- hier
Qu’est-ce qui fait varier les cours du blé ? Fondamentaux, géopolitique, météo, logistique… Avec quatre experts, nous décryptons les facteurs clés qui influencent les prix. Un éclairage pour mieux anticiper les fluctuations et ajuster sa stratégie de commercialisation, dans un marché de plus en plus incertain.
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00La volatilité du prix du blé n'a jamais été aussi forte ces dernières années.
00:09Prenons un exemple frappant. Le 31 mars 2021, le blé tendre rendu Rouen cotait à 191 euros la tonne.
00:16Un peu plus d'un an plus tard, le 17 mai 2022, il grimpait à 437 euros tonne après l'invasion de
00:23l'Ukraine par la Russie. Plusieurs facteurs interconnectés expliquent cette volatilité,
00:27et plus généralement l'évolution des prix du blé. Des facteurs qu'il est utile d'avoir
00:31en tête pour mieux appréhender la commercialisation de sa production, un élément clé du métier
00:36d'agriculteur. Voyons ensemble les dix éléments majeurs qui structurent les marchés du blé et
00:42qui façonnent ces fluctuations à l'échelle mondiale, européenne et française.
00:45D'abord les fondamentaux, l'offre, la demande et l'équilibre entre les deux. Si l'offre mondiale
00:54dépassent la demande, les coûts ont plutôt tendance à baisser. Si l'offre est insuffisante,
00:59ils auront plutôt tendance à grimper. Quand on parle d'offre, on parle surtout de
01:04production mondiale. Elle approche les 790 millions de tonnes annuelles depuis la campagne 2021-2022,
01:10contre 730 millions de tonnes il y a dix ans. Avec plus de 130 millions de tonnes par an chacune,
01:15la Chine et l'Union européenne sont les producteurs majeurs. Autre élément important qui influence le marché,
01:23les stocks qui ne sont pas écoulés pendant une campagne et qui se retrouvent disponibles pour
01:27la suivante. Un niveau de stock élevé chez les gros exportateurs peut freiner l'ascension des
01:32prix et un stock bas peut la stimuler. Côté demande, on s'intéresse à la consommation mondiale.
01:38C'est quasi 800 millions de tonnes par an contre 715 il y a dix ans. Une hausse liée notamment à la
01:44hausse de la population. En tête des pays consommateurs, il y a la Chine, suivie de l'Inde et de
01:50l'Union européenne. Si on regarde les débouchés, un peu moins de 20% du blé sont utilisés pour
01:56l'alimentation animale. Une petite partie va à la production de semences et à l'industrie et
02:01l'essentiel est destiné à l'alimentation humaine. Le blé sur les 800 millions de tonnes grosso modo
02:07qu'ils sont produites au niveau mondial, vous avez 80% qui va à destination de l'alimentation humaine.
02:13Et c'est ce qui explique d'ailleurs que lorsqu'on a un incident direct et un déséquilibre
02:17entre l'offre et la demande, ça va directement impacter le consommateur et donc l'humain et
02:22c'est ce qui explique les variations de cours relativement violentes.
02:25Ce qui participe aussi fortement au prix du blé, c'est qu'une part importante de la
02:29production est internationalisée. Entre 25 et 30% du blé produit s'échange sur le
02:34marché mondial, ce qui représente des flux plutôt massifs.
02:37Et puis ce qu'on parle des flux, parlons des exportateurs. 8 pays assurent aujourd'hui 80% des
02:46exports mondiaux avec une montée en puissance des pays de la mer noire depuis les années 2010.
02:51La Russie fornit notamment plus de 20% des approvisionnements mondiaux. Et l'Europe dans tout ça ?
02:56Ce jour, l'Europe qui représente donc 130 millions de tonnes de production sur les 800 millions de tonnes
03:02produits au niveau mondial, qui représentent 30 millions de tonnes d'export sur les plus de 200
03:07exportées au niveau mondial, a un poids puisque c'est de l'ordre de 15% grosso modo.
03:11Maintenant, il s'avère que par rapport aux mastodontes notamment de la mer noire,
03:16russes, ukrainiens, qui ont véritablement pris l'ensemble des opérateurs puisque la vision s'est
03:21peu à peu décalée. On était au début des années 2000 tous focus sur ce qu'il se passait aux Etats-Unis
03:25et le curseur s'est déplacé vers la mer noire. Et nous, on reste au milieu, dans cette zone plutôt neutre,
03:30où nous avons toujours un poids relativement important, mais qui est bien moins conséquent
03:35de ce qui peut se passer notamment sur le bassamer noir qui reste le driver principal.
03:38Du côté des importations de blé, la Chine fait la course en tête et l'Afrique du Nord et le
03:43Moyen-Orient pèsent de plus en plus. Leurs importations ont triplé en 20 ans, portées par l'essor de la
03:49démographie et donc de la consommation. Vous avez également sur la partie offre et demande,
03:54la partie demande qui est prépondérante avec notamment la santé financière des pays importateurs et où ces
04:00derniers peuvent aller acheter. Il s'avère qu'on en a largement parlé ces derniers mois, mais
04:04l'Algérie qui s'est mis à acheter du blé en provenance de la Russie, a déstabilisé un petit
04:09peu l'ensemble de la chaîne des exportations françaises notamment, qui avait plutôt chasse
04:14gardée vers cette destination. On sait aussi qu'un prix du blé trop élevé, en effet, a amené
04:19certains pays importateurs à dire, de toute façon nous à plus de 300 euros la tonne de blé, c'est
04:25budgétairement insoutenable, s'il y a une partie du blé qui est achetée par les pouvoirs publics, par
04:29les offices d'État. Même les opérateurs privés dans certains pays, évidemment, ont dû regarder de
04:34très près les factures qui s'envolaient quand le prix du blé est passé à 300, 350, parfois même 400
04:39euros la tonne au plus fort de l'été 22. Donc évidemment tout ça est regardé, un sujet de
04:44solvabilité des États, un sujet de capacité financière des acheteurs. Un certain nombre de pays
04:48importateurs ont évidemment essayé de taper dans leur stock, essayer d'avoir les meilleurs tarifs
04:54possibles et encore une fois dans ce contexte là, évidemment, il y a toujours des alliances
05:00commerciales, il y a toujours des partenaires privilégiés dans le monde, mais le facteur
05:04prix a joué plus que jamais son rôle pour faire que certains pays importateurs privilégient certaines
05:09origines parce que l'origine était moins chère. Qu'ils décrivent ou qu'ils donnent des prévisions sur
05:14les surfaces implantées, sur la production, la consommation ou les échanges, les rapports
05:19officiels autour des fondamentaux influencent à court terme les cours du blé, surtout s'ils
05:23surprennent les opérateurs du marché avec des chiffres auxquels ils ne s'attendaient pas.
05:26Il y a un rapport que tout le monde suit qui est le rapport USDA, certains le décrivent,
05:31il s'avère qu'aujourd'hui ça fait l'actualité, c'est un rapport qui reste regardé et dominé par
05:37l'ensemble des opérateurs. Dès lors que le rapport est publié, vous avez tous les algorithmes qui se
05:42mettent à acheter ou à vendre en fonction des données et des attentes avant que l'humain
05:46reprenne le dessus et tempère un petit peu le propos de tous ces algorithmes qui accentuent
05:51les phénomènes de hausse ou de baisse. Donc le marché a le temps d'intégrer les informations
05:56des analystes locaux avant que l'USDA publie, mais l'USDA fait foi et peut parfois surprendre
06:01en fonction de ces chiffres. On l'a vu par exemple par le passé où ils ont été relativement modérés
06:06sur le niveau de production russe aux alentours des 92 millions de tonnes, quand les analystes privés
06:11russes étaient plutôt à 97 millions de tonnes. Donc le rapport USDA fait toujours foi, mais perd
06:16un petit peu de son importance considérant les analystes locaux et privés qui ont maintenant
06:20beaucoup d'informations.
06:21L'information autour des fondamentaux joue sur les cours du blé et leur volatilité, d'autant
06:27plus qu'elle circule aujourd'hui très vite, qu'elle est massive, souvent opaque et parfois fausse.
06:31Évidemment, il peut y avoir de la désinformation, notamment sur les réseaux sociaux qui sont
06:38maintenant regardés. Je pense à ex-Twitter qui est regardé et plébiscité par bon nombre
06:43d'opérateurs, mais il est très facile d'aller mettre votre pire parcelle ou d'aller mettre
06:48votre température à moins 20 degrés en Ukraine et en enlevant la couverture neigeuse avec une
06:53pelle d'une parcelle et de prendre une photo pour montrer qu'il va y avoir un impact sur le gel.
06:57Un certain nombre de pays et d'acteurs dans le monde jouent sur du faux pour fragiliser
07:03éventuellement des concurrents ou favoriser leur propre position.
07:06Et on sait qu'aujourd'hui, les outils numériques sont très submergés par la fabrication de
07:14fausses informations, de fausses rumeurs pour justement créer de l'ambiguïté stratégique
07:19et tout ça à dessein.
07:20On a toujours eu un culte du sucré parfois sur les stocks dans certains pays, sur l'état
07:24des récoltes, parce que ça faisait partie aussi bien sûr des intérêts de chacun de
07:28ne pas toujours annoncer des catastrophes climatiques, des catastrophes de qualité ou des prix qui
07:32allaient flamber.
07:33Néanmoins, une chose, c'est d'avoir été pendant des années dans une logique un peu
07:37de précaution, d'information où tout n'était pas dit, il y avait des silences à découvrir,
07:43etc.
07:44Une autre chose, c'est de fabriquer Urbi et Torbi, de la désinformation.
07:48Et ça, il y a un pays comme la Russie aujourd'hui avec ses différents acteurs, y compris
07:51de désinformation, qui s'en donne un cœur joie.
07:55Plusieurs facteurs externes peuvent chahuter les fondamentaux et influencer les cours du
07:59blé, comme le weather market.
08:01C'est l'impact des conditions climatiques sur les marchés.
08:03La météo influence le développement des cultures et les rendements, donc les prévisions
08:08de production et de stock dans les pays exportateurs, mais aussi chez les importateurs.
08:12Elle joue sur les fondamentaux et donc sur les tendances de prix.
08:15Avec le réchauffement climatique, les accidents de production se multiplient, entraînant souvent
08:20une hausse des prix et une volatilité accrue à l'échelle mondiale.
08:23C'est vrai qu'il y a des périodes clés de l'année et aussi suivant les pays et leur
08:28type de climat.
08:29En Europe, par exemple, on a un climat assez océanique, ce qui fait qu'on s'intéresse
08:35surtout au climat du printemps, c'est-à-dire de la période d'avril à juin qui va conduire
08:40à la composition des rendements final des cultures en place.
08:43D'autres pays comme l'Ukraine ou la Russie, qui ont un climat plus continental, il y a
08:48peu de saisons intermédiaires et donc l'hiver arrive très rapidement et si la neige ne
08:54protège pas les cultures, on peut se retrouver avec des dégâts, avec des températures inférieures
08:58à moins 20 degrés.
08:59Donc c'est une période clé aussi de l'année, l'hiver.
09:02Tout comme le mois d'avril, mai, juin, où le manque d'eau ou les températures excessives
09:08peuvent dégrader également les perspectives de production.
09:12Le poids du réchauffement climatique sur ces dernières années est d'autant plus présent
09:17qu'on a des fluctuations de climat à l'échelle mondiale qui sont de plus en plus importantes.
09:22On a eu à répétition des événements type l'Animia et le Niño qui se sont répétés
09:28d'années, enfin presque tous les deux ans, alors qu'historiquement c'est des événements
09:32qu'on retrouvait une fois tous les 5 à 10 ans.
09:35Et donc cette répétition alternée de l'Animia et le Niño sur ces dernières années a un
09:41impact fort sur les prix et sur les disponibilités de récolte.
09:45La situation économique des pays concernés par le marché peut jouer sur l'offre, la demande
09:51et les échanges, de même que les décisions politiques prises au niveau national ou communautaire.
09:56Des politiques environnementales peuvent ainsi jouer sur les disponibilités en blé comme
10:01le Green Deal européen.
10:03Des politiques alimentaires aussi comme celles menées en Chine pour approcher l'autosuffisance
10:07en céréales.
10:08Sans oublier l'importance des politiques commerciales et des politiques monétaires.
10:12Les décisions des différents Etats ont un impact majeur sur l'évolution des marchés.
10:18Il y a plusieurs exemples dont on pourrait rappeler, notamment l'embargo en Russie dans les années
10:232010 qui avait suscité une envolée des prix des matières premières agricoles.
10:27On peut également citer, pour revenir en Europe, la décision de la Commission européenne
10:30de suspendre les droits de douane aux importations de produits céréaliers ukrainiens qui attend
10:36d'effrayer la chronique.
10:37Il s'avère que si en maïs on a toujours été importateur de maïs ukrainien, donc l'impact
10:42est relativement limité.
10:43En blé nous sommes passés avant le conflit d'une année à 320 000 tonnes d'importation
10:50de blé en Ukraine à 6 millions de tonnes en 2023.
10:53Donc cette augmentation qui est liée à une décision de la Commission européenne peut
10:56bouleverser les marchés mais notamment les marchés frontaliers.
10:59On en a entendu parler avec notamment la Pologne, la Roumanie et autres.
11:02Le choix d'importation d'éthanol américain, de laisser importer de l'éthanol américain,
11:09c'est forcément au détriment de l'éthanol européen, entre autres l'éthanol de blé,
11:15et qui donc doit trouver un autre débouché, une autre utilisation, ou travailler à une
11:22moindre marge, donc à une moindre rémunération de l'agriculteur.
11:26Il y a des politiques gouvernementales aussi qui sont de plus en plus importantes, je pense
11:32aux financements aux Etats-Unis qui ont un poids direct sur la planche à billets en dollars
11:38et qui du coup par répercussion a un impact direct sur l'évolution de l'euro et sur
11:44l'évolution des autres monnaies nationales.
11:46On sent que la fragilité du monde actuel et les guerres en cours, puisqu'on ne peut pas dire autre chose,
11:53font que les politiques monétaires risquent d'être encore chahutées pour les années qui viennent.
12:00Car justement, les relations entre les pays, les alliances et les conflits mondiaux,
12:04jouent un rôle prépondérant sur l'évolution des prix du blé.
12:08Les fondamentaux de la géopolitique, c'est aussi de bien voir que la géopolitique,
12:11ce n'est pas forcément toujours générer de la tension, de la confrontation, de la rivalité.
12:15La géopolitique, c'est d'abord et avant tout, moi je le crois, de la coopération, de la solidarité,
12:20des innovations collectives, c'est là où il faut toujours rappeler qu'il y a une géopolitique positive,
12:25et surtout sur les questions agricoles et alimentaires,
12:27il y a une géopolitique négative justement, une géopolitique qui fait la guerre,
12:31qui fait la concurrence, qui fait la rivalité.
12:33Cette combinaison des deux, ce qui est certain, c'est qu'on a, avec les transformations
12:39à la fois des équilibres mondiaux, les changements climatiques,
12:43la récurrence ou le retour de certains conflits malheureusement,
12:47nous avons des stratégies d'acteurs qui ne cessent de s'aiguiser,
12:50et dans ce contexte, on voit que les affaires géopolitiques vont avoir un rôle,
12:56non pas nouveau, mais disons accru.
12:59L'exemple récent le plus marquant, c'est la guerre que mène la Russie,
13:02première exportateur mondial de blé, à l'Ukraine, acteur majeur lui aussi de la planète blé.
13:07Dès février 2022, le blocage des exports maritimes de l'Ukraine et la crainte de pénurie
13:13ont fait exploser les prix du blé à l'échelle mondiale.
13:16Le challenge des Ukrainiens au début du conflit a été double, produire et exporter.
13:20D'un point de vue production, ils ont été très résilients,
13:23ils se sont bien sortis puisqu'ils sont passés en 2021 à 85 millions de tonnes
13:28toutes céréales confondues produites, aux alentours des 55 millions de tonnes en 2023.
13:33Donc le défi a été relevé.
13:34Maintenant, il s'avère que automatiquement, ce qui a bouleversé les marchés
13:37et a entraîné une hausse à plus de 400 euros la tonne des prix du blé en mai 2022,
13:41ça a été principalement le fait que les exportations aient été bloquées.
13:44Plus de 90% des exportations ukrainiennes de céréales partaient via la mer Noire avant le conflit.
13:49Il a fallu trouver des solutions puisque Odessa était bloquée.
13:52Il a fallu pallier les manquements ukrainiens au début du conflit.
13:55L'Europe a pris ses responsabilités et a exporté vers certaines destinations
13:59que l'Ukraine avait en chasse gardée.
14:02La Russie également.
14:03Et désormais, l'Ukraine retrouve sa place sur l'échiquier mondial.
14:06Et c'est ce qui explique aussi pourquoi les 400 euros la tonne sont maintenant du passé sur les marchés.
14:10Mais tout reste possible puisque le conflit n'est pas terminé.
14:12L'exemple ukrainien montre aussi combien l'aspect logistique peut influencer le marché du blé.
14:19Un an après le début du conflit, le pays parvenait à exporter quasiment autant qu'avant, mais avec un coût bien plus élevé.
14:26Cet aspect logistique recouvre notamment le stockage qui prend de l'ampleur à l'échelle mondiale
14:31et le transport qui se fait surtout par voie maritime.
14:34Ces dernières années, la logistique céréalière a été impactée par des difficultés géopolitiques, mais aussi climatiques et sanitaires.
14:41Le Covid a par exemple désorganisé le transport maritime, faisant monter les prix et causer des pénuries de main-d'œuvre
14:47et donc des ralentissements dans le transport à l'intérieur des pays.
14:50Le Panama est touché par un phénomène de basse eau, ce qui mène à des reroutages de navires
14:55et donc à une hausse des temps de trajet et des coûts de transport.
14:58La logistique à toutes les étapes de l'agriculture et surtout de la commercialisation est un point crucial.
15:10qu'elle soit au niveau local, régional, national ou international.
15:16C'est-à-dire que le coût du fret entre le champ et le port ou le moulin,
15:27tout de suite quand on a une augmentation du coût du gasoil, ça a un impact directement sur le prix qui est répercuté à l'agriculteur.
15:36Mais de l'autre côté, quand on a un fret maritime international qui se renchérit souvent par manque de disponibilité de bateaux,
15:47ça a également une conséquence sur éventuellement la compétitivité qu'on peut avoir.
15:53S'il y a plus de bateaux et que le fret est moins cher, on peut amener des marchandises de plus loin pour pratiquement le même prix.
16:03Et donc on a d'autres origines qui vont venir en compétition avec nos productions et d'autres événements liés à la logistique.
16:15On a vu ces dernières années où assez régulièrement, quand on a des grèves de transport au Brésil ou en Argentine,
16:22où on a des kilomètres de camions qui sont bloqués et qui n'arrivent pas dans les ports, d'un seul coup ça perturbe l'ensemble de la logistique.
16:31Vous avez les bateaux qui attendent. Un bateau qui attend, ça coûte des milliers ou des millions de dollars de frais d'attente.
16:39Donc ça, c'est un coût qui à un moment donné est répercuté sur l'ensemble de la filière, sur le consommateur final.
16:46Un facteur influent du prix du fret en fait, c'est que les céréales sont souvent le produit qui paye le moins bien, le fret.
16:58Donc en fait, on va arriver après tous les autres transports de minerais et autres en termes de disponibilité de cale.
17:09Un exemple, au moment de la construction pour les Jeux Olympiques à Pékin, toutes les années précédentes,
17:20on a eu un fret qui a énormément augmenté parce qu'on a eu une pénurie de cale parce qu'ils apportaient des minerais, des éléments pour ces constructions.
17:33Et donc, on a eu un fret en céréales qui avait augmenté du fait de cette pénurie.
17:39Avec des cotations transparentes et observables à la seconde près par tous les acteurs de marché,
17:45le marché à terme est un élément clé qui dicte au quotidien l'évolution des prix du blé.
17:49Les marchés à terme les plus observés sont ceux de Chicago et d'Euronext et ils peuvent s'influencer l'un l'autre.
17:55Historiquement, le marché mondial, puisqu'il existe depuis, j'ai envie de dire presque toujours à Chicago, c'est le blé à Chicago qui représente les cours mondiaux.
18:04Mais depuis quelques années, le marché Euronext a pris vraiment sa part à l'échelle mondiale.
18:09En 2007, on a démarré finalement la cotation sur Euronext.
18:14Aujourd'hui, depuis 3 ans, ce qui se passe en Europe et puis en mer Noire fait que le prix de référence au niveau mondial pour le blé
18:21et le poids omniprésent de la Russie et de l'Ukraine aussi à l'échelle des échanges mondiaux fait que Euronext trouve de plus en plus aussi sa place
18:29et de plus en plus peut être aussi ponctuellement un driver de marché du marché américain.
18:33Ce qui n'était pas le cas auparavant et ce qui est assez nouveau.
18:37Dans un marché mondial qui s'échange en dollars, le niveau des devises les unes par rapport aux autres, par exemple la parité euro-dollar,
18:43influence les prix du blé sur les marchés locaux et les échanges à l'international.
18:47En juillet 2022, en raison du décalage entre les politiques américaines et européennes face à l'inflation,
18:52l'euro est par exemple passé sous le dollar pour la première fois depuis sa création,
18:56ce qui a donné un avantage compétitif aux exports de blé européens et donc français.
19:01Là où il faut prendre un petit peu de recul, c'est que l'euro-dollar fait notre compétitivité au quotidien,
19:06mais ce n'est pas ça qui fait qu'on est dans un contexte tendu ou lourd de marché.
19:11Je prends pour exemple une année qui était très peu propice pour le marché européen à cause d'une devise à 1,60,
19:19c'est-à-dire très élevée qui pesait énormément sur le contexte du blé européen.
19:23C'est 2007 et pour autant, c'est la première année où on voyait des prix à 300 euros.
19:27Le maïs pousse les cours du blé à la hausse, peut-on parfois lire dans les analyses de marché.
19:34Et pour cause, le prix du blé peut aussi dépendre de celui d'autres céréales comme le maïs,
19:39mais aussi des marchés d'autres matières premières, agricoles ou non agricoles.
19:43Le marché du maïs a un poids sur le marché du blé, tout simplement parce qu'il rentre en compétition sur un marché commun qui est l'alimentation animale.
19:51Néanmoins, on peut très bien avoir des différences de prix avec un blé qui s'envole par rapport au prix du maïs,
19:59tout simplement parce que le blé échangé au niveau mondial est avant tout du blé meunier.
20:0295% des échanges mondiaux se font sur du blé meunier et on ne peut pas remplacer par du maïs.
20:08Donc quand on manque de blé meunier, on peut avoir un prix du blé qui s'envole, mais un prix du maïs qui reste plutôt faible.
20:13A l'inverse, lorsqu'on a un contexte très tendu, et on peut prendre l'exemple de 2010,
20:17mauvaise récolte aux Etats-Unis, principal producteur mondial qui produit 50% de la production mondiale,
20:23envolé des cours du maïs américain, contexte blé pas si tendu, mais aussi emmené par les cours du maïs.
20:30Parce qu'à l'inverse, le prix du blé ne peut pas être inférieur au prix du maïs, sinon il trouve toute sa compétitivité dans l'alimentation animale.
20:38Et il n'y a pas la place pour ça, puisqu'on en a avant tout besoin pour faire du blé meunier.
20:42Donc maïs qui peut pousser les prix du blé à la hausse, par contre le blé qui peut s'envoler tout seul.
20:48Les matières premières sont toutes interconnectées. Je peux prendre un exemple.
20:52On produit avec le maïs, aujourd'hui 30% de la production mondiale de maïs est utilisée pour faire de l'éthanol.
20:57Le sucre est utilisé pour faire de l'éthanol. Le blé en plus faible quantité.
21:03Mais on a l'huile de palme, 40% de la production mondiale utilisée pour faire de l'éthanol.
21:07Le colza également. Donc forcément, avec ces biocarburants là, on rentre en compétition avec les marchés énergétiques.
21:15Et notamment le pétrole. Et plus le pétrole va être cher, plus on va développer les biocarburants dans certaines régions.
21:23Plus ça va tirer les surfaces de telle ou telle matière première. Et par répercussion, on prendra à d'autres.
21:30Donc quand les Etats-Unis, par exemple, ces dernières années, ont fait exploser la consommation de maïs pour produire de l'éthanol.
21:38Forcément, le soja doit se battre pour garder ses surfaces. Le blé doit également se battre pour garder ses surfaces.
21:45Et donc, ça crée une interconnexion entre tous ces différents marchés de matières premières.
21:52En plus des acteurs du monde agricole, on trouve sur les places de marché du blé des acteurs purement financiers
21:57qui influencent les cours du blé à la hausse ou à la baisse et qui amplifient la volatilité.
22:01C'est une chose nécessaire d'avoir des gens qui viennent avec une façon de raisonner différente
22:07pour pouvoir apporter la liquidité, le dynamisme sur les marchés.
22:13Le fait d'avoir des personnes qui viennent avec des intérêts différents, avec des timings différents,
22:19parce que quand on dit fonds de pension, on couvre tout et n'importe quoi.
22:23Vous avez des gens qui le traitent à la journée.
22:25Vous avez des gens qui traitent justement sur le long terme à plusieurs années.
22:30Vous avez des gens qui traitent des différences entre des marchés.
22:34Vous avez différents types d'actions.
22:36Et c'est ce qui vous permet, quand le marché vaut 350 euros, de trouver quelqu'un pour acheter quand vous êtes vendeur
22:42et quand le marché vaut 150 euros, de trouver quelqu'un pour vous le vendre si vous êtes un éleveur
22:47et que vous avez besoin d'acheter de la marchandise.
22:52On entend parfois dire que les marchés sont résilients, par exemple au sujet de la guerre en Ukraine,
22:56ou qu'ils anticipent un rapport de l'USDA, ou qu'ils surréagissent, ou qu'ils attendent, ou qu'ils s'affolent, ou qu'ils sont irrationnels.
23:03Et oui, la psychologie, c'est-à-dire les émotions des opérateurs, qu'ils soient agriculteurs, coopératifs ou acheteurs,
23:10jouent aussi un rôle dans les cours du blé.
23:13Il y a de l'irrationalité parce qu'il y a de l'émotion.
23:15Et à partir du moment où il y a de l'émotion, on a ces réactions, parfois excessives, de peur de manquer,
23:29de peur d'en avoir trop et de ne pas savoir quoi en faire.
23:33On va parler de l'inquiétude des pays qui sont dépendants des importations
23:37et qui donc, à un moment donné, quand on leur dit qu'il n'y a pas de marchandises, il n'y a pas de frais,
23:42on va mettre des taxes à l'export, etc.,
23:46qui s'inquiètent pour leur population de comment ça va se passer.
23:51Et tout de suite, le marché peut avoir des effets un peu irrationnels par rapport à ça.
23:58Parfois, ça peut durer plus longtemps que ce qu'on pense que ça ne devrait durer.
24:02On parlait des fonds de pension qui peuvent avoir cet effet parfois amplificateur
24:09ou de maintenir sur un certain niveau de marché, qu'il soit haut ou qu'il soit bas d'ailleurs,
24:14mais qui vont avoir cette influence sur le marché sur des périodes plus ou moins longues.
24:20En résumé, le marché du blé s'appuie sur un équilibre complexe entre l'offre et la demande,
24:25influencé par le climat, l'économie, la géopolitique, la logistique, les marchés financiers,
24:32les matières premières associées, les décisions politiques et aussi la psychologie des acteurs.
24:37Comprendre ces éléments peut permettre de mieux anticiper les variations de prix
24:41et de mieux préparer l'avenir.
24:42!
Recommandations
2:49
|
À suivre
1:43
1:17
0:32