, des bactéries planctoniques.
07:08Et ça permet de faire des lunettes qu'on pourrait même manger si on voulait,
07:12puisqu'elles sont comestibles, biodégradables et compostables comme le reste.
07:16Pour remplacer le plastique.
07:17Donc, le plancton a un éventail de solution.
07:18Et ce qui est surtout intéressant sur le plancton, c'est qu'on est à l'aube de le découvrir.
07:23On est vraiment au tout début de l'histoire, un peu là où Darwin était au début du 19e siècle, peut-être.
07:30À l'aube d'une grande époque de découverte sur le plancton.
07:32On ne connaît rien et ça fait seulement dix ans qu'on a appris à le comprendre, qu'on a appris ce que c'était.
07:37Parce qu'il fallait pour cela des outils, les satellites qui permettent de voir les couleurs des océans,
07:41qui définissent les mouvements des différents planctons.
07:45Il fallait surtout des drones avec des microscopes de très haute définition.
07:48Il fallait des séquentages ADN.
07:50Donc, tout un ensemble de technologies qui nous permettent aujourd'hui, depuis dix ans, de comprendre le plancton.
07:55Pour donner un exemple, il y a 20 ans, il y a une expédition qui est partie à définir des virus dans l'océan.
08:00On en connaissait 40 des virus dans l'océan au niveau mondial.
08:03Aujourd'hui, on en connaît un demi-million.
08:05On est passé de 40 à un demi-million.
08:06On a 150 millions de nouveaux gènes qu'on a découverts dans l'océan, dont on ne sait pas à quoi ils servent.
08:10Et qui peuvent avoir des applications médicales, alimentaires, n'importe quoi incroyables.
08:15Donc, il y a encore tout un monde qui est à découvrir.
08:18C'est un peu comme une Atlantide perdue, en fait, dont on vient, qui a été engloutie,
08:22mais qu'on redécouvrirait aujourd'hui, et où tout, qui est la matrice du vivant sur Terre.
08:26Mais la question qui se pose, c'est est-ce qu'on aura le temps d'aller dans cette compréhension du plancton,
08:30puisqu'on voit que les choses s'accélèrent, qu'il faut agir assez rapidement.
08:33On va parler dans un instant de cette conférence sur les océans.
08:36Il y a trois ans, vous nous expliquez déjà comment les algues pouvaient sauver le monde.
08:40Est-ce qu'il y a un mouvement qui est en marche trois ans après ?
08:43Il y a un développement qui se fait, c'est très long, c'est des changements sociétaux.
08:48Il faut qu'une génération se forme, que des jeunes aillent étudier les algues.
08:51On manque de chercheurs, on manque de moyens, on manque de financement,
08:54et on manque d'appétit aussi à manger des algues.
08:56Mais aujourd'hui, on voit que la France a sorti une stratégie pour les algues,
09:01enfin, avec la ministre, nous l'avons sorti au mois de mars,
09:04le Salon de l'Agriculture, une stratégie ambitieuse de développement de la filière algues.
09:07La Bretagne, évidemment, est aux avant-postes.
09:09La Bretagne est en première ligne.
09:10On voit qu'en Afrique, il y a des projets extrêmement intéressants sur les algues qui se développent.
09:13Alors, à Zanzibar, en Tanzanie, là où depuis 30 ans, les algues se sont développées,
09:18ont favorisé le développement, notamment des femmes qui en bénéficient en premier lieu,
09:23puisque c'est elles qui travaillent sur les plages et qui ont acquis leur indépendance grâce aux algues.
09:27J'étais à Madagascar il y a peu de temps où on voit que des populations qui étaient extrêmement à risque
09:32ou qui souffraient de la manque de ressources, de piscicoles, de pêches,
09:37peuvent survivre grâce à la culture d'algues.
09:41La même chose en Namibie, où des projets extrêmement intéressants au Maroc se développent.
09:45En Afrique du Sud, toute l'Afrique de l'Est a un potentiel très intéressant.
09:50On voit des sargasses qui vont de plus en plus arriver vers l'Afrique,
09:53donc il va falloir se demander ce qu'on peut faire et comment on peut les utiliser, les valoriser.
09:56Donc oui, il y a des projets qui se font, c'est très lent,
09:59parce qu'on manque de recherche, on manque de savoir, on manque de connaissances,
10:02mais il est clair que les algues permettront à l'avenir de nourrir les hommes,
10:05mais aussi les animaux, et d'amender les champs, de les enrichir,
10:09de remplacer les plastiques et de réparer la planète en absorbant du carbone
10:12et en fournissant des ressources aux populations.
10:14Sachant que ce n'est pas nouveau, c'est ce que vous expliquez dans votre très belle bande dessinée qui sort,
10:18La Révolution des algues, qui fait suite à votre livre qui est sorti il y a deux ans je crois.
10:23Cette application-là, elle est très ancienne.
10:26Les hommes se sont nourris, on a retrouvé des algues dans les organismes il y a déjà des dizaines de milliers d'années.
10:31Ils les utilisaient aussi pour l'agriculture, et donc c'est tout cela qu'il faut réhabiliter.
10:36Le vivant s'est construit autour des algues, du plancton et des algues.
10:40Donc en fait, on fait avec les hommes préhistoriques,
10:42et c'est ce qui a permis à notre cerveau d'ailleurs de devenir aussi gros,
10:44c'est une ingestion forte d'acides gras polyinsaturés
10:49qui permettent à notre cerveau de muter et de devenir aussi gros par rapport à notre masse corporelle
10:52pendant des dizaines de milliers d'années.
10:54Et on a perdu cette culture de l'océan il y a 12 000 ans quand on a inventé l'agriculture.
11:01Et on est passé à la stade de la civilisation agricole, de la civilisation de l'homme moderne,
11:06on est sorti du chasseur-cueilleur,
11:08mais dans l'océan aujourd'hui, sur deux tiers de notre planète,
11:11on est encore des chasseurs-cueilleurs.
11:13Et c'est ce qui explique qu'aujourd'hui, l'océan couvre 70% de la planète
11:16et contribue à moins de 2% de notre alimentation.
11:20Vous en avez apporté d'ailleurs, je crois.
11:21Vous en avez apporté, je crois.
11:24J'en consomme déjà personnellement.
11:26Des petites algues islandaises à goûter, c'est de la dulce.
11:29Tenez, je vous l'ai dit.
11:30Je vous l'ai dit.
11:31Et bourré de nutriments, la dulce, c'est quoi ?
11:3245% de protéines, exactement.
11:34C'est extrêmement riche, bien plus que le soja ou que tout autre organisme.
11:39Donc c'est délicieux, ça a un petit goût de bacon quand on le fait griller.
11:43Celle-là, elle vient d'Islande en l'occurrence.
11:45Mais donc voilà, il faut apprendre à découvrir.
11:47Il y a 12 000 types d'algues différentes.
11:51On dit souvent que les algues vertes et les algues rouges,
11:53c'est les premiers organismes multicellulaires qui ont été créés sur Terre.
11:56Il y a un milliard d'années, il y a un demi-milliard d'années seulement,
11:59les algues vertes ont émigré sur les continents
12:02pour donner naissance à toute la végétation qu'on a autour de nous.
12:06Et aujourd'hui, finalement, une algue verte,
12:07elle va être génétiquement beaucoup plus proche d'un chêne ou d'un fraisier que d'une algue rouge.
12:11La différence entre une algue rouge et une algue verte,
12:12elle est plus grande que la différence entre un champignon et un éléphant,
12:15au niveau génétique et biologique.
12:17Donc quand on dit qu'on n'aime pas les algues, ça ne veut rien dire en fait.
12:21On n'aime pas tel type d'algues et surtout, il faut apprendre à les cuisiner.
12:24C'est un peu comme les pommes de terre ou les fèves de cacao.
12:27Si vous les mangez crues, ce n'est pas bon.
12:28Alors que si vous prenez des frites ou du chocolat, tout le monde aime ça en fait.
12:30Et puis on peut très bien réhydrater les algues.
12:33Effectivement, il y a 15 000 manières de les cuisiner, de les savourer.
12:37Comment on en vient à se faire le porte-parole des algues et du plancton ?
12:39C'est vrai que ça peut prêter à sourire.
12:40Or, on voit l'application concrète et à quel point c'est essentiel.
12:44D'où vous vient ce souci ?
12:45C'est un long chemin.
12:46J'ai commencé ma carrière en Afrique, où j'ai vu la faim dans le monde, ce que ça voulait dire.
12:51Donc j'ai passé 20 ans en fait à essayer de trouver une solution
12:54en travaillant dans l'agroalimentaire, dans des filières internationales,
12:57dans des grandes sociétés, pour essayer de trouver un nouveau moyen de nourrir le monde mieux.
13:01Et en fait, sur Terre, il n'y en a pas.
13:02Il n'y a pas de moyen de nourrir mieux le monde.
13:05On a un milliard de personnes qui meurent de faim.
13:09On a 300 000 personnes à nourrir tous les jours en plus sur Terre.
13:12Et on a des terres arables qui sont de moins en moins fertiles.
13:16Des rendements qui baissent.
13:18Des villes qui grandissent avec de moins en moins de terres disponibles.
13:21Et dans le même temps, on a ce champ des possibles qui est quasiment fini dans l'océan.
13:24Et en voyageant au Japon, j'ai compris que là-bas, où on mangeait des algues tous les jours,
13:29où les gens sont en bonne santé, on a les taux de cancer, de maladies cardiovasculaires,
13:34d'obésité, de diabète les plus bas et l'espérance de vie de la plus haute.
13:39On sait que c'est lié à leur consommation de produits de la mer,
13:41et notamment d'algues et de micro-algues.
13:43Donc je me suis dit que c'est une ressource qui n'a pas de coût environnemental,
13:48qui ne nécessite pas de pesticides, qui n'a pas besoin de terre.
13:51On n'a même pas besoin de les arroser, les algues.
13:52C'est assez magique.
13:53Donc il n'y a pas besoin d'eau douce.
13:54Donc ça pousse tout seul, de l'eau salée, du soleil, et la magie opère.
14:00Et après, j'ai réalisé qu'il y avait le mouvement à un peu apporter.
14:05Et j'ai réalisé en travaillant avec les cultivateurs d'algues, notamment en Asie,
14:09où c'est déjà une culture qui est très développée.
14:11On parle de 40 millions de tonnes d'algues presque, cultivées en Asie.
14:15Et je me suis rendu compte qu'il y avait autour de ces algues, dans l'océan,
14:18cette espèce de boîte noire, cette espèce de mystère qu'était le plancton,
14:21ces organismes inconnus de tous,
14:22et qui recelaient tout l'équilibre des écosystèmes terrestres.
14:27En fait, toute cette biologie planétaire, elle est là.
14:28Et la grande avancée scientifique de demain, elle est sans doute dans cette compréhension du vivant invisible.
14:35On a passé le 19e siècle, les grandes découvertes allaient comprendre le vivant visible,
14:39et on n'a toujours pas compris le vivant invisible, dont une grande partie est dans l'océan,
14:44et où tout est défini là.
14:46Et c'est une grande source d'espoir et d'optimisme, je pense,
14:49parce que ça détient vraiment les clés de notre avenir et de rétablir l'équilibre sur notre planète.
14:54Alors ce message, vous allez le porter à Nice, dans neuf jours, conférence sur le climat.
15:00Une conférence qui se veut, je ne cesse de le dire, très ambitieuse.
15:03Peut-être la mise en place à l'avenir d'une copse océan, on verra cela.
15:07Qu'attendez-vous de ce sommet ?
15:09Quelle va être la place du plancton, des algues dans ce sommet ?
15:12Moi, j'y porterai en effet le message et la voix des acteurs liés aux algues et aux planctons,
15:18de tous ces scientifiques qui travaillent dans l'ombre un peu depuis des années,
15:21sans que personne ne s'intéresse à eux et à leurs travaux.
15:23Il est temps d'en parler.
15:25La COP climat n'en a pas parlé.
15:27L'océan, c'est 30% de l'absorption des gaz à effet de serre sur Terre.
15:31La première COP qui parle de l'océan, c'est la COP 21.
15:34Donc, il a fallu attendre 21 COP pour commencer à parler,
15:37ce qui absorbe un tiers des gaz à effet de serre.
15:39La COP biodiversité n'aborde toujours pas le plancton,
15:41ce qui est pourtant le fondement de la biodiversité sur Terre.
15:45Donc, on a vraiment un gros laisser-aller.
15:48Et il faut combler ce manque.
15:49C'est pour ça qu'on a sorti un manifeste du plancton avec des scientifiques,
15:53puis qu'on a décliné en livres.
15:55Parce qu'il faut combler ce manque, il faut commencer à parler de ces sujets-là,
15:57parce que c'est le fondement de tout le reste.
16:00Donc, s'attaquer qu'au visible, ça ne marchera pas et on le sait.
16:03Donc, ça, c'est le message que moi, je porterais.
16:05Après, de manière plus générale, en effet,
16:07la France a fait le pari d'un sommet très ambitieux,
16:10bien plus ambitieux que les deux précédents sommets des océans.
16:13Il y a 30 000 personnes qui sont attendues, 100 chefs d'État.
16:16Donc, il y a vraiment une ambition forte portée par le gouvernement français,
16:19avec des positions assez ambitieuses aussi.
16:21Et on espère le début, en effet, sous une forme ou sous une autre,
16:24d'une réelle gouvernance des océans.
16:26Les océans sont une zone de non-droit,
16:28une zone qui n'appartient à personne.
16:30Et on le voit aujourd'hui avec l'administration Trump,
16:32qui s'arroge le droit d'aller exploiter les grands fonds,
16:36explorer les grands fonds, les exploiter,
16:38alors que ça ne lui appartient pas,
16:39que c'est une aberration écologique extrêmement grave.
16:43On parle d'organismes qui mettent des milliers d'années
16:45à pousser de quelques centimètres,
16:46qu'on va raser en quelques heures.
16:50Donc, c'est une folie absolue.
16:52Et il est temps de créer une gouvernance mondiale pour ces océans
16:57et des zones de concertation pour se décider de ce qu'on veut en faire
17:01et comment on peut utiliser, réparer les océans de la meilleure façon.
17:06Vous êtes très engagé au niveau diplomatique.
17:09Je disais, vous êtes conseiller pour les océans à l'ONU.
17:13Pourtant, on en parlait avec Heidi Séves sur ce plateau la semaine dernière.
17:15On parlait du décalage du temps entre l'urgence du vivant,
17:19ce que demandent comme action le vivant et le temps des diplomates.
17:22Vous pensez malgré tout que par la diplomatie,
17:24on réussit à mettre en œuvre, à initier des mouvements
17:28qui peuvent se mettre en place assez rapidement ?
17:30Je pense surtout qu'il n'y a pas d'autre solution.
17:32La violence n'amène jamais de bonnes solutions.
17:35On a besoin de radicalité, évidemment.
17:37Mais il faut aussi nourrir les consensus pour qu'on puisse avancer ensemble.
17:41Ce n'est pas en s'opposant qu'on va faire changer les choses.
17:43Mais je pense que tout le monde a envie que ses enfants survivent.
17:46Et tout le monde a envie à des enfants et des petits-enfants
17:48qu'ils ont envie de faire survivre.
17:49Et je pense qu'il faut qu'on arrête de nourrir ce monde
17:51avec des peurs et des drames uniquement,
17:53parce qu'on va décourager beaucoup de gens.
17:55Et je pense que les jeunes aujourd'hui, ils ont besoin de solutions.
17:57Ils ont besoin d'espoir.
17:59Ils ont besoin qu'on leur dise qu'il y a encore des choses à faire.
18:01Et dans l'océan, tout est encore à faire.
18:03Tout est encore à faire.
18:04Tout est encore possible.
18:05Et l'océan, encore une fois, c'est la vie sur Terre.
18:08C'est ce que vous écrivez comme bon part.
18:10Vous parlez du médecin navigateur dans votre livre.
18:12Nous cultivons notre optimisme pour faire face à l'adversité.
18:16La peur et la panique nous tuent plus assurément que la réalité des dangers.
18:20L'espoir, lui, nous sauve.
18:23C'est effectivement ce que vous portez comme parole.
18:24Merci beaucoup d'être venu sur ce plateau, Vincent,
18:27d'avoir semé quelques graines d'espoir en nous.
18:29Je renvoie aussi à un très beau roman de Richard Powers,
18:32Un jeu sans fin, dans lequel il est dit,
18:34« Sans votre amour, l'océan va mourir ».
18:36D'où l'importance, évidemment, de prendre soin de cet océan.
18:41On observera, on suivra évidemment ce qui se joue à Nice dans 9 jours.
18:45Merci encore.
18:46Merci beaucoup à vous.

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