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"Si tu es sensible, les réseaux sociaux te rendent malheureux."

Réunies à l'écran pour la première fois dans "L'accident de piano", en salle mercredi 2 juillet, les deux actrices nous confient notamment leur rapport aux réseaux sociaux, d'abord "niais", puis "addictif" et "déprimant".

Dans ce nouveau film déjanté de Quentin Dupieux, Adèle Exarchopoulos incarne une étrange YouTubeuse, adorée par des millions d'abonnés. Sandrine Kiberlain, en journaliste menaçante, tente de percer son mystère.
Transcription
00:00YouTube, je ne suis pas encore tombé dedans. J'ai des amis qui regardent comment fabriquer des sabres ou des gens qui jouent aux échecs et tout.
00:08Moi, j'avoue, je ne suis pas tombé dans ça. J'ai des plaisirs. Moi, je vais regarder beaucoup de recettes que je ne ferai jamais.
00:13Et quand je les regarde sur Insta, j'ai l'impression de la manger.
00:15Oui, je comprends. Moi, je suis devenue folle avec Insta au début.
00:18Moi, je me prenais pour une artiste. Dès que je voyais un truc, je faisais la photo, je me disais ça va raconter un truc de moi hyper honnête.
00:25Oui, alors que les gens vont dire que c'est une nectarine.
00:27Et puis surtout, voilà, et un chat, tu vois. Mais surtout, ça finissait par me dégoûter.
00:32Au début, je trouvais ça très pays de oui, oui, parce qu'en fait, en plus, on ne prend que des trucs beaux.
00:36Donc, tu ne vas pas t'amuser à cadrer la poubelle quand tu as juste à côté un ciel bleu et machin.
00:40Tu cadres le ciel bleu, donc c'est déjà faussé. Mais j'ai eu un rapport avec ça complètement addictif et niaiseux et naïf et tout,
00:48et qui a fini par me dégoûter. Et aujourd'hui, c'est, je trouve, déprimant, en fait.
00:53C'est un truc de déprime parce que ça pousse à ce que raconte le film, c'est-à-dire à se comparer à la compétition.
01:00C'est la course après quoi ? Les likes, le nombre de followers, des machins.
01:05Et puis, si, alors, c'est donner compte tout de suite, rendre compte de ce qu'on fait.
01:09Si on n'en rend pas compte, on se dit, mais merde, attends, mais elle n'a rien à nous donner, là.
01:12Elle ne fait rien.
01:13Quand j'ai commencé, il n'y avait pas du tout tout ça.
01:15Il y avait un plaisir de faire et on ne savait même pas ce que ça allait devenir.
01:19On faisait le film dans le plaisir et on n'était que là-dedans.
01:22Et là, maintenant, c'est complètement autre chose.
01:25Je pense, après, c'est un juste milieu où, toi, il ne faut pas que ça t'atteigne.
01:28En fait, si tu fais partie de ce jeu, tu ne peux pas forcément t'en plaindre après.
01:32Évidemment, s'il y a du harcèlement, bien sûr, mais je veux dire, pour moi, au début, j'ai voulu le voir comme un jeu.
01:36D'un coup, je suis tombée.
01:37Enfin, tombée dedans.
01:39Si, on est tombée dedans.
01:40Oui, dans un truc de...
01:42Enfin, comment dire ?
01:44En fait, d'un coup, tu fais un peu ce que les gens attendent de toi.
01:46Et en même temps, tu as envie de parler de tous les sujets.
01:48En même temps, tu as l'impression que ça raconte quelque chose sur ton éthique.
01:51Et puis, en fait, un matin, je me suis rendu compte que même je consommais ça comme une source d'info.
01:54Et là, je me suis dit, non, mais ça y est, en fait, ça va être que pour le travail,
01:57quitte à ce que mes potes avec qui je travaille, ils le fassent pour moi.
02:00Mais ça ne peut pas devenir une source d'information.
02:02Enfin, il y a quelque chose qui, si tu es un peu sensible, te rend quand même presque malheureux.
02:06C'est-à-dire, tu consommes des choses atroces.
02:09Et enfin, tu les consommes, tu les regardes comme ça.
02:11Et après, tu passes à une recette de vrapeau poulet.
02:13Enfin, il y a quand même quelque chose qui t'insensibilise très vite et qui est dangereux.
02:16Et où je pense que le plus important, c'est quand même quitter dans le cercle privé et civique.
02:21Maintenant, je trouve que ça a des bienfaits pour plein de choses.
02:23C'est-à-dire, avant, il y avait des violences qu'on ne pouvait peut-être pas dénoncer,
02:26qui aujourd'hui sont filmées.
02:27Ou ça ne peut pas être corrompu, c'est de l'image, etc.
02:30Enfin, même si ça pourrait être corrompu aussi.
02:32Mais je trouve que ça a des bienfaits.
02:34Moi, personnellement, je ne suis pas forcément faite pour avoir ce rapport.
02:38En tout cas, pas quotidien Instagram.
02:39Le lâcher prise, l'abandon, ce n'est pas trop...
02:42Pour moi, ça va avec le jeu.
02:43Le jeu, c'est ça.
02:44Pour moi, il est le symbole de ce qu'est le jeu.
02:49C'est-à-dire, ne pas se regarder faire, ne pas penser à si ça plaira,
02:53si ça ne plaît pas, si c'est drôle, si c'est pas drôle.
02:55On ne sait pas, de toute façon.
02:56Donc, nous, on est sincère au moment où on joue.
02:58Et je vois bien qu'Adèle, elle est comme ça.
03:01C'est facile de jouer avec elle, parce que, dans ses yeux,
03:03je vois qu'elle croit ce qu'elle dit au moment où elle le dit.
03:06Donc, moi, j'y crois.
03:07Donc, en fait, on était toutes les deux à se croire, quoi.
03:10Et à être ensemble, et à s'arracher la gueule, en vrai.
03:14Mais en se marrant entre les prises, évidemment, avec Quentin.
03:18Et en s'amusant à le faire.
03:19Parce que les personnages sont si bien écrits, si bien décrits,
03:24si bien confrontés, qu'on n'a qu'à se jeter à l'eau
03:28sans savoir ce qu'elle bouffe le soir,
03:30si elle a été élevée comme ça, à la graine ou pas petite.
03:32Enfin, tous les trucs psychologisants qu'on ne fait pas du tout.
03:36En fait, il nous a mis face à face.
03:38Ce face à face était super inspirant.
03:41Puis jouer avec Adèle, pour moi, c'était hyper inspirant.
03:43Donc, c'est hyper facile, quoi.
03:45Enfin, hyper joyeux.
03:48Ce que je préfère du jeu, c'est-à-dire...
03:50Le présent.
03:51Le présent, le lâcher prise,
03:52s'abandonner dans la situation sincèrement
03:55et voir ce qui se passe, quoi.
03:57J'en ai passé une semaine dans ce gymnase enfermé
04:00à faire cette interview.
04:00On avait énormément de textes.
04:03Et ce qui, au début, pouvait paraître un peu vertigineux
04:05de poser nos personnages, on commence par ça,
04:09est devenu...
04:10Ouais, c'est ça.
04:10En fait, c'est un sincère amusement.
04:13Et évidemment que tu ris entre les prises,
04:14avec en plus Jérôme qui dort à côté,
04:16Quentin qui cadre,
04:18mais qui, par exemple, parfois était sur Sandrine,
04:19mais allait me dire,
04:20attends, Adèle, je t'ai entendu, c'est faux.
04:21Tu te dis, waouh, même là, il a ses oreilles partout.
04:23Donc c'est vraiment une construction artisanale
04:26hyper joyeuse, en fait.
04:27Et c'est vrai que parfois, il y a un truc presque injuste.
04:29J'entends beaucoup, oui, Quentin Dupieux, la hype.
04:32Mais en fait, c'est vraiment un artisan
04:34de la créativité, du travail,
04:36qui a une manière unique de faire.
04:38Et c'est peut-être même ça qui questionne ou qui dérange.
04:40C'est ce truc très prolifique, très honnête,
04:43sans se justifier des heures de d'où ça vient,
04:45de pourquoi ça vient.
04:46Et c'est une forme d'énigme aussi que j'aime bien.
04:53Merci.
04:54Merci.
04:55Merci.
04:56Merci.
04:57Merci.

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