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  • 05/07/2025
Dans son édito du 05/07/2025, Jules Torres revient sur la situation de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal incarcéré en Algérie.

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Transcription
00:00Il aura suffi d'un stylo pour mériter 5 ans de prison, pas une arme, pas de réseau clandestin, pas un appel à la sédition, non juste des livres, juste des idées et un regard libre sur l'Algérie d'aujourd'hui.
00:13Boilem Sansal, 80 ans, romancier de renommée mondiale, a été condamné pour atteinte à l'unité nationale, le genre de formule creuse qu'on ressort quand on n'a plus d'arguments, un crime d'opinion maquillé en trahison, une sentence politique.
00:26Ce 5 juillet, jour anniversaire de l'indépendance algérienne, aurait pu être un geste d'apaisement, mais d'après les informations qui nous parviennent, le président Thébou n'a soigneusement exclu Boilem Sansal de la liste des grâces.
00:39Trop français, trop libre, trop critique, le message est clair, on ne pardonne pas à ceux qui sont contre la ligne et surtout pas ceux qui embarrassent Alger.
00:48Boilem Sansal, malheureusement, n'est pas seul, le journaliste Christophe Glez, lui aussi emprisonné, purge une peine de 7 ans pour apologie du terrorisme.
00:56On n'est pas loin de Kafka ou plutôt on y est. En Algérie, la vérité est un danger public, la littérature une menace d'État et la dissidence un délit de l'est-pouvoir.
01:06Alors derrière la façade démocratique, c'est toujours la même tentation, celle d'un régime paranoïaque qui confond la critique avec la trahison.
01:14Je signale que, au moment, ça n'a pas été confirmé.
01:17Bien sûr, d'après les premières informations qui nous parviennent.
01:19Ni par l'Elysée, ni par le quai d'Orsay, comment on explique le silence de la France ?
01:25Depuis novembre, Emmanuel Macron, Jean-Noël Barraud, la diplomatie française gémit, mais on n'a pas le sentiment qu'elle agit chaque semaine une indignation molle, chaque mois un communiqué cru.
01:36C'était le cas quand Jean-Noël Barraud est allé en Algérie.
01:39Et à la fin, rien, pas de rappel d'ambassadeur, pas de gel des coopérations, pas même un coup de menton diplomatique.
01:45Dans l'affaire de Boilem Sansal, la politique étrangère française se résume à un soupir poli et à une supplique feutrée.
01:52Monsieur Téboune, s'il vous plaît, c'est la stratégie de la courbette, de la carpette, de la capitulation.
01:58On n'a pourtant jamais autant délivré de visas aux ressortissants algériens, jamais autant caresser dans le sens du poil un régime qui, lui, ne nous dit rien et ne nous rend rien, sinon le mépris.
02:07Le gouvernement français dispose de leviers migratoires, économiques, symboliques.
02:12Tous sont soigneusement rangés au placard.
02:14Cette peur panique d'humilier Alger paralyse tout.
02:17On ne veut surtout pas réveiller les blessures, ni contrarier l'électorat franco-algérien, ni réveiller les traumatismes post-coloniaux.
02:23Alors on s'autocensure, on s'adoucit, on parle de grâce humanitaire, comme on traiterait un cas de retraite anticipée.
02:30Seul Bruno Rotaillot au gouvernement a le courage d'appeler un chat un chat.
02:33Il ne s'agit pas d'une affaire consulaire.
02:35Il s'agit d'un scandale d'État.
02:37Et le silence français n'est pas seulement timoré, il est complice.
02:40Car une république qui n'est pas capable de défendre ses écrivains contre la prison, c'est une république qui a déjà renoncé.
02:46C'est pas simplement l'honneur d'un homme qu'on laisse tomber.
02:53C'est autre chose.
02:54C'est autre chose.
02:55D'abord, l'Algérie, elle trahit ses promesses.
02:58Et ensuite, la France trahit un petit peu les siens.
03:00Voilà ce que dit en creux le sort de Boilem Sansal.
03:03Ce vieil homme en prison, ce penseur muet derrière les barreaux.
03:06Eh bien, c'est le miroir d'un double renoncement.
03:08Celui d'un régime incapable de tolérer une voie libre et celui d'une France incapable de le défendre.
03:13On voudrait croire que le cas de Boilem Sansal est isolé.
03:15Manheureusement, il ne l'est pas.
03:17Tous les otages français retenus à l'étranger aujourd'hui le sont par des régimes islamiques.
03:22Cécile Collère et Jacques Paris en Iran.
03:24Christophe Glez et Boilem Sansal en Algérie.
03:26En Algérie, il faut se souvenir d'Hervé Gourdel, décapité en 2014 par un groupe djihadistes algériens.
03:31Ou encore d'Olivier Dubois, journaliste enlevé au Mali, heureusement libéré en 2023 après 711 jours de captivité.
03:39La France est donc devenue un pays qui attend, qui prie et qui négocie, mais qui ne fait plus peur.
03:44Boilem Sansal n'est pas seulement un écrivain qu'on enferme.
03:47Il est devenu une ligne rouge, une ligne de fracture.
03:50Et chaque jour qui passe en réaction ferme est une claque supplémentaire à l'idée même de ce que la France prétend incarner.
03:55La liberté et les droits de l'homme.
03:57Alors oui, il est encore temps d'agir, de cesser les suppliques, d'activer enfin nos leviers, sans trembler.
04:03Il faut dire haut et fort que la France ne marchande pas ses principes, qu'elle protège les siens, surtout quand elle incarne sa grandeur.
04:09Sinon, Boilem Sansal ne sera pas seulement un otage d'Algevier.
04:12Il deviendra le symbole d'un abandon officiel, un renoncement par affaire République française,
04:17au bas d'un document vide de courage et peut-être sinon un jour, encore pire.
04:21Et bien ce renoncement portera un nom funèbre,
04:23l'épitaphe d'un écrivain mort en prison, puisque Boilem Sansal a un cancer,
04:28parce qu'il écrivait librement et surtout parce que nous avons ensemble baissé les yeux.

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