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Anne Fulda reçoit Anne Graire pour son livre «Madame Grès : le sphinx de la haute couture» dans #HDLivres

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Transcription
00:01Bienvenue à l'heure des livres Anne Grère.
00:03Alors on ne vous connaît pas, vous êtes la petite fille de Madame Gré,
00:08un nom qui est resté dans les mémoires pour la concernant la couture,
00:14et vous venez de publier Madame Gré, le sphinx de la haute couture,
00:16un livre qui est paru chez Flammarion, un livre qui est préfacé par Olivier Sayard,
00:21historien de la mode, et un livre qui revient surtout sur la vie de cette créatrice de mode
00:27qui a créé sa maison de couture, Maison Gré, en 1934,
00:32et dont les fameux drapés restent encore dans les mémoires.
00:36Alors, votre grand-mère, vous avez passé une partie de votre enfance à ses côtés,
00:42est-ce que vous aviez conscience à l'époque du talent qu'elle avait,
00:46de son sens inné de l'élégance, de sa notoriété ?
00:51Oui, j'en avais conscience, elle m'a éduquée jusqu'à mon adolescence,
00:54et même si c'était une éducation très privilégiée,
00:59j'étais un peu à l'écart des autres.
01:03J'avais conscience que ma grand-mère faisait un métier
01:07qui était beaucoup plus palpitant que celui des parents des autres élèves.
01:11J'allais de temps en temps à la Maison Gré, où je pouvais la suivre dans les ateliers
01:16quand j'étais toute petite, j'assistais aussi à des défilés dans des petits salons,
01:20et ça éveille un monde de merveilleux, un monde de mystères.
01:27Je savais que derrière les portes, il se tramait des choses magnifiques.
01:30En effet, j'avais conscience, avec mes yeux d'enfant,
01:36de l'exception de ce que je voyais quand j'allais à la Maison Gré.
01:41Le souvenir des défilés, de l'envolée du tissu, des ampleurs, de la grâce,
01:51ça laisse des images indélébiles, ça éveille aussi un sens esthétique.
01:57Et est-ce qu'elle vous donnait, parce qu'elle s'est occupée de vous,
02:01mais est-ce qu'elle vous donnait aussi des leçons d'élégance ?
02:05Et quel était son discours sur la mode et l'élégance ?
02:09Est-ce qu'elle estimait qu'il y avait un lien entre les deux ou pas ?
02:13Elle avait un discours assez paradoxal pour quelqu'un qui créait une mode si époustouflante, je dirais,
02:23qui était en même temps d'une grande sobriété.
02:25C'était une personne de paradoxe, ça.
02:28Très menue, avec une voix très posée, en même temps avec énormément d'autorité.
02:36Pour elle, la mode devait être pratique.
02:38Elle, qui faisait des robes du soir somptueuses,
02:41ces fameux drapés,
02:43voulait avant aussi que les femmes se sentent belles.
02:48Elle travaillait pour la femme,
02:50et il fallait que la robe soit confortable à porter.
02:52Il n'y avait pas d'armature métallique, pas de baleine.
02:55Tout l'intérieur des corsages était doublé, mais en tissu matelassé pour que la femme ne le sente le moins possible, en fait, qu'elle porte.
03:04Alors, on a gardé d'elle son image, celle que, notamment, que l'on voit en couverture de votre livre,
03:09comme ça, coiffée d'un turban.
03:13Mais en fait, en dehors de ces images, on connaît peu sa vie privée.
03:17Vous en dévoilez un pan, notamment après avoir créé sa maison avant la guerre.
03:24Elle a été dénoncée pendant la guerre, parce qu'elle est née germaine Émilie Krebs.
03:29Elle fut dénoncée parce que juive. Est-ce qu'elle vous en avait parlé ?
03:33Elle parlait de celui qui l'avait dénoncé, qu'elle était remontée de l'exode giflée.
03:39Elle a fait irruption dans les bureaux de son associé.
03:43Mais elle a été dénoncée alors qu'elle n'était pas juive.
03:46C'était une dénonciation fallacieuse.
03:48Elle a été dénoncée comme juive alors qu'elle ne l'était pas.
03:51Parce qu'en effet, son associé voulait faire main basse sur la maison.
03:56Mais jamais elle n'a donné d'identité.
04:00Et donc, j'ai une petite idée.
04:02J'ai cherché les différents associés pour voir qu'elle était celui qui était susceptible d'avoir fait cela.
04:08Alors, elle a habillé beaucoup de stars de l'époque.
04:13Marlène Vietrich, Sylvana Mangano.
04:17Mais elle était assez attirée et baignée dans un milieu artistique.
04:20Notamment, il y avait son mari qui était un peintre russe.
04:24Cette imprégnation artistique, est-ce que vous l'avez ressentie ?
04:28Oui, je l'ai ressentie parce que, déjà, à la maison, nous vivions dans un intérieur très marqué par l'art.
04:38Même l'art classique, la Renaissance flamande.
04:40Et parce qu'elle était très amie avec des personnalités du monde de la scène, du monde du ballet et du théâtre.
04:47Il faut voir que dans les années 30, les couturiers et les artistes travaillaient beaucoup entre eux.
04:51Elle a été amenée à travailler pour le théâtre grâce à une commande de Louis Jouvet.
04:56Et ensuite, elle a pénétré ce monde.
04:58Elle a eu une image non seulement associée à l'élégance, mais aussi associée à l'art et à la scène.
05:07Il faut dire qu'en effet, sur une scène, le vêtement se déploie.
05:10Et les mouvements, les allées et venues donnent toute leur dimension au costume.
05:17Alors, elle a lancé en 1959 un parfum, Cabochard.
05:23Elle s'est inscrite dans ce mouvement qui allait avec la modernisation de la couture,
05:30qui permettait à la couture de survivre.
05:33Néanmoins, l'arrivée du prêt-à-porter, ça a été un peu compliqué à appréhender.
05:37Oui, elle ne s'est jamais vraiment résolue à descendre dans la rue,
05:45puisque c'est ainsi qu'elle voyait un peu le prêt-à-porter.
05:48Mais forcément, pour quelqu'un qui avait l'habitude de travailler sur mesure,
05:52comment faire une production standardisée ?
05:57C'était contre nature.
05:59Elle avait l'habitude des ampleurs et d'une grande liberté.
06:02Et donc, le prêt-à-porter ne donne pas cette liberté.
06:09Elle a été, à la fin des années 80,
06:12sa société a été rachetée par Bernard Tapie.
06:15Mais c'est une expérience qui a été assez malheureuse, finalement.
06:20Oui, c'est-à-dire qu'elle était prête à tout dans mon esprit
06:23pour continuer de créer jusqu'à son dernier souffle.
06:25Et donc, Bernard Tapie était une opportunité
06:28qui lui a été apportée par la gauche.
06:32Malheureusement, qu'il n'a pas vraiment tenu promesse,
06:35puisque Bernard Tapie s'est lassé.
06:37Il espérait aussi racheter les parfums grès
06:39qu'elle avait déjà vendus
06:40pour financer toujours la haute couture.
06:43Il n'a pas pu acheter l'ensemble
06:45et donc il a abandonné la partie.
06:47Dernière question, s'il fallait garder une image d'elle,
06:50à laquelle penseriez-vous ?
06:52Une femme de tête, une femme indépendante,
06:56précurseur pour son époque,
06:57puisqu'elle était une femme chef d'entreprise
06:59au début des années 30.
07:02Elle s'est toujours débrouillée toute seule
07:03et elle l'a incitée sur ce point
07:04en disant aux jeunes femmes qui venaient la voir
07:06qu'il fallait ne dépendre de personne.
07:08Elle n'avait eu ni protecteur fortuné, ni amant.
07:11Et elle avait une vocation.
07:12Elle était totalement engagée dans son art.
07:15C'était vraiment une artiste.
07:17En tout cas, c'est à lire.
07:19Ce livre, ça s'appelle Madame Gray,
07:20Le sphinx de la haute couture, c'est paru chez Flammarion.
07:23Merci, Anne Graire.
07:24Je vous remercie.

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