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  • 03/10/2023

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Transcription
00:00 avec Jacques Rupnik.
00:01 Bonsoir, Jacques Rupnik, historien,
00:03 politologue et directeur de recherche
00:05 et mérite à Sciences Po, spécialiste
00:08 de l'Europe centrale et orientale.
00:10 Merci d'être avec nous.
00:11 Il s'agit de montrer à la Russie qu'elle ne doit pas compter
00:14 sur la lassitude de l'Union européenne,
00:17 expliquait la ministre française Catherine Colonna.
00:20 Elle est historique, cette visite, comme le dit Joseph Borrell.
00:23 -Oui, faut pas abuser de mots historiques,
00:26 parce qu'il y aura d'autres sommets
00:28 qui sont non moins historiques, mais c'est important.
00:31 A cause du moment.
00:33 C'est le moment où les Etats-Unis viennent de suspendre,
00:37 pour des raisons de politique interne,
00:40 c'est essentiellement les Républicains
00:42 qui bloquent pendant 45 jours le budget,
00:44 qui concerne aussi l'aide, en tout cas,
00:47 qui suspend l'aide à l'Ukraine.
00:49 Et c'est le moment où les Européens montrent
00:52 qu'ils sont unis et qu'ils contribuent
00:54 de façon décisive à l'aide à l'Ukraine.
00:57 Ce qu'on oublie, on a eu l'impression,
00:59 et on nous a souvent répété,
01:01 que les Etats-Unis fournissaient l'essentiel de l'aide à l'Ukraine
01:05 et que les Européens étaient hésitants, avaient tardé.
01:08 C'est pas le cas. Quand on fait le bilan,
01:10 c'est vrai pour l'aspect purement militaire,
01:13 la livraison d'armes.
01:14 Les Américains, à peu près, je dirais 70 %,
01:18 les Européens, 25 % de l'armement.
01:20 Mais si on prend l'ensemble de l'aide
01:23 militaire, économique, humanitaire, etc.,
01:27 les Européens fournissent deux fois plus que les Américains.
01:31 Si on ajoute à l'Union européenne
01:33 le Royaume-Uni et la Norvège,
01:36 vous avez plus du double de ce que donnent les Etats-Unis.
01:39 L'argument anti-européen disant que l'Europe ne fait pas,
01:43 ce n'est pas vrai. L'Europe fait énormément,
01:45 mais peut-être pas de la même façon que les Etats-Unis.
01:48 -Elle essaie de le montrer, cette Europe,
01:51 et le Kremlin a dit être persuadé que cette lassitude,
01:54 c'est ce que dit le porte-parole du Kremlin,
01:56 va s'accroître dans différents pays.
01:58 C'est le pari de Poutine, ça ? -Oui, c'est le pari de Poutine.
02:02 C'est le pari qu'il a fait très tôt,
02:04 l'hiver dernier, avec l'énergie.
02:06 Le prix de l'énergie va monter, l'inflation,
02:09 les opinions occidentales vont demander qu'on arrête.
02:12 Ca n'a pas été le cas.
02:13 L'approvisionnement énergétique de l'Europe s'est réorienté.
02:16 On a trouvé des sources alternatives.
02:19 Même l'Allemagne a dû,
02:20 c'était le plus difficile pour l'Allemagne,
02:23 et certains pays d'Europe centrale,
02:25 a dû trouver d'autres solutions. Ca n'a pas marché.
02:28 La lassitude existe, mais ce qui est intéressant,
02:31 elle n'existe pas forcément là où on l'attendait,
02:34 là où l'attendait Poutine.
02:35 En gros, il y a un an, on nous disait
02:38 que les pays d'Europe occidentale, comme la France,
02:41 se fatigueront les plus vite,
02:42 sont les moins concernés par le conflit,
02:45 et Macron parle beaucoup à Poutine au téléphone,
02:48 le chancelier allemand est hésitant.
02:50 Bref, c'est de là que viendra la lassitude,
02:53 alors que les pays d'Europe centrale
02:55 sont censés être les plus, disons, les plus directement impliqués
02:59 dans le soutien à l'Ukraine.
03:01 Or, maintenant, ce que l'on observe depuis quelques temps,
03:04 c'est que la lassitude arrive en Europe centrale, même.
03:08 Et l'élection slovake, on connaissait déjà la Hongrie,
03:11 qui avait montré... -Une étoile urbaine
03:14 qui avait déjà montré... -Qui avait montré, disons,
03:17 sa réticence à soutenir l'Ukraine.
03:19 Et là, avec la victoire de Robert Fitzhauer en Slovaquie,
03:22 on a la victoire d'un parti
03:25 qui a fait campagne, en gros,
03:27 aussi sur l'arrêt de l'aide militaire à l'Ukraine.
03:32 -Vous confirmez ça ? -Il est soutenu
03:34 par 54 % des Slovaques sur cette question.
03:37 Pas pour arrêter l'aide humanitaire,
03:40 mais l'aide militaire, une majorité de Slovaques
03:43 est hostile à cela. -Aux militaires en Ukraine.
03:46 -En Ukraine. En plus, il y a eu des campagnes de désinformation.
03:49 40 % des Slovaques pensent, par exemple,
03:52 que la Russie est responsable.
03:55 60 % pensent que ce sont les Ukrainiens ou l'Occident.
03:59 Donc, c'est vrai que sur les sondages d'opinion,
04:02 c'est très frappant.
04:04 Pourquoi ? Est-ce lié à l'aide désinformation ?
04:07 On sait qu'il y a eu une grande campagne de désinformation
04:10 pendant la campagne électorale. -Alors, ça joue aussi,
04:13 la désinformation, mais on ne peut pas tout mettre
04:16 sur le dos de la désinformation.
04:18 La Slovaquie est un cas particulier,
04:20 à la différence de la Pologne, par exemple,
04:23 où, vraiment, gouvernement ou opposition,
04:25 tout le monde est sur la même ligne face à la Russie.
04:28 Pas toujours face à l'Ukraine, mais ça, c'est une autre question.
04:32 Mais sur la Russie, bien sûr.
04:34 En Slovaquie, il y a toujours eu cette ambivalence.
04:39 La Slovaquie se considère historiquement
04:42 comme une charnière entre l'Est et l'Ouest.
04:44 Et...
04:46 Oui, ils considèrent l'Occident
04:48 pas avec le même engouement
04:51 ou c'est pas le modèle incontesté.
04:53 Et il y a l'idée que, dans ce conflit,
04:58 les torts sont partagés ou quelque chose comme ça.
05:01 Et cette idée a fait son chemin,
05:03 avec, bien sûr, l'impact économique,
05:07 l'inflation, l'arrivée de migrants.
05:09 Bref, tout ça, ça a joué, finalement,
05:12 une opinion qui dit qu'il faudrait peut-être
05:14 chercher une porte de sortie.
05:16 -Est-ce qu'il y a eu une instrumentalisation
05:19 pendant la campagne avec l'arrivée de migrants syriens
05:22 qu'on n'attendait peut-être pas en Slovaquie ?
05:24 -Oui, alors ça, bien sûr, dès qu'on parle de migrants,
05:28 Orban l'a utilisé à sa façon.
05:31 Il l'a utilisé, maintenant,
05:33 avec son collègue slovac,
05:36 parce que, maintenant, ce que l'on voit,
05:39 c'est que dans le discours anti-migrants
05:41 et dans le discours aussi nationaliste,
05:44 souverainiste, très méfiant
05:47 vis-à-vis de tout ce qui est,
05:49 disons, le libéralisme sociétal,
05:53 je parle même pas du libéralisme politique
05:55 et de la séparation des pouvoirs,
05:57 je parle là du libéralisme de société,
05:59 la question des mœurs, LGBT, pour aller vite,
06:02 là, Orban, qui est à droite,
06:07 conservateur de droite,
06:08 et Fitzhau, qui se veut national-populiste de gauche,
06:11 se retrouve. -Alors qu'au départ,
06:13 il n'est pas d'extrême droite, contrairement à Orban.
06:16 -Il avait même son parti adhéré à l'international socialiste
06:20 lorsqu'il est arrivé au pouvoir, il y a 10 ans,
06:23 une première fois.
06:24 Bon, entre-temps, son nationalisme ombrageux,
06:27 je crois, l'a marginalisé.
06:29 -C'est un Orban de gauche, ça lui s'y est ?
06:31 -Ce serait un Orban de gauche, voilà.
06:33 C'est pour ça qu'Orban et lui se retrouveront
06:36 côte à côte, et je ne dirais pas qu'ils vont bloquer
06:39 les décisions européennes sur l'Ukraine,
06:41 mais ils vont peut-être faire ce qu'a fait Orban,
06:44 très souvent, rhétorique, posture,
06:47 et ensuite, abstention,
06:49 car on ne veut pas couper les ponts
06:51 avec l'Union européenne.
06:52 C'est ce qui me semble le plus probable.
06:55 -C'est incroyable, ils ont la même stratégie qu'Orban,
06:58 ils veulent rester dans l'Union européenne,
07:00 mais en même temps, ils ne souhaitent plus aider l'Ukraine.
07:04 C'est une négociation, comme Orban le fait
07:06 avec les autres partenaires européens,
07:08 des menaces, ça va être le même type d'outil.
07:11 -Une stratégie très proche,
07:14 et bien entendu, ils attendent
07:16 de voir l'issue des élections polonaises,
07:19 parce que sur la question de l'Etat de droit,
07:22 de la séparation des pouvoirs,
07:26 de l'indépendance de la justice, de l'indépendance des médias,
07:29 le problème, il n'est pas seulement hongrois,
07:32 il risque d'être slovak, il est déjà maintenant polonais.
07:36 Simplement, sur la question de la guerre en Ukraine,
07:39 la Pologne et la Hongrie se sont séparés.
07:43 -Il faut se souvenir que les Polonais,
07:45 tout récemment, ont suspendu l'aide militaire à l'Ukraine,
07:49 parce qu'il y a cette opposition
07:51 sur l'exportation des céréales ukrainiennes.
07:53 Il y a un dossier qui fâche. -C'est pour ça que je dis
07:56 l'image du soutien inconditionnel des pays d'Europe centrale,
08:01 c'est eux qui ont eu raison sur la Russie,
08:03 qui soutiennent l'Ukraine.
08:04 Cette image était trop simple, caricaturale.
08:07 Finalement, on voit que les pays occidentaux,
08:10 l'Allemagne, grand fournisseur d'aide militaire,
08:12 la France, le soutien politique intact,
08:15 le discours d'Emmanuel Macron à Bratislava,
08:19 très remarqué, "on veut la victoire de l'Ukraine,
08:22 "on va tout faire pour, il faut que l'Europe soit derrière".
08:25 -Vous, historien, Jacques Rupnik,
08:27 est-ce que c'est une sorte de ruse de l'histoire ?
08:30 On se retrouve avec ces conflits historiques
08:33 entre l'Ukraine et la Pologne qui ressurgissent,
08:35 on se retrouve peut-être avec ce panslavisme
08:38 du côté des Slovaques, qui fait aussi partie de leur histoire,
08:41 et donc ces vieilles lubies historiques
08:44 qui ressortent en ce moment.
08:46 -Oui, et il y a aussi, bien sûr, les facteurs historiques jouent,
08:49 mais il y a aussi une anticipation
08:53 de ce qui pourrait advenir
08:56 avec l'élargissement de l'Union européenne à l'Ukraine.
08:59 En gros, pour aller vite,
09:02 un pays de la taille de l'Ukraine,
09:04 le grenier à blé de l'Europe,
09:06 plus de 40 millions d'habitants,
09:09 c'est la fin de la PAC, la PAC explose.
09:11 Déjà, il faut repenser la politique agricole européenne.
09:14 Deuxièmement, les fonds structurels
09:16 dont bénéficient la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie,
09:21 grands bénéficiaires, 3 % de leur PNB
09:23 vient des fonds structurels.
09:25 L'arrivée de l'Ukraine, c'est la fin des fonds structurels.
09:29 Cette manne ira vers l'Ukraine
09:33 et la reconstruction de l'Ukraine et son adhésion à l'UE.
09:37 -Ces oppositions sont déjà en train
09:39 d'anticiper des oppositions futures ?
09:41 -Qu'elles nous disent quelque chose sur les problèmes qui nous attendent
09:45 avec la perspective d'élargissement de l'UE à l'Ukraine,
09:49 qui a été réitérée aujourd'hui
09:51 par les ministres des Affaires étrangères à Kiev.
09:54 -Merci, Jacques Rupnik, historien, politologue,
09:57 rechercher Méritationspo et spécialistes de l'Europe centrale.

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