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  • 02/06/2025
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Vendredi 30 mai 2025 : le journaliste et écrivain Olivier Mazerolle. Il publie le roman "Crime et abandon" aux éditions Balland.

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Transcription
00:00Bonjour Olivier Mazerolle. Bonjour. Journaliste et marseillais un jour, journaliste et marseillais toujours.
00:05Tel est l'adage qui vous colle le plus à la peau. L'information vous accompagne depuis plus de 63 ans.
00:10Vous avez effectué vos premiers pas de journaliste en 1959 à l'âge de 17 ans comme assistant d'un chroniqueur judiciaire.
00:16C'était au Figaro avant de devenir tout râteau reporter, intervieweur, éditorialiste, présentateur d'émissions politiques.
00:22Je pense à 100 minutes pour convaincre aux questions ouvertes aux côtés d'Alain Duhamel, présentateur de journaux télévisés, directeur de rédaction.
00:29Vous avez officié plus de 20 ans sur RTL. Vous avez participé en 2005 au lancement de la chaîne BFM TV sur la TNT.
00:36Votre parcours a été marqué par une rigueur journalistique avec vraiment un souci de donner la bonne information.
00:42Vous avez ensuite pris la direction du quotidien La Provence en 2013, appelé par Bernard Tapie.
00:46Au total, vous avez connu les huit présidents de la Ve République, des événements majeurs.
00:50Je vais citer la guerre froide, la chute du mur de Berlin, le terrorisme, le numérique, même l'arrivée de l'intelligence artificielle.
00:56Aujourd'hui, vous écrivez, vous venez de publier le roman Crime et Abandon, édition Ballant.
01:01Vous racontez l'histoire d'une famille française ancrée dans son terroir et ses terres qui a comme repère et comme roc le Mont Ventoux.
01:07Pierre est vigneron dans le sud de la France, le chef de famille Delphine, son épouse, et leur fille Anaïs a 22 ans.
01:14A priori, cette famille va très bien dans le meilleur des mondes, jusqu'à ce que Pierre découvre à la suite d'une gaffe d'un de ses amis,
01:20que sa fille sort avec un maghrébin, ce qui pour lui est un cauchemar totalement insurmontable.
01:26À ce moment-là, le monde de Pierre s'écroule, la vie de sa famille bascule parce que sa femme et son épouse lui ont caché cette relation.
01:33On a le sentiment que ce roman, justement, il est là pour inviter le lecteur à réfléchir sur nos préjugés,
01:39sur notre incapacité de temps en temps à pouvoir communiquer avec l'autre.
01:43Oui, et c'est très angoissant et inquiétant, parce qu'en réalité, nous sommes en train de jeter à la poubelle tout ce qui fait la force de notre pays,
01:54c'est-à-dire ce bagage culturel, intellectuel, moral, que nous avons fait progresser tout au long des siècles,
02:04à partir du christianisme, ensuite avec les Lumières,
02:09et qui est là pour nous permettre justement d'être confrontés à ce genre de situation et de résoudre les problèmes,
02:17et nous ne sommes plus capables de réfléchir.
02:20Peut-être d'ailleurs parce que nous avons perdu l'ensemble de nos valeurs,
02:23parce qu'aujourd'hui la société ne propose plus de valeurs, sauf la consommation.
02:27Bon, mais ce n'est pas avec ça qu'on grandit.
02:29Vous citez l'humaniste, philosophe italien Machiavel,
02:32un acte de justice et de douceur a souvent plus de pouvoir sur le cœur des hommes que la violence et la barbarie.
02:38On sent que la vindicte populaire vous effraie.
02:41Oui, parce qu'elle est totalement irréfléchie.
02:44Ça n'a aucun sens.
02:46La vengeance n'est absolument pas une solution.
02:51La colère peut exister, bien entendu, mais pas la vengeance.
02:55D'ailleurs, je cite, enfin je me réfère plus exactement à un moment donné,
03:02à la notion de guerre juste défendue par saint Augustin et saint Thomas d'Aquin,
03:08qui précise bien qu'elle est légitime lorsque l'on résiste à une oppression,
03:15mais qu'elle n'est plus légitime si un sentiment de vengeance vous anime.
03:20Voilà la distinction fantastique, remarquable, qui doit être présente à l'esprit.
03:26Or, aujourd'hui, la vindicte est animée par cette vengeance permanente qui ne solutionne rien.
03:34Tout le passé nous le démontre, on pourrait citer des tas d'exemples.
03:38Samir, c'est un être à part, il est dévoué, il aide, il est amoureux.
03:46Il a ce visage, justement, jusqu'au bout du bout.
03:50Il souhaite que ce père de famille rencontre leur progéniture, donc leur enfant.
03:57Justement, ce roman, il combat les idées reçues.
04:00– Oui, mais parce que les idées reçues s'imposent.
04:04Regardez, vous étiez avec Bruce Springsteen récemment.
04:08Il vous a expliqué, Philadelphie, je n'aurais jamais écrite cette chanson
04:11si le réalisateur du film me l'avait demandé.
04:15Et elle est poignante, elle est douce, elle sort des idées reçues.
04:20Elle vous invite à accepter les personnes homosexuelles
04:26qui sont contaminées par le sida et à compatir et à dire
04:30il faut lutter contre, et bien c'est la même chose.
04:32Il faut lutter contre ce sentiment de haine et de vengeance
04:36qui nous anime constamment et qui ne résout rien.
04:41Ces prêcheurs de haine condamnent, très bien, je condamne avec eux,
04:45mais ils ne proposent aucune solution.
04:48– Il y a toujours eu un côté très moral dans tout ce parcours,
04:51avec un besoin, justement, vous êtes d'ailleurs un adepte du off,
04:54pendant très longtemps, on vous a confié les hommes politiques,
04:57qu'ils soient de droite ou de gauche, vous ont confié des informations.
05:00Vous avez souvent gardé pour vous, d'ailleurs,
05:01même si vous en avez délivré énormément.
05:04– J'en ai eu un terrible, de Jacques Delors,
05:08qui, à ce moment-là, c'était donc en 80...
05:13Je me mélange toujours dans les dates, c'était donc en 95.
05:18– On attendait de savoir s'il allait se présenter à la présidence.
05:20– Et à ce moment-là, il était au top niveau.
05:24Il apparaissait comme étant le favori de l'élection présidentielle
05:29qui allait suivre.
05:32Et c'était en 94, pardon.
05:36Et je le vois en août 94, on parle, bon, etc.
05:39Il était président de la Commission européenne.
05:42Bon, on se connaissait bien, on se respectait,
05:44mais on n'était pas amis, pas intimes.
05:46Et j'allais le quitter, il me dit, je vous dirais bien quelque chose,
05:49mais vous me promettez de ne pas en faire état.
05:52Bon, curiosité, on m'entraîne, je dis, oui, oui, bien sûr.
05:56Il me dit, je ne me présenterai pas à l'élection présidentielle.
06:00Il me donne plein de motifs politiques.
06:03Et puis à la fin, il me dit, vous savez,
06:05vous pouvez considérer que je suis un lâche, peut-être.
06:09Vous avez le droit de le considérer.
06:10Mais moi, je ne suis pas de la trente des Chirac, Giscard, Mitterrand.
06:15Je ne suis pas né pour être président de la République,
06:17pour être confronté à une majorité qui ne me suivra pas.
06:20Donc, ce n'est pas la peine.
06:21Je ne veux pas emmener le pays là-dedans.
06:24Je dirigeais la rédaction de RTL à l'époque.
06:29Eh bien, j'ai respecté, tout en disant aux journalistes
06:33qui suivaient la vie politique,
06:35quand vous parlez de Jacques Delors, mettez le conditionnel.
06:37Ah bon, pourquoi ?
06:38Parce qu'il n'a jamais dit qu'il serait candidat.
06:40Donc, ce n'est pas la peine d'être pris en défaut.
06:44J'ai reçu un coup de fil de Charles Pasquois,
06:46qui était avec Balladur à l'époque,
06:48qui était également l'autre favori.
06:51Il paraît que vous avez des informations exclusives,
06:53de ce genre que Delors.
06:54Je lui dis, pardon ?
06:55Oui, vos gars me disent que vous les emmerdez toujours
06:58à mettre le conditionnel.
07:00Je dis, oui, vous savez,
07:01moi, je suis un peu paysan dans l'âme.
07:03Finalement, je n'aime pas être pris au dépourvu,
07:05si jamais ils ne se présentaient pas.
07:07Ça a duré plus de deux mois comme ça,
07:08avant qu'ils viennent à l'émission d'Anne Sinclair
07:10pour dire qu'ils ne se présentaient pas.
07:12En 60 ans de métier,
07:13vous avez connu les huit présidents de la Vème République,
07:15la guerre frolle,
07:16la chute du mur de Berlin,
07:17la révolte de Solidarnosc,
07:19les conflits du Moyen-Orient.
07:20Vous avez rencontré les plus grands de ce monde,
07:21notamment, je vais en citer deux,
07:23le président polonais,
07:24l'Egeval Eza,
07:24prix Nobel de la paix en 1983,
07:26ou encore,
07:27à Noir al-Sadat,
07:27le président égyptien,
07:28assassiné au Caire en 1981.
07:30Vous avez été heurté par le terrorisme,
07:33comme la majorité des Français.
07:34Vous avez connu l'arrivée du numérique
07:36et même la naissance de l'IA.
07:37Quels sont les plus beaux souvenirs
07:39que vous gardez en mémoire,
07:40Olivier Mazelnaud,
07:40dans ce parcours hors du commun ?
07:42Écoutez,
07:44le terrorisme ou la guerre,
07:47ça sera toujours pour moi
07:48ce Libanais à Beyrouth,
07:50lorsque les Israéliens
07:51ont cerclé Beyrouth.
07:52Je ne porte pas de jugement là-dessus.
07:54Enfin, je pourrais en porter un,
07:56mais c'est autre chose.
07:58C'est l'homme.
07:59Je vais dans un quartier
08:00qui venait d'être bombardé
08:01par l'artillerie de marine israélienne
08:04pour voir où on en était.
08:07À l'époque,
08:08les Israéliens voulaient toucher Arafat,
08:09mais ils ne savaient pas très bien
08:10où ils résidaient.
08:13Et je vois cet homme
08:14au bord d'un cratère immense,
08:18en train de hurler.
08:20J'étais avec un confrère
08:21et il avait à la main
08:22un porte-clés
08:26avec une clé.
08:28J'ai dit,
08:29mais qu'est-ce qui vous arrive ?
08:31Il dit,
08:31c'est tout ce qui reste
08:32de mon beau-frère.
08:33Il venait chercher sa voiture.
08:38Et regardez,
08:40il y avait éparpillé
08:42dans le cratère
08:42un corps humain.
08:45Vous voyez,
08:46je suis encore ému
08:46quand je raconte ça.
08:49C'est l'horreur absolue.
08:50Et puis,
08:55les belles images,
08:56deux hommes que vous avez cités,
08:58ça date.
09:00Quand il m'explique
09:01que les leaders arabes
09:03n'ont pas le courage
09:06de reconnaître Israël
09:09en échange de la création
09:11d'un État palestinien,
09:13parce qu'ils savent
09:14qu'ils vont perdre
09:15leur popularité,
09:16parce que l'hostilité à Israël
09:18pour la cause palestinienne
09:19est le moteur
09:21de leur popularité.
09:22Ça, c'était avant
09:23qu'ils reconnaissent
09:24officiellement
09:25l'État d'Israël.
09:27Et puis,
09:28les chevalésas,
09:30pas le président,
09:32le leader de Seyid Arnoche,
09:35formidable personnage,
09:37avec un charisme,
09:40et qui,
09:41lorsqu'il rencontrait
09:42certains de ses partisans
09:43qui s'irritaient
09:44parce qu'ils trouvaient
09:44au bout d'un an
09:45que ça mettait un peu de temps
09:46pour faire tomber
09:47le régime communiste,
09:49et qui disaient
09:50pourquoi on ne prend pas
09:51les armes,
09:52qui retournaient la salle
09:53en disant
09:53ah oui,
09:54les armes,
09:56c'est ça que tu veux toi ?
09:57C'est ça ton succès ?
09:58Tu veux faire comme
09:59ton père
10:00ou ton grand-père
10:01qui chargeait
10:03les chars allemands
10:04à cheval ?
10:06Et c'est ça ta victoire ?
10:08C'est que ton fils
10:09vienne pleurer
10:10sur ton cercueil ?
10:12C'est pas ça,
10:13moi, ma victoire.
10:14Ma victoire,
10:15c'est de gagner
10:16la cause
10:17pour laquelle
10:18nous luttons.
10:20Je m'entends vous dire
10:20que dans la salle
10:21et après,
10:22il n'y avait plus
10:22de protestation.

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