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  • 02/06/2025
Jeudi 29 mai 2025, retrouvez Yann Serra (Grand reporter, LeMagIT.fr), Alexandra Iteanu (avocate, Iteanu avocats), Henri d’Agrain (délégué général, Cigref) et Philippe Le Grand (Président, Teleos) dans SMART TECH, une émission présentée par Delphine Sabattier.

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Transcription
00:00Bonjour à tous, bienvenue dans Smartech. Aujourd'hui c'est le moment du débrief.
00:11On passe 28 minutes ensemble avec des sujets et des commentateurs que je vous présente juste après.
00:20Autour de la table aujourd'hui dans Smartech, maître Itanu, Alexandra Itanu, bonjour.
00:25Bonjour Delphine.
00:25Vous êtes avocate chez Itanu Avocat, Henri Dagrin est également avec nous. Bonjour Henri, délégué général du CIGREF et Philippe Legrand, président de Téléos.
00:35Bonjour Delphine.
00:37Bonjour à tous les trois, bonjour à tous ceux qui nous regardent aujourd'hui.
00:39On va commenter trois actualités, le retour probable possible, éventuel, à trois opérateurs mobiles en France.
00:46En tout cas on va se poser la question.
00:48On va aussi parler de TikTok au Festival de Cannes. Est-ce qu'il faut arrêter tous ces partenariats ?
00:53Mais on commence avec le cloud américain.
00:56Et oui parce que ça y est, on voit tous ces big tech qui sont en train de s'organiser pour rassurer l'Europe.
01:02Alors est-ce qu'elles vont y arriver ?
01:03Pour lancer cette discussion, on convie tout de suite Yann Serra. Bonjour Yann.
01:08Bonjour Delphine.
01:09Grand reporter Magaïti.
01:11Alors je voulais juste faire une petite introduction Yann en disant que le Financial Times lui-même s'était fait l'écho de cette tendance
01:19avec Google qui prend des mesures pour rassurer les utilisateurs du cloud de l'Union Européenne face aux inquiétudes suscitées par la menace Trump.
01:26Voilà un peu pour le contexte. Les choses sont clairement dites.
01:30Qu'est-ce que vous avez noté ? Parce qu'on a eu des conférences importantes avec la build chez Microsoft.
01:36On a eu la conférence Google. Dans ce coup je pensais à la Google I.U.
01:39Ça m'échappe mais non c'est pas la Google I.U.
01:41Google Summit. Merci Cloud Summit.
01:44Quelles sont ces mesures qui sont censées rassurer les Européens et que prennent les big tech Yann ?
01:50Alors Delphine, pour tout vous dire, nous sommes dans une situation particulièrement ambiguë en ce moment même
01:56parce que Microsoft a fait il y a quelques jours ce que tout le monde redoutait depuis 10 ans.
02:02Sur ordre de Washington, ils ont coupé la messagerie du bureau du procureur de la Cour pénale internationale.
02:09Alors j'ai un c'est pas vrai, j'ai un c'est pas vrai du côté de Henri Dagrin.
02:15Henri.
02:16C'est pas ce qui s'est passé. En tous les cas, quand on analyse, c'est la CPI qui a coupé, qui aurait, je reste très très très prudent,
02:25qui aurait coupé effectivement la messagerie du procureur général, M. Kahn,
02:31pour éviter que ces conversations soient utilisées par un procureur américain dans le cadre des sanctions
02:42qui frappent la CPI au titre de la plainte, enfin de la plainte qui est instruite par la CPI contre le gouvernement Netanyahou,
02:52Benjamin Netanyahou, dans le cadre du conflit à Gaza.
02:59Et donc les équipes de la CPI auraient décidé de sortir les personnes qui sont sous sanctions américaines
03:09de Microsoft pour les porter sur une messagerie, en l'occurrence je crois Proton, Proton Mail,
03:18qui n'est pas soumise aux lois extraterritoriales de l'État américain.
03:23Ça demande beaucoup de prudence avant de dire qu'effectivement c'est Microsoft qui a coupé les services.
03:29C'est parce que si c'était le cas, ça serait tout à fait contraire aux annonces qui a été faites par Brad Smith le 30 avril à Bruxelles
03:38où il venait voir l'Europe et il a dit si nous sommes mis sous tension,
03:44si l'administration Trump nous demande des restrictions d'usage sur nos produits à des entreprises américaines,
03:53nous attaquerons. Et donc aujourd'hui, soyons prudents. Je ne suis pas en train de porter la parole de Microsoft,
04:00je suis en train d'appeler à la prudence sur ce sujet qui est absolument fondamental.
04:04C'est très bien Henri de faire cette mise de point parce que c'est aussi ce que j'avais vu.
04:09Et effectivement ça nous permet quand même de faire le lien et de continuer la conversation ensemble,
04:13Diane, avec les annonces de Brad Smith qui a aussi rappelé qu'il avait eu des antécédents judiciaires
04:19où il s'était opposé justement à l'administration américaine pour protéger les données européennes.
04:26Alors, Yann, je vous laisse reprendre la main sur ces sujets, ces mesures qui sont censées nous rassurer.
04:31Alors, sur ce sujet, il est vrai que c'est, comme je disais, c'était ambigu parce que, bon,
04:37effectivement c'est totalement paradoxal qu'une semaine avant, Brad Smith ait fait une lettre,
04:44une lettre ouverte aux Européens, pleine d'emphase, où il annonçait qu'il investissait énormément,
04:51donc Brad Smith étant le numéro 2 de Microsoft, où ils investissaient énormément en Europe pour développer le cloud
04:58et donc, il disait bien, pour la résilience des systèmes informatiques européens, donc y compris les emails,
05:05et aussi pour, bien évidemment, la souveraineté des données, donc qu'ils ne puissent pas être accédés par le gouvernement américain.
05:13Voilà, cette histoire, donc, de CPI tombe quand même un petit peu mal.
05:19Ce n'est pas très clair. Moi, je ne suis pas aussi catégorique que vous sur le fait que, bon...
05:24Ça tombe bien parce que le sujet, ce n'est pas celui-là, donc on ne va pas en débattre.
05:27Voilà, on n'est pas suffisamment experts et qualifiés sur ce sujet ici autour de la table pour en dire davantage sur cette affaire.
05:35Donc, moi, je propose qu'on enchaîne sur vraiment les mesures très spécifiques qui ont été annoncées du côté de Microsoft, mais aussi de Google.
05:42Oui, alors, en fait, bon, ce qu'ils vont faire, c'est qu'ils ont concédé de revendre leur technologie à des entreprises locales.
05:53En l'occurrence, Google revend sa technologie cloud à Thales pour faire une société qui va s'appeler Sense.
06:01Et Microsoft va revendre sa technologie d'Azure, donc c'est le nom de son cloud, à Orange et Capgemini pour faire une entreprise, donc, un cloud local qui va s'appeler Bleu.
06:12Et donc, en fait, l'idée, c'est que ce sont les copies conformes à chaque fois des clouds de Google Cloud ou d'Azure.
06:22Et c'est donc sur des data centers qui sont physiquement installés en France, de droit français, exploités par des salariés français et qui fonctionnent donc de manière étanche par rapport au cloud américain.
06:35Donc, vraiment une garantie de ne pas être soumis, justement, à des injonctions américaines qui pourraient nuire à la souveraineté des décisions européennes.
06:48Alors, effectivement, moi, ça, ça m'a frappée. C'est l'insistance, en l'occurrence, c'est du côté de Microsoft en particulier, pour dire que non seulement les centres de données sont européens,
06:58mais en plus, ils seraient gérés par des personnes physiques ressortissant européens, fonctionnant selon le droit européen, avec toute une protection juridique vis-à-vis du droit américain,
07:13qui contraindraient dans tous les cas, même si, alors, sujet que n'envisage pas directement Brad Smith, mais dit éventuellement, si on nous demandait d'accéder aux données
07:24ou de couper le service cloud américain aux européens, eh bien, la COP serait contrainte, finalement, de s'y opposer et ça pourrait aller jusque devant les tribunaux.
07:36Est-ce que vous, quand vous lisez, maître Itéanu, ces mesures, d'un point de vue juridique, vous dites que ça tient ?
07:42Alors, déjà, il faut rappeler sur quel fondement est-ce que les services de renseignement américain peuvent avoir accès à des données qui sont localisées en Europe ?
07:49Donc, c'est notamment sur le Cloud Act et sur le FISA, qui sont deux législations américaines qui vont permettre aux services de renseignement américain
07:56de demander à un prestataire américain, même s'il a des données qui sont localisées en France, d'ouvrir, entre guillemets, leur base de données pour avoir accès à ces données.
08:04Et en fait, le prestataire n'a pas le droit de dire non.
08:07Donc, la seule manière, en fait, qu'Horée et Microsoft de s'opposer à ces demandes, c'est de ne pas avoir techniquement la possibilité d'ouvrir cette base de données.
08:15Est-ce que c'est le cas dans ces offres-là ? Je ne sais pas, mais il faudrait regarder du côté de la technique, parce qu'à partir du moment où Microsoft a la possibilité...
08:21Mais il pourrait quand même y avoir une opposition qui se joue devant les tribunaux.
08:27Le Cloud Act et le FISA sont des lois extraterritoriales, c'est-à-dire qu'elles s'appliquent au-delà des États-Unis.
08:33Et c'est justement, on parle de souveraineté numérique de l'Europe, mais c'est la souveraineté numérique des États-Unis, là, qui est en jeu.
08:37Tant que ces lois-là existent...
08:38C'est l'indépendance contre...
08:40Exactement.
08:41Tant que ces lois-là existent, malheureusement, si on ne met pas des mesures techniques pour empêcher physiquement Microsoft de donner accès à ces données,
08:48Microsoft n'a aucune base juridique pour l'interdire.
08:51Alors, avant de vous donner la parole, Henri, je voulais justement sur la partie technique, Yann, vous interroger là-dessus.
08:58Quand on entend ces big tech nous dire, finalement, les données, vous avez les clés, déjà, de chiffrement.
09:03Ces données, elles sont chiffrées, vous avez les clés.
09:07Alors, il y a deux choses.
09:08Il y a, alors, en fait, d'une manière globale, ces acteurs du cloud européen promettent, effectivement, de chiffrer les données.
09:20Et donc, de les chiffrer, bon, alors, on ne sait pas si ce n'est pas un peu indéchiffrable ou s'ils n'ont pas les clés quelque part.
09:27Enfin bon, ce n'est pas très clair.
09:28En revanche, ce qui se passe, c'est en France particulièrement, et c'est différent du reste de l'Europe,
09:34il y a des clouds qui sont, eux, soumis à, enfin, qui sont validés par quelque chose qui s'appelle le Secnum Cloud,
09:44qui est une validation qu'à l'heure actuelle, Bleu et Essence n'ont pas encore.
09:49Ils sont toujours en attente d'avoir cette validation.
09:51Et cette validation garantit l'étanchéité technique des clouds qui sont européens, donc censés être souverains,
10:01par rapport à leur modèle original aux États-Unis.
10:04C'est-à-dire que concrètement, au-delà de la législation qui fait qu'il n'y a que des salariés français
10:10qui ne sont pas soumis à aucune pression américaine de quelque sorte que ce soit, a priori,
10:18en fait, les données elles-mêmes ne sont même pas en réseau avec les clouds d'origine
10:24et donc ne peuvent même pas, par exemple, télécharger des règles qui font que ça va exfiltrer les données vers les Américains.
10:34Voilà. A priori, le label Secnum Cloud devrait garantir cela.
10:40Il devrait le garantir de manière officielle.
10:42Mais sinon, normalement, c'est fait par défaut.
10:45C'est-à-dire qu'en fait, quand les Américains nous disent qu'ils installent des clouds souverains en Europe,
10:50c'est selon ces règles-là.
10:52C'est-à-dire qu'en fait, ils nous promettent que ce sera étanche techniquement.
10:58Voilà.
10:58Henri.
10:58D'abord, il faut ne pas... Il y a une confusion qui est entretenue entre le Cloud Act,
11:07qui d'ailleurs, cloud, ça ne veut pas dire nuage, ça veut dire, c'est un acronyme,
11:11qui veut dire Clarify Lawful Overseas Use of Data.
11:15Ça veut dire que c'est une procédure qui est utilisée pour dire que la justice américaine,
11:22quand elle enquête sur un étranger, dès lors que les données sont portées par une entreprise américaine
11:30à l'extérieur des États-Unis, eh bien, la justice européenne peut y avoir accès.
11:36Ça, c'est dans le cadre d'une procédure judiciaire, et donc publique.
11:43Oui, FISA, c'est vraiment le renseignement.
11:45En revanche, FISA, c'est tout à fait autre chose.
11:48La section 702 du Foreign Intelligence Surveillance Act, c'est un texte américain qui date de 1972,
11:55qui régule la façon dont les agences de renseignement américaines ont accès aux données des non-US personnes,
12:02que ce soit d'ailleurs des personnes physiques ou morales, de manière massive, a priori sans mandat judiciaire,
12:07de manière donc légale, mais secrète.
12:10Et donc, quand on vous parle, quand ces entreprises, que ce soit Google, que ce soit WS,
12:15ou que ce soit Microsoft, quand ils vous disent « on attaquera », ils parlent du Cloud Act.
12:20Ils parlent jamais du FISA, parce que le FISA, ça doit rester secret.
12:25Et s'ils révèlent qu'il y a une saisine, une sollicitation de ces entreprises dans le cadre du FISA,
12:34ils sont soumis à un régime pénal.
12:38C'est du pénal.
12:39Oui, parce que là, on parle du renseignement, donc on est vraiment sur...
12:41Et en plus, les gens qui vous disent que ça n'arrive pas, ce sont des gens qui ne sont pas habilités,
12:46et qui n'ont pas le besoin d'en connaître.
12:48Sur le chiffrement, je vous ai vu réagir.
12:50Sur le chiffrement, sur le chiffrement, ce que l'on sait chiffrer, c'est les données qui sont en transit,
12:57les données qui sont stockées.
12:58On ne peut pas calculer des données dans ce qu'on appelle du SAS, du Software as a Service,
13:04puisque lorsque la donnée monte dans la CPU, elle est systématiquement en clair.
13:09Alors après, on vous raconte, oui, mais avec le confidential computing, on sait faire des bastions.
13:16C'est vrai pour se prémunir des attaques, des attaques, donc des accès illégitimes.
13:23Mais dès lors que l'accès est légitime, légal, au titre notamment de la section 702 du FISA,
13:29eh bien la société doit vous donner l'administration qui permet d'accéder à ces données qui sont en clair.
13:35Et que vous ayez les clés ou pas les clés.
13:38Eh bien ça, c'est clair.
13:39Eh bien c'est clair.
13:40Philippe ?
13:41Non mais c'est ça, je pense que la réponse qui est apportée, en théorie, elle donne l'impression d'apporter tous les gages.
13:47Mais finalement, il faut bien savoir si on est dans une situation de marque blanche,
13:50où bleu finalement c'est une marque blanche de azur, simplement déléguée ou en tout cas reproduite en France,
13:56ou si vraiment on est sur une délégation et une production, un peu comme le principe de l'OEM,
14:02où là il y a une vraie maîtrise technologique qui serait donnée, conférée à orange notamment sur bleu.
14:07Et la question elle est totalement là, et ça résume un peu ce qu'on a dit à l'instant.
14:10Absolument. Et puis il y a le sujet de la résilience aussi.
14:14Donc il y aura des copies de sauvegarde du code qui seront déposées en Suisse de manière sécurisée
14:21pour garantir comme ça aux Européens de pouvoir avoir une continuité de service
14:25si jamais quelqu'un a appuyé sur un bouton pour que ça s'arrête.
14:29On en est là dans la situation aujourd'hui dans le cloud ?
14:32Je voulais faire réagir Yann.
14:34Oui, alors en l'occurrence, ce qui se passe c'est que dans tous les cas, de toute façon dans ce genre de technologie,
14:40le revendeur, et particulièrement Thalès, qui est habitué à ce genre de choses,
14:46en fait possède le code source, a accès au code source, ne serait-ce que pour vérifier.
14:51Bon, Thalès le fait systématiquement pour tout ce qui est armement,
14:53c'est-à-dire qu'en fait ils ont les codes sources de tous les produits qu'ils achètent chez un tiers
14:57pour vérifier qu'il n'y a pas de bac d'or dedans.
15:00Donc de toute façon, ils ont les codes sources.
15:02Après, ces codes sources, c'est uniquement pour vérifier.
15:06Et puis, bon, il y en a beaucoup de technologies dans le cloud.
15:10Il n'est pas vraiment envisagé, par exemple, que, imaginons qu'il y a un conflit entre les États-Unis et l'Europe,
15:18que Thalès ou qu'Orange soient à même de, à partir des codes sources dont ils disposent,
15:24pouvoir continuer, pouvoir faire évoluer le cloud.
15:28Donc voilà, ils ont les codes sources pour pouvoir vérifier ce qu'il y a dedans,
15:32mais ce n'est pas quelque chose qui va leur permettre de fabriquer un cloud, un fork,
15:37comme on dit en général dans les codes open source.
15:41Alors, bon, Henri bondit encore sur son siège.
15:43Mais ce n'est pas grave.
15:44On a entendu sur l'accord Google-Thalès qu'effectivement, Google avait fourni le code source.
15:53Vous n'avez pas entendu ça, vous ?
15:55Non.
15:55Non.
15:56Bon, très bien.
15:57Alors, je voulais aussi faire réagir notre avocate en plateau sur l'histoire de créer un bouclier aussi autour des données.
16:06Donc, qu'est-ce que nous dit Microsoft ?
16:08On a achevé la mise en œuvre de notre projet pour une frontière européenne des données.
16:12Ils appellent ça le EU Data Boundary.
16:15C'est un projet qui permet aux Européens de stocker et traiter leurs données en Europe.
16:20Et justement, ça pose la question, est-ce que ces frontières sont possiblement étanches au renseignement américain ou à la loi FISA ?
16:28La réponse est non.
16:29Encore une fois, tant que ces lois existent, on aura beau mettre en place, c'est comme le Data Privacy Framework dont on parle aujourd'hui,
16:35qui va sûrement être annulé pour la troisième fois quand même.
16:39Justement, parce que tant que ces lois sont en place, en réalité, on peut avoir tous les engagements possibles et imaginables de ces prestataires de services.
16:45Ça ne dépendra pas d'eux.
16:46Ça va dépendre de l'État des États-Unis.
16:47Ça va dépendre des services de renseignement.
16:49Donc, tous ces engagements-là, tous ces accords, etc., ça ne marchera pas tant que ces lois seront en place, en tout cas.
16:54Est-ce que vous avez, vous, l'impression, Yann, sur le terrain, quand vous allez rencontrer les grandes entreprises qui sont habituées à travailler avec ces clouders américains,
17:05est-ce que vous avez l'impression qu'aujourd'hui, ça les préoccupe vraiment ?
17:08Je ne veux pas parler uniquement dans le secteur sensible, de la défense, mais de manière générale.
17:13Est-ce qu'il y a une vraie préoccupation sur le sujet de la dépendance aux technologies américaines ?
17:18Bon, alors, il est vrai qu'on fait plus de, comment dire, de bois autour de ces questions que, véritablement, il y a de préoccupations chez les entreprises.
17:32Bon, c'est plus réglementaire qu'une véritable nécessité.
17:37Non, ce qu'on voit, surtout chez les entreprises, c'est que c'est peut-être le modèle du cloud qui commence à être remis en question.
17:44Pourquoi ? Parce qu'en fait, ce modèle du cloud, surtout avec l'IA, vous allez avoir une grosse quantité de données que vous allez devoir exporter dans le cloud,
17:53que vous allez pouvoir récupérer, que vous allez pouvoir exploiter.
17:56Et en fait, on se rend compte que le cloud, finalement, vous savez, c'est un modèle où vous payez à l'usage.
18:01Mais alors, il est très, très compliqué de pouvoir se projeter sur les coûts, en fait, du cloud.
18:11Donc, de plus en plus, et surtout à la faveur de l'IA, on voit une volonté de retourner peut-être à ce qu'on appelle des clouds privés.
18:20Donc, en fait, finalement, plutôt que de payer à chaque fois qu'on se sert de quelque chose, on paye plutôt pour, même si c'est à l'allocation, mais pour quelque chose qu'on possède.
18:31Donc, voilà, c'est plutôt le modèle même du cloud public qui est un petit peu remis en question.
18:39Et là, ça ne concerne pas que les Américains, ça va concerner aussi les entreprises françaises.
18:44Et juste pour dire que, justement, dans tout ce qui est seconde cloud, ça ne sera que du cloud privé.
18:49Donc, ce ne sera pas du cloud public.
18:50Donc, c'est-à-dire, en fait, ce sont des infrastructures où les entreprises pourront beaucoup mieux se projeter sur les coûts annuels ou à plus long terme.
19:00C'est un autre sujet, effectivement, qui rebat les cartes.
19:03Merci beaucoup, Yann Serra, d'avoir été avec nous.
19:04Je rappelle que vous êtes grand reporter au MagIT.
19:07Merci encore.
19:08On enchaîne sur notre autre sujet.
19:09Un retour probable, possible, éventuel, souhaitable ou pas, à trois opérateurs mobiles en France.
19:15En tout cas, c'est plus qu'une rumeur, puisque quand même, on commence à avoir des indications sérieuses de discussion entre les opérateurs pour se répartir,
19:25ce qui serait la revente du réseau mobile SFR.
19:31Comment vous voyez les choses ? Vous êtes un expert des télécoms, Philippe, je dois le rappeler.
19:37Ça fait plusieurs fois maintenant qu'on parle de cette histoire de consolidation du marché mobile avec un retour à trois opérateurs.
19:43Là, on serait proche, vraiment ?
19:46Je ne suis pas sûr qu'on soit proche.
19:47Il faut déjà resituer un peu le contexte.
19:50Le contexte, c'est la restructuration de la dette de SFR, qui passe de 25 milliards à 16 milliards par un échange d'actions avec les créanciers.
19:58D'où la procédure en cours qui va arriver jusqu'à la fin du mois de septembre.
20:01Parce que tous les créanciers n'étant pas d'accord, il faut rentrer dans un mécanisme de procédure de sauvegarde pour que fin septembre, cette affaire soit réglée sur la dette.
20:11Et évidemment, ça pose la question pour les actionnaires de SFR de la valorisation de ce groupe.
20:17Ces questions génèrent des appétences.
20:18On parle de 20, 30 milliards ?
20:21Oui, plus on est du côté des vendeurs, plus on parle de gros chiffres.
20:26Les achereurs ont évidemment une vision un peu différente, mais oui, c'est dans ces eaux-là.
20:30Mais je voudrais dire, pour répondre à la question, je ne suis pas sûr que ce soit immédiat pour deux raisons.
20:35D'abord, il y a ces discussions qui pourraient aller rapidement s'il devait y avoir une vente.
20:40Et puis après, il y aurait aussi les questions du droit de la concurrence.
20:44Et on sait qu'on est sur une procédure de deux ans.
20:45Donc on sait une chose, c'est que dans le marché des télécoms, ça ne bougera pas avant 2028.
20:49Voilà, ça c'est une certitude.
20:50Du fait de tous ces délais inhérents aux droits de la concurrence, ça prend beaucoup de temps.
20:56Alors maintenant, est-ce que ça serait une opportunité et comment ça pourrait se terminer ?
20:59Oui, pour le marché des télécoms, évidemment, une consolidation pour avoir moins d'opérateurs, améliorer la santé des opérateurs.
21:05On sait que c'est un domaine qui nécessite beaucoup d'investissement.
21:09On en a besoin encore et encore.
21:11Et ça solidifierait ce socle français qui s'exporte beaucoup.
21:15On a quand même deux opérateurs français dans le top 5 des opérateurs européens.
21:19Maintenant, quelle serait l'issue d'un projet de rachat ?
21:24Elle ne sera pas forcément ce qu'on imagine.
21:26Rappelez-vous Jardiland.
21:27Jardiland, c'était la vente de Bouygues en 2018.
21:30A la fin, alors ça a été abandonné pour raison d'autorité de la concurrence qui n'a pas donné son accord.
21:35A la fin, Bouygues était en vente et c'est Martin Bouygues qui rentrait au capital de l'Orange.
21:39C'était ça l'histoire.
21:39Donc, une histoire où SFR serait en vente et serait désossée au profit de ses concurrents pourrait se terminer totalement différemment.
21:47SFR, c'est une belle boîte qui fait 10 milliards et 3 milliards d'Ebitda chaque année par rapport à un Bouygues.
21:52Ça reste le numéro 2 très solide derrière Orange dans le secteur du mobile.
21:57Qui en plus, ces derniers jours, ces derniers mois est plutôt dans une...
22:00Il reprend un petit peu de couleur.
22:03C'est une entreprise industrielle qui est là depuis tellement longtemps.
22:06C'est le numéro 2 français.
22:07On ne sait pas comment l'histoire se terminerait et à la fin, qui mangerait qui ?
22:10Maintenant qu'il y ait des discussions, je trouve ça très sain pour le marché.
22:13Mais est-ce qu'on risque une hausse des prix aussi ?
22:16Moi, je me posais la question.
22:17On a des prix, on les paye de toute façon.
22:19D'une façon ou d'une autre, le consommateur finit par payer les prix.
22:22On est parmi les plus bas des pays occidentaux.
22:24On est le troisième pays le plus bas d'Europe.
22:27On a des prix, je pense, trop bas.
22:28Alors là, en tant qu'industriel, je préfère une économie stable.
22:31Vous savez, on parle au sommet de la pyramide de l'industrie des télécoms.
22:35Si un opérateur là-haut, c'est Orange, tous, c'est toute la filière qui est malade.
22:39Donc on a intérêt à avoir une économie saine et de payer le juste prix.
22:42Aujourd'hui, avec les pratiques auxquelles nous faisons passer...
22:45On a vu quand même que l'arrivée du quatrième opérateur, ça avait fait chuter les prix.
22:48Ça avait été quand même au bénéfice du consommateur.
22:50Ça les a stabilisés.
22:52Ah bah sur le moment, quand on a vu les forfaits à 2 euros sortir...
22:55Oui, ah oui, oui.
22:56Henri, ça fait plus que stabiliser.
22:58Ça a été une chute vertigineuse.
23:00Oui, mais on le paye indirectement.
23:01Donc moi, je ne suis pas forcément favorable.
23:03Je préfère payer le juste prix et partout pareil en Europe.
23:06Et puis derrière, ne pas avoir les effets retorts.
23:08Je vais prendre un exemple.
23:09Parce qu'aujourd'hui, on est menacé aussi par les GAFAM sur ce secteur des télécoms.
23:12Du coup, il y a une déperdition de la valeur qui va au profit des GAFAM.
23:17Il faut savoir qu'il contribue à 60% de l'occupation des réseaux qui sont payés par l'économie des opérateurs.
23:24Et je voudrais insister sur un point.
23:26C'est que sur le marché du B2B, le potentiel est gigantesque.
23:29Car la France est vraiment très mal classée.
23:31On est 20e sur 27 en Europe dans la diffusion du numérique dans nos entreprises.
23:35C'est un levier de compétitivité.
23:37On le paye comme ça.
23:38Et donc, il faut stabiliser ce marché, une réduction à 3 opérateurs.
23:41Moi, j'y suis favorable, à condition, bien entendu, qu'elle soit bien encadrée.
23:44Et alors, qu'est-ce qui dit le droit à la concurrence, là, en Europe ?
23:47Alors déjà, sur le droit à la consommation, c'est légal.
23:49Parce qu'on peut se demander, est-ce que notre opérateur peut, du jour au lendemain, augmenter nos tarifs comme ça ?
23:54Donc, le code de la consommation l'admet.
23:56Alors, il faudra une notification un mois avant.
23:59Et le consommateur aura 4 mois pour résilier son abonnement s'il n'est pas d'accord avec ce prix.
24:03Il faut quand même...
24:03Enfin, s'il reste 3 opérateurs...
24:05Oui, le choix sera réduit.
24:08Et effectivement, quand on parle...
24:09Enfin, ça va être l'autorité de la concurrence ou la Commission européenne,
24:12si c'est des montants très élevés, qui vont avoir affaire à ces histoires de revente, etc.
24:17Et donc, ça peut prendre du temps pour ça aussi, justement, pour des questions de monopole.
24:22Mais il y a une doctrine qui est en train de changer, non, au niveau européen, quand même, là-dessus, sur les consolidations ?
24:27Non ?
24:27On a 100 opérateurs.
24:28Aujourd'hui, en Europe, il y en a 3 aux Etats-Unis.
24:31Voilà.
24:32Il faut savoir qu'un 100 opérateurs...
24:33Justement, les chiffres sont intéressants.
24:35Un opérateur...
24:35La taille moyenne d'un opérateur en Europe, c'est 5 millions d'abonnés.
24:40Aux Etats-Unis, c'est plus de 100.
24:42Et en Chine, c'est près de 500.
24:45Et donc, derrière, ça dit tout de la capacité d'investissement, d'innovation de ces opérateurs.
24:52Et par ailleurs, il faut savoir qu'en plus, ces opérateurs en Europe, c'est parmi l'une des activités industrielles les plus taxées, avec des taxes dérogatoires du régime commun, pour cette industrie.
25:05Donc, là, il y a quand même une des industries les plus régulées, les plus taxées, et ainsi de suite.
25:09Moi, je trouve quand même qu'on pourrait peut-être un petit peu détendre les tensions.
25:13D'ailleurs, lors de la redière à l'ARCEP, je ne me suis pas montré opposé non plus.
25:18Oui, oui, oui, c'est déjà un très bon signe.
25:19Oui, effectivement, 1,5 milliard de taxes spécifiques sur le secteur des télécoms, en plus d'une source de taxes.
25:24Et n'oublions pas qu'on a un enjeu aussi de compétitivité européenne.
25:27Deux des opérateurs français dans le top 5 européen, une consolidation européenne inévitable.
25:32On peut jouer un rôle majeur, passer de 4 à 3, peu importe qui mange qui.
25:36Parce qu'encore une fois, ce n'est pas forcément SFR qui va se faire manger.
25:39Les prophètes qui ont tendance à répéter ça ne devraient pas trop s'approcher des champignons.
25:45Il faut y aller mollo.
25:46Mais je pense sincèrement qu'on a un vrai coup industriel à jouer en Europe
25:51du fait de l'excellence de la filière française et de la capacité de deux ou moins des opérateurs
25:55à aujourd'hui rayonner en Europe et dans le monde.
25:57Donc, au contraire, il faut y aller.
25:59Allez, dernier sujet.
26:00Bon, on n'a plus que deux minutes tous ensemble sur TikTok au Festival de Cannes.
26:04Est-ce qu'il faut arrêter ce partenariat ?
26:05C'est la députée Laure Miller, rapporteure de la commission d'enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs,
26:10qui a interpellé la présidente du Festival de Cannes.
26:13Ça vient choquer la présence de ce logo derrière les stars qui montent le tapis rouge.
26:19Elle dit non, ce n'est pas possible, on ne peut plus faire ça.
26:21Qu'est-ce que vous en pensez ?
26:21Très rapidement, votre avis à chacun.
26:23Alexandra ?
26:24Moi, je pense que TikTok est dans le viseur depuis longtemps.
26:27D'ailleurs, juste un point de droit, la Commission européenne a sorti un avis préliminaire sur TikTok le 15 mai 2025,
26:35sur le fait qu'il n'était pas justement à jour par rapport au DSA, Règlement sur Digital Services Act.
26:40Et il y a une procédure qui a été ouverte en 2024, notamment sur les effets de TikTok sur les mineurs,
26:46qui est toujours en cours et qui va tomber, je pense, dans les mois qui arrivent et qui, je pense, peuvent faire mal,
26:53qui peuvent taxer TikTok jusqu'à 6% de leur chiffre d'affaires, qui peuvent même jusqu'à aller arrêter un service.
26:58On l'a vu avec TikTok Lite il n'y a pas longtemps.
27:01Donc voilà, TikTok est quand même dans le viseur de la Commission européenne.
27:04Ce n'est pas un partenaire facile, en tout cas.
27:06Voilà, TikTok au Festival de Cannes, mais franchement, c'est un très bel oxymore.
27:09C'est un peu comme la gastronomie McDonald's.
27:11On élève la culture, là, on a pris des dimensions incroyables.
27:15Je ne comprends pas comment on peut vendre son âme à ce point,
27:18quand on défend un modèle de culture française, une exception culturelle française,
27:22comment on peut se travestir et admettre des choses comme celle-là.
27:25Il n'y a pas de régulation, il y a des effets extrêmement pervers, on a effectivement des dépendances.
27:30Il y a tous les éléments pour que, peut-être, dans une certaine exception de la vision culturelle française,
27:37on aurait pu trouver peut-être un autre sponsor pour ce festival.
27:40Allez, 30 secondes, Henri.
27:41Je vais être assez radical.
27:42Il faut interdire TikTok en Europe.
27:45TikTok, c'est une arme de destruction massive contre l'Occident qui est à la main de la Chine.
27:51C'est un enjeu de santé publique, et notamment pour les plus jeunes.
27:56C'est un enjeu de salubrité démocratique.
27:59Et donc, c'est un enjeu sur les finalités de la culture et de la vie démocratique des sociétés occidentales.
28:09Donc, si j'y suis...
28:11Non, mais là, c'était radical, ce thérapiste, c'était très bien.
28:13En Chine, en plus, ils n'ont pas de même TikTok.
28:15Donc, faisons comme la Chine.
28:18Interdisons TikTok.
28:18Voilà.
28:18Et si on veut réfléchir à des nouveaux formats vidéo pour le Festival de Cannes,
28:22on peut essayer de trouver des partenaires technologiques français différents.
28:26Merci à tous.
28:27Philippe Legrand était avec nous, Henri Dagrin.
28:29Et Maître Itéanu, merci encore.
28:31D'accord.

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