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  • 24/06/2025
Mardi 24 juin 2025, retrouvez Bertrand Puiffe (Gérant actions internationales, Fidelity) dans SMART BOURSE, une émission présentée par Grégoire Favet.

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Transcription
00:00Le dernier quart d'heure de Smartbourg chaque soir, c'est le quart d'heure thématique.
00:13Le thème ce soir, c'est celui de la guerre commerciale, un thème qui va dominer encore sans doute le second semestre sur les marchés
00:20avec cette question qui sont, qui seront les gagnants et les perdants de ce nouvel ordre commercial mondial qui est en train de se décider.
00:29Nous en parlons avec Bertrand Puif qui est resté à mes côtés, gérant Action Internationale toujours et porte-parole de la gestion de Fidelity.
00:36Bertrand, bonsoir, re-bonsoir.
00:38Et vous nous apportez alors là une matière très riche puisque Fidelity mène deux fois par an, c'est ça Bertrand ?
00:46Un grand sondage auprès des analystes maison, plusieurs dizaines, voire peut-être quelques centaines d'analystes au niveau mondial qui travaillent chez Fidelity.
00:55Je le rappelle, vous êtes vraiment une maison de stock picker, ce qui vous intéresse c'est l'analyse bottom-up, ce qui vient des entreprises et du terrain.
01:02Vous n'êtes pas des gérants global macro, en tout cas ce n'est pas l'ADN de Fidelity et donc cette enquête est particulièrement intéressante auprès de vos analystes maison,
01:11notamment sur la question de ce nouvel ordre commercial mondial qui est en train de s'établir.
01:16Qu'est-ce qu'on peut dire des questions qui ont été posées et de ce qui a été retiré effectivement, ce qu'on peut en retirer comme enseignement et comme conclusion ?
01:25On a demandé effectivement à nos 130 analystes au niveau mondial d'interroger les sociétés qui le suivent dans leur portefeuille de suivi sur l'impact moyen terme, court terme évidemment,
01:38moyen terme et long terme de cette nouvelle tarification, on va dire, douanière qui est encore mouvante.
01:43Mais bon, c'est intéressant.
01:46La première question qu'on a posée, c'est quelles sont les sociétés qui considèrent avoir un pricing power significatif, suffisant en tout cas,
01:53pour pouvoir passer des hausses de prix qui font au moins compenser ces augmentations de tarifs ?
01:58Alors là, bon, il y a des choses qui paraissaient évidentes, comme par exemple les biens de consommation, c'est un peu compliqué.
02:04Par contre, on voit que le meilleur secteur, le secteur qui a les meilleures réponses, c'est l'industrie.
02:10Et pourquoi ? Parce que l'industrie d'aujourd'hui au niveau mondial n'est pas l'industrie il y a 10, 15 ou 20 ans.
02:15Il y a eu une consolidation au sein des différents segments de l'industrie.
02:19On prend souvent l'exemple des roulements à billes avec une société emblématique comme SKF, par exemple.
02:23SKF, bien sûr, dans les Nordiques.
02:24Mais SKF, il y a 10 ans, avait à l'échelle mondiale 1000 concurrents, dont 300 Chinois.
02:31Aujourd'hui, la concurrence compte sur les doigts de la main.
02:34Donc, pour beaucoup de secteurs, ça s'est passé comme ça.
02:38Il y a eu d'autres secteurs comme par exemple le camion, les fabriquements de camions, comme Volvo, comme Daimler, comme Iveco.
02:43Ces sociétés-là qui étaient très cycliques ont développé énormément la partie service.
02:47Et aujourd'hui, une société comme Volvo a quasiment la moitié de son chiffre d'affaires sur la partie service et maintenance.
02:53Donc, ce que je veux dire, c'est que l'industrie est beaucoup moins cyclique, beaucoup plus cartélisée, entre guillemets, que par le passé.
03:00Et donc, elle a la capacité de répercuter ses droits de douane dans les prix.
03:05Oui, bien sûr.
03:07On le trouve également dans l'industrie.
03:09Est-ce qu'on peut inclure, je ne sais pas, l'industrie de la technologie également, Bertrand ?
03:15Je ne sais pas, je pense au discours de patron dans les semi-conducteurs avec des positionnements très, très différents.
03:20Mais là aussi, le choc Covid, puis le conflit russo-ukrainien ont révélé la valeur de ces composants.
03:28Ce n'est pas juste des commodités.
03:29Tout à fait.
03:30La technologie est l'autre secteur qui a un pricing power très important.
03:34Et alors, à l'opposé, par exemple, l'automobile, c'est plus compliqué.
03:38Parce que là, il y a encore 300 concurrents chinois qui arrivent.
03:40Il y a 300 concurrents qui arrivent, il y a le passage à l'électrique qui n'est pas évident pour tout le monde.
03:46Donc, ça, c'est plus compliqué.
03:47Mais sur les semi-conducteurs, effectivement, il y a aujourd'hui une capacité, même si nous, on pense, par exemple, que Nvidia va être concurrencée.
03:55Donc, il y a des concurrents qui vont arriver.
03:56Mais il y a des secteurs, par exemple, sur les mémoires, on sait qu'il y a trois acteurs, deux acteurs et demi au niveau mondial.
04:01Donc, il y a déjà très concentré et qui permet d'avoir cette capacité, encore une fois, à répercuter ses droits de douane, quels qu'ils soient.
04:10Une fois qu'on a fait ce travail, effectivement, entreprise par entreprise, est-ce qu'il se dégage des grandes tendances, toujours autour de ce nouvel ordre commercial, géographique ?
04:20Est-ce qu'on sait dans quelle géographie on va trouver des entreprises qui souffriront plus que d'autres de cette élévation du péage américain, pour dire les choses simplement ?
04:30Du péage qui permet d'accéder au marché américain.
04:33Est-ce que ce sont d'abord les entreprises américaines qui en souffrent le plus ou pas forcément ?
04:38Alors, la réponse, en fait, des acteurs qu'on a interviewés est assez intéressante.
04:41C'est-à-dire que les acteurs qui considèrent qu'ils souffriront le moins, ce sont les acteurs asiatiques et en particulier chinois.
04:46C'est difficile en type.
04:48Mais à front renversé de ce qu'on imaginait, j'allais dire, le 19 janvier dernier, avant la veille de l'investisseur Donald Trump à la Maison Blanche.
04:55Tout à fait. Parce que c'est vrai, quand on fait le listing des secteurs sur lesquels les États-Unis dépendent énormément de la Chine, il y en a vraiment beaucoup.
05:05Prenons deux exemples.
05:07Les chaussures de sport, vous en avez à peu près 80% des chaussures qui sont vendues aux États-Unis sont fabriquées, souvent par des fabricants américains comme Nike, en Chine.
05:17Pire que ça, sur les jouets, Mattel et Hasbro fabriquent 100% de leurs jouets en Chine.
05:24Donc, évidemment, la capacité derrière des acteurs chinois à dire, bon, ben voilà, nous, on va vous mettre aussi une fiscalité confiscatoire sur les transferts de profits aux États-Unis.
05:34Voilà. Donc, il y a une capacité de la Chine à négocier, déjà, premièrement.
05:39Et puis, l'autre élément que nous disent les entreprises, c'est qu'elles sont en train de revoir leur chaîne d'approvisionnement.
05:43Alors, dans quelle mesure ?
05:45Et que l'avantage de la Chine, c'est qu'autour de la Chine, il y a des pays satellites qui sont très bon marché.
05:50Le Vietnam, par exemple, qui a un coût de la main-d'œuvre qui est un tiers de celui de la Chine.
05:55Et il y a un énorme pays qui est en train de se dessiner comme également une usine mondiale, qui est l'Indonésie.
06:00Et les Chinois sont déjà en train de mettre un pied là-dedans.
06:04On sait qu'il y a 10-15 ans, c'était en Afrique.
06:06Et là, maintenant, c'est sur cette partie de l'Asie.
06:08Donc, pour eux, c'est une opportunité.
06:11Et c'est aussi une question de mentalité.
06:12Les Chinois, quand on leur met en fait des contraintes, ils cherchent une manière, effectivement, de passer au-delà de cette contrainte.
06:19Là où, effectivement, un Européen va dire, oh là là, j'arrête, c'est la catastrophe.
06:24Donc, pour eux, c'est une opportunité de reconfigurer leur chaîne de valeur à moindre coût.
06:30Et donc, ils sont plutôt plus sereins.
06:32Mais ces entreprises-là ont dans l'idée que ces voies de passage, de contournement ou ces nouvelles routes vont rester ouvertes.
06:40Parce que l'administration de Trump, j'imagine qu'ils ne nous ont pas attendus pour identifier le Vietnam, l'Indonésie, le Mexique, même peut-être encore un peu plus proche d'eux.
06:48Et que où on peut mettre des droits de douane élevés sur ces pays-là, où on peut faire pression sur ces pays-là,
06:53pour qu'eux-mêmes mettent des droits de douane sur certains produits chinois qui pourraient passer leurs frontières ?
06:58Après, voilà, c'est vraiment au cas par cas.
07:01Et sur les produits qu'on a identifiés, je prenais ces deux exemples, sur les jouets, sur certains nombres d'articles de sport,
07:07les États-Unis, à court terme, n'ont pas la capacité à aller retrouver un autre fournisseur.
07:12Là, ce n'est pas possible.
07:14Asbro et Mattel ne sont pas en train de dire, on va fabriquer nos jouets demain aux États-Unis.
07:18Sans doute qu'ils sont en train de le dire, l'administration Trump, mais ça va mettre quand même un peu de temps.
07:21Et les prix ne seront pas les mêmes.
07:23C'est ça surtout, en fait.
07:25Donc, voilà, pour ces biens de consommation qui sont fabriqués en Asie, en particulier en Chine, et vendus aux États-Unis,
07:33il existe une capacité de la Chine à négocier les droits de douane, peut-être bien au-delà de ce qu'on pense.
07:40Donc ça, il faut avoir ça en tête.
07:41Les Américains sont plutôt les sociétés américaines, on va dire, dans l'expectative.
07:46C'est vrai qu'il y a des sociétés automobiles qui ont eu leur chaîne de valeur complètement disruptée.
07:50Disruptées, en particulier celles qui étaient dépendantes du Mexique et du Canada.
07:54Par contre, il y en a d'autres qui sont plus dans l'expectative, qui sont moins négatifs.
07:58Les plus négatifs étant les sociétés européennes, paradoxalement.
08:01Donc, c'est vrai que sur ce point de vue-là, on est...
08:05Alors, c'est vrai qu'aujourd'hui, on ne sait pas en termes de négociations que vont être les droits de douane appliqués à l'Europe.
08:11Cet entretien se fait pendant cette période de trêve de 90 jours qui arrive quand même à sa fin.
08:15Et c'est vrai qu'on n'a pas eu beaucoup de nouvelles sur l'avancée des négociations entre les États-Unis et l'Europe.
08:19Mais on voit certaines sociétés qui sont en train d'étudier, ça n'a pas été décidé,
08:24mais de transférer des implantations d'Europe continentale vers le Royaume-Uni.
08:28Parce que le Royaume-Uni a déjà une vitivité.
08:29A signer un accord.
08:30Exactement, et a signé un accord.
08:31Donc ça, c'est un élément aussi à prendre en compte et qui pourrait redynamiser le marché britannique.
08:36C'est-à-dire que le marché boursier britannique est très intéressant aujourd'hui en termes de valorisation également.
08:41Mais en termes économiques, on va dire que les Britanniques pourraient en bénéficier.
08:46Mais à moyen terme, il faut imaginer des changements structurels, des chaînes d'approvisionnement, des chaînes de valeur.
08:52Où est-ce qu'on parle d'ajustement à la marge ?
08:55Ce que je faisais en Chine, demain je vais le faire au Vietnam ou en Indonésie, c'est un bouger,
08:59mais ce n'est pas un changement profond non plus de ma chaîne de valeur.
09:03Où est-ce qu'on peut avoir effectivement des décisions beaucoup plus lourdes de la part d'entreprises globales, j'entends ?
09:09Alors après, ce qui va jouer également, c'est l'accès aux matières premières.
09:13Donc ces entreprises-là, il va falloir qu'elles aient accès aux matières premières.
09:15S'ils pourraient construire des véhicules électriques, il faut être en Chine parce que vous avez accès aux terres rares en Chine.
09:2390% de part de marché dans le raffinage, 50% dans les terres rares, mais 90% dans le raffinage des terres rares.
09:29Si vous avez des contraintes à l'exportation, peut-être qu'il faut implanter aussi ces usines en Chine.
09:34Donc ça, c'est des décisions très longues, très lourdes.
09:40Mais ces décisions-là, il y a des acteurs qui les ont faites, par exemple l'IN2 dans les gaz industriels.
09:45La plus grosse société allemande du DAX, il y a encore 5 ans, a décidé de délocaliser son siège social aux US.
09:50Donc c'est en train de se faire. De plus en plus, ces sociétés sont en train de repenser leur organisation qui date, on va dire, des années 80-90 pour certaines,
10:00par rapport à ce nouvel ordre mondial qui se dessine.
10:03Il faut attendre qu'une stabilisation, on va dire, un peu plus d'accord et que ces 90 jours soient passés.
10:08On voit dans quel état l'esprit on est.
10:09Est-ce que Trump rebondit à nouveau dans une rhétorique en disant « je vais encore surenchérir pour aller chercher plus » ?
10:15Ou est-ce qu'il va jouer l'apaisement ? On pense qu'il va jouer l'apaisement et donc à partir de là, les sociétés vont pouvoir se projeter et repenser leur chaîne d'approvisionnement.
10:25Optimiser effectivement ces chaînes de valeur.
10:27Oui, l'IN2, alors effectivement l'IN2 c'était avant les droits de douane.
10:29Parce que son marché devenait américain.
10:31Aujourd'hui, l'automobile, ça va être vraiment quelque chose de spectaculaire à mon avis.
10:33On ne va plus produire une automobile qu'on produit aujourd'hui.
10:36En fonction de ça, il va y avoir des arbitrages à nouveau qui vont être assez massifs en termes d'implantation d'usines.
10:42Sur le plan de l'investissement, en l'occurrence, en vue du second semestre, qu'est-ce que cette enquête, entre autres, nous apporte comme enseignement ?
10:53Et comment est-ce qu'on l'utilise ? Comment elle se traduit sur le plan de l'investissement et de la gestion boursière d'actifs ?
10:58C'est vrai, comme vous l'avez dit, nous, chez Féditi, on fait de la sélection de valeurs.
11:01Donc, on trouve parmi les valeurs qui répondent positivement, par exemple dans l'industrie, je peux prendre un exemple, c'est une valeur finlandaise qui s'appelle Konekrans,
11:08qui est le leader mondial des grues industrielles, mais également des grues portuaires.
11:13Et alors, dans les grues portuaires, ce qui est intéressant et ce que nous dit cette société-là, c'est qu'il y a un concurrent au niveau mondial, ZPMC, société chinoise.
11:21Et un tiers des ports américains sont équipés ZPMC, avec la possibilité pour les Chinois, à distance, de faire comme sur les voitures électriques chinoises, d'appuyer sur un bouton et de tout arrêter.
11:31Ça, c'est clair qu'à un moment donné, ça va rentrer dans le viseur de l'administration Trump et qu'il va y avoir une volonté de, comme ça a été le cas pour Huawei.
11:39On a sorti Huawei dans la tech du marché américain, on peut sortir une boîte chinoise qui fait des grues portuaires.
11:45Donc, il y a plein, en fait, de segments comme ça.
11:47C'est-à-dire qu'on a maintenant une granularité, il faut aller chercher une granularité très forte dans l'investissement.
11:53Mais on a de très grosses opportunités de fait de cette réorganisation mondiale.
11:57Merci beaucoup, Bertrand.
11:59Bertrand Puif, qui était avec nous sur ses perspectives de marché pour le second semestre.
12:03Le second semestre qui sera encore marqué par la thématique commerciale.
12:07On verra où atterrissent les droits de douane.
12:09Mais en tout cas, cette recomposition du commerce mondial est loin d'être terminée.
12:14C'est un mouvement long, sans doute, qui accompagnera les marchés et les investisseurs.
12:18Bertrand Puif, qui était avec nous, l'invité de ce dernier quart d'heure de Smart Bourse, gérant Action Internationale et porte-parole de la gestion de Fidelity.

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