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  • 10/06/2025
Anne Fulda reçoit Franck Maubert pour son livre «Giacometti» dans #HDLivres

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Transcription
00:00Bienvenue à l'heure des livres, Franck Maubert, on est ravis de vous recevoir.
00:03Vous êtes écrivain, vous êtes critique d'art, vous avez déjà écrit une trentaine de livres.
00:07Et puis là, les éditions Fayard ont eu la bonne idée de rééditer deux de vos livres sur G-A-Comity.
00:14L'un s'appelle Le Dernier Modèle, il avait eu à l'époque le prix Hervonodau Essay.
00:18L'autre s'appelle L'Homme qui marche.
00:20C'est deux textes très beaux, très délicats et profonds.
00:23Deux textes qui se complètent parce que l'un parle de l'homme, l'autre parle de l'œuvre.
00:28Et finalement, l'un et l'autre ne sont pas sans relation.
00:32Alors, ce qui est intéressant, vous commencez en disant que votre passion pour Giacometti a été soudaine et assez précoce.
00:38Puisque à 17 ans, vous vous tombez en arrêt devant L'Homme qui marche.
00:42Oui, j'ai eu un...
00:45Oui, j'étais allé voir...
00:46La fondation Mag.
00:47Oui, j'avais une grande passion pour Malraux.
00:49Et il y avait le musée imaginaire de Malraux qui était exposé à la fondation Mag, à Saint-Paul-de-Vence.
00:58Que je ne connaissais pas.
00:59Et j'étais allé en autostop avec un copain.
01:01Et c'était au mois d'août.
01:02Et il y a eu un orage.
01:03Et je me suis retrouvé...
01:04Il y avait des touristes japonais.
01:06Je ne me souviens plus très bien.
01:07Mais enfin...
01:07Et je me suis retrouvé tout seul face à l'homme qui marche.
01:10Sous la pluie.
01:11C'est un orage terrible.
01:12Et ça a été un choc.
01:14On parlait de décharge électrique, d'ailleurs.
01:16Oui, oui, je l'ai oublié.
01:17Mais effectivement, c'était vraiment un choc.
01:20Et je suis resté aimanté par cette sculpture.
01:26Alors, vous n'êtes pas le seul.
01:27Parce que cette sculpture...
01:30C'est ça qui est intéressant.
01:31C'est que c'est presque une oeuvre universelle.
01:33Parce que c'est l'oeuvre la plus connue de Giacometti.
01:37Et c'est l'une des oeuvres les plus connues contemporaines du XXe siècle.
01:41Comment expliquez-vous, d'ailleurs, cette célébrité ?
01:45Oui, alors, il y a plusieurs explications.
01:48Mais je pense que l'essentiel, c'est que c'est une oeuvre qui met en scène l'homme seul.
01:56Et qui est révélée face à lui-même.
02:00Et presque dans sa vérité.
02:03Et comme c'est une sculpture que Giacometti a créée juste après guerre.
02:08Et c'était la phase où était révélé l'existentialisme de Sartre.
02:15Il y avait Camus, il y avait Sartre, etc.
02:17Qui étaient des amis très très proches de Giacometti.
02:21Et donc, c'est lié à toute cette histoire.
02:24Et Giacometti aurait pu être philosophe.
02:28Parce qu'il a beaucoup écrit, d'ailleurs.
02:31Mais il se sentait, il trouvait qu'il n'était pas au niveau.
02:34Moi, je pense qu'il l'était.
02:35De toute façon, l'humilité était l'un de ses traits de caractère.
02:38Vous parlez de lui.
02:39Souvent, il se décrit, enfin, ne serait-ce que physiquement, il se décrit souvent un chien.
02:42D'ailleurs, on pense toujours à cette photo, la fameuse photo de Cartier-Bresson.
02:46C'est ça.
02:46On le voit, Rudalésia, sous son impair.
02:48C'est ça, c'est ça.
02:49Et il avait tendance à se...
02:50Diminuer.
02:51Diminuer, oui.
02:52Oui, c'était un homme modeste, humble.
02:55Mais qui ne s'intéressait qu'à son art, en définitive.
02:58Et il avait cette grande phrase, d'ailleurs, qui est une phrase, je crois, de Beckett, qui est « Créer s'est échoué ».
03:07Donc, il n'était absolument jamais content de ses œuvres et de sa création.
03:12Et donc, c'est pour ça qu'on sent, à travers aussi bien même ses dessins que ses peintures, et que ses sculptures,
03:19il gratte la matière avec ses ongles même, jusqu'à surtout le regard, parce qu'il trouve que tout passe...
03:26Oui, justement, j'allais en dire le regard.
03:27Parce que le regard, justement, c'est encore ce qui vous attire et vous aimante lorsque vous découvrez, cette fois, dans un musée, au musée d'art moderne.
03:34C'est ça.
03:36Caroline.
03:36Caroline, cette fois en peinture, une peinture de Giacometti.
03:39Oui, et là...
03:41Caroline, ça a été son amour et son modèle, ça, la dernière muse.
03:45Voilà, c'est ça.
03:46C'est ça.
03:46Il la rencontre en 59 et dans un bar, en fait, où il y avait des prostituées, on peut le dire, rue Bréa, à Montparnasse.
03:55Parce que les journées de Giacometti se passaient, ils travaillaient énormément.
04:00Et puis, le soir, ils sortaient boire des cafés, peut-être du vin, je ne sais pas.
04:04Et puis, ils fréquentaient les bars où il y avait des prostituées.
04:09Et il était en admiration devant ces femmes, en fait.
04:12Et un jour, on lui présente, on lui dit, il y a une nouvelle qui arrive, on lui présente, c'est Caroline.
04:17Et là, c'est un coup de foudre, mais pour les deux.
04:20Et Caroline qui s'appelle Yvonne, en réalité.
04:22C'est ça.
04:22Boire au dos, oui, qui est vendéenne.
04:24Et ce qui est magnifique, ce que vous racontez dans ce livre, c'est que vous allez la rencontrer, cette Caroline, des années plus tard.
04:35C'est une femme qui l'a préférée à Marlène Dietrich, écrivez-vous.
04:39Et vous racontez cette rencontre incroyable où cette femme qui est âgée, vieillie, qui se met souvent du rouge à lèvres de façon machinale sur ses lèvres.
04:47Oui, qui était très fatiguée.
04:51D'ailleurs, elle est morte deux ans après, je l'ai vue, je l'ai rencontrée.
04:56Et en fait, quand j'ai appris que son dernier modèle était vivant, je me suis dit, je dois absolument rencontrer cette femme.
05:03Et je suis allé la voir.
05:05Et c'était difficile parce qu'elle n'était pas facile.
05:08Oui, on voit que vous racontez l'entretien, c'est très beau, c'est fait de façon très délicate.
05:12Vous lui lisez un moment Belle du Seigneur, qui est le livre qui est à côté, qui vous accroche, elle vous agrippe comme ça.
05:17Oui, oui, oui, elle a été.
05:19Et elle parle évidemment de Giacometti, qu'elle appelle, c'est très joli.
05:23Ma grisaille.
05:23Ma grisaille.
05:24Oui, c'est magnifique.
05:25Elle va magnifiquement bien.
05:26Oui, ça.
05:27Et puis elle disait aussi, je suis sa démesure.
05:30C'est extraordinaire.
05:31C'est très beau, oui.
05:31Oui, elle avait une certaine poésie.
05:33Et puis sur son balcon, il y avait un arbre sans feuilles, un citronnier sans feuilles.
05:39Et puis il y avait des oiseaux qui étaient hors d'une cage.
05:43Il y avait la cage à côté.
05:44Les oiseaux étaient, les canaris étaient sur le...
05:46C'était comme dans une pièce de théâtre.
05:49Alors, elle sera là jusqu'à son dernier souffle parce qu'elle sera là même à l'hôpital.
05:52Bon, Giacometti a un cancer.
05:54Enfin, il ne s'occupe pas du tout de lui.
05:56Non, il fume trop, il boit trop, il fume trop, il fume trop, oui, oui.
05:59Il fume tout le temps, oui.
06:00D'ailleurs, il a...
06:01Et elle sera là, et ça sera la dernière qui verra, et elle sera là en même temps que sa femme ?
06:07Oui, oui, oui.
06:07La femme de Giacometti, qui s'est mariée, qui est restée en mariée.
06:10Oui, oui, avec Annette, ils se sont un peu crépés, les deux femmes se sont crépées le chignon dans les couloirs de l'hôpital,
06:15ce qui n'est pas très joli, mais...
06:17Et lui a demandé à voir en dernier Caroline et pas sa femme.
06:22En tout cas, bon, c'est un très beau livre.
06:24Donc, il vous écrivait, il ne cessait de me répéter que j'étais sa déesse, que j'étais sa démesure.
06:29Donc, ça s'appelle Giacometti, c'est le dernier modèle suivi de L'Homme qui marche, pardon, c'est paru chez Fayard.
06:36Merci beaucoup, Franck Maubert.
06:37C'est moi qui vous remercie.
06:38Sous-titrage Société Radio-Canada

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