La Suisse a-t-elle frôlé la guerre civile en 1918 ?
En novembre 1918, la Suisse, pays neutre et habituellement paisible, a vécu l’un des épisodes les plus explosifs de son histoire : une grève générale insurrectionnelle, mobilisant des centaines de milliers d’ouvriers et menaçant de plonger le pays dans une guerre civile.
Un contexte explosif Alors que l’Europe est ravagée par la Première Guerre mondiale, la Suisse subit de plein fouet les pénuries alimentaires, l’inflation et des inégalités criantes. Les travailleurs, épuisés par des salaires misérables et des conditions de vie déplorables, s’inspirent de la révolution russe de 1917. Les tensions montent, et en février 1918, Zurich est déjà le théâtre d’une grève violemment réprimée.
L’appel à la grève générale : Neuf revendications qui font trembler le pouvoir Le 12 novembre 1918, le Comité d’Olten, mené par les socialistes et les syndicats, lance un mot d’ordre clair : la grève générale nationale. Plus de 250 000 ouvriers arrêtent le travail, paralysant les usines, les transports et les villes. Leurs revendications ?
La démocratisation (proportionnelle, droit de vote des femmes).
Des droits sociaux (semaine de 48h, assurances vieillesse).
Une économie plus juste (nationalisation des banques, contrôle des prix).
Pour la bourgeoisie et le gouvernement, c’est une tentative de révolution bolchévique.
L’armée dans les rues, la Suisse au bord du chaos Le Conseil fédéral réagit avec une extrême fermeté : l’armée est déployée, des chars patrouillent, des milices bourgeoises s’arment. À Grange-Neuve (Neuchâtel), des affrontements font trois morts. La peur d’une guerre civile devient palpable.
La fin brutale et ses conséquences Sous la menace d’une répression massive, le Comité d’Olten capitule le 14 novembre. La grève s’arrête, mais les conséquences sont durables :
3 500 condamnations, des militants emprisonnés.
Introduction du scrutin proportionnel (1919), permettant une meilleure représentation ouvrière.
Des réformes sociales (comme la semaine de 48 heures) finissent par être obtenues, mais lentement.
Un héritage ambivalent La grève de 1918 a montré que même en Suisse, la lutte des classes pouvait tourner à l’insurrection. Si elle n’a pas renversé l’ordre établi, elle a forcé le pays à évoluer. Aujourd’hui, certains y voient un tournant démocratique, d’autres un avertissement : la paix sociale n’est jamais garantie.