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00:00Combien de temps faut-il pour qu'une colère se transforme en révolte ?
00:07Une révolte en mouvement social.
00:09Un mouvement social en force politique.
00:14Au milieu des années 50,
00:16un homme est en passe de dresser une partie de la France contre l'État.
00:22Il s'appelle Pierre Poujade,
00:24et donna son nom à un mouvement.
00:26Le Poujadisme.
00:28Poujade.
00:30Un illustre inconnu,
00:32qui entre 1953 et 1958 fit irruption comme par effraction sur la scène publique.
00:40Une comète qui déboula dans cette France de l'après-guerre, alors en plein bouleversement.
00:47Défenseur des artisans et des commerçants contre le fisc.
00:51Partier à l'assaut de la Quatrième République.
00:54Poujade.
00:56Un tribun à la gueule sympathique, mais un fort en gueule.
00:58boxeur et agitateur.
01:01Populaire et populiste.
01:03Poujade.
01:05Le visage d'une certaine France.
01:08Au cœur des années 50.
01:09L'aventure Poujade commence en plein été, dans le sud-ouest de la France, département du Lot.
01:20Une aventure qui débute comme une chanson.
01:21Il était un petit homme qui s'appelait Poujade, mes amis.
01:30Il s'en fut à la chasse, à la chasse, à la chasse, aux impôts. Les polititis, les valententant, les polyvalents furent tous surpris.
01:39Il était un petit homme qui s'appelait Poujade, mes amis.
01:43Il s'en fut à la chasse, à la chasse, aux impôts, les polititis, les valentantons, les polyvalents furent tous surpris.
01:53Les feras-tu, les feras-tu, les feras-tu mourir ?
02:09Le 21 juillet 1953, la paisible commune de Saint-Serré, 3000 habitants, est en effervescence.
02:17Avertis de l'imminence d'un contrôle fiscal chez un de leurs collègues, un groupe de commerçants décide de s'y opposer, mettant ainsi en échec les polyvalents, ces inspecteurs itinérants envoyés par l'État pour vérifier les comptabilités.
02:31A la tête de cette fronde qui va bientôt prendre une ampleur inattendue, un homme, Pierre Poujade, 33 ans, libraire à Saint-Serré.
02:49Pierre Poujade dit Pierrot, un enfant du village au fort tempérament.
02:54Orphelin de père à 6 ans, c'est un bagarreur, un amateur de rugby.
03:01Plongé dans la guerre de 1939 à l'âge de 20 ans, il est d'abord membre d'un mouvement de jeunesse sous Vichy, puis y rejoint la France libre à Alger et s'engage dans l'aviation.
03:16C'est là qu'il rencontre sa future femme, Yvette, infirmière, avec qui il aura cinq enfants.
03:24À la libération, il rejoint Saint-Serré où il s'installe à son compte comme libraire pabetier.
03:31Poujade, un Français moyen, comme il aime à le dire.
03:39En réalité, une figure charismatique, au tempérament bouillonnant, qui va se révéler un véritable meneur.
03:46Fort de ce premier succès remporté contre les polyvalents, Poujade commence, dès l'été 53, à sillonner son département du Lot.
03:58De salles municipales en champ de foire, de places de village en bistrot, il tente de rallier le plus grand nombre à sa lutte antifiscale.
04:07Le bouche-à-oreille fonctionne.
04:14Le mouvement qu'il fonde quelques mois plus tard, l'UDCA, une union de défense des commerçants et des artisans, se fait rapidement connaître.
04:22Et devient un redoutable levier de mobilisation.
04:24La stratégie est simple mais efficace.
04:35Partout où des contrôles fiscaux sont annoncés, des attroupements se constituent afin d'empêcher l'intervention des polyvalents.
04:42Quitte à utiliser l'intimidation pour les contraindre à plier bagage.
04:46En s'attaquant ainsi au fonctionnement des services fiscaux, c'est ni plus ni moins l'autorité de l'État qui est défiée.
04:58En l'espace d'un an, le mouvement Poujade organise plus de 200 oppositions à des contrôles.
05:05D'abord dans le Lot, puis dans les départements voisins, où le mouvement commence à faire tâche d'huile.
05:16As-tu déclaré ton salaire ?
05:26As-tu déclaré tes revenus ?
05:30As-tu déclaré ton grand-père ?
05:33Ton écumoire et ta tortue ?
05:37As-tu déclaré tes lunettes, ta soeur et tes boutons de manchette, ton rasoir et puis ton blaireau, tes draps d'acupis et ton yo-yo ?
05:43As-tu déclaré ta belle-mère, ta bassine noire et ton baillu ?
05:47As-tu déclaré ton salaire ?
05:50As-tu déclaré tes revenus ?
05:54On n'en peut plus !
05:55Les Français sont malades du fisc !
05:57En ce début des années 50, ce mouvement antifiscal cache un malaise plus profond au sein du monde des artisans et des commerçants.
06:08À la tête de structures modestes, ces travailleurs indépendants, ancrés dans des zones rurales ou des petites villes, craignent pour leur avenir.
06:16C'est que la France est en train de prendre le virage de la modernisation.
06:24Cette entrée dans les fameuses Trente Glorieuses ne fait que commencer.
06:27Mais elle va bouleverser le visage du pays.
06:30Comme un passage brutal du noir et blanc à la couleur.
06:34Dans cette nouvelle société du progrès technique et de la consommation de masse,
06:51quelle place pour un certain nombre de métiers traditionnels ?
06:55La machine ne va-t-elle pas remplacer le travail manuel ?
07:01La grande distribution l'a minée à la boutique.
07:08La modernité fait peur et nourrit les rancœurs.
07:17Cette agitation fiscale a débuté dans des départements du centre,
07:21qui sont des départements en état de déclin économique.
07:23La question essentielle en France, c'est que nous commençons à avoir des régions françaises
07:29qui vont devenir des régions déshéritées.
07:31Il y a des régions dont le flux économique se retire.
07:34Je suis frappé du fait que ce mouvement de revendication soit arrivé dans la région la plus arriérée de France.
07:40Ce n'est pas l'évolution économique qui condamne M. Poujade et les gens de Saint-Séret.
07:44C'est l'absence d'évolution économique.
07:46C'est le retard économique.
07:53Que faire face à une révolte qui ne cesse de prendre de l'ampleur ?
08:01Comment réagir devant ce vent d'insurrection qui souffle contre l'État ?
08:06Après seulement huit ans d'existence, le régime de la Quatrième République est déjà à bout de souffle.
08:14Les gouvernements tombent les uns après les autres.
08:18Divisé, la classe politique est discréditée dans l'opinion.
08:21L'arrivée en juin 1954 de Pierre Mendes France à la tête du gouvernement redonne espoir aux Français.
08:35Dynamique et compétent, Mendes apparaît alors comme l'homme de la situation pour réformer le pays.
08:44À ses côtés, François Mitterrand, promu ministre de l'Intérieur.
08:49C'est lui qui s'empare du dossier Poujade.
08:51Au préfet, il écrit
08:53« Un grand nombre d'entre vous m'ont fait rapport sur le mouvement Poujade
08:57et opposition des contribuables aux contrôles fiscaux.
09:01Un comité interministériel doit examiner très prochainement ce problème sous tous ses aspects.
09:08Vous serez avisés de ses conclusions.
09:12Votée dans la foulée, une loi punie d'amende et de prison,
09:16quiconque s'oppose à un contrôle fiscal.
09:17Sévère et maladroite, cette loi ne fait qu'exacerber le ressentiment à l'encontre de la classe politique.
09:26Pour Poujade, c'est une déclaration de guerre contre son mouvement.
09:29« On m'a fait la réflexion, on m'a dit, monsieur Poujade,
09:39vous défendez souvent des gens qui sont indignes d'être défendus.
09:43Et j'ai pu répondre,
09:45mais nous tolérons des gens, pas les bourbons,
09:48qui sont bien indignes de représenter... »
09:50« Nous représentons une masse qui maintenant doit faire trembler n'importe quel ministère. »
10:09À l'automne 1954, le climat se durcit.
10:13Des heurts éclatent entre commerçants et forces de l'ordre
10:15lors de nouvelles oppositions à des contrôles fiscaux.
10:18À la suite d'interpellations de manifestants,
10:22Poujade proteste contre ce qu'il appelle des provocations policières.
10:28De leur côté,
10:30les renseignements généraux qui ont infiltré le mouvement
10:32font état de propos injurieux et antisémites à l'encontre du gouvernement.
10:37Un rapport note.
10:40Poujade s'est livré à une attaque très violente contre M. Mitterrand,
10:43qu'il a traité de pourri et de dégénéré.
10:45À l'adresse de M. le Président du Conseil,
10:48Poujade a parlé des mains d'Est de France,
10:51de Navarre et d'Égypte.
10:54« Nous avons chez nous des commerçants
10:57qui sont israélites.
10:59Nous les avons défendus au même titre
11:01que ceux qui sont musulmans
11:02ou que ceux qui sont athées.
11:04Maintenant, si nous avons un pourcentage
11:07de ministres israélites plus importants
11:09que d'agriculteurs dans notre département du Cantal,
11:12c'est quand même pas de notre faute. »
11:13Bien sûr. Merci beaucoup.
11:15Sous-titrage Société Radio-Canada
11:45Malgré de très fortes inondations
11:47qui noient une partie du pays,
11:49des dizaines de milliers de Poujadistes
11:50déferlent sur la capitale.
11:53Poujade a décidé de franchir le Rubicon.
11:58Avec cette montée sur Paris,
12:01il entend montrer sa force
12:02et intimider les pouvoirs publics.
12:04Un an seulement après la création de son mouvement.
12:07Les autorités ont tout fait
12:13pour empêcher ce rassemblement
12:14prévu à l'origine
12:15dans quatre lieux différents de la capitale.
12:20Un seul meeting est finalement autorisé.
12:22Au parc des expositions
12:24de la Porte de Versailles.
12:29D'heure en heure,
12:31des délégations affluent
12:32de tous les départements.
12:3370 000 personnes selon la police.
12:37200 000 selon les organisateurs.
12:40« Réunir envers et contre tous
12:43200 000 personnes
12:45à Paris dans les circonstances
12:47que vous connaissez,
12:49eh bien cela prouve
12:50la force formidable
12:52de ce mouvement.
12:54Eh bien c'est nous qui sommes les patrons.
12:57Si nous nous opposons à quelque chose,
12:59rien ni personne
13:00ne pourra nous mater
13:02parce que nous avons réalisé
13:04la puissance de notre union.
13:07On nous avait dit
13:08que les commerçants,
13:10les artisans,
13:11individualistes forcelés
13:13ne pouvaient pas s'unir.
13:15Eh bien c'est cela
13:16ce que vous devez
13:18au mouvement s'insérer.
13:21Il vous a prouvé
13:22que l'union était possible.
13:26Brandissant une liasse de billets
13:27pour tourner en dérision le fisc,
13:29Boujade se fait menaçant
13:31en appelant ses troupes
13:33à la grève générale de l'impôt.
13:35Un nouveau pas vers l'illégalité.
13:38Il y a une armée de photographes
13:40décrites partout,
13:41des gens absolument exaltés.
13:42Et le silence ne peut se faire
13:43qu'au moment même
13:44où Pierre Boujade
13:45va prononcer la deuxième partie
13:46de son allocution.
13:47Nous avons attendu
13:48cette journée
13:49pour savoir
13:51si nous devions
13:52déclencher
13:53l'offensive.
13:54Oui !
13:56Poujade d'apparence
14:05est le type même
14:05du français moyen.
14:07Brun avec des yeux clairs,
14:08il a 34 ans,
14:09une famille
14:10et quatre enfants.
14:11Il parle d'abondance
14:12avec de la bonne volonté
14:13et de la maladresse.
14:14Il fait son apprentissage
14:15de démagogue.
14:16Et les gens rassemblés
14:18sous sa bannière
14:18l'écoutent comme un sauveur.
14:20Dans Paris,
14:24la préfecture de police
14:24est sur les dents
14:25et craint des débordements.
14:29Les principaux lieux du pouvoir
14:30ont été placés
14:31sous haute protection.
14:33Des barrages ont été érigés
14:34pour empêcher
14:35qu'à l'issue du meeting,
14:36les Poujadistes convergent
14:37vers le cœur de la capitale.
14:41Tout le monde a en mémoire
14:41les événements
14:42du 6 février 1934,
14:4420 ans plus tôt.
14:47À l'appel de ligues de droite
14:48et d'extrême droite,
14:50des milliers de Parisiens
14:51en colère avaient envahi la rue
14:52pour protester
14:53contre la Troisième République.
14:57Face au palais Bourbon,
14:58la police, débordée,
15:00avait tiré sur la foule.
15:03Près de 20 morts
15:03et des centaines de blessés.
15:09Le 24 janvier 1955,
15:12la manifestation se disperse
15:13dans le calme.
15:14Mais Poujad a réussi son coup.
15:17Cette journée est un succès.
15:18Elle a donné à son mouvement
15:20une large visibilité.
15:42Dans les semaines qui suivent,
15:43le chef de l'UDCA
15:44se sent pousser des ailes.
15:49En mars,
15:50il lance une journée de grève
15:51des commerçants
15:52à travers tout le pays
15:53et fait pression sur les députés
16:00en occupant physiquement
16:01les tribunes à l'Assemblée
16:02pour exiger une réforme
16:04de la fiscalité.
16:16Spectaculaire.
16:17Ce coup d'éclat lui vaut
16:17de faire la une des médias.
16:20L'homme qui déchaîne les passions,
16:22Poujad le rebelle,
16:23pour et contre Poujad,
16:25qui n'hésite pas
16:26à se mettre en scène
16:26en déchirant un billet de banque
16:28pour dénoncer
16:28l'État voleur.
16:32Il paraît que ce Poujad
16:34était dans les tribunes,
16:35qu'il y avait une centaine
16:35de Poujadistes dans les tribunes,
16:38et que les parlementaires
16:39sont assez impressionnés
16:41par ses présences.
16:43Je crois que l'affaire Poujad
16:44dépasse le cadre
16:45d'un parti et d'une corporation.
16:47D'après ce que nous avons pu
16:48en juger ces derniers jours
16:49à l'Assemblée,
16:50aussi bien dans les couloirs
16:51que dans les débats de séance,
16:53tous les partis sont touchés
16:54dans cette affaire.
16:55Le gouvernement est incapable
16:56de faire respecter
16:58l'arbitrage
16:59qui devrait être le sien,
17:00et les partis politiques
17:02ne semblent absolument paralysés
17:04devant cette situation.
17:07Il n'y a pas d'exemple,
17:08du moins dans les récentes années,
17:10d'un débat aussi passionné,
17:12de menaces aussi terribles,
17:15suspendues au-dessus
17:16de la tête d'un gouvernement.
17:18Bonjour madame,
17:19je suis chargée de faire
17:20un reportage pour l'Institut français
17:21d'opinion publique.
17:23Ce sera très court d'ailleurs,
17:24mais auparavant,
17:25j'aimerais vous poser
17:26quelques questions
17:27sur votre situation.
17:29Vous êtes tenancière de café,
17:31je vois.
17:31Oui, je m'appelle.
17:32Vous avez entre 50 et 64 ans.
17:35Oui.
17:36Vous n'avez pas de radio,
17:37pas de domestique,
17:38pas d'automobile,
17:39pas de propriété.
17:41Selon un sondage de l'IFOP,
17:4335% des Français
17:45éprouvent de la sympathie
17:46pour le mouvement Poujade.
17:49Ratissant de plus en plus large,
17:50bien au-delà du cercle
17:51des artisans et des commerçants,
17:53le mouvement agrège autour de lui
17:55de nombreux Français,
17:56inquiets de l'avenir,
17:58hostiles à la classe politique.
18:02Les renseignements généraux
18:03s'en alarment.
18:05Le mouvement déborde nettement
18:06le cadre d'une simple protestation
18:07contre les excès de la fiscalité.
18:10Il prétend rassembler
18:10tous les mécontents
18:11dans un vaste mouvement
18:12antiparlementaire.
18:13Poujade peut mesurer
18:18sa popularité
18:19à l'occasion
18:20d'un grand tour de France,
18:21réalisé au printemps
18:22et à l'été 1955.
18:25De Marseille à Grenoble,
18:27de Toulon au Havre,
18:29des foules se pressent
18:30à ces meetings.
18:31Nouvelle note DRG.
18:38Poujade fait preuve
18:39d'une activité extraordinaire,
18:41tenant jusqu'à trois réunions
18:42par jour.
18:44Certains sont allés
18:45jusqu'à parler
18:45de dons d'ubiquité
18:46du leader.
18:53Le magicien Poujade
18:54fait mouche
18:54avec sa goye
18:55et son franc-parler.
18:56Il déclare
18:58« Les Français découvrent
19:00en moi un tribun
19:01en qui,
19:02pour la première fois
19:02depuis longtemps,
19:03ils se reconnaissent
19:04et qui leur parlent
19:05de leurs vrais problèmes. »
19:14Pierre Poujade
19:14est le seul homme
19:15qui peut attirer
19:16les foules enthousiastes
19:17dans les endroits
19:18les plus variés,
19:18les plus vastes.
19:19La foule vient
19:20pour le voir,
19:21pour l'entendre,
19:22pour reprendre confiance
19:23alors que tout semble perdu.
19:26« Sous la bannière
19:28de l'UDCA,
19:29il attire cette masse
19:30de braves gens de France
19:31qui n'en peuvent plus
19:32à force de subir,
19:33qui sont là
19:33de toujours payer,
19:35cette masse
19:35de braves types
19:36qui veulent que cela change. »
19:39Toute une propagande
19:40se met au service
19:41de Poujade,
19:42qui joue à fond
19:42la carte de l'incarnation.
19:46Un de ses fidèles déclare
19:47« De même qu'il n'y avait
19:49pas de christianisme
19:50sans Jésus-Christ,
19:52il ne peut y avoir
19:52d'UDCA sans Poujade. »
19:55Poujade,
19:57un visage
19:57et un nom.
20:04Autre figure
20:05dans cette France
20:05du milieu des années 50,
20:08Charles de Gaulle,
20:10qui sionnait lui aussi
20:11le pays
20:11il y a encore peu de temps.
20:14De Gaulle,
20:16un opposant irréductible
20:17à la Quatrième République,
20:20condamné à ses yeux
20:21car faible
20:21et sans chef
20:22à sa tête.
20:25S'il attend son heure
20:26pour revenir au pouvoir,
20:28De Gaulle se trouve alors
20:29au creux de la vague.
20:31Son parti politique
20:32vient d'être mis en sommeil.
20:36Pour beaucoup,
20:37il apparaît
20:38comme un homme du passé.
20:39Un mouvement de flamme
20:54est né à s'insérer.
20:56Un homme,
20:57une grande âme
20:58par la peau écoeurée.
21:00Pour frapper l'injustice,
21:02un jour c'est déchaîné.
21:03Sa fougue créatrice
21:05nous a tous entraînés.
21:06Oui, Poujade,
21:08un cœur manialime,
21:10avec toi nous lutterons.
21:14Et la foi
21:15qui nous a...
21:16Portée par une dynamique,
21:18Poujade incarne
21:18quelque chose de neuf.
21:21Nous menons
21:22un combat pacifique.
21:24Avec près d'un demi-million
21:25d'adhérents,
21:26son mouvement est en train
21:27de s'imposer
21:27comme une force politique.
21:28Pour sauver la République.
21:31Mais quelles sont
21:31ses réelles intentions ?
21:33Croit-il à un destin national ?
21:36Comme au carnaval,
21:43ce rite de transgression
21:44au cours duquel
21:45on s'affranchit
21:46de toutes les règles,
21:48Poujade porte désormais
21:49un projet radicalement alternatif,
21:52appelant à un grand nettoyage
21:54pour renverser
21:56le système.
21:57Le système.
22:04Un concept fourre-tout
22:05qui désigne ce monde
22:07des élites,
22:08accusées de comploter
22:09et de conduire
22:10le pays à la faillite.
22:14Pour venir à bout du système,
22:17Poujade a la solution.
22:19La convocation
22:20des états généraux.
22:22Seul moyen à ses yeux
22:23de rendre la parole
22:24et le pouvoir au peuple.
22:29Poujade,
22:30ou 1789.
22:34Le gouvernement ne cherche pas
22:36à faire du sensationnel.
22:38La vie n'est pas le théâtre.
22:41Nous ne sommes pas des vedettes
22:42attachées à quitter la scène
22:44dans un certain tonnerre
22:46d'applaudissements.
22:48Ce qui compte,
22:48c'est le résultat.
22:49Au sommet de l'État,
22:55cette rhétorique révolutionnaire
22:56et populiste
22:56est prise très au sérieux.
23:00Edgar Ford,
23:01le nouveau chef du gouvernement
23:02qui a succédé
23:03à Pierre Mendès France,
23:04mène la riposte.
23:06Il se lance
23:07dans un véritable match
23:08contre Poujade.
23:08Les revendications sociales
23:11sont normales
23:12dans un pays libre.
23:15Ce qui est regrettable,
23:16c'est qu'ils puissent
23:16s'entourer,
23:19s'illustrer de troubles,
23:20de violences,
23:20de désordres,
23:21comme nous en avons connu
23:22en effet.
23:24Parce qu'on prétend
23:25grouper les commerçants,
23:26les artisans,
23:27les ouvriers,
23:27les paysans.
23:28Si c'est contre
23:29l'État républicain lui-même,
23:31mieux vaut le dire,
23:33car nous l'avons déjà défendu
23:34et nous le défendrons encore.
23:35Avant la rentrée parlementaire,
23:39nous ferons,
23:40nous tiendrons
23:41les États généraux,
23:43les États généraux
23:44de la Renaissance française.
23:47Dans les efforts
23:48que nous avons faits
23:49pour rétablir
23:49la balance des comptes,
23:51un certain nombre
23:52de ces gens véhéments
23:54qui font des cortèges
23:56pour aller agacer
23:58les percepteurs
23:58et les contrôleurs
23:59n'auraient pas assez d'essence
24:00pour mettre
24:01dans leur automobile.
24:04Et maintenant,
24:05je puis vous le dire,
24:05ils peuvent trembler
24:07dans leur culotte,
24:09car l'heure
24:09des règlements
24:10de comptes approche.
24:14Comme s'il suffisait
24:15d'être élu
24:16pour être mauvais
24:17ou d'être choisi
24:19pour être incapable.
24:22Comment expliqueriez-vous
24:23que parmi les Français
24:24qui seraient tous très bien,
24:26il n'y ait que les députés
24:27qui soient médiocres
24:28et les ministres
24:29qui soient incorrigibles
24:30et inadaptables ?
24:31L'incitation à la violence
24:36et au désordre
24:37d'où qu'ils viennent,
24:38le refus de l'impôt
24:39ne sont pas des modes
24:40d'expression
24:41d'une revendication.
24:43Ce sont tout simplement
24:44des délits.
24:45« Aujourd'hui,
24:51fort,
24:52tu t'inscris dans l'histoire
24:53comme l'un des hommes
24:54les plus néfastes
24:54à la patrie.
24:56Je te dis,
24:56fous le camp,
24:57car demain,
24:58il sera peut-être
24:59trop tard. »
25:03Pour être l'auteur
25:04de ces propos haineux
25:05à l'encontre
25:05du chef du gouvernement,
25:07Pouget est convoqué
25:08fin 1955
25:09devant la justice.
25:09Au même moment,
25:14une annonce de l'État
25:15bouleverse
25:16le destin
25:17de son mouvement.
25:22Le 2 décembre 1955,
25:24Edgar Ford crée
25:25la surprise
25:26en annonçant
25:27la dissolution
25:27de l'Assemblée nationale.
25:30Son objectif ?
25:32Provoquer de nouvelles élections
25:34afin de s'assurer
25:35une plus large majorité
25:36dans la future chambre.
25:37Une manœuvre politicienne
25:42selon Poujade.
25:44En réalité,
25:45une aubaine.
25:46Le gouvernement,
25:48pour devancer
25:49cette lame de fond
25:50populaire
25:51qui était en train
25:52de se créer,
25:53a lui-même
25:54précipité
25:55la convocation
25:55électorale.
25:57C'est la raison
25:57pour laquelle
25:58nous avons pensé
25:59qu'il était
26:00de notre devoir
26:00d'abandonner
26:03momentanément,
26:04je dis bien
26:04momentanément,
26:05le plan strictement
26:06professionnel
26:07qui était le nôtre
26:08pour nous engager
26:09dans la bataille
26:10électorale parlementaire.
26:12Après avoir attaqué
26:13le système
26:14de l'extérieur,
26:16Poujade entend-il
26:16le détruire
26:17de l'intérieur.
26:20Il se lance
26:20en tout cas
26:20avec Foug
26:21dans ses législatives.
26:23En un mois,
26:24durée de la campagne,
26:26il doit improviser
26:26un programme
26:27et trouver des candidats.
26:28nos représentants
26:32à l'Assemblée,
26:33je dis bien
26:33nos représentants,
26:34car ils n'iront pas
26:35siéger pour défendre
26:38leurs opinions
26:39ou leurs intérêts,
26:40mais uniquement
26:41défendre les opinions
26:42et les intérêts
26:43de ceux
26:44qui les ont mandatés
26:45et en particulier
26:46faire en sorte
26:48que le gouvernement
26:49soit obligé
26:50de convoquer
26:51les États généraux.
26:52Aussitôt après,
26:53ils donneront
26:53leur démission.
26:54s'ils refusent
26:55de démissionner,
26:56c'est-à-dire
26:56s'ils escroquent,
26:57donc s'ils trahissent
26:59leurs engagements,
27:01ils seront pendus.
27:03Oui, pendus.
27:04Le ton est donné.
27:06Jamais une campagne électorale
27:07n'aurait été aussi violente
27:08et surréaliste.
27:20Au cri de
27:21« Sortez les sortons ! »
27:22des commandos Poujadistes
27:24font irruption
27:24dans les meetings
27:25des candidats adverses
27:26pour jouer du coup de poing.
27:31Comme le notent l'ERG,
27:33les Poujadistes
27:33étant généralement
27:34de mauvais orateurs,
27:36il leur a paru
27:37plus simple
27:37de saboter les réunions
27:38afin d'empêcher
27:40toute discussion sérieuse.
27:47Poujad a fait le choix
27:48de ne pas se porter
27:48lui-même candidat
27:49aux élections.
27:50Mais ils mènent la bataille
27:52en enchaînant
27:53tambour-battant
27:54les meetings
27:55à travers tout le pays.
27:55C'est environ 40 000 personnes
27:58par jour,
27:595 000,
27:59noir sur blanc,
28:00sur France ce soir
28:01de cette semaine,
28:0240 000 personnes
28:03par jour
28:04qui se sont pressées,
28:05qui se sont bousculées
28:06dans nos manifestations
28:07tout le long
28:08de la route.
28:09Dans les moindres
28:10petites villes,
28:11c'était des barrages.
28:14Mais plus que peu,
28:15non seulement maintenant,
28:17les commerçants
28:18et les artisans,
28:19mais les ouvriers,
28:20mais les paysans.
28:21On nous met sur le dos,
28:22on nous met sur le dos.
28:23A chaque fois qu'il y a un pourri
28:24qui est en train
28:25de se faire sortir,
28:26on dit
28:26« C'est les Poujadistes ».
28:27Mais alors,
28:28si tous les mécontents
28:29sont Poujadistes,
28:30j'ai l'impression
28:31qu'il va y en avoir
28:31un sacré paquet
28:32le 2 janvier.
28:37Dans la Nièvre,
28:38au cours d'une réunion
28:39houleuse
28:39à Château-Chinon,
28:41Poujad s'en prend
28:42directement à François Mitterrand,
28:44à leur candidat.
28:44Choqué,
28:47l'ancien ministre
28:48de Pierre Mendès France
28:49déclara
28:49« Poujad n'est qu'un épisode.
28:52Il ne compte pas.
28:54Il sera vite balayé
28:55par son propre état-major.
28:57Alors,
28:58surgira peut-être
28:59un véritable chef,
29:01intelligent
29:01et au vaste dessin.
29:04Alors,
29:05la République tremblera. »
29:09À Paris,
29:12Poujad vient soutenir
29:13un certain Le Pen,
29:15son candidat
29:15dans la première circonscription
29:16de la Seine.
29:20De retour d'Indochine,
29:21où il a servi comme para,
29:23ce licencié en droit
29:24est entré depuis peu
29:25dans le mouvement Poujad,
29:26comme responsable
29:27de sa branche jeunesse.
29:34Une fiche DRG indique
29:36« Le Pen est considéré
29:39dans son entourage
29:40comme un homme violent
29:40lorsqu'il est sous l'emprise
29:42de la boisson.
29:44Sur le plan politique,
29:46il est connu
29:46pour professer
29:47des idées d'extrême droite. »
29:49« Le mouvement Poujad
29:50a voulu précisément
29:51que je prenne
29:52à 27 ans
29:53la tête de sa liste
29:54dans le premier secteur
29:55de la Seine.
29:55Et par ma bouche,
29:56il vous dit
29:56« Par l'union,
29:58nous pouvons chasser
29:59tous les dirigeants
30:00corrompus et incapables.
30:02Dans la fraternité,
30:03nous reconstruirons
30:04ensemble une France
30:04libre, forte et jeune.
30:07Votez tous français,
30:08le 2 janvier
30:09pour les listes
30:10présentées
30:10par le mouvement Poujad. »
30:13Français, mon ami,
30:27c'est donc en français moyen
30:28que je te parle.
30:30Un homme,
30:31parmi ces millions
30:32qui travaillent
30:32chaque jour
30:33et qui,
30:34au soir d'une rude journée,
30:36mettent la main
30:36sur l'épaule
30:37de leur femme
30:38pour regarder
30:39des enfants
30:39qui grandissent
30:40en s'interrogeant
30:41anxieusement
30:42sur leur avenir.
30:44Ce que je sais,
30:45ce que je sens,
30:46c'est que le peuple
30:46s'éveille
30:47et qu'il prend conscience
30:48du péril.
30:50Les candidats
30:51que je te présente
30:52sont des inconnus
30:53du grand public.
30:54Quelle que soit
30:54leur classe sociale,
30:56ce sont des travailleurs
30:57comme toi.
30:58Et en votant pour eux,
30:59c'est un peu de toi
31:00que tu m'entateras.
31:01avec plus de 80%
31:16de participation,
31:18ces élections législatives
31:19du 2 janvier 1956
31:21sont un succès.
31:24Malgré le froid polaire,
31:26les Français
31:26se déplacent massivement.
31:27Et pour la première fois,
31:31la télévision
31:32consacre une soirée
31:32spéciale aux résultats.
31:35Des résultats marqués
31:37par une spectaculaire
31:38percée poujadiste.
31:41Plus de 2 millions
31:42et demi de votants
31:43jettent en effet
31:44leur dévolu
31:44sur les listes poujades.
31:47Des petits patrons,
31:48des travailleurs indépendants,
31:50des agriculteurs,
31:51des hommes
31:52plus que des femmes.
31:54Et surtout,
31:56beaucoup de mécontents.
31:57Un électeur confesse
32:00dans le désespoir,
32:03il faut bien essayer
32:04quelque chose.
32:05On va essayer
32:06du balai poujade.
32:12Rebaptisé pour l'occasion
32:13le canard empujadé,
32:14l'hebdomadaire satirique
32:16Le canard enchaîné
32:16titre
32:17Le succès de Poujade,
32:19une lame de fond,
32:21de commerce.
32:24Avec 52 députés
32:25élus à l'Assemblée nationale,
32:27Poujade peut célébrer
32:28sa victoire
32:29au cours d'un grand meeting
32:31au Veldiv.
32:33Les manifestations
32:34comme celles-ci
32:36vont marquer
32:38dans les annales
32:39du redressement
32:40de la France.
32:41C'est une page d'histoire
32:42qu'on est en train
32:42de tourner.
32:47En l'espace de 2 ans,
32:49son mouvement
32:50est devenu
32:51l'une des forces politiques
32:52les plus importantes du pays.
32:57Il déclare
32:58« Les pauvres petits
32:59pezzouilles de commerçants,
33:01les voilà qui entrent
33:02au Parlement,
33:03non sur la pointe des pieds,
33:05mais en faisant claquer
33:06les portes.
33:07Nous y entrons
33:07comme nos ancêtres,
33:09par la volonté du peuple. »
33:10En réalité,
33:23ces résultats sont
33:24une immense surprise
33:25pour le mouvement lui-même
33:26qui n'était pas préparé
33:27à un tel succès.
33:30Quel projet politique
33:31crédible présenté ?
33:33Comment passer
33:33de la protestation
33:34à la proposition ?
33:37En l'absence
33:39de leur leader,
33:40ces petits pezzouilles
33:41qui entrent
33:42à l'Assemblée,
33:43totalement étrangers
33:44aux usages parlementaires,
33:46se retrouvent
33:46très vite marginalisés.
33:50Élu à Paris,
33:52Jean-Marie Le Pen
33:53devient le porte-parole
33:54de son groupe parlementaire.
33:57Il dénonce
33:58le placement
33:58des poujadistes
33:59à l'extrême droite
34:00de l'hémicycle
34:00et mène l'offensive
34:02face aux attaques
34:03des socialistes
34:04et des communistes.
34:05Il lance.
34:08La chasse aux poujadistes
34:09est ouverte.
34:10Voilà qui est clair.
34:12Le poujadisme
34:12est aujourd'hui
34:13combattu partout,
34:14notamment dans la rue.
34:17Voici les affiches
34:18que l'on colle
34:18sur les boutiques
34:19des commerçants.
34:20Elles appellent
34:20à les boycotter.
34:22Crèvent les petits commerçants.
34:24Crèvent ces gens-là.
34:28Vis-à-vis du mouvement poujade,
34:30notre position
34:31dépendra essentiellement
34:32de celle du mouvement
34:33poujade lui-même
34:34ou bien il aura
34:36une conduite
34:37vraiment républicaine
34:39ou bien il se constituera
34:41en parti fasciste.
34:46Eh bien, je pense
34:51et tous les braves gens
34:53de France pensent
34:54que ce n'est pas sérieux.
34:55Le fascisme, c'est la dictature
35:01d'une minorité
35:02sur l'ensemble de la nation.
35:05Lorsque donc
35:06un gouvernement
35:07emploie la force publique
35:09pour brimer
35:10l'expression
35:12et les désirs
35:13des ouvriers,
35:14des paysans,
35:15des commerçants
35:15et des artisans,
35:16le fascisme
35:17est du côté du gouvernement.
35:18Les commerçants
35:27et artisans
35:28communistes
35:28doivent appeler
35:30tous leurs collègues
35:31à dénoncer
35:32et à engager
35:33la lutte
35:33au côté de la classe ouvrière
35:35contre le mouvement
35:36factieux de Poujade.
35:39Dans ce mouvement,
35:40il y a tout un ramassis
35:42de traits
35:42de gloriotisme
35:43de vichy.
35:44Nous mettrons à nu
35:45sa démagogie
35:46envers les classes moyennes,
35:48son antiparlementarisme,
35:49son chauvinisme,
35:51sa position colonialiste,
35:52notamment sur l'Algérie
35:53et enfin le racisme
35:55et l'antisémitisme
35:56qu'ils développent.
35:58Ah mais non,
35:59mais non !
35:59Il ne faut pas confondre
36:00fascisme,
36:02racisme,
36:03antisémitisme
36:04et patriotisme.
36:05Nous ne sommes pas le reste,
36:06mais nous sommes des patriotes
36:07et nous le sommes seulement,
36:09mais nous le sommes entièrement.
36:18Dans ce grand manège
36:19qu'est l'Assemblée,
36:21les Poujadistes
36:22sont incapables
36:23de définir
36:23une ligne politique claire.
36:27Poujad est pris
36:27à son propre piège.
36:30Les critiques
36:30se font de plus en plus acermes.
36:34Un journaliste écrit
36:35« Poujad a derrière lui
36:37deux ou trois millions
36:38de Français.
36:39Il les a derrière lui,
36:41mais il serait bien
36:42embarrassé de dire
36:43où il les mène.
36:45Il les rassemble.
36:47Il les exalte
36:48par une opération oratoire
36:50qui a ce caractère
36:51de mettre la pensée
36:52hors du jeu.
36:53M. Poujad existe,
36:57mais il est vide.
36:59Le Poujadisme
37:00est le mal politique
37:01absolu
37:01en ce qu'il est
37:03l'attrait du néant.
37:04« Le Poujadisme »
37:13« Ce 14 juillet restera
37:25le 14 juillet de l'Algérie,
37:28non seulement parce que
37:28les drapeaux des régiments
37:29engagés en Afrique du Nord
37:30y participaient,
37:31mais surtout parce que
37:33dans le filigrane
37:33de ces images d'Ebinal,
37:35tous les assistants
37:36pouvaient lire le nom
37:37d'une terre inséparable
37:38de la grandeur française. »
37:41A partir de 1956,
37:43la guerre d'Algérie,
37:44qui ne dit pas encore son nom,
37:46devient le dossier brûlant
37:48de la 4ème République.
37:53Alors que sur place,
37:54la situation militaire
37:55ne cesse de s'aggraver,
37:57Poujad prend fait et cause
37:58pour l'Algérie française.
37:59L'Algérie.
38:04C'est là que,
38:05deux ans plus tôt,
38:06son mouvement a organisé
38:07son premier congrès.
38:09C'est là que sa femme
38:09pied-noir est née.
38:11C'est là qu'ils se sont
38:12rencontrés puis mariés.
38:17Une nouvelle fois,
38:19Poujad s'en prend violemment
38:20à la classe politique
38:21accusée de vouloir
38:22brader l'Empire.
38:24La classe politique.
38:26Des traîtres
38:28qui vendent le territoire
38:29national en pièces détachées.
38:32Des liquidateurs
38:32de la grandeur de la France.
38:36Quand on parle
38:37de politique de la France
38:38en Afrique du Nord,
38:39c'est, à mon avis,
38:41impropre,
38:41car l'Afrique du Nord
38:42est aussi française
38:43que pas mal
38:44de départements métropolitains.
38:47C'est tout simplement
38:48une politique de la France.
38:50Il y a là,
38:50plus que partout ailleurs,
38:52il y a là un problème humain.
38:53On a voulu en faire
38:54un problème politique
38:55ou un problème militaire.
38:57Or,
38:57le problème nord-africain
38:59actuellement
39:00est précisément
39:01que nous ne sommes plus respectés
39:03parce que nous avons
39:04des représentants
39:05qui ne sont plus respectables.
39:07Merci beaucoup.
39:09Lors de son premier déplacement
39:11à Alger,
39:12le 6 février 1956,
39:15le nouveau président du conseil,
39:16Guy Mollet,
39:17un socialiste,
39:18est accueilli
39:18à coups de tomate
39:19par des manifestants.
39:22Insulté,
39:23il échappe de peu
39:23à un véritable lynchage.
39:25Bien implanté à Alger,
39:29les commerçants poujadistes
39:30ont fermé boutique
39:31pour participer
39:33à cette journée
39:33dite
39:34des tomates.
39:35à Paris,
39:53les poujadistes
40:04occupe également la rue.
40:07Après l'Indochine, perdue deux ans plus tôt,
40:09la crainte de l'abandon de l'Algérie
40:11réveille et fédère toutes les forces nationalistes,
40:14de la droite à l'extrême droite.
40:19Les événements d'Algérie
40:20étant attribués à l'impuissance du régime,
40:24le maintien de l'Algérie française
40:25passe donc par la mise à mort
40:27de la 4e République.
40:30CQFD.
40:34C'est d'ailleurs en Algérie
40:36que fin 1956,
40:39Jean-Marie Le Pen part s'engager,
40:41quittant ainsi pour quelques mois
40:42les bancs de l'Assemblée.
40:45Ce départ consomme sa rupture avec Poujade.
40:49Entre des accords politiques
40:50et querelles d'égo,
40:51rien ne va plus entre les deux hommes.
40:55Les RG notent.
40:56Le député Le Pen va très loin
40:58dans son hostilité envers le chef de l'UDCA,
41:01mettant en cause
41:02son incapacité politique
41:03et son incohérence.
41:12Contesté au sein de son propre mouvement,
41:15Poujade doit également faire face
41:16à une démobilisation des adhérents,
41:19dont le nombre passe de 400 000
41:20à 250 000 en l'espace d'un an.
41:26Déboussolés par le positionnement
41:27de plus en plus à droite de leurs leaders,
41:29de nombreux militants
41:31souhaitent un retour
41:32à une action purement professionnelle.
41:37En perte de vitesse,
41:39Poujade tente de reprendre l'initiative
41:41en organisant une journée de blocage
41:44contre l'instauration par le gouvernement
41:45d'une vignette automobile.
41:48Un impôt de plus.
41:49Mais cette journée est un échec.
41:54Les militants ne sont pas au rendez-vous.
42:01Quelques mois plus tard,
42:03Poujade est victime
42:04d'un grave accident de voiture.
42:07Tout semble déraillé pour lui.
42:09La France est en train de vivre
42:14sa 24e crise ministérielle
42:16depuis la libération.
42:18Et jamais la quête d'un président du Conseil
42:20ne s'est avérée aussi difficile.
42:22Personne ne souhaite le pouvoir.
42:24Et il est significatif de voir les pressentis
42:26mettre comme première condition
42:28à leur tentative héroïque
42:29l'octroi des pleins pouvoirs.
42:31Les yeux des Français,
42:32un peu éblouis par le satellite,
42:34doivent regarder la vérité en face.
42:36La constitution de notre 4e République
42:38est en train de faire faillite.
42:41Depuis 12 ans,
42:41les ministères tombent
42:42comme château de cartes.
42:45Comprenant que le vent
42:46est en train de tourner
42:47et que de Gaulle apparaît désormais
42:49comme un possible recours
42:50face à la crise du régime,
42:53Poujade sollicite un entretien avec lui
42:55à Paris, en août 1957.
43:01Que se disent-ils ?
43:03Dans ses mémoires,
43:05Poujade tente de tirer la couverture à lui.
43:08J'entre dans le vif du sujet.
43:11Cette 4e République,
43:12elle est encore plus pourrie
43:13que n'était la 3e.
43:15Je ne me vois pas rentrer chez moi,
43:17expliquant à mes enfants
43:17« Nous sommes foutus,
43:19mais soyez rassurés,
43:21vos enfants reverront
43:22une France grande et glorieuse.
43:24Avant de baisser les bras,
43:26battons-nous. »
43:27De Gaulle me raccompagna
43:28jusqu'à la porte et me dit
43:29« Si un jour,
43:31je reprends des responsabilités,
43:33je serai heureux de travailler
43:34avec un homme comme vous. »
43:37Selon l'entourage de De Gaulle,
43:39l'entretien fut quelque peu différent.
43:42Le général aurait tenté
43:43d'expliquer à Poujade
43:44les grands enjeux du monde,
43:46avant de clore leur conversation
43:48par ces mots.
43:49« Réussissez, Poujade.
43:50Je ne suis pas jaloux. »
43:54Trois mois après cette étonnante rencontre,
43:58Poujade crée la surprise.
44:00Il prend publiquement position
44:01en faveur de De Gaulle
44:02et appelle à l'avènement
44:06d'une 5e République.
44:09« En 1940,
44:12le général De Gaulle a pu dire
44:13que la France avait perdu une bataille
44:15mais qu'elle n'avait pas perdu la guerre.
44:18Aujourd'hui,
44:20ce n'est pas une bataille
44:21qui peut se gagner ou se perdre,
44:24c'est la France
44:25qui peut se sauver
44:27ou qui peut plonger dans le néant.
44:29Et vous avec ! »
44:31Les événements se préparent.
44:43Les événements
44:44dans lesquels nous serons
44:46automatiquement mêlés
44:47car nous sommes
44:48une organisation nationale.
44:50Nous représentons,
44:51nous portons un espoir national
44:53même de ceux qui nous critiquent
44:55car demain,
44:56lorsque le toit s'effondrera,
44:58c'est quand même vers nous
44:59que tous ces galages tourneront.
45:00L'épreuve de force
45:18tant attendue par Poujade
45:19éclate le 13 mai 1958 à Alger.
45:23C'est là que s'enclenche l'engrenage
45:25qui va emporter la 4e République.
45:27à l'issue d'une manifestation
45:29pour l'Algérie française
45:30qui vire à l'insurrection.
45:33Dans un climat de fièvre,
45:35la foule prend d'assaut
45:36et met à sac le gouvernement général,
45:38c'est-à-dire le siège
45:40du représentant de l'État en Algérie.
45:42Encadré par l'armée,
45:49les émeutiers,
45:50parmi lesquels un certain nombre
45:51de Poujadistes,
45:52instaurent un comité de salut public
45:54et exigent le retour
45:56de De Gaulle au pouvoir.
46:00À Paris,
46:02cette sécession en Algérie
46:03provoque un véritable séisme.
46:06On craint le pire,
46:07une guerre civile,
46:09un coup d'État de l'armée.
46:10L'État d'urgence est proclamé.
46:15Mais en l'espace de quelques jours,
46:17tout se précipite.
46:20De sa retraite
46:21de Colombel et des églises,
46:23De Gaulle déclare se tenir prêt
46:25à assumer les pouvoirs
46:26de la République.
46:28Il apparaît alors
46:29comme le seul homme politique
46:31disposant de la légitimité suffisante
46:33pour faire face à la situation.
46:35C'est le recours auquel
46:39le chef de l'État, René Coty,
46:41fait appel
46:41pour former un nouveau gouvernement.
46:44Ce sera le dernier
46:45de la Quatrième République.
46:46Ici Pascal Rossigny
46:49qui vous parle
46:50d'Angers.
46:51Pierre Poujard
46:52ouvrait ce matin
46:53le congrès extraordinaire
46:55du mouvement
46:55convocé brusquement
46:56sur son initiative.
46:58Le président de l'UDCA
46:59est vexé,
47:01horriblement vexé.
47:01Il décrit par le menu
47:02l'humiliation
47:03que fut pour lui
47:04l'interminable attente,
47:06dit-il,
47:06de ces journées
47:07pendant lesquelles
47:07le général de Gaulle
47:08se présentait à l'Assemblée
47:09et constituait son gouvernement.
47:11Et il se décrit,
47:12lui, Pierre Poujard,
47:13attendant avec son État-major
47:15qu'on l'appelle lui aussi
47:16en consultation.
47:17Je me disais,
47:18avec notre dynamisme,
47:20notre force,
47:21on se le fera
47:21notre trou dans le ministère.
47:24Poujard s'est-il vu
47:25à la tête d'un grand ministère
47:26du commerce et de l'artisanat ?
47:28C'est fort possible.
47:31Toujours est-il
47:32que le gouvernement
47:32d'Union Nationale
47:33formé par De Gaulle
47:34rassemble tous les partis,
47:37à l'exception des communistes
47:38et des Poujardistes.
47:42Berné, Poujard fait volte-face.
47:45Et bascule dans un
47:46anti-gaullisme acharné.
47:49Il appelle à voter non
47:50au référendum
47:51sur le projet
47:52d'une nouvelle constitution,
47:54voulue par De Gaulle.
47:56Car si l'immense majorité
47:58du peuple français
47:58était dégoûtée
48:00de la Quatrième République,
48:01elle n'en est pas
48:02pour autant acquise
48:03à celle qu'on nous propose.
48:05Et je ne crois pas
48:06que les événements
48:06répondent à leur espoir,
48:08ni que le général De Gaulle,
48:09en qui ils mettent
48:10leur confiance,
48:11soit tellement bien placé
48:12pour être demain
48:13le chef de cette république.
48:14En vérité,
48:15tout cela n'est qu'une immense
48:16comédie destinée
48:17à détourner la colère
48:19légitime du peuple.
48:20Français, mon ami,
48:22de ce référendum,
48:23il ne sortira rien.
48:26Erreur.
48:2780% des Français
48:29votent en faveur
48:30du texte de la Constitution
48:32instaurant la Cinquième République.
48:36Français, mes amis,
48:38prenez vos responsabilités
48:40comme j'ai pris les miennes.
48:45Discrédité et marginalisé
48:46par ses choix politiques,
48:48Poujad est sonné
48:49comme un boxeur
48:50qui aurait perdu son match.
48:54Son aventure fait long feu.
48:57C'est que né en 1953
49:06d'une flambée de colère.
49:08L'aventure Poujad
49:09fut d'abord une dynamique
49:10que le jeune libraire
49:11de Saint-Séret
49:12sut à la fois saisir,
49:13porter et incarner.
49:18Cinq ans plus tard,
49:20avec le retour
49:21du général De Gaulle
49:22au pouvoir,
49:23le ressort s'est cassé.
49:24Poujad garde la présidence
49:28de son mouvement
49:29jusqu'en 1983.
49:32Mais le temps
49:33des grands meetings
49:33et du bras de fer
49:34avec l'État
49:34est bel et bien révolu.
49:38Reste un mot,
49:39le Poujadisme,
49:40qui depuis a fait fortune.
49:42Il n'y a pas de relance
49:43de Poujadisme
49:43car le Poujadisme
49:45est sous d'autres appellations
49:47existé avant Poujad
49:48et il existera après Poujad.
49:50Le Poujadisme,
49:52un mot magique
49:53convoqué par son créateur
49:54avec nostalgie.
49:55Le Poujadisme,
50:02un mot repoussoir et fourre-tout,
50:18repris régulièrement
50:19par les médias
50:20dès que la France s'embrasse.
50:22En somme,
50:24c'est presque un climat
50:26de Poujadisme
50:26que vous nous décrivez.
50:29Certains parlent
50:30de Poujadisme,
50:31de jacquerie.
50:32C'est surtout le signal
50:33d'un ras-le-bol.
50:35Alors révolte,
50:36jacquerie,
50:366 février 1934,
50:37le retour du Poujadisme.
50:39On pourrait s'y perdre
50:40à trouver des comparaisons.
50:42Là où l'histoire
50:43avec un grand H
50:44ne varie pas,
50:45c'est que le pouvoir,
50:46qu'il soit monarchique
50:47ou républicain,
50:47est accusé de mépris,
50:49d'arrogance
50:49envers une partie du peuple
50:51qui se sent abandonnée
50:52et qui devient vindicatif.
50:54Sous-titrage Société Radio-Canada
51:24...

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