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  • 19/05/2025
Lundi 19 mai 2025, retrouvez Pierre-Yves Dugua (Correspondant américain) dans SMART BOURSE, une émission présentée par Grégoire Favet.

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Transcription
00:00Le dernier quart d'heure de Smartbourg chaque soir c'est le quart d'heure thématique, le lundi c'est un quart d'heure américain et nous retrouvons notre correspondant américain Pierre-Yves Dugas avec nous en visioconférence.
00:12Bonsoir Pierre-Yves, merci beaucoup d'être là. Le timing est toujours important sur les marchés et c'est vrai que si Moody's n'apprend sans doute rien à la communauté financière ou à la communauté des investisseurs obligataires en l'occurrence concernant la qualité de crédit des Etats-Unis,
00:28la dégradation de l'agence de notation intervient à un moment clé.
00:35Oui à un moment clé du calendrier politique américain avec l'élaboration de la commission du budget de la chambre des représentants d'un énorme paquet fiscal qui couvre à peu près 4 000 milliards de dollars de dépenses sur 10 ans
00:52et cette agence Moody's qui n'apprend rien aux professionnels du marché obligataire mais à coup le pas je dirais parce que moi qui prétends suivre quotidiennement les grands agrégats de l'économie américaine,
01:06il y a quelques chiffres qui m'ont frappé dans ce qui ressort de cette analyse de Moody's si bien entendu les grandes raisons pour lesquelles Standard & Poor's d'abord à un moment où on ne s'y attendait pas,
01:21en 2011 je crois, puis ensuite Fitch en 2023 et maintenant Moody's en 2025 retire la meilleure note possible aux Etats-Unis,
01:33les raisons fondamentalement sont les mêmes, on ne maîtrise pas les dépenses publiques, on ne maîtrise pas la revenu, on ne maîtrise surtout pas les dépenses,
01:40la dette s'envole et aucun parti n'a une solution sérieuse à proposer. Mais il y a quelques chiffres quand même qui m'ont fait tomber de ma chaise tout à l'heure.
01:50Quand Donald Trump est élu en 2017, la charge de la dette pour les Etats-Unis c'est 263 milliards de dollars, aujourd'hui c'est 1000 milliards.
02:01Ce n'est pas la même Amérique, même si on tient compte de la dévaluation du dollar, de l'inflation et tout ça, je n'ai pas fait le calcul, on part quand même de 263 à à peu près 1000, c'est beaucoup.
02:13La dette publique américaine par habitant aujourd'hui, elle est de 106 000 dollars. Les intérêts représentent 18% maintenant des revenus du trésor américain
02:26et si l'on en croit les projections qui sont tout à fait raisonnables présentées par Moody's, on va arriver au stade où on en est si on extrapole en 2035,
02:35non plus à 18 mais à 30%. Donc dans les médias, la situation n'est pas pire aujourd'hui qu'elle n'était la semaine dernière,
02:46mais à moyen terme, elle s'aggrave à une vitesse rapide et à long terme, elle est franchement terrifiante.
02:56C'est d'ailleurs les mots qui ont été employés par Scott Passant, le secrétaire au trésor, la semaine dernière, avant qu'intervienne cette dégradation,
03:03il a dit « the debt numbers are scary ». Ça fait peur.
03:07Oui, avec un risque d'effet spiral désormais, partant de ces niveaux atteints en termes de dette, avec des taux de refinancement qui sont quand même beaucoup plus élevés.
03:16C'est ce phénomène de rupture ou d'accélération qui fait peur et qui va avoir un impact sur la manière dont le Congrès va négocier cette loi de réconciliation budgétaire, Pierre-Yves ?
03:29Non, c'est ça le pire. C'est que je ne vois pas cette dégradation de Moody's qui tombe à point nommé,
03:39mais je ne la vois pas peser sur l'opinion américaine au point de forcer les leaders républicains à la Chambre des représentants
03:47à changer de discours politique. Donald Trump considère, et Scott Passant lui-même considère que cette dégradation reflète les erreurs politiques de Joe Biden,
03:59ce qui est en partie vrai, mais en partie seulement. Et je ne vois pas cette dégradation marquer un tournant dans l'histoire fiscale américaine, malheureusement.
04:09Ce dont on discute aujourd'hui, c'est de continuer dans cette rhétorique républicaine de baisse des impôts avec un énorme paquet qui de justesse va sortir de la commission budgétaire
04:24qui porte donc, je viens de le dire, sur quelques 4 000 milliards de dollars et qui prévoit quelques promesses faites par Donald Trump en campagne.
04:33Nous en parlions la semaine dernière, mais c'est confirmé. Exemption d'impôt des pourboires, exemption d'impôt des heures supplémentaires.
04:41Et pour payer tout ça, et on ne le paye qu'en partie parce que ce paquet va aggraver le déficit budgétaire de quelques 3 000 milliards sur 10 ans,
04:52Pour payer tout ça, on va abandonner quelques largesses fiscales votées sous Joe Biden, en particulier des crédits d'impôt pour financer les investissements dans l'économie dite « verte ».
05:07Au passage, cela veut dire la suppression des aides fiscales à l'achat de véhicules électriques,
05:13Disposition qui, a priori, pourrait être contraire aux intérêts d'Elon Musk, qui est quand même un collaborateur et un ami de Donald Trump.
05:24Mais Elon Musk a dit lui-même qu'il n'avait pas besoin de ça.
05:28Suppression également, selon un calendrier qui est en train d'évoluer,
05:35d'avantages sociaux qui avaient été distribués par les démocrates au moment du Covid,
05:40et que les Républicains voudraient maintenant renier, en particulier, cette obligation d'avoir à travailler,
05:48si l'on veut percevoir certaines aides.
05:52Vous voyez que le débat aux États-Unis rejoint le débat en Europe et en France.
05:57Les Républicains voudraient avancer cette obligation de travail de manière à réduire cette explosion des dépenses sociales
06:03sur le poste qui correspond à Medicaid.
06:06Medicaid qui, initialement, est un programme fédéral d'aide aux revenus et à l'assurance maladie des personnes pauvres et des enfants.
06:17Au-delà de cette big beautiful bill que souhaite voir Donald Trump,
06:25quelles sont les autres cases à cocher dans cette feuille de route washingtonienne,
06:30d'ici l'été, d'ici la pause du Congrès, pour permettre à Trump de conserver son capital politique cœur
06:39et éviter de nouveaux dérapages sur les marchés financiers ?
06:43Écoutez, j'en vois au moins trois.
06:48Il y en a, il va falloir produire au moins un, voire deux autres accords commerciaux,
06:53tels qu'on nous les a promis il y a plus de dix jours maintenant, avec de grands pays.
06:58On ne peut pas dire que les accords commerciaux sont imminents éternellement.
07:02Il va falloir peut-être la Corée, peut-être le Japon, peut-être l'Inde.
07:09Ça serait bien qu'il y ait au moins la Corée et le Japon tout de même d'ici la mi-juillet,
07:13pour que l'on croie à une dynamique des accords commerciaux
07:16et un début de, entre guillemets, normalisation des relations commerciales des États-Unis
07:22avec ces grands pays, avec ces grands partenaires,
07:26et surtout avec de grands pays qui affichent aujourd'hui d'énormes surplus.
07:30Ce qui accroche le plus dans la négociation avec la Corée et le Japon,
07:35c'est le secteur automobile.
07:38Les éventuelles concessions qui pourraient être faites par les gouvernements de Corée et du Japon
07:43aux États-Unis en matière de produits agricoles
07:45ne vont pas couvrir les exigences très élevées de l'administration Trump sur l'automobile.
07:52On se souvient que dans le cas du seul accord,
07:56et encore on l'appelle généreusement accord,
07:58mais ce mini-accord avec le Royaume-Uni,
08:00la levée des droits de douane sur l'automobile n'est intervenue que
08:06dans le cadre de la définition d'un contingent de 100 000 véhicules.
08:11Est-ce qu'on va devoir faire la même chose pour la Corée et le Japon ?
08:15Pas évident que les niveaux puissent être négociés à des seuils aussi élevés.
08:22Ça, c'est la première chose.
08:24Il nous faut plus d'accords commerciaux.
08:25Deux autres choses importantes doivent intervenir pour que les choses rentrent dans l'ordre
08:31et que Donald Trump conserve la main.
08:33Il y a cet énorme paquet fiscal qu'il veut boucler avec un seul vote.
08:40Il faut que ce paquet soit ficelé à la Chambre des représentants pour Memorial Day,
08:44c'est-à-dire le 26 mai.
08:46Et ensuite, cela donne en gros tout le mois de juin au Sénat pour le décortiquer,
08:52peut-être l'amender, le renvoyer à la Chambre en vue d'une signature le 4 juillet.
08:57C'est possible, mais ça va être serré, ça va être difficile,
09:00parce que les sénateurs ont aussi leur opinion sur ce qu'il faut faire.
09:04Et puis, horrible petit détail, le relèvement du plafond de l'ADEME,
09:09qui doit intervenir impérativement, nous dit Scott Bessent, mi-juillet.
09:15Ce relèvement peut intervenir de plusieurs façons,
09:17soit dans le cadre de cette loi, soit dans le cadre d'une loi spécifique,
09:21ou alors on peut, on l'a déjà fait dans le passé,
09:24simplement avoir un vote du Congrès qui dit
09:26« Le plafond, on peut s'en passer pour le moment. »
09:30Pourquoi pas ? Ce serait un moyen de botter en touche.
09:33Encore une fois, la droite, une poignée de la droite républicaine,
09:38considère que les Républicains n'ont pas le droit de laisser passer cette opportunité,
09:41de réduire les dépenses publiques et de réduire le déficit,
09:44et ils jugent que le trumpisme continue de nous faire trop de déficit,
09:48et ils font de la résistance.
09:50Bon, ce n'est pas les douze travaux d'Hercule,
09:52mais c'est quand même du pain sur la planche
09:55pour le Congrès, l'administration Trump et le président des États-Unis.
09:59Merci beaucoup Pierre-Yves.
10:00Pierre-Yves Duguay avec nous chaque lundi dans ce quart d'heure américain.
10:03Vous nous suivez en direct à 20h30 sur Bsmart for Change
10:07et en replay bien sûr sur bsmart.fr.

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