En 1971, la sortie du documentaire de Marcel Ophuls, "Le chagrin et la pitié", brise le mythe gaullien d’une France unie contre l’envahisseur nazi. Histoire d’une déflagration historique qui, entre tabous et polémiques, a bouleversé le regard hexagonal sur les années d’Occupation.
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00:00:00Zéro
00:00:03Françaises, Français, mes meilleurs voeux de nouvelle année, je vous les offre de tout mon cœur.
00:00:30Et j'en prenais beaucoup qui ont resté chez eux, tranquillement.
00:00:48Oh, je ne savais pas.
00:00:49Je leur ai posé des questions les premiers.
00:00:51Mon Dieu, pourquoi vous n'avez pas fait comme les copains, mon vieux ?
00:00:54Oh, je ne savais pas où ça allait passer pour la résistance.
00:00:58Et alors, moi, je savais. Moi, qui disait un peu plus grand d'ici, je savais.
00:01:02Mais les autres ne savaient pas.
00:01:15Paris, 14 avril 1971, quartier latin.
00:01:19Ce jour-là, un film documentaire à l'aura sulfureuse est projeté dans une petite salle de cinéma.
00:01:24Pour la première fois, un documentaire vif et incisif offre une vision décapante sur les années d'occupation.
00:01:31Ce film, c'est Le chagrin et la pitié de Marcel Ophuls, alors jeune réalisateur de 42 ans.
00:01:37Produit par les télévisions allemandes et suisses, acheté par 27 pays, il est récompensé par de nombreux prix prestigieux et sélectionné aux Oscars.
00:01:43De son côté, l'ORTF, la télévision d'État française, refuse d'acheter ce film hérétique.
00:01:49Ce film va déclencher de violentes controverses et devenir le symbole d'un duel entre la génération post-68 et le pouvoir.
00:01:56En 1939, j'étais père de familles nombreuses.
00:02:00On ne m'avait pas envoyé au front.
00:02:03Et à ce moment-là, la crémière de ma femme, n'est-ce pas, Mme Michel, m'avait reproché de ne pas être allée au front.
00:02:10Et après la débâcle, je lui ai répondu, Mme Michel, il était inutile que j'aille au front, puisque le front est venu jusqu'à moi.
00:02:19Dans la résistance.
00:02:20Est-ce qu'il y avait autre chose que le courage ?
00:02:22C'est sûr. Mais moi, personnellement, les deux sentiments, n'est-ce pas, qui m'ont été les plus fréquents, ça a été le chagrin et la pitié.
00:02:32C'est un titre qui résonne avec toute sa causticité, avec toute sa force, et surtout qui va poser, dès le début du film, le rapport de Marcel Ophuls à ces événements.
00:02:45C'est un titre formidable, le chagrin et la pitié, parce qu'il est mystérieux.
00:02:50Ça fait tellement partie du film que j'oublie le sens des mots.
00:02:55C'est un titre extraordinairement romanesque.
00:03:00Tellement romanesque qu'à sa manière, il ne correspond pas tellement au film.
00:03:06Le chagrin de qui pour qui ? Il n'y a aucune pitié dans ce film.
00:03:10C'est un film proprement impitoyable.
00:03:12Pour rien au monde, je voudrais que ce film porte un autre titre.
00:03:19C'est curieux quand même.
00:03:30Rien ne prédestinait Marcel Ophuls à faire voler en éclat le mythe gaulliste d'une France unie face à l'Allemagne nazie.
00:03:37Rien.
00:03:38Sauf la naïveté, la lucidité et l'ironie du sort.
00:03:41D'un coup de balai, Paris se débarrasse de deux chefs d'État.
00:03:48La décision est prise, il faut en finir.
00:03:51Ce peuple sans armes a su trouver des armes.
00:03:54Les hommes tirent.
00:03:55Dans le film La Libération de Paris est tourné pendant l'insurrection parisienne.
00:03:59C'est le premier film qui sort dans Paris libéré.
00:04:02Donc du point de vue symbolique, il est extrêmement fort.
00:04:04Il y a une espèce de rencontre qui porte justement sur la valorisation de la population française et ici en l'occurrence de la population parisienne.
00:04:16Le film livre une très longue séquence du fameux discours du général de Gaulle le 25 août 44 à l'hôtel de ville
00:04:26qui va vraiment cristalliser la mythologie héroïque gaullienne.
00:04:31Paris outragé, Paris brisé, martyrisé, mais Paris libéré, libéré par lui-même, libéré par son peuple
00:04:38avec le concours des armées de la France, avec l'appui et le concours de la France toute entière,
00:04:45de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle.
00:04:49Là on a tout.
00:04:50On a cette espèce de glissement vers un légendaire
00:04:55qui fait que les résistants, ceux qui sont battus,
00:04:59que ce soit les Français libres ou les résistants de l'intérieur,
00:05:02vont accepter finalement de partager l'héritage héroïque avec la population en son entier.
00:05:10Au cœur de Paris, au cœur de la France, la plage de la République !
00:05:16Le cinéma commercial va se remettre à produire des films sur la résistance.
00:05:25On a une résistance beaucoup plus incarnée,
00:05:28centrée sur l'idée non plus du peuple en armes,
00:05:32mais des hommes providentiels, des sauveurs.
00:05:34Et évidemment, on voit bien comment le retour au pouvoir du général de Gaulle
00:05:39va marquer cette vision-là.
00:05:49Le cinéma, vous savez, mon père en parlait rarement cinéma.
00:05:53En dehors des films qu'il faisait lui-même, il s'en foutait un peu.
00:05:59Il a tout fait pour que je n'en fasse pas,
00:06:02parce qu'il pensait que le cinéma ne tiendrait pas le coup jusqu'à la fin du siècle.
00:06:09Marcel Ophuls est né en Allemagne en 1927.
00:06:12Il est le fils unique de Max Ophuls, un génie du cinéma.
00:06:15Après l'incendie du Reichstag en février 1933,
00:06:18la famille trouve refuge en France.
00:06:20Elle s'y installe, devient française,
00:06:22et Max réalise plusieurs films.
00:06:25Mais en 1941, les Ophuls doivent, une fois encore, fuir.
00:06:29Cette fois, direction Hollywood.
00:06:32Devenu citoyen américain,
00:06:34Marcel fait son service militaire au Japon en 1945.
00:06:38En 1949, les parents et le fils rentrent en France.
00:06:42Une nouvelle vie commence.
00:06:44Amoureux du cinéma hollywoodien et de la comédie musicale,
00:06:47Marcel Ophuls devient, pendant plusieurs années, assistant de prestigieux réalisateurs.
00:06:53Il travaillera sur le dernier film de son père, Lola Montes, son chef-d'œuvre.
00:06:58Après la mort de ce dernier, en 1957,
00:07:01Marcel devient ami intime avec François Truffaut.
00:07:03Il le prend sous son aile.
00:07:05Il réalise un des cinq sketchs dans le film collectif initié par Truffaut,
00:07:08L'amour à 20 ans.
00:07:09Puis, une jolie comédie à l'américaine sur un sympathique couple d'escrocs.
00:07:14En attendant de se lancer dans un nouveau film avec Jean-Paul Belmondo et Jeanne Moreau,
00:07:18il réalise, pour des raisons alimentaires,
00:07:20« Faites vos jeux, mesdames »,
00:07:21avec un Eddie Constantine en perte de vitesse.
00:07:23C'est un fiasco artistique et commercial qui va bouleverser son destin.
00:07:26Je suis allé à la télévision française très à contre-cœur,
00:07:34parce que je ne pouvais pas faire de cinéma, c'est tout.
00:07:37Parce qu'il fallait faire brouillant la marmite.
00:07:39Ce n'est pas des choix.
00:07:40Je suis allé en 1966, travailler à l'ORTF,
00:07:44avec Alain Tzedoui et André Harris,
00:07:46faire du reportage et du journalisme subjectif,
00:07:50qui, à ce moment-là, devenait un petit peu à la mode.
00:07:52On avait découvert le 16 mm, le Nagra,
00:07:55et on s'est mis à faire des trucs de 20 minutes, 25 minutes.
00:08:04Zoom va écouter les femmes qui vont parler de leur vie,
00:08:08des questions d'avortement, des questions essentielles pour leur vie.
00:08:12Va écouter les ouvriers, va écouter les jeunes.
00:08:16Zoom va essayer de sentir tous les mouvements et séismes
00:08:20de la société française qui vont amener mai 68.
00:08:23à développer un art de l'interview.
00:08:27Et je dirais même qu'il a inventé un art de l'interview.
00:08:30Est-ce que vous avez beaucoup de nazis ?
00:08:34Et vous, monsieur Fantin ?
00:08:35Moi, je n'étais pas.
00:08:36Vous n'étiez pas ?
00:08:37Non.
00:08:38Et monsieur, ici ?
00:08:40Et lui, il arrive comme ça, en douceur, en rigolant.
00:08:45« Allez, vous allez bien me dire que vous êtes un peu nazi »
00:08:48ou qu'il y en a deux, trois dans la salle.
00:08:52C'est de l'humour juif, bien sûr,
00:08:54mais c'est très, très, très malin.
00:08:57Nous avions formé un groupe à l'intérieur de l'ORTF gaulliste
00:09:06qui essayait, avant même 68,
00:09:10de briser les barrières,
00:09:12de briser la censure gaulliste
00:09:14et puis surtout les bondieuseries.
00:09:15Le projet, au fond, a fait suite
00:09:19aux deux émissions consacrées à Munich 38,
00:09:24dont réalisateur était d'ailleurs déjà Marcel Opuls.
00:09:37Le résultat de Munich, c'est l'occupation.
00:09:40Et la psychologie des Français de l'occupation
00:09:42était déjà contenue.
00:09:44Dans la psychologie des Français de Munich,
00:09:45on a donc voulu voir le résultat.
00:09:47Et il est arrivé mai 68.
00:10:06Le projet a été arrêté
00:10:08parce que la guerre sur la télévision française.
00:10:11Après leur licenciement de l'ORTF,
00:10:18les producteurs et journalistes André Harris et Alain de Sédouis
00:10:21sont engagés par Charles-Henri Favreau,
00:10:24qui vient de créer une société de production,
00:10:26télévision Rencontre, à Lausanne,
00:10:28à Lausanne, avec pour ambition de produire des films historiques courageux.
00:10:44De son côté, Marcel Opuls parvient à la télévision allemande NDR de financer 70% de son film.
00:10:54Nous sommes au printemps 1969.
00:10:57Le film est lancé.
00:10:57On s'était dit qu'il faut une ville de province.
00:11:03Et il nous a semblé plus intéressant, bien sûr,
00:11:06d'avoir à la fois le pétainisme et l'occupation.
00:11:11D'où Clermont-Ferrand, proximité de Vichy,
00:11:14la milice, la résistance,
00:11:17d'Astier de la Vigerie,
00:11:18la Fondation de Libération,
00:11:20la proximité de Lyon,
00:11:21enfin, tout ça, tout ça a joué.
00:11:29Favreau, qui me connaissait bien,
00:11:31lui dit, je vois qu'il y a un gars
00:11:32qui pourrait être intéressant.
00:11:34Il travaille pour la TV suisse
00:11:36et il a fait un film
00:11:38sur la dernière campagne de Kennedy
00:11:41et qui vient d'avoir l'Amy Award.
00:11:44Alors, il vient me rencontrer,
00:11:46il regarde,
00:11:49mais c'est pas inintéressant.
00:11:52C'est pas inintéressant.
00:11:55Et puis, il m'a dit,
00:11:56allez, on le fait ensemble.
00:12:00Tous les pères de famille
00:12:01avaient envie de parler
00:12:02à cause des barricades.
00:12:05Ils avaient envie de se justifier
00:12:07vis-à-vis des gosses qui disaient,
00:12:10mais toi, finalement,
00:12:12papa, qu'est-ce que tu as fait
00:12:13pendant les années sombres ?
00:12:14Est-ce que tu es resté chez toi
00:12:16dans tes pantoufles ?
00:12:18Ou est-ce que tu as fait quelque chose ?
00:12:20C'est ça, le moteur du film.
00:12:26Le capitaine était pour le diocèse
00:12:28et le lieutenant voulait du curé.
00:12:33Le chuteux était un fervent extrémiste.
00:12:35Ce qui m'a frappé dans ce film,
00:12:37c'est une mise en scène,
00:12:38une dramaturgie du témoignage
00:12:41qui fait que les personnes interrogées
00:12:44deviennent des personnages
00:12:45vraiment au sens fort.
00:12:48Il y avait beaucoup de magasins juifs ici,
00:12:52dans cette rue, je crois.
00:12:54Alors vous avez dû voir pas mal de choses.
00:12:56Eh bien, c'est-à-dire, oui,
00:12:57ils ont été, ils sont partis, n'est-ce pas ?
00:13:01Ils se sont exilés.
00:13:04Ils se sont exilés.
00:13:05Mais il n'y a pas eu d'arrestation ?
00:13:07Aussi, aussi, un peu partout.
00:13:09Oui, vous les avez vus ?
00:13:11Hélas, oui.
00:13:12On est rentrés dans le commerce
00:13:14et il a dit
00:13:17« Ah, mais je vois,
00:13:19M. Klein est toujours là.
00:13:21Tu sais, André,
00:13:21tu devrais acheter des chaussettes comme moi,
00:13:25car elles sont très, très résistantes. »
00:13:28Et M. Klein lui a dit
00:13:29« Ah, vous avez déjà été client ? »
00:13:32Et Marcel dit
00:13:33« Oui, c'est pour ça que je persuade mon confrère
00:13:36d'acheter aussi des chaussettes. »
00:13:38« Mais M. Klein, il y a longtemps que vous êtes là ? »
00:13:41« Oui, il dit « Oh, oui. »
00:13:43Puis j'étais là pendant la résistance,
00:13:46pendant la guerre.
00:13:47C'était une drôle de pays.
00:13:48Je fais un film sur cette période.
00:13:51Est-ce qu'on pourrait vous filmer ? »
00:13:54Dites-moi, au moment de la parution,
00:13:58de ce qu'on appelle les décrets juifs,
00:14:03il paraît que vous avez fait paraître une annonce.
00:14:06C'est exact.
00:14:08C'est une annonce dans le moniteur.
00:14:11« Ah, vous êtes bien renseigné, monsieur. »
00:14:13C'est une des séquences les plus fameuses du film
00:14:16qui a beaucoup marqué,
00:14:19entre la sidération et le ricanement,
00:14:23les spectateurs, je peux en témoigner.
00:14:25C'est la première fois qu'on utilise ce genre de procédé.
00:14:37On voit l'extrait du moniteur.
00:14:38Celui qui est en origine ne le sait pas.
00:14:40Ça fait partie des ambiguïtés, des ambivalences de ce film
00:14:42qui reflètent très bien la période.
00:14:43Oui, mais pour quel motif ?
00:14:46Parce qu'il s'avait paru que j'étais juif
00:14:48et puis qu'on arrêtait les juifs
00:14:50et puis qu'on était tous contre les juifs.
00:14:52Oui.
00:14:52Comprenez-vous ?
00:14:53J'ai dit « Il n'y a pas de raison,
00:14:54je ne peux pas m'intituler juif du fait que je suis catholique. »
00:14:59C'est ça.
00:15:00Comprenez-vous ?
00:15:00Il n'y a aucune solidarité, aucune compréhension,
00:15:03aucune empathie, voire une ignorance volontaire
00:15:06sur un phénomène majeur, la déportation des juifs,
00:15:10les arrestations, etc.
00:15:11En même temps, il dit « Je ne suis pas juif.
00:15:14Pourquoi devrais-je payer si je ne suis pas juif ? »
00:15:18Et là, j'avoue que je ne sais pas quoi dire.
00:15:22On a payé nos chaussettes et on est reparti, voilà.
00:15:38Les dogmes du cinéma vérité, c'est bannir les éclairages,
00:15:43c'est la caméra planquée dans un coin,
00:15:45c'est saisir, presque voler des scènes.
00:15:50Ce n'est pas la vision traditionnelle du cinéma vérité.
00:15:53Moi, le cinéma vérité, non seulement je n'y crois pas,
00:15:56mais je n'en ai rien à foutre.
00:15:57Je trouve que c'est horriblement prétentieux.
00:16:00Horriblement prétentieux.
00:16:07On a fait un dénombrement dramatique
00:16:11des Israélites déportés, arrêtés
00:16:19dans tous les pays occupés par l'Allemagne.
00:16:24Et hormis la France,
00:16:28le chiffre est effrayant
00:16:30puisqu'il n'est revenu,
00:16:33il n'y a eu de vivants en 46 que 5,8 %.
00:16:39Or, si vous prenez la statistique
00:16:45que personne ne conteste
00:16:47des Juifs français,
00:16:49il y en a eu 5 %
00:16:54qui ne sont pas revenus.
00:16:57Prenons par exemple dans l'armée,
00:17:00dans...
00:17:00Je m'excuse de vous interrompre là-dessus.
00:17:04Je vous pose la question.
00:17:06Est-ce qu'un homme d'État,
00:17:07même un sauveteur de meubles patriotes et français,
00:17:11a le droit de choisir ce genre de choses
00:17:14entre deux groupes humains ?
00:17:16On sent la volonté chez O'Fulse
00:17:18d'en découdre
00:17:18avec ses arguments fallacieux
00:17:21et de le faire directement.
00:17:24Il y avait déjà
00:17:24des gens qui répondaient
00:17:26quand il y avait ce genre de propos
00:17:28falsificateurs
00:17:30qui étaient évoqués
00:17:30par Chambran lui-même.
00:17:32Mais là, c'est face à une caméra.
00:17:34Et ça, c'est vraiment nouveau.
00:17:36Après l'entretien,
00:17:45de Chambran a dit à Marcel
00:17:47« Monsieur O'Fulse,
00:17:48vous savez que je suis en droit
00:17:50d'exiger des coupes. »
00:17:52Marcel était vert de rage.
00:17:54Marcel et moi devions ensuite
00:17:55prendre la route pour aller en Allemagne,
00:17:57faire la suite des entretiens.
00:17:59Et en montant dans la voiture,
00:18:01Marcel m'a dit
00:18:02« Claude, pas un mot pendant 100 kilomètres. »
00:18:05Et puis, nous avons donc pris la route
00:18:07pour Sigmard Ringen.
00:18:09Il y a 24 heures
00:18:11de la famille de la famille
00:18:13et il s'est évoquée
00:18:14et il s'est évoquée
00:18:16la Regierung de Vichy-François
00:18:18qui s'est évoquée
00:18:19avec le Marshal Petain
00:18:22et le ministre-président Laval
00:18:24jusqu'à la capitulation
00:18:27de l'Allemagne.
00:18:29J'étais avec deux camarades
00:18:30et nous avions l'intention
00:18:31de poser une question
00:18:33extrêmement précise
00:18:34au Maréchal Petain
00:18:35que nous savions être là
00:18:37à savoir
00:18:38si cet aboutissement
00:18:42nous trouvions
00:18:43était logique
00:18:45et s'il fallait
00:18:45vraiment faire le saut
00:18:47et partir pour le front de l'Est.
00:18:50Marcel nous a dit
00:18:51« Écoutez,
00:18:54il y a quelqu'un
00:18:54qui peut être très important.
00:18:57c'est Harris
00:19:00qui a pu le rencontrer
00:19:01dans le milieu du cinéma.
00:19:05Il est très hésitant encore.
00:19:07Enfin, il a fait un pas.
00:19:09Il est ici.
00:19:10Je demanderai à chacun
00:19:11de ne pas manifester
00:19:14ses réactions, etc.
00:19:16parce qu'il peut apparaître
00:19:17antipathique,
00:19:18on aurait envie de le cogner. »
00:19:20« Mon idée à l'époque,
00:19:22mon idée de jeune,
00:19:25c'est qu'il n'y avait
00:19:27que deux idéologies,
00:19:29deux idéologies
00:19:30qui pouvaient bouleverser
00:19:31le monde,
00:19:33une qui avait déjà
00:19:34bouleversé le monde,
00:19:36qui était le marxisme
00:19:37et une autre
00:19:38qui était
00:19:39l'idéologie nationale.
00:19:41Est-ce que ça vous gêne
00:19:43si on dit que,
00:19:44pour vous caractériser
00:19:45grossièrement,
00:19:47en 1941,
00:19:48vous étiez un jeune fasciste ? »
00:19:50« Non, ça ne me gêne pas. »
00:19:51« Moi, j'étais glacé.
00:19:53J'étais glacé
00:19:55d'entendre cet homme.
00:20:01Je ne sais pas pourquoi,
00:20:02finalement,
00:20:03il l'a fait. »
00:20:05« Il est tout à fait conscient
00:20:06de ce qu'il est en train
00:20:08de montrer à la caméra.
00:20:09En même temps,
00:20:10il y a une parole
00:20:12authentique.
00:20:15Il faut bien dire les choses.
00:20:16L'engagement
00:20:17dans la Vafon SS,
00:20:18c'est le degré extrême
00:20:20de la collaboration.
00:20:21Extrême. »
00:20:21« C'est un personnage
00:20:22qui crève l'écran
00:20:23et qui, forcément,
00:20:24gêne,
00:20:26quelle que soit
00:20:26votre position.
00:20:27Y compris si vous êtes
00:20:28un sympathisant
00:20:29du maréchal Pétain
00:20:31et du régime,
00:20:31parce qu'il est
00:20:32très compromettant.
00:20:34Mais a fortiori,
00:20:35si vous êtes
00:20:36une bonne conscience
00:20:37de gauche, etc. »
00:20:38« Des jeunes m'ont demandé
00:20:39ce que je pensais
00:20:41de l'engagement,
00:20:43leur engagement.
00:20:45C'est à chaque fois
00:20:46sympathique,
00:20:48fascinant,
00:20:48parce que ça fait bouger
00:20:50l'engagement.
00:20:53Mais parfois aussi,
00:20:55ça a des conséquences
00:20:56dramatiques.
00:20:57Alors,
00:20:59je dois dire
00:20:59que je conseille
00:21:01la prudence. »
00:21:03quand, à la fin du film,
00:21:04Christian de la Mazière
00:21:05fait l'éloge
00:21:07de la prudence,
00:21:08s'adresse aux jeunes,
00:21:09aux 68ars, etc.,
00:21:11c'est tout à fait intéressant
00:21:12parce que
00:21:13comment vont évoluer
00:21:15les 68ars ?
00:21:16Bon,
00:21:18ils commencent
00:21:18par une forme
00:21:19de radicalité,
00:21:20et puis...
00:21:20Ils laissent ces témoins
00:21:32parler.
00:21:33Ils déroulent
00:21:34leurs pensées.
00:21:36Alors,
00:21:36il y a à la fois
00:21:36une sorte de respect
00:21:38pour leurs paroles,
00:21:40et en même temps,
00:21:40parfois,
00:21:41un manque d'empathie.
00:21:42C'est très particulier.
00:21:43The fact that
00:21:44we have that,
00:21:45that type of thing
00:21:46in the film,
00:21:47that sense
00:21:49of pluralistic,
00:21:51humanistic,
00:21:52individualistic
00:21:54balance,
00:21:55while still expressing
00:21:57a point of view,
00:21:58may be the reason
00:22:00why...
00:22:03may be one explanation
00:22:06for its appeal,
00:22:07because I think
00:22:08that is an unusual
00:22:10mixture today.
00:22:11Let the whole world
00:22:14sigh or cry,
00:22:15I'll be high
00:22:16in the sky,
00:22:18up on top
00:22:19of a rainbow,
00:22:21sweeping the clouds
00:22:22away...
00:22:23...
00:22:23Les cinéastes allemands
00:22:39de la nouvelle génération,
00:22:40Werner Herzog,
00:22:41Fassbinder,
00:22:43toute une formidable génération
00:22:44née après-guerre
00:22:46ou pendant la guerre,
00:22:47dit,
00:22:47on a eu l'impression
00:22:48du jour au lendemain
00:22:49avec 68
00:22:50de voir arriver
00:22:51nos parents
00:22:52avec l'uniforme nazi
00:22:53à la table
00:22:53du repas du soir.
00:22:56C'étaient nos pères,
00:22:57nos professeurs,
00:22:58nos enseignants,
00:22:59nos maîtres
00:22:59qui nous ont menti.
00:23:00C'était absolument
00:23:01existentiel.
00:23:02Et c'est pour ça
00:23:03qu'on s'est révoltés.
00:23:04Moi, je pensais
00:23:17que la France
00:23:18était une nation
00:23:19de résistants.
00:23:20J'étais complètement
00:23:20dans ce mythe
00:23:21du résistentialisme.
00:23:23Je pensais
00:23:23que les Français
00:23:24étaient du côté
00:23:24des gentils
00:23:25et que les Allemands
00:23:26étaient du côté
00:23:26des méchants.
00:23:28Les Allemands ont été
00:23:29du côté des méchants,
00:23:30mais les Français
00:23:30n'ont pas été
00:23:31que du côté
00:23:31des gentils.
00:23:32L'Angleterre est vaincue.
00:23:35Elle ne pourrait...
00:23:36Elle ne pourrait s'en tirer
00:23:43que par une paix blanche.
00:23:45Mais en tant que Français,
00:23:46je ne la souhaite pas
00:23:47car j'aurais peur
00:23:48qu'elle se fasse
00:23:48sur mon dos.
00:23:52Durant la période
00:23:53relativement longue
00:23:54que vous avez passée
00:23:56à Clermont,
00:23:57est-ce que vous avez vu
00:23:59ou entendu parler
00:24:00des persécutions ?
00:24:03Non, je n'ai rien vu
00:24:15et rien entendu.
00:24:16Comment ça se fait ?
00:24:17Vous ne niez pas
00:24:18que la persécution
00:24:19des Juifs,
00:24:20en allemand,
00:24:20« Die Juden,
00:24:21Fafolgung »
00:24:21ait eu lieu.
00:24:23Vous voulez dire
00:24:24« Die Juden »
00:24:24les jeunes
00:24:25ou « Die Juden »
00:24:26les Juifs ?
00:24:27« Die Juden » ?
00:24:28Ah,
00:24:29en ce qui concerne
00:24:31les Juifs,
00:24:32nous ne pouvions pas
00:24:32savoir dans quelle proportion
00:24:34ils avaient pu s'infiltrer
00:24:35dans les bandes de partisans.
00:24:36En tout cas,
00:24:37ce n'était pas à nous l'armée
00:24:38de nous charger
00:24:39des Juifs.
00:24:42On a ce capitaine
00:24:44derrière la fumée
00:24:45de son cigare
00:24:46avec ses dents en or.
00:24:48Ce genre de type
00:24:49nous répugnait.
00:24:49Je suis rempli de rage
00:24:50encore aujourd'hui.
00:24:52Cet homme justifie
00:24:54ce qu'il fait
00:24:55et il savait très bien
00:24:56ce qu'il faisait.
00:24:57il avait conscience
00:24:59des déportations
00:25:00des Juifs.
00:25:12Marcelo Fuls,
00:25:13avec ce film,
00:25:14porte la parole
00:25:15d'une génération
00:25:16et fait de la période
00:25:17de l'occupation
00:25:18l'une des interrogations
00:25:20majeures
00:25:21que je pourrais qualifier
00:25:22de post-68-art.
00:25:23que c'était un film
00:25:24de combat
00:25:24inscrit dans Mètre 68.
00:25:27C'est vraiment
00:25:27une machine de guerre
00:25:29contre De Gaulle,
00:25:30contre le gaullisme,
00:25:32contre sa vision
00:25:32de l'histoire.
00:25:33Ce qui est frappant quand même
00:25:51dans les raisons
00:25:53pour lesquelles
00:25:53on ne diffuse pas ce film,
00:25:54c'est que ces raisons
00:25:55vont être énoncées
00:25:56sans absolument aucun phare.
00:26:00ce film détruit des mythes
00:26:03dont la France
00:26:04a encore besoin.
00:26:05Alors là,
00:26:06vous vous rendez compte
00:26:06une phrase comme ça
00:26:07aujourd'hui ?
00:26:07Donc il y a la volonté
00:26:09de la part du pouvoir politique,
00:26:11puisque la télévision à l'époque
00:26:12est quand même
00:26:13entre les mains
00:26:13du pouvoir politique,
00:26:14de dire non,
00:26:15ce film ne correspond pas
00:26:16à ce que veulent les Français.
00:26:17Donc voilà,
00:26:18il y a quelques personnes
00:26:19haut placées
00:26:20qui décident
00:26:20de ce que les Français
00:26:21doivent voir
00:26:22ou pas voir.
00:26:22Je me souviens
00:26:27à ce moment-là,
00:26:28il se trouve
00:26:29que j'étais au conseil
00:26:29d'administration de l'ORTF.
00:26:31Quand j'ai entendu
00:26:32que le chagrin et la pitié
00:26:34et ses auteurs
00:26:34voulaient le vendre
00:26:35à l'ORTF,
00:26:36j'ai dit naturellement
00:26:37le conseil d'administration
00:26:38de l'ORTF décidera,
00:26:40mais si ça doit se faire,
00:26:41je démissionnerai
00:26:41du conseil d'administration.
00:26:42Ça a été probablement
00:26:51ma seule dispute
00:26:52avec Simone Veil
00:26:54que j'aimais tendrement,
00:26:56que je respecte infiniment.
00:26:58Elle avait le sentiment
00:26:58que ça entachait
00:27:00de collaboration
00:27:03l'ensemble
00:27:04de la société française
00:27:05et elle disait
00:27:06il y a des gens
00:27:07que je connais
00:27:08qui n'étaient pas forcément
00:27:09dans la résistance
00:27:09mais qui étaient courageux
00:27:11et qui ont aidé.
00:27:12Certes,
00:27:12oui Simone,
00:27:14mais il y avait ça aussi.
00:27:15Si on fait un film
00:27:16pour expliquer
00:27:16que tous les Français
00:27:17ont été des salauds,
00:27:18ce n'est pas acceptable.
00:27:19Ce que dit Simone Veil
00:27:20c'est quelque chose
00:27:20de très particulier.
00:27:22On ne parle pas
00:27:24dans le film
00:27:24et effectivement
00:27:25on ne parle pas
00:27:27de tous les Français
00:27:28qui ont protégé les Juifs.
00:27:29Parler des Justes
00:27:30à ce moment-là,
00:27:31c'est bien
00:27:33mais ça signifierait
00:27:34une forme de lucidité
00:27:36complète et totale
00:27:37sur la période
00:27:38qu'Hulfulfs n'avait sans doute pas,
00:27:40que personne n'avait
00:27:41que quelqu'un
00:27:43comme Simone Veil
00:27:44qui parle de son expérience
00:27:45pouvait avoir.
00:27:47Maintenant,
00:27:47dire que le film
00:27:48ne présente qu'une France
00:27:49de salauds
00:27:50ou je ne sais plus
00:27:50quelle expression,
00:27:51ce n'est pas vrai.
00:27:52La vision de Marcel
00:27:53étant que tous les pétinistes
00:27:56à Légion d'honneur
00:27:56de l'ORTF
00:27:58se sont planqués,
00:28:00disons,
00:28:01derrière Simone Veil
00:28:03dont on savait
00:28:04qu'elle avait connu
00:28:05la déportation.
00:28:06J'ai parlé avec Hulfulfs
00:28:08pendant des jours
00:28:08et des jours.
00:28:09Je l'ai bien connu.
00:28:11Il a été très touché
00:28:12quand même
00:28:12par le fait que
00:28:14Simone Veil
00:28:15a été aussi dur
00:28:18avec son film
00:28:19et à mon avis
00:28:20injuste.
00:28:21La censure est stupide
00:28:22puisque ça a au contraire
00:28:24valorisé ce film.
00:28:26Donc,
00:28:27bien entendu,
00:28:28l'ORTF
00:28:29a fait une grave erreur,
00:28:30même stratégique,
00:28:31en dehors de toute
00:28:32considération morale.
00:28:33Et les pressions,
00:28:34à mon sens,
00:28:35essentiellement,
00:28:36c'est
00:28:37les tenants
00:28:38de la mémoire
00:28:40de la résistance.
00:28:40Des gens qui sont des héros,
00:28:42qu'on admire,
00:28:43ils viennent vous voir,
00:28:44ils vous disent
00:28:44qu'ils sont vraiment embêtés
00:28:46que ce film donne
00:28:46une mauvaise image
00:28:47de la résistance,
00:28:48une mauvaise image
00:28:49de la France,
00:28:50vous avez tendance
00:28:51à les écouter.
00:28:52Et une chose
00:28:53qu'on nous brise
00:28:53trop souvent,
00:28:55les Allemands,
00:28:56les nazis,
00:28:56d'accord ?
00:28:58Mais les Français,
00:28:59est-ce qu'il y en a
00:28:59qui valaient mieux
00:29:00que les nazis ?
00:29:01Arrête !
00:29:02Moi, j'ai fait plus
00:29:02qu'il y a une vieille là
00:29:03qui avait 60 ans
00:29:04qui m'avait vendu
00:29:05à la Guestapo.
00:29:06Pour des sous,
00:29:07pour des sous,
00:29:08monsieur !
00:29:09Et mon fils aussi !
00:29:10Par l'intermédiaire
00:29:20de Harris et Seydoui,
00:29:21on nous a présenté
00:29:22Le Chagrin et la pitié,
00:29:24qui au départ
00:29:24était un film de télévision
00:29:26co-financé
00:29:27par des intérêts suisses
00:29:28et ils voulaient savoir
00:29:30si par hasard
00:29:30ça nous intéressait.
00:29:31On l'a vu,
00:29:32on est sortis
00:29:33de cet objet
00:29:34absolument incroyable
00:29:35en se disant
00:29:36c'est pas vrai,
00:29:37donc on l'a revu
00:29:37une deuxième fois
00:29:38et on a décidé
00:29:40de le sortir.
00:29:41Une fois que ce film
00:29:42se retrouve
00:29:44à l'air libre,
00:29:47que plus rien
00:29:47ne sera comme avant.
00:29:49On ne pourra plus jamais
00:29:50mettre la poussière
00:29:52sous le tapis.
00:29:54Des jeunes,
00:29:55des jeunes,
00:29:56encore des jeunes.
00:29:58Je me souviens très bien,
00:29:59c'était au Saint-Séverin,
00:30:00je peux même vous dire
00:30:01on était au troisième rang,
00:30:02au quatrième rang
00:30:02parce qu'on est toujours devant.
00:30:03J'avais l'impression
00:30:04qu'il y avait une écoute
00:30:06absolument exceptionnelle.
00:30:08comme si les gens
00:30:09étaient vraiment
00:30:12à l'affût
00:30:13de ce qui allait se passer.
00:30:20Jean Zé était arrêté,
00:30:21sa femme était restée
00:30:22à Casablanca,
00:30:23elle était enceinte.
00:30:25Enfin,
00:30:25il y avait une telle haine,
00:30:26il y avait une telle haine
00:30:27quand on savait
00:30:28qu'il s'agissait
00:30:28de Madame Jean Zé,
00:30:29on n'avait pas le courage
00:30:32de l'admettre
00:30:34dans une maternité
00:30:35ou dans une clinique.
00:30:36Toujours est-il que
00:30:37Madeleine Zé a donc accouché
00:30:41de ce bébé
00:30:43que j'ai vu
00:30:45puisque j'ai été arrêté
00:30:47peu après la naissance du bébé
00:30:49et quand j'ai été transféré
00:30:51à Clermont-Ferrand
00:30:54où j'ai retrouvé Jean Zé,
00:30:55moi j'avais vu sa fille
00:30:57et lui ne la connaissait pas.
00:30:58C'est évidemment une séquence,
00:31:05vous vous en doutez,
00:31:06qui a été pour moi extraordinaire.
00:31:12D'abord, j'ai envie de dire
00:31:13ce beau visage de Mendes-France.
00:31:17Ça m'avait frappé
00:31:18dans le film en général.
00:31:19Cette présence des visages,
00:31:21cette présence des regards,
00:31:22ce visage extraordinaire
00:31:24de Pierre Mendes-France
00:31:24que je connaissais
00:31:25puisqu'il venait voir ma mère
00:31:27souvent après la guerre
00:31:28et les circonstances de ma naissance,
00:31:30je ne les connaissais pas
00:31:31et à quel point
00:31:32ça avait été extraordinairement
00:31:33douloureux pour elle.
00:31:35Je connaissais bien sûr
00:31:36l'histoire de mon père,
00:31:40de son assassinat,
00:31:42mais pas dans les détails
00:31:43parce qu'il y a une chose
00:31:45qu'il faut dire,
00:31:46c'est que ma mère
00:31:47a toujours cherché
00:31:48à nous protéger beaucoup.
00:31:50Vous imaginez mon émotion
00:31:53très forte à la fois
00:31:55de confirmer,
00:31:58de redoubler
00:31:59ce que je pressentais
00:32:00comme violence,
00:32:01comme souffrance
00:32:02qu'a été celle de ma mère
00:32:04et par écocher des nôtres.
00:32:06Ce film avait ce site particulier
00:32:31pour les gens
00:32:32qui étaient dans la lutte
00:32:33dans les années 70,
00:32:35c'était cette critique
00:32:36du fond de la société française.
00:32:39Ce film est extrêmement moderne
00:32:40parce qu'il colle exactement
00:32:42à l'époque,
00:32:431961,
00:32:44où nous,
00:32:45femmes et homosexuels,
00:32:48on décide de nous battre
00:32:49pour nous-mêmes
00:32:50et pas pour une révolution
00:32:51qui va nous opprimer
00:32:52autant que les autres révolutions
00:32:55nous ont opprimées.
00:32:56Les années noires
00:32:57posent exactement
00:32:57ces questions-là.
00:33:00Son penchant prononcé
00:33:02pour les Ischli-Bediches,
00:33:04pour les Ischli-Bediches.
00:33:09L'association de la chanson
00:33:10de Brassens
00:33:11et des images documentaires
00:33:13montrent bien
00:33:15que nous avons à faire
00:33:15une œuvre d'art.
00:33:16La première fois
00:33:17que j'ai vu ce film
00:33:19au studio Saint-Séverin,
00:33:22il y avait des remue-ménages.
00:33:24On sentait un malaise formidable,
00:33:27un malaise profond.
00:33:27Il y avait des ricanements,
00:33:29beaucoup.
00:33:29parce qu'on ne sait pas
00:33:31comment réagir en face
00:33:32de ces femmes
00:33:33qui sont maltraitées
00:33:34par les hommes.
00:33:36Ces femmes ressemblent
00:33:38aux déportés,
00:33:39aux gens dans les camps.
00:33:40On sortait de mai 68,
00:33:42on était du côté
00:33:42de la résistance,
00:33:43mais là,
00:33:44on voyait bien
00:33:44qu'il se jouait
00:33:45quelque chose d'autre,
00:33:46qu'il se jouait
00:33:46la satisfaction
00:33:48des hommes
00:33:50de pouvoir
00:33:50humilier
00:33:51publiquement
00:33:53des femmes.
00:33:54Les braves sans culottes
00:33:56et les bonnets phrygiens
00:33:58et les bonnets phrygiens
00:34:01Ça,
00:34:03on n'avait jamais eu
00:34:04dans la figure.
00:34:06Nous,
00:34:06nouvelles féministes,
00:34:08c'était intolérable.
00:34:10C'est un des passages
00:34:12les plus transgressifs.
00:34:14Il y a une vision
00:34:15comme ça,
00:34:16très crue,
00:34:17très contemporaine,
00:34:19à l'époque
00:34:19où effectivement
00:34:20les combats féministes
00:34:22émergent dans la société.
00:34:24On refuse
00:34:25les relations
00:34:25de domination
00:34:26entre hommes et femmes
00:34:27parce qu'il y a des hommes
00:34:28qui n'acceptent les femmes
00:34:29qu'en tant qu'elles gratifient
00:34:30leur instinct de domination
00:34:31et ça,
00:34:31nous le refusons.
00:34:32Nous voulons
00:34:33des relations équilibrées
00:34:34et c'est très rare à obtenir.
00:34:48La caméra sert
00:34:49effectivement
00:34:50de révélateur
00:34:51et a un rôle
00:34:53psychanalytique
00:34:53très puissant.
00:34:54Quand on fait parler
00:34:55quelqu'un,
00:34:55très souvent,
00:34:56il n'a jamais parlé,
00:34:57il n'a jamais répondu
00:34:58à un micro.
00:34:59Il y avait encore
00:35:00une virginité
00:35:01vis-à-vis des médias.
00:35:02Il serait faux
00:35:03de dire que les gens
00:35:03se méfiaient moins.
00:35:05Ce n'est pas une question
00:35:05de méfiance.
00:35:06Ils avaient plus envie
00:35:07de,
00:35:08non seulement
00:35:09de paraître sincère,
00:35:11mais d'être sincère.
00:35:13c'était vraiment,
00:35:17je crois,
00:35:17dans le fond,
00:35:19le fait que je voulais
00:35:20faire preuve
00:35:23du même courage
00:35:24que mes amis
00:35:27qui étaient devenus
00:35:28aviateurs,
00:35:30etc.,
00:35:31et étant homosexuels,
00:35:33à ce moment-là
00:35:35dans ma vie,
00:35:36c'est une de mes
00:35:38grandes craintes
00:35:39que je n'aurais pas
00:35:39le courage
00:35:40de faire certaines choses.
00:35:42Une séquence comme celle-là
00:35:43dans un film de ce type
00:35:45ne vient pas par hasard.
00:35:46Il va mettre
00:35:47dans quelque chose
00:35:48qui concerne le passé
00:35:49une préoccupation
00:35:50du présent,
00:35:52tout simplement
00:35:52pour montrer
00:35:53que cette préoccupation,
00:35:54elle a une histoire,
00:35:55que ce préjugé
00:35:56a une histoire.
00:35:57Parce que vous adoptiez
00:35:58un peu les préjugés
00:35:59des autres là-dessus.
00:36:01Vous pensiez
00:36:02qu'étant donné
00:36:03vos tendances,
00:36:04vous auriez
00:36:05moins de courage
00:36:06que les autres ?
00:36:07Oui, certainement,
00:36:08j'en avais peur.
00:36:09Vous en aviez peur ?
00:36:10Oui.
00:36:10La surprise
00:36:11que l'on a
00:36:11de découvrir
00:36:12cette dimension-là,
00:36:14ça contribuait aussi
00:36:15à la sidération
00:36:17puis, je dirais,
00:36:18à l'enthousiasme
00:36:19qu'on pouvait avoir
00:36:20devant un film
00:36:21si libre.
00:36:24Maintenant,
00:36:24vous vivez comment ?
00:36:26Avec un petit ami,
00:36:28je peux le dire ?
00:36:28Oui, bien sûr.
00:36:30Dans le milieu
00:36:31dans lequel vous vivez,
00:36:32je suppose
00:36:32qu'on ne peut pas dire
00:36:33ces choses-là.
00:36:34Ben, c'est pas tellement
00:36:35que vraiment dit, non.
00:36:37Si vous le disiez,
00:36:38qu'est-ce qui arriverait ?
00:36:40Les insultes,
00:36:41on montra un peu
00:36:43du devoir,
00:36:44on lui dit, tiens,
00:36:45il a un petit peu aidé.
00:36:47Ah oui.
00:36:47L'armée des ombres
00:36:57de Jean-Pierre Melville
00:36:58et le Chagrin et le Chagrin
00:36:59et le Chagrin et la Pitié
00:37:00de Marcel Fulce
00:37:01apparaissent en même temps.
00:37:02Ce qui se joue
00:37:03avec l'armée des ombres,
00:37:05c'est très simple,
00:37:07c'est le retour des ombres.
00:37:08Je ne puis croire
00:37:09que les histoires
00:37:10dont les témoins
00:37:10se feraient égorger.
00:37:12Mais ces témoins-là
00:37:13ont-ils seulement existé ?
00:37:16Le problème,
00:37:17c'est que lorsque
00:37:17les fantômes reviennent,
00:37:19ça fait peur
00:37:19à tout le monde.
00:37:21Donc, dans le Chagrin
00:37:21et la Pitié,
00:37:22effectivement,
00:37:23ben oui,
00:37:23c'est pas rassurant,
00:37:24c'est désagréable.
00:37:26Eh oui,
00:37:26il y a des ombres.
00:37:29J'ai été arrêté
00:37:30parce que j'étais FTP.
00:37:32Oui.
00:37:32J'étais arrêté
00:37:33au cours d'une action
00:37:34à main armée.
00:37:36À 16 ans.
00:37:38Oui, 17 ans.
00:37:40Oui.
00:37:41Par les policiers français.
00:37:42Le ressort dramatique
00:37:44du Chagrin et la Pitié,
00:37:45comme tous les grands
00:37:46ressorts dramatiques,
00:37:47il est très simple.
00:37:49Ce que Marcel Fulce
00:37:52met en scène
00:37:52dans ce film,
00:37:54c'est une invraisemblable
00:37:56vérité.
00:37:56Or, il n'y a rien
00:37:57plus de plus dramatique
00:37:59au cinéma
00:38:00et dans la vie
00:38:01que la découverte
00:38:02d'une invraisemblable
00:38:03vérité.
00:38:04Je suis resté
00:38:05un an, donc,
00:38:06dans une prison française.
00:38:08J'ai vu fusillés
00:38:09dans la cour
00:38:10de cette prison
00:38:10sept de mes camarades
00:38:12de mon groupe,
00:38:14d'ailleurs,
00:38:14par des pelotons
00:38:15de gendarmes français.
00:38:17Et j'ai été livré
00:38:18au SS
00:38:19avec tous mes compagnons
00:38:20de prison
00:38:21le 2 juillet 1944
00:38:23par l'administration
00:38:25pénitentiaire française
00:38:26qui est la seule
00:38:27en Europe
00:38:28à avoir fait
00:38:29ce geste ignoble
00:38:30de livrer pieds
00:38:31et poings liés
00:38:32tous les détenus
00:38:33des prisons.
00:38:35J'ai été déporté
00:38:36par un train
00:38:36qu'on a appelé
00:38:37le train de la mort.
00:38:38Chagrin de la pitié
00:38:39c'est en théorie
00:38:40une monographie
00:38:41et dans cette monographie
00:38:42sur l'Auvergne
00:38:43que vient foutre
00:38:46le témoignage
00:38:47de Claude Lévy ?
00:38:47Il n'a rien à y faire
00:38:49sur le plan
00:38:52de la cohérence.
00:38:53En même temps,
00:38:56il change tout le film,
00:38:57il modifie le prisme
00:39:00par lequel on regarde
00:39:01le film.
00:39:01Le fait
00:39:02qu'un gouvernement
00:39:03français ait accepté
00:39:05de livrer
00:39:05des nationaux français
00:39:06et même
00:39:08des ressortissants
00:39:09qu'il avait à protéger
00:39:10reniant le droit
00:39:12d'asile traditionnel
00:39:13de la France
00:39:13prouve que ce n'était
00:39:14pas un gouvernement
00:39:15digne de porter
00:39:16l'étiquette française
00:39:17et de ce que nous aimons
00:39:18dans cette patrie
00:39:20et dans la France.
00:39:21La rupture du chagrin,
00:39:23à mon sens,
00:39:24et peut-être
00:39:24que je me trompe,
00:39:26c'est la mise en cause
00:39:26du comportement des Français.
00:39:28C'est effectivement
00:39:28la première fois
00:39:29que c'est évoqué
00:39:29comme ça,
00:39:30le ton de Claude Lévy,
00:39:31tout ça, c'est nouveau.
00:39:32Vous savez que les Allemands
00:39:33n'avaient d'abord prévu
00:39:35de n'arrêter que les gens
00:39:37compris entre 16,
00:39:39enfin au-dessus de 16 ans.
00:39:40Donc de ne pas arrêter
00:39:41les enfants.
00:39:43Et la police parisienne
00:39:44qui a accompli
00:39:45la rafle du 16 juillet
00:39:46avec un zèle
00:39:48au-dessus de toute éloge,
00:39:50elle a eu des éloges
00:39:51de la part des Allemands,
00:39:53a arrêté les enfants.
00:39:55C'est le paroxyme
00:39:56de la solution finale en France.
00:39:58Et ça, en effet,
00:39:59moi j'ai toujours été convaincue
00:40:00qu'il y a peut-être eu
00:40:02des raisons diverses et variées
00:40:03pour lesquelles
00:40:04l'ORTF n'a pas voulu
00:40:05le diffuser.
00:40:08Mais je suis convaincue
00:40:08que c'est ça, oui.
00:40:09En voyant le chagrin
00:40:10à la pitié,
00:40:11on s'est rendu compte
00:40:12à quel point
00:40:13on était sous-informés,
00:40:15finalement.
00:40:16À quel point
00:40:17on avait comme avalé
00:40:18une quantité de mensonges
00:40:20sur ce qui s'était passé.
00:40:22C'était une histoire
00:40:24qu'il fallait cacher
00:40:24parce que beaucoup
00:40:26des responsables
00:40:26étaient encore en poste.
00:40:28Bousquet,
00:40:29le grand organisateur
00:40:31des rafles
00:40:31du Veldiv
00:40:32et de la zone sud,
00:40:33pavanait dans les dîners
00:40:34en ville à l'époque.
00:40:35Aujourd'hui,
00:40:36c'est M. René Bousquet,
00:40:38secrétaire général
00:40:39au ministère de l'Intérieur,
00:40:40qui est venu chercher
00:40:41le chef du gouvernement.
00:40:43On a invité
00:40:44à Yves Projection
00:40:45de tout Paris,
00:40:47à commencer
00:40:47par le Paris politique.
00:40:49Dès la première présentation,
00:40:51ça a été
00:40:52la super
00:40:53et l'approbation totale.
00:40:56L'un des militants
00:40:57de la cause
00:40:58à l'époque
00:40:59était Mitterrand,
00:41:00en personne.
00:41:01Ça m'a toujours amusé
00:41:02parce qu'il avait
00:41:04amené Bousquet.
00:41:05J'imagine la scène
00:41:07de Mitterrand
00:41:09amenant Bousquet
00:41:10voir ce film,
00:41:12Bousquet se découvrant
00:41:14à l'image.
00:41:15Je pense que ça
00:41:16avait inquiété
00:41:17beaucoup de monde.
00:41:18Durant toute cette période,
00:41:19on posait le cas
00:41:21de Bousquet.
00:41:22La banque de la Noche
00:41:23avait pris contact
00:41:24avec moi.
00:41:26Bousquet y était
00:41:27toujours directeur.
00:41:28Il m'avait dit
00:41:29vous supprimez ce passage,
00:41:31nous ferons
00:41:31ce que vous nous demanderez
00:41:32de faire.
00:41:33Je me souviens
00:41:34que j'avais fait
00:41:35le grand seigneur.
00:41:37C'est absolument exceptionnel
00:41:38ce que vous m'apprenez.
00:41:39Je ne savais pas
00:41:39cette histoire
00:41:40de couper la scène
00:41:41que demande
00:41:42la banque d'Indochine
00:41:44au producteur suisse.
00:41:47Et le producteur suisse,
00:41:48bravo,
00:41:48résiste
00:41:49à cette pression
00:41:49financière lourde.
00:41:54Et cette autre
00:41:55administration française
00:41:56est toujours là.
00:41:57Ils avaient 30 ans,
00:41:58ils ont à peine 60 ans.
00:42:00Et ils sont là,
00:42:01ils sont au pouvoir
00:42:02et effectivement,
00:42:02un film comme Chagrin à la pitié
00:42:03les dérange.
00:42:04On donne la parole
00:42:19à Michel More d'abord.
00:42:21Non, moi, c'est un film
00:42:27que je déteste.
00:42:29C'est un film mensonger
00:42:30du début jusqu'à la fin.
00:42:32C'est un film mensonger
00:42:34du début jusqu'à la fin.
00:42:36C'est un film qui est mesquin,
00:42:38qui est bas
00:42:39et qui est un film
00:42:40de guerre civile.
00:42:41Ce que vous oubliez,
00:42:41c'est que tous les autres films
00:42:43qui traitaient de ce sujet
00:42:44évitaient justement
00:42:45de parler de ça.
00:42:46Alors pourquoi
00:42:46est-ce qu'il n'y en aurait pas
00:42:47un qui pour une fois
00:42:48le mettrait en avant ?
00:42:49Ce film a reçu
00:43:07tous les éloges
00:43:08de la presse pourrie.
00:43:10Il a fait le même travail,
00:43:12ignorer les masses,
00:43:13attaquer et déformer
00:43:15la résistance,
00:43:17l'enchir les collabos.
00:43:18On ne peut pas prendre
00:43:19au sérieux un film
00:43:21où on sourit tout le temps.
00:43:23Tous ceux qui se sont opposés
00:43:24au film,
00:43:25quelle que soit
00:43:25leur bonne ou mauvaise raison,
00:43:26disaient que c'est un film
00:43:27qui montre l'aspect I2
00:43:29de la France
00:43:30durant cette période.
00:43:31Mais c'est complètement faux.
00:43:33C'est complètement faux.
00:43:34Il montre au contraire,
00:43:36à côté de cet aspect I2
00:43:38qui n'est pas caché,
00:43:39mais il montre
00:43:40cet aspect lumineux
00:43:42qui prend encore plus de relief
00:43:43parce qu'on a une meilleure
00:43:45connaissance de l'aspect I2.
00:43:48qu'est-ce qu'il y a eu
00:43:51dans cette cave, alors ?
00:43:52C'est presque le début
00:43:53de la résistance d'Auvergne.
00:43:55Et le soir
00:43:56que les premières armes
00:43:57sont arrivées,
00:43:59on est venu dans cette cave-là.
00:44:01Et je me rappelle
00:44:02qu'on chantait
00:44:03l'international,
00:44:04pourtant on n'est pas
00:44:04des communistes.
00:44:05Seulement Pétain
00:44:06chantait la Marseillaise.
00:44:07Nous autres,
00:44:08on était bien obligés
00:44:09de chanter l'international.
00:44:10C'était vers la police
00:44:17à Pétain.
00:44:18Et après,
00:44:19ils m'ont embarqué
00:44:20à Clermoy,
00:44:21je suis monté.
00:44:21Ils vous ont torturés ?
00:44:23Ils avaient été battus ?
00:44:24C'était pas pour
00:44:25des confettis
00:44:27qu'on m'y envoyait.
00:44:28Ils avaient trouvé
00:44:29onze parachutes
00:44:30à la maison,
00:44:30douze parachutes,
00:44:32au milieu de la maison.
00:44:33Ils voulaient bien savoir
00:44:34d'où ils venaient.
00:44:35Ils voulaient savoir
00:44:35le reste,
00:44:36c'est messieurs.
00:44:39Ils n'ont pas su.
00:44:41Oh non.
00:44:45Moi, je suis ébu
00:44:46quand je les vois
00:44:47et quand je pense à eux.
00:44:48Parce qu'on est très loin
00:44:51de l'héroïsme.
00:44:52On est dans des gens
00:44:53qui considèrent
00:44:53qu'ils ont fait
00:44:54ce qu'ils devaient faire
00:44:54et puis c'est tout.
00:44:56Moi, j'ai été libéré
00:44:57nous autres, quoi.
00:45:00Quand on était en exode,
00:45:02ils nous amenaient
00:45:02sur les routes.
00:45:03Il y a trois jours
00:45:04qu'on était sur les routes.
00:45:06Et alors,
00:45:08ils nous ont lâchés
00:45:10dans un petit pays.
00:45:12Je me rappelle,
00:45:13il s'appelait Ischdorf,
00:45:14ce pays.
00:45:14Je me rappellerai toujours.
00:45:16Dans la Saxe,
00:45:17là-bas,
00:45:18à côté de l'Elbe.
00:45:20Vous avez des photos
00:45:20de l'époque ?
00:45:21Ah non.
00:45:22Non, non, non.
00:45:22J'étais trop ilain.
00:45:24Je ne voulais pas
00:45:24me faire photographier.
00:45:26Pourquoi vous faisiez
00:45:27combien ?
00:45:2842 kilos.
00:45:30Oui.
00:45:31Alors, pourquoi
00:45:32vous n'avez pas fait
00:45:33de photos ?
00:45:33Ah, parce que
00:45:34je n'ai pas voulu.
00:45:35J'ai dit,
00:45:35ce n'est pas la peine
00:45:37qu'on me voit comme ça.
00:45:38Vous vouliez attendre
00:45:39d'être plus...
00:45:40Voilà.
00:45:41Plus beau.
00:45:42Plus beau.
00:45:42Alors, ce qui s'est passé
00:45:56en 1971
00:45:57dans le monde,
00:45:58c'est qu'on a le sentiment
00:45:59d'un basculement mémoriel.
00:46:02D'abord,
00:46:02les termes qu'on voit,
00:46:03on parle d'israélite,
00:46:04de débat sur la dépensation
00:46:06des israélites.
00:46:07Ce n'est pas un terme
00:46:08qu'on va bientôt abandonner.
00:46:10Un israélite,
00:46:11on dira juif.
00:46:12Mais ce qui est nouveau,
00:46:13c'est le nombre de lettres
00:46:14que le monde va recevoir.
00:46:16Et en septembre 71,
00:46:17il va être obligé
00:46:17de faire un tri.
00:46:19Et là,
00:46:20les gens peuvent enfin
00:46:20s'exprimer et dire,
00:46:21voilà, ce sont des mensonges.
00:46:22Non,
00:46:23Vichy n'a pas protégé
00:46:24les juifs français.
00:46:26Ce n'est pas vrai.
00:46:27Et les gens donnent des exemples.
00:46:28Ça ressemble
00:46:29à ce qu'on va connaître après.
00:46:30Toutes les polémiques
00:46:31qu'on va connaître
00:46:31dans la fin des années 70,
00:46:32dans les années 80,
00:46:3390,
00:46:34vous avez des tribunes,
00:46:35des réponses.
00:46:35C'est vraiment en 71,
00:46:38à la suite du chagrin
00:46:39et de la pitié,
00:46:39que ça se passe
00:46:40pour la première fois.
00:46:55Monsieur le Président,
00:46:56les résistants
00:46:57de la région Rhône-Alpes
00:46:58ont été péniblement surpris
00:47:00d'apprendre
00:47:01que Paul Touvier,
00:47:03qui s'était tristement
00:47:04illustré dans notre région
00:47:05et qui a été condamné
00:47:06deux fois à mort,
00:47:07avait bénéficié
00:47:08d'une grâce présidentielle.
00:47:10Est-il indiscret,
00:47:10Monsieur le Président,
00:47:11de vous demander
00:47:11les raisons
00:47:13qui ont motivé
00:47:14votre leste ?
00:47:15Le moment n'est-il pas venu
00:47:17de jeter le voile,
00:47:19d'oublier ces temps
00:47:20où les Français
00:47:21ne s'aimaient pas,
00:47:23s'entredéchirer
00:47:24et même s'entretuer.
00:47:26Et je ne dis pas ça.
00:47:29Même s'il y a ici
00:47:30des esprits forts
00:47:31par calcul politique,
00:47:33je le dis par respect
00:47:35de la France.
00:47:36Et là,
00:47:36on est en tournant
00:47:37avec à la fois
00:47:38la sortie
00:47:39de Chagrin et la Pitié
00:47:40et tout ce qui s'en remue
00:47:42et l'amnistie
00:47:45de Touvier
00:47:46qui se cache
00:47:47depuis la fin de la guerre
00:47:48dans Descouvants.
00:47:49Au moment
00:47:50où Georges Pompidou
00:47:52parle de cette manière,
00:47:54il y a une demande
00:47:55incroyable
00:47:56de mémoire,
00:48:00notamment de mémoire juive.
00:48:02Il représente
00:48:03un pouvoir politique
00:48:04complètement sourd
00:48:07à la demande
00:48:07de la société
00:48:08qui est exactement
00:48:09le contraire
00:48:10de ce qu'il dit.
00:48:17C'est un événement
00:48:18dans l'histoire
00:48:18de l'exploitation.
00:48:19Il est sorti
00:48:20dans le ghetto,
00:48:20comme on dit
00:48:21à juste titre,
00:48:21du quartier latin.
00:48:22Et comme on refusait
00:48:24300 personnes par jour,
00:48:25il faut voir ça,
00:48:26c'est absolument extraordinaire,
00:48:27et bien maintenant,
00:48:28il sort sur les Champs-Élysées.
00:48:29Donc c'est une chose unique,
00:48:31forcée par le succès public,
00:48:33forcée les Champs-Élysées.
00:48:35C'est la société française
00:48:37qui a été à la manœuvre.
00:48:39C'est elle qui a décidé
00:48:40du succès.
00:48:41Où est le moteur initial ?
00:48:42Il est dans les profondeurs
00:48:43d'une société.
00:48:45Même si le succès commercial
00:48:53est absolument fantastique,
00:48:56ça veut dire quand même
00:48:57un public plus ou moins acquis
00:48:59au départ,
00:49:00et même peut-être
00:49:01plus ou moins complice.
00:49:03Or, il est évident
00:49:04que ce film n'a pas été fait
00:49:05pour ça.
00:49:06Il a été fait
00:49:07pour surprendre
00:49:09chez lui
00:49:10et en pantoufles
00:49:11ce qu'il est convenu
00:49:12d'appeler
00:49:12le français moyen.
00:49:13Sur ce plan-là,
00:49:15ce film est une défaite
00:49:17et reste une défaite.
00:49:38Je sais qu'à New York,
00:49:41le film est sorti
00:49:42au Bickman Theater
00:49:43en 1972
00:49:44et il a vraiment
00:49:46frappé les esprits.
00:49:48Il a été encensé
00:49:49par toute la critique.
00:49:52On était un an
00:49:53après la publication
00:49:53des Pentagon Papers
00:49:55qui avaient détruit
00:49:56les illusions
00:49:57que les Américains
00:49:57se faisaient encore
00:49:58sur la guerre du Vietnam.
00:50:00On était aussi
00:50:01à la veille
00:50:01du scandale
00:50:02du Watergate.
00:50:03La question que le film
00:50:05soulevait
00:50:05pour les spectateurs
00:50:06américains
00:50:07n'était pas tant
00:50:08« Est-ce que moi,
00:50:09dans des circonstances
00:50:09similaires,
00:50:10j'aurais bien agi ? »
00:50:12mais plutôt
00:50:12« Dans des circonstances
00:50:13comparables,
00:50:14toutes proportions gardées,
00:50:16avons-nous bien agi ? »
00:50:18Et donc,
00:50:18les critiques ont tout de suite
00:50:19souligné que nous aussi,
00:50:20au Vietnam,
00:50:21nous étions confrontés
00:50:22à des choix moraux importants
00:50:24et que ce film
00:50:25devaient avoir
00:50:25l'audience
00:50:26la plus large possible
00:50:27et le plus vite possible.
00:50:33Je ne peux pas
00:50:34m'empêcher de penser
00:50:35que lorsque les Américains
00:50:37découvrent le chagrin
00:50:38et la pitié,
00:50:39ils se disent
00:50:39« Mais nos boys,
00:50:41ils n'ont pas seulement
00:50:44débarqué dans un pays
00:50:45qui était occupé
00:50:45par les Allemands.
00:50:46Ils ont débarqué
00:50:47dans un pays
00:50:48qui avait en fait
00:50:49sereinement organisé
00:50:53sa collaboration
00:50:54avec l'occupant.
00:50:57Ce n'est plus tout à fait
00:50:59la même histoire.
00:51:00Donc,
00:51:01c'est aussi
00:51:01une histoire américaine
00:51:02qu'ils sont amenés
00:51:04à repenser.
00:51:05Une nouvelle génération
00:51:21est arrivée,
00:51:22elle commence
00:51:23à poser des questions
00:51:24sur la guerre.
00:51:26L'idée
00:51:27qu'on tire le rideau
00:51:28sur la guerre
00:51:29ne tient plus.
00:51:30Je crois
00:51:31qu'Henri Rousseau
00:51:32a raison
00:51:33dans le syndrome
00:51:34de Vichy
00:51:34quand il dit
00:51:35qu'en 1973
00:51:37quand la traduction
00:51:39au livre
00:51:39est parue à Paris.
00:51:41Le moment
00:51:42était prêt,
00:51:44le public
00:51:44était prêt.
00:51:45On avait eu
00:51:46les événements
00:51:47de 68,
00:51:48on avait vu
00:51:48le film
00:51:49Le Chagrin
00:51:50et la pitié.
00:51:51Le livre de Paxton
00:51:52a un vrai lien
00:51:53avec le film
00:51:54d'Offuls
00:51:55parce que
00:51:56comme Offuls,
00:51:58Paxton
00:51:58assume de juger Vichy.
00:52:00C'est nouveau.
00:52:01C'est un livre
00:52:01très savant,
00:52:02c'est un livre
00:52:02très informé,
00:52:03très documenté
00:52:04qui est très loin
00:52:05d'une certaine manière
00:52:06de la méthode utilisée
00:52:08des protagonistes
00:52:09dans le Chagrin
00:52:10dans la pitié.
00:52:10Mais l'esprit est le même.
00:52:11Contre à moi
00:52:12ce que voulait Pompidou
00:52:13dans cette conférence
00:52:14de presse,
00:52:17non seulement
00:52:17on n'a pas mis un voile,
00:52:19mais on n'a pas arrêté
00:52:20de déchirer le voile.
00:52:21Ce n'est pas simplement
00:52:22l'ère de la mémoire
00:52:23mais aussi
00:52:23l'ère du témoin.
00:52:25Beaucoup vont
00:52:26prendre la parole
00:52:27parce que c'est le moment,
00:52:29parce qu'on les interroge.
00:52:30S'il vous plaît,
00:52:31M.
00:52:31M.
00:52:31Telgen a demandé
00:52:31la parole
00:52:32depuis déjà un grand moment.
00:52:33Il faut voir
00:52:34ce que ça a été
00:52:35sur le terrain,
00:52:37la collaboration.
00:52:39De mes yeux,
00:52:40de mes yeux,
00:52:41j'ai vu débarquer
00:52:42pendant des semaines
00:52:43des trains
00:52:44au camp de Gurs
00:52:45dans les Basses-Pyrénées,
00:52:47des gosses
00:52:48de 4 à 12 ans,
00:52:50par centaines
00:52:51et par centaines
00:52:52toutes les semaines,
00:52:53pleurants,
00:52:54hébétés,
00:52:55on n'avait pas
00:52:56pris leur nom,
00:52:57on ne savait pas
00:52:57le nom de leurs parents,
00:52:59des gendarmes français
00:53:00les poussés
00:53:01dans le camp
00:53:02comme un troupeau,
00:53:04des pauvres petits mômes
00:53:05tout seuls,
00:53:06pleurant,
00:53:07hurlant,
00:53:07appelant leur mère.
00:53:09Et qu'est-ce qu'on en a fait
00:53:10au nom de la collaboration
00:53:12sous le nom
00:53:13du maréchal Pétain,
00:53:15sous sa responsabilité
00:53:17politique et morale,
00:53:18qu'est-ce qu'on en a fait
00:53:19tous ces petits juifs ?
00:53:20Eh bien,
00:53:21dans les semaines
00:53:21qui ont suivi,
00:53:23on les a renvoyés
00:53:23aux Allemands
00:53:24pour qu'ils les brûlent.
00:53:27Il y a un mouvement
00:53:43culturel et social
00:53:45très profond
00:53:46qui n'est pas simplement
00:53:47le retour du refoulé
00:53:48et qui est aussi,
00:53:48pour employer un autre mot
00:53:49savant,
00:53:50un retour de mémoire.
00:53:51Il y a un réinvestissement
00:53:52sur cette période
00:53:53qui n'est pas français
00:53:54uniquement,
00:53:54qui se produit
00:53:55dans beaucoup de pays,
00:53:56notamment en Allemagne.
00:53:57Les années 70,
00:54:01c'est la fin de la croissance.
00:54:02Il y a un climat
00:54:03qui favorise encore une fois
00:54:05un nouveau regard
00:54:06sur une période.
00:54:07Et ce regard
00:54:08va se porter
00:54:09évidemment
00:54:10sur les pages noires
00:54:11qui ont été occultées.
00:54:20Depuis décembre,
00:54:21on a compté
00:54:21cinq films
00:54:22sortis sur les écrans
00:54:23traitant de la guerre
00:54:24ou de l'occupation.
00:54:25Et ce qui est intéressant,
00:54:25c'est que ces films
00:54:26sont l'œuvre de cinéastes
00:54:27qui n'ont pas vécu
00:54:28en adulte
00:54:28ou bien pas vécu du tout
00:54:30cette sombre époque.
00:54:31Pourquoi cet intérêt subi
00:54:33pour ce morceau d'histoire ?
00:54:34Moi, je dis clairement,
00:54:39M. Klein,
00:54:41la conble Lucien,
00:54:42s'il n'y a pas le chagrin,
00:54:43il n'y a pas ces films-là.
00:54:48Et là,
00:54:49le chagrin,
00:54:49la pitié
00:54:49joue un rôle
00:54:50de facilitateur.
00:54:51C'est de mettre
00:54:52à l'écran
00:54:53la persécution des juifs
00:54:55sous l'angle
00:54:55de la répression
00:54:57par la police française
00:54:58par Vichy.
00:54:59Ça, c'est vraiment nouveau.
00:55:04C'est aussi ce qui caractérise
00:55:06le chagrin des pitiés.
00:55:07Fondamentalement,
00:55:09nous sommes entre nous.
00:55:11Et entre nous,
00:55:12on s'aperçoit
00:55:12que c'est pas terrible.
00:55:13L'une des caractéristiques,
00:55:29à mon avis,
00:55:29frappantes
00:55:30de toute cette histoire,
00:55:32c'est l'importance
00:55:32du regard étranger
00:55:33sur, disons,
00:55:36Vichy et la collaboration.
00:55:37C'est clair pour Paxton.
00:55:39C'est clair,
00:55:40mais là,
00:55:40déjà,
00:55:40c'est plus compliqué
00:55:41pour Ophuls.
00:55:43qui est un citoyen
00:55:44du monde,
00:55:45d'une certaine façon.
00:55:46Ce n'est pas un hasard
00:55:47que des gens
00:55:48comme Joseph Lozet,
00:55:49Robert Paxton,
00:55:49Marcel Ophuls,
00:55:51qui produisent
00:55:52ces œuvres majeures.
00:55:53On se rend compte
00:55:54qu'il fallait
00:55:55des outsiders
00:55:56pour raconter
00:55:57cette histoire-là.
00:55:59Qui peut regarder
00:56:00cette histoire-là ?
00:56:03Qui peut ?
00:56:04Des Juifs,
00:56:07des résistants
00:56:08ou des fils de résistants
00:56:09et des étrangers.
00:56:13C'est un cinéaste
00:56:21qui a dit
00:56:21« Mais en vrai,
00:56:22allez voir
00:56:22Le chagrin et la pitié,
00:56:23tu sais,
00:56:24c'est un film important. »
00:56:25C'était incroyable, quoi.
00:56:28C'est un cinéaste
00:56:36qui, à ce moment-là,
00:56:38est très attentif
00:56:39à ce qui est
00:56:40à la mode.
00:56:41Et donc,
00:56:42le chagrin et la pitié,
00:56:44c'est à la mode.
00:56:45Et puis,
00:56:45c'est d'autant plus facilement
00:56:46à la mode aux États-Unis
00:56:47que la carrière du film
00:56:50en France,
00:56:51elle est complexe.
00:56:51Le chagrin et la pitié,
00:56:57le film qui aura réussi
00:56:58le paradoxe de devenir célèbre
00:56:59parce qu'on ne l'a pas montré.
00:57:02« Il est évident
00:57:03que l'antisémitisme
00:57:04a commencé
00:57:05à faire surface.
00:57:07Des gens qui n'auraient pas
00:57:08osé avouer leur antisémitisme
00:57:10ont commencé
00:57:10à le proclamer. »
00:57:13Le film avait été diffusé
00:57:14dans une salle
00:57:15de cinéma parisienne,
00:57:16600 000 entrées quand même.
00:57:18On l'avait vu à l'étranger
00:57:18dans 27 pays,
00:57:20mais jamais
00:57:21à la télévision française.
00:57:24« Tout le monde pensait
00:57:25justement
00:57:26qu'au moment
00:57:26où les socialistes
00:57:27arriveraient au pouvoir,
00:57:29on leur ferait plaisir
00:57:30en mettant le chagrin
00:57:31et la pitié
00:57:32à la télévision.
00:57:33C'est gouré
00:57:34parce que ça n'a pas fait plaisir
00:57:36à tonton du tout,
00:57:37du tout, du tout, du tout. »
00:57:40« Il y a des gens
00:57:46qui sont résistants
00:57:47par nature.
00:57:49Autrement dit,
00:57:50si vous voulez,
00:57:51qui sont naturellement
00:57:52mauvaise tête
00:57:53et d'autres
00:57:55qui au contraire
00:57:57cherchent à s'écommoder
00:57:58des circonstances
00:58:00et en tirer
00:58:02le moindre mal. »
00:58:07Claude Lévy,
00:58:12il parle en 69 devant les caméras
00:58:15de Marcel Ophuls.
00:58:18En 92,
00:58:19il écrit au président de la République,
00:58:20François Mitterrand,
00:58:22pour dire
00:58:22« Voilà, il faut que la France
00:58:24reconnaisse
00:58:25qu'il s'est passé quelque chose
00:58:26et on attend cette parole de vous. »
00:58:30Et en 95,
00:58:31il y a le discours de Jacques Chirac.
00:58:32Il y a presque une continuité
00:58:34du chagrin et la pitié,
00:58:36peut-être ça fera bon dire certains,
00:58:37jusqu'au discours de Chirac.
00:58:39Il n'y a pas de discours de Chirac
00:58:40en 1995
00:58:41s'il n'y a pas le chagrin
00:58:42et la pitié.
00:58:42« Ces heures noires
00:58:44souillent à jamais notre histoire
00:58:47et sont une injure
00:58:49à notre passé
00:58:51et à notre addition.
00:58:54Oui, la folie criminelle
00:58:56de l'occupant
00:58:57a été, chacun le sait,
00:59:02secondée par des Français,
00:59:05secondée par l'État français.
00:59:12Il a influencé énormément
00:59:20d'historiens, de cinéastes,
00:59:22de simples citoyens
00:59:23dans leurs convictions
00:59:25et dans leur connaissance de l'histoire.
00:59:28Je pense qu'il a influencé
00:59:28Claude Lanzmann,
00:59:29mais il ne faut pas le dire.
00:59:30Claude Lanzmann est un génie en soi,
00:59:32mais il a beaucoup influencé
00:59:34ce type de cinéaste.
00:59:35Il ouvre un chantier.
00:59:37Je pense que pour l'historien que j'étais,
00:59:39pour beaucoup d'historiens,
00:59:40ça a été, comment dire,
00:59:42une mine inépuisable d'idées,
00:59:43y compris par les erreurs
00:59:44et par ses lacunes.
00:59:46C'est clairement le cas
00:59:48d'un film,
00:59:50et c'est quand même
00:59:51somme toute assez rare,
00:59:53c'est d'un film
00:59:54qui a changé les choses,
00:59:56qui a changé la vie,
00:59:57qui a changé des vies,
01:00:00qui a porté avec lui
01:00:02son exigence de justice.
01:00:04C'était quand même très naïf.
01:00:16On ne se rendait pas compte
01:00:18à quel point
01:00:20on allait provoquer
01:00:22la controverse.
01:00:24Moi, en tout cas,
01:00:25je ne le savais pas.
01:00:26C'était complètement dingue.
01:00:35S'il n'y avait pas eu 68
01:00:36et qu'il a fallu chercher
01:00:39du boulot ailleurs,
01:00:40le film, tout simplement,
01:00:42ne se serait pas fait.
01:00:44Et puis, c'est tout.
01:00:44Sous-titrage Société Radio-Canada