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  • 26/05/2025

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Éducation
Transcription
00:00:00Je pense que si on veut reconstruire une Europe avec la Russie, comme on l'a conçu,
00:00:05il faudrait qu'on connaisse la Russie, qu'on connaisse les Russes et qu'on connaisse leurs langues.
00:00:10C'est la base.
00:00:11De Gaulle dirait « vastes programmes »
00:00:14et Derrida dirait « c'est impossible mais c'est nécessaire ».
00:00:18On peut très bien voir aujourd'hui, quand on demande sur la guerre de la Russie,
00:00:22la séparation Est-Ouest en Allemagne, parce que les Allemands de l'Est,
00:00:26parce qu'ils connaissent le Russe et la Russie, ils ne veulent pas de la guerre.
00:00:29Là, maintenant, le problème me semble plutôt être que les élites sont atlantistes.
00:00:34La population ne veut pas la guerre.
00:00:44Ulrike Greau, bonjour et merci d'avoir accepté cette entrevue dans ce magnifique château.
00:00:51Vous êtes professeure en sciences politiques,
00:00:54vous avez donné cours dans des universités, celle du Danube à Krems,
00:00:58la dernière en date est la Rheinische Friedrich Wilhelms Universität de Bonn.
00:01:04Avant cela, vous avez travaillé pendant 25 ans dans divers think tanks européens
00:01:08et dans des universités à Paris, Bruxelles, Londres, Washington, New York et Berlin.
00:01:13Et depuis 2014, vous êtes directrice des European Democracy Labs,
00:01:17vous nous expliquerez ce que c'est.
00:01:20Alors la première question, on va parler de l'actualité,
00:01:23vous avez lancé un appel à la paix européen
00:01:27et je vous propose d'abord de le lire devant nous.
00:01:30Ah d'accord, merci de m'avoir invité.
00:01:33Voilà, donc nous parlons le 6 mai, c'est ça aujourd'hui.
00:01:38Et donc justement, puisque le 9 mai, c'est le jour européen,
00:01:42on a été accoutumé pendant les dernières décennies que le 9 mai on célèbre l'Europe,
00:01:48donc on a pensé à un Europe, à un projet de paix parce que justement tout le monde parle de la guerre.
00:01:53Donc je vais lire là maintenant un manifeste qu'on a rédigé pour après parler du projet,
00:01:57c'est ça ? D'accord, voilà.
00:01:59Donc, projet européen pour la paix, le manifeste.
00:02:03Aujourd'hui, le 9 mai 2025, exactement 40 ans après la fin de la seconde guerre mondiale
00:02:10qui a coûté la vie à 60 millions de personnes, dont 27 millions de citoyens soviétiques,
00:02:16nous, les citoyens européens, élevons la voix.
00:02:20Nous avons honte de nos gouvernements et de l'Union européenne
00:02:23qui n'ont pas retenu les leçons du 21e siècle.
00:02:28L'Union européenne, autrefois conçue comme un projet de paix,
00:02:32a été pervertie et a ainsi trahi l'essence même de l'Europe.
00:02:38Nous, les citoyens européens, prenons donc aujourd'hui, le 9 mai, notre destin et notre histoire en main.
00:02:45Nous déclarons l'échec de l'Union européenne.
00:02:49Nous entamons une diplomatie citoyenne et nous refusons la guerre planifiée contre la Russie.
00:02:56Nous reconnaissons la co-responsabilité de l'Ouest, des gouvernements européens et de l'Union européenne dans ce conflit.
00:03:06Nous, citoyens de l'Europe, nous opposons avec le European Peace Project, avec le projet européen pour la paix,
00:03:14à l'hypocrisie des ententes et aux messages qui seront diffusés aujourd'hui, journée de l'Europe,
00:03:22lors des cérémonies officielles et sur les chaînes publiques.
00:03:26Nous tenons la main aux citoyens et citoyennes d'Ukraine et de la Russie.
00:03:31Vous faites partie de la famille européenne et nous sommes convaincus qu'ensemble,
00:03:35nous pouvons organiser une cohabitation pacifique sur notre continent.
00:03:41Nous avons devant les yeux les images des cimetières militaires de Volgograd à Riga et à la Lorraine.
00:03:48Nous voyons les tombes fraîches que cette guerre insensée a laissées en Ukraine et en Russie.
00:03:54Alors que la plupart des gouvernements de l'Union européenne et des responsables que la guerre harcèlent et refoulent ce que la guerre signifie pour la population,
00:04:03nous avons appris la leçon du siècle dernier.
00:04:07L'Europe, c'est plus jamais la guerre.
00:04:10Nous nous souvenons des efforts de construction européenne du siècle dernier et de ses promesses de 1949 après la révolution pacifique.
00:04:19Nous demandons la création d'un office européen de la jeunesse et de la Russie sur le modèle de l'office franco-allemand de la jeunesse de 1963
00:04:29qui a mis fin à l'hostilité héréditaire entre l'Allemagne et la France.
00:04:34Nous exigeons la fin des sanctions et la reconstruction du gazoduc Nord Stream 2.
00:04:40Nous refusons de gaspiller l'argent de nos impôts dans l'armement et la militarisation au détriment de l'état social et des infrastructures.
00:04:49Dans le cadre d'une conférence de paix de l'OSCE, nous demandons la création d'une architecture de sécurité européenne avec la Russie et non contre elle,
00:05:00comme le stipule la Charte de Paris de 1990.
00:05:04Nous demandons une Europe neutre, émancipée des États-Unis et jouant un rôle de médiateur dans un monde multipolaire.
00:05:12Notre Europe est post-coloniale et post-impériale.
00:05:16Nous, citoyens européens, déclarons par la présente que cette guerre est terminée.
00:05:22Nous ne participerons pas à ce jeu de guerre.
00:05:25Nous ne ferons pas de nos hommes et de nos fils des soldats et de nos filles des infirmières à l'hôpital et de nos pays des champs de bataille.
00:05:34Nous proposons d'envoyer immédiatement une délégation de citoyens européens à Kiev et à Moscou afin d'entamer le dialogue.
00:05:43Nous ne resterons pas là à regarder notre avenir et celui de nos enfants être sacrifiés sur l'autel de la politique de puissance.
00:05:52Vive l'Europe, vive la paix, vive la liberté.
00:05:56Voilà un appel qui va à contre-courant de la DOCSA, évidemment.
00:06:02Et donc, vous considérez que le projet de l'Union européenne est un échec. Et pour quelles raisons ?
00:06:12Déjà, je n'ai pas encore eu l'occasion, mais ce n'est pas moi le projet.
00:06:16On est un groupe d'Européens, c'est vraiment européen.
00:06:20Il y a une femme de Bulgarie, il y a une Suédoise, il y a un Autrichien, il y a un Néerlandais.
00:06:25Donc, on est un groupe d'à peu près une dizaine de personnes.
00:06:28Et d'ailleurs, ça monte, ça grandit tous les jours qui ont lancé ça.
00:06:34Et je voudrais aussi dire qu'on conçoit ça comme un projet d'art.
00:06:39L'art est libre.
00:06:40Bertolt Brecht, une fois, a dit que la scène dans un théâtre peut changer le monde.
00:06:45Donc, ce qu'on prononce sur une scène de théâtre change le monde.
00:06:48Donc, nous imaginons ce manifeste comme un flèche-morphe.
00:06:52Donc, l'idée, c'est de le prononcer, peut-être je dirais ça d'abord avant de répondre à votre question,
00:06:57que le 9 mai 25, 40 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale,
00:07:04que nous prononçons ensemble à 5 heures de l'après-midi,
00:07:07dont toutes les langues européennes se manifestent.
00:07:10Donc, chacun peut le faire là où il habite.
00:07:13On a le manifeste dans une trentaine de langues, y compris les langues régionales,
00:07:17elsaciens, bretons, sur la page web.
00:07:21Et donc, on peut le lire à travers la fenêtre, en dehors de la fenêtre, sur une place publique,
00:07:25comme un flèche-morphe.
00:07:26Ça dure à peu près 3, 4 minutes de le lire.
00:07:28Donc, c'est ça l'idée.
00:07:29Et l'idée, c'est donc de faire un acte performatif, un speech act,
00:07:35un performative speech act, donc un acte performateur de langage,
00:07:39de perforer la paix et de parler de paix le jour où, probablement,
00:07:45nos gouvernements vont nous dire qu'il faut faire la guerre pour avoir la paix.
00:07:48Parce qu'en gros, c'est ça la doxa aujourd'hui, qu'il faut faire la guerre,
00:07:51qu'il faut faire du réarmement.
00:07:54Il y a un projet de l'Union européenne, Rearm Europe, qui maintenant a été...
00:07:58On a changé le titre, donc ça s'appelle Readiness 29,
00:08:04donc préparer l'Europe à la guerre pour être capable de se défendre
00:08:10contre la Russie impériale.
00:08:11Donc, c'est ça la doxa européenne.
00:08:13Et donc, on attend, enfin, j'attends, plusieurs gens attendent que le 9 mai,
00:08:18que le 9 mai soit perverti,
00:08:22parce qu'on va nous raconter qu'il faut faire la guerre pour avoir la paix.
00:08:27Et nous, on veut faire un acte de prononciation contraire.
00:08:30On veut dire non, la paix tout de suite.
00:08:32Nous, les citoyens, nous ne voulons pas de cette guerre.
00:08:35En gros, c'est ça l'idée de ce projet.
00:08:38C'est une prise de conscience.
00:08:39On essaie de faire prendre conscience à un maximum de citoyens européens
00:08:43que la guerre est une impasse.
00:08:46Et d'ailleurs, comment est-ce qu'on peut expliquer le bellicisme des dirigeants européens
00:08:49alors qu'ils admettent que l'Europe de la défense n'existe pas ou n'existe pas encore ?
00:08:54Comment est-il possible qu'ils soient aussi agressifs ?
00:08:59Comment est-ce possible ?
00:09:01Pour moi, c'est difficile à réaliser.
00:09:04Je dois admettre ou je peux volontiers raconter que j'ai travaillé pour Jacques Delors,
00:09:09qui est quand même président de la Commission européenne dans les années 90,
00:09:12donc l'Union européenne à l'époque, donc il y a 30 ans.
00:09:16On avait d'autres visions.
00:09:17On était après 1949, on avait justement la vision de la Charte de Paris.
00:09:22On voulait concevoir une architecture de sécurité avec la Russie,
00:09:26née de l'esprit de Willy Brandt, Olaf Palme, Bruno Kreisky.
00:09:30Et Delors voulait continuer cela.
00:09:32Et donc on voulait une union politique, mais on voulait aussi la paix avec la Russie.
00:09:37Et donc le projet de l'Union européenne sur cela est complètement échoué.
00:09:42Depuis 20 ans, les structures de gouvernance de l'Union européenne,
00:09:46à mon avis, sont technocratiques et complètement échouées.
00:09:49Et probablement parce que c'est comme ça et parce qu'il y a tout principe démocratique
00:09:55dans les structures qui manquent.
00:09:57L'Union européenne a été, comment dire, hijackée.
00:10:04Elle a été cambriolée.
00:10:06Cambriolée, enfin bref, attrapée.
00:10:09Parce que là maintenant, on a l'impression qu'il y a une tendance,
00:10:13qu'il y a une natoisation de l'Union européenne,
00:10:17que l'Union européenne et l'OTAN doivent être congruents,
00:10:20qu'en plus du European Digital Service Act, il y a plus de surveillance.
00:10:24Donc en fait, que tout le système européen technocratique soit dans l'emprise
00:10:29d'établir quelque chose qui ne correspond aucunement
00:10:35à ce qu'on avait envisagé dans les années 90.
00:10:37Donc pour démontrer ceci, dans le manifeste,
00:10:43vous trouvez justement la phrase « l'Union européenne est échouée ».
00:10:47Donc le projet est aussi échoué parce que, c'est comme dans une biographie personnelle,
00:10:53quand vous êtes en rupture avec votre propre histoire, vous mourez.
00:10:58Donc l'Union européenne qui commence en 1950,
00:11:01on peut analyser dans les détails comment ça a monté.
00:11:05Il y avait du bon et du mauvais, je ne veux pas glorifier l'Union européenne,
00:11:08il y avait toujours des problèmes, on peut parler de tout ça,
00:11:11de De Gaulle, chaises vides, de l'or,
00:11:14mais il y avait toujours une ambition de démocratiser le projet
00:11:18jusqu'à la constitution de 2003 qui échoue.
00:11:24Et c'est là, à mon avis, où l'Union européenne perd son histoire
00:11:31d'avoir été conçue comme projet de paix, son projet de démocratisation,
00:11:36et comme une biographie d'une personne, quand vous êtes en rupture,
00:11:40parce que là, la perversion, c'est qu'on nous raconte depuis trois ans
00:11:44qu'un projet de paix doit maintenant être un projet de guerre,
00:11:47et que tout l'armement, la militarisation, 500 milliards d'argent
00:11:53que Mme von der Leyen veut maintenant pour mener la guerre
00:11:55ou la défense contre la Russie impériale, dite impériale,
00:11:59et donc quand on est en perversion, donc en trahison de soi,
00:12:03normalement on ne survécut pas.
00:12:06Et donc c'est pour ça que la phrase est dedans.
00:12:09Mais les pragmatiques diront qu'il faut évoluer,
00:12:12et que l'Union européenne n'a pas à rester figée dans ces vieilles formules,
00:12:16et qu'en fonction des circonstances nouvelles,
00:12:18il faut évoluer éventuellement vers une Europe de la guerre.
00:12:22C'est ce que les pragmatiques pourraient dire.
00:12:24C'est ce que l'industrie d'armement dira, parce qu'ils en profitent.
00:12:28Je parle sur les pragmatiques.
00:12:32C'est ceux qui sont peut-être maintenant députés européens
00:12:34et qui, eux, sont tous angoissés qu'il y a quelque chose.
00:12:38Moi, je connais plusieurs députés européens
00:12:41qui sont eux-mêmes complètement affoulés de voir le Parlement européen
00:12:48voter un texte sur l'autre d'une militarisation.
00:12:51Alors, quand vous êtes député, il y a toujours le problème
00:12:55que vous vivez du Parlement dans lequel vous êtes assis,
00:12:59vous voulez faire différemment,
00:13:00mais vous voyez une vague de militarisation,
00:13:03et donc c'est très difficile de tenir compte.
00:13:06Mais là encore, je crois que le système est déjà
00:13:10dans une espèce d'être hijacked,
00:13:12de tourner au vinaigre, comme on dit en français.
00:13:16Donc, après, vous dites évolution.
00:13:19Non, je ne pense pas.
00:13:20Je pense que le moment d'évolution démocratique a été raté
00:13:24justement avec la Constitution, le projet de Constitution,
00:13:26que je ne veux pas glorifier non plus,
00:13:28mais au moins, on avait un projet de Constitution
00:13:31qui était néolibéralisé.
00:13:33Après, il y avait des interférences américains,
00:13:35qu'on peut vous souvenir.
00:13:37C'était le même moment de la guerre de l'Irak,
00:13:39la Constitution, puis après venait le non.
00:13:42Il y avait le non français en 2005.
00:13:44Il y avait la question de l'accès de la Turquie.
00:13:47Donc, il y avait toute une amalgamation de bien des choses.
00:13:50Donc, en fait, le projet politique de démocratisation,
00:13:53pour moi, est mort à ce moment.
00:13:56On a essayé de rattraper avec le traité de Lisbonne,
00:13:58mais c'était déjà perdu.
00:14:00On peut très bien voir en France que Mélenchon surmerge,
00:14:04émerge donc la gauche populiste, dite populiste,
00:14:07avec un discours contre l'Union européenne,
00:14:09émerge au même temps que Marine Le Pen
00:14:12émerge avec un discours contre l'Union européenne.
00:14:14Donc, d'ailleurs, pas uniquement en France,
00:14:16mais un peu partout en Europe.
00:14:18Donc, on voit très bien que ça, c'était mort en 2003.
00:14:21Et puis, après vient la crise bancaire.
00:14:23L'Europe a très mal réagi.
00:14:25On se planche dans la politique d'austérité.
00:14:28Hollande essaie de tenir un peu,
00:14:30mais en fait, ne peut pas tenir contre Angela Merkel.
00:14:33Et allez, on était parti.
00:14:35Après vient la crise migratoire.
00:14:37Là-dessus, la corona.
00:14:39Là-dessus, maintenant, la guerre.
00:14:40Donc, en fait, ça fait au moins 15 ans
00:14:43que l'Europe est dans un bordel,
00:14:47dans une impasse totale au niveau de la gouvernance.
00:14:51Et toute question de réforme institutionnelle,
00:14:54plus personne n'en parle.
00:14:55Et c'est justement ça.
00:14:56Si vous dites évolution,
00:14:58la seule chose dont on parle aujourd'hui,
00:15:00c'est qu'il faut évoluer le système
00:15:02vers une militarisation
00:15:04et vers plus de contrôle
00:15:06à travers du European Service Act.
00:15:07Pour moi, ce n'est pas une évolution.
00:15:09Pour moi, c'est une malédiction du projet européen.
00:15:12C'est pour ça qu'on a dit que le projet démocratique
00:15:15d'une union paisible et sociale est échoué dans le temps déjà.
00:15:20Il y a deux organismes dont on ne parle plus.
00:15:22C'est la Charte de Paris qui a été signée en 1990, d'une part,
00:15:26et l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe.
00:15:29Maintenant, les autorités n'en parlent plus.
00:15:31C'est comme si ça n'avait pas existé.
00:15:33Oui, je me souviens bien.
00:15:36J'étais jeune fille, mariée à un Français à un moment.
00:15:39J'habitais Paris, je me souviens,
00:15:41Paris qui était sous tous les drapeaux,
00:15:44la gaieté, 89, moment paisible de la Révolution,
00:15:48Europe whole and free, donc on accueillait l'Est.
00:15:51C'était un grand moment.
00:15:52Et dans la rétrospective, vous vous souvenez,
00:15:56on nous a aussi raconté,
00:15:57c'était aussi une blague vue d'aujourd'hui,
00:16:00mais end of history à Fukuyama.
00:16:02Donc on nous a dit, là maintenant,
00:16:04le Ouest a gagné et nous,
00:16:06tout le monde va être libéral et démocratique et tout.
00:16:0830 ans après, on va dire que tout ça,
00:16:11c'est comme échoué grossièrement.
00:16:14Et moi, justement, j'étais jeune,
00:16:16mariée à Paris avec deux enfants petits en 89.
00:16:19Je voyais le contre-projet,
00:16:21c'est-à-dire qu'il faut quand même s'imaginer que vu d'aujourd'hui,
00:16:26je sais qu'aujourd'hui,
00:16:28beaucoup de gens regardent sur l'Union européenne et disent
00:16:31« Depuis le début, c'était maudit. »
00:16:33Je ne dirais pas ça.
00:16:35J'ai quand même connu Delors.
00:16:36Delors était catholique, syndical, socialiste.
00:16:40Enfin, je pourrais raconter des histoires,
00:16:42mais Delors, il y avait quand même des Mitterrand aussi,
00:16:45Kohl aussi, Juncker aussi.
00:16:47Il y avait des gens qui voulaient vraiment l'Europe.
00:16:48Enfin, c'était encore la génération de la guerre.
00:16:51Ils avaient tous la guerre sur les épaules et dans leur famille.
00:16:54Donc dans les années 90,
00:16:56je pense, le projet n'était pas encore pédu.
00:17:00Par contre, ce qu'on n'a pas saisi en tant qu'Européens,
00:17:04je crois, vu qu'on est toujours plus sages quand on regarde vers l'arrière,
00:17:10mais on n'a pas encore vu, disons, dans les années 90,
00:17:13la nécessité de s'émanciper sur le continent et de faire notre projet.
00:17:19Parce qu'on était très dans le projet aussi, l'élargissement de l'OTAN.
00:17:23Et donc, c'était un peu parallèle, l'élargissement de l'Union européenne.
00:17:27On accueillit l'Est, mais aussi l'OTAN.
00:17:30Donc, on était encore très atlantisés.
00:17:32Et je pense qu'on n'a pas supposé, en tant qu'Européens,
00:17:36parce qu'on était aussi surpris par le moment.
00:17:38Moi, je suis allemande, mais le 9 novembre, quand le mur est tombé,
00:17:42on est tous là.
00:17:43Bon, on nous raconte depuis 40 ans que le mur a tombé.
00:17:46Là, maintenant, il tombe. Qu'est-ce qu'on fait ?
00:17:48Donc, on était tous surpris.
00:17:49Et je pense que, et j'ai écrit ça dans mes livres,
00:17:53mais que les citoyens européens étaient surpris par le moment
00:17:57et n'ont pas su gérer la situation.
00:18:00Et c'est-à-dire que l'OSCE qu'on voulait construire,
00:18:03cette architecture de la paix qui vient de Willy Brandt,
00:18:06de Bruno Kreisky, d'Olaf Palme et de tout ça,
00:18:09ce moment, on a essayé.
00:18:11Il ne faut pas, quand même, Kohl et Yeltsin,
00:18:13on peut dire ce qu'on veut, Kohl et Yeltsin, Zauner Connection et tout ça.
00:18:17Mais au moins, Kohl n'était pas anti-russe.
00:18:20Et Mitterrand non plus.
00:18:22Mitterrand est même allé à l'Est, il a vu Egon Krentz.
00:18:25Vous voyez, ce que je veux dire, c'est que l'histoire est encore ouverte.
00:18:30Et après, on pourrait aller dans les détails,
00:18:33mais je dirais que l'histoire se clôt dans les années 2001, 2003, 2004.
00:18:39Parce que, un, on fait l'euro qui est trop néolibéralisé.
00:18:43Deux, on échoue la constitution européenne,
00:18:46donc la démocratisation de l'euro.
00:18:48Trois, on ne fait pas la charte sociale que Delors a voulue.
00:18:51Quatre, l'Est arrive dans les institutions européennes
00:18:54et du coup, les institutions sont brouillées par un peu trop de pays.
00:19:00Et en plus, l'Est, surtout la Pologne, était russophobe.
00:19:05Donc du coup, la russophobie fait son chemin dans les institutions européennes.
00:19:11Et après, l'histoire, on peut la raconter.
00:19:14De là à Lisbonne, crise bancaire, etc.
00:19:19Et là, maintenant, on est aussi dans la très grande tragédie,
00:19:24que la jeunesse ne sait plus ce qu'on voulait.
00:19:27Quand vous dites OECD, la jeunesse, ils ne savent plus.
00:19:30Willy Brandt, Kreisky, Palme, tout ça, ne connaissent plus.
00:19:34Ni Mitterrand, ni Delors.
00:19:36Moi, je suis professeure, dans mes classes, je dis Jacques Delors.
00:19:39Je crois que tout le monde connaît Jacques Delors, et bien non.
00:19:42Et donc, on est en train d'enterrer notre projet historique et civilisatoire,
00:19:48c'est-à-dire, là, maintenant, on a une jeunesse qui fait TikTok et tout,
00:19:51et qui est bien ailleurs dans ses discours.
00:19:54Et rattraper le projet européen, sur le plan de ce que ça aurait dû être historiquement,
00:20:01je pense qu'on est en vraie césure.
00:20:03Justement, comment faire avec une jeunesse qui est justement
00:20:07addicte au consumérisme d'Internet et des réseaux sociaux,
00:20:11comment faire pour la remobiliser et la motiver
00:20:15pour former un office européen de la jeunesse et de la Russie,
00:20:18comme vous le proposez dans le manifeste ?
00:20:20Nous proposons, parce que ce n'est pas que moi.
00:20:24Bon, c'était le réflexe de dire, l'Europe a juré, l'Europe ne sait plus jamais de la guerre,
00:20:30et pour faire ceci après la Deuxième Guerre mondiale,
00:20:34il y avait quand même la grandeur de de Gaulle, de venir à Bonn,
00:20:37de faire le discours à la jeunesse allemande,
00:20:40et après, de faire le traité d'Élysée,
00:20:42qui aurait dû être un traité de sécurité, d'ailleurs,
00:20:46et parce que les Allemands ont mis une préambule pro-l'OTAN
00:20:49dernière seconde, dont le traité de Gaulle était un peu déçu.
00:20:55Vous vous souvenez de la phrase ?
00:20:57Il a dit que les traités meurent comme les jeunes filles défleuries.
00:21:06Et donc en fait, au lieu de devenir un traité de défense européen en 1963,
00:21:13ça devient l'offage, donc l'office franco-allemand.
00:21:17Il l'empêche. Enfin, moi, j'étais dans ce bain.
00:21:20Après, j'ai épousé un Français, donc ça a marché.
00:21:24Le franco-allemand, il y avait quand même toute une institutionnalisation du franco-allemand.
00:21:30Relations Giscard, Helmut Schmidt, Kohl, Mitterrand, Chirac, ainsi de suite.
00:21:39Maintenant, ça aussi, c'est fini. Le franco-allemand, c'est aussi fini, je le regrette.
00:21:45Il l'empêche que pour un moment donné, c'était clair qu'on essaie de gagner la jeunesse
00:21:51pour un autre discours qui nous sort de cette idée d'un héréditage d'ennemis,
00:21:57d'ennemis d'héritage, 1872, Première Guerre mondiale et tout.
00:22:02Et je pense que ça, c'est réussi.
00:22:05Le problème, c'est que maintenant, avec la Russie, l'Europe se trouve à nouveau en guerre.
00:22:09Donc, on est en rupture avec nos propres promesses, plus jamais de la guerre.
00:22:14La guerre est sur le continent.
00:22:15Je pense, et c'est aussi dans le Manifeste, que l'Ukraine, les Ukrainiens et la Russie
00:22:21font partie de la famille européenne.
00:22:23Les Russes le sentent très fortement quand ils parlent de Dostoyevski, de Tolstoy, de Bolshoï Théâtre.
00:22:31Enfin, les Russes, c'est de la littérature.
00:22:35Même la France et la Russie, il y avait toujours la blague.
00:22:40Quand il faut voyager de Paris à Moscou, ils se prêtent à changer le cheval à Berlin.
00:22:46Voilà, donc, c'était toujours ça.
00:22:50Et là, maintenant, on est en rupture parce qu'on veut faire la guerre,
00:22:53on veut faire une séparation nette, en fait, de la mer Baltique jusqu'en Turquie.
00:22:58Comment dire, les sanctions et tout, c'est complètement aberrant.
00:23:02Et je pense qu'il faut réanimer un projet civilisationnel avec la Russie, aussi culturel.
00:23:14Il me semble que c'est très important.
00:23:16Et c'est pour ça que le problème, c'est que personne ne parle russe.
00:23:20Tout le monde parle américain, personne ne parle russe.
00:23:23Donc, la plupart des personnes qui, maintenant, sont dans la propagande à la Russie impériale et tout,
00:23:28n'ont jamais mis pied en Russie, n'ont jamais vu la beauté du paysage,
00:23:33n'étaient jamais à Saint-Pétersbourg, où ils ont vu les méritages,
00:23:36n'ont jamais été à Moscou, n'ont jamais eu la littérature d'Ossievski,
00:23:41tout ça, ce que la Russie nous a apporté en littérature.
00:23:44Madame Bovary, les traductions qu'on a eues dans le temps.
00:23:49Et donc, c'est pour ça qu'on propose, parce que l'ophage, l'office franco-allemand,
00:23:55il y avait quand même une politique derrière, soutenir l'apprentissage de l'allemand dans les écoles français et vice versa.
00:24:02Et ça nous a porté quand même 40 ans avec une connaissance de l'allemand en France, une connaissance du français.
00:24:08Moi, j'ai appris le français à l'école allemande.
00:24:10Donc, c'est pour ça que je peux parler aujourd'hui ici.
00:24:14Et je pense que si on veut reconstruire un Europe avec la Russie, comme on a conçu,
00:24:19il faudrait qu'on connaisse la Russie, qu'on connaisse les Russes et qu'on connaisse leur langue.
00:24:24Et c'est la base.
00:24:26C'est une tâche immense, évidemment, puisque c'est un cyrillique.
00:24:29C'est un peu plus compliqué encore à apprendre que l'anglais.
00:24:32Et puis, il faut déconstruire ce qui a été construit depuis 1945,
00:24:37c'est-à-dire cette glorification des Américains qui ont sauvé l'Europe,
00:24:41oubliant que les Russes ont fait la majeure partie du boulot finalement, en tout cas en perte d'hommes et perte de guerre.
00:24:49C'est une tâche de Gaulle, je dirais, vaste programme.
00:24:53Et Derrida dirait, c'est impossible, mais c'est nécessaire.
00:24:58C'est comme Derrida, donc Jacques Derrida.
00:25:01Donc, oui, je suis d'accord, vaste programme et impossible, mais c'est nécessaire.
00:25:05Mais quoi d'autre ?
00:25:06Donc, on peut aussi donner tous nos cerveaux à l'intelligence artificielle et dire,
00:25:14on vit dans la commodité ou alors on est aigre.
00:25:17Et puis, ça fait du bien de, comment dire, d'être un peu lucide dans sa tête.
00:25:23Pourquoi ?
00:25:24Je pense après, comme toujours, tout est une histoire d'argent.
00:25:30Si on munit les écoles avec l'argent pour faire une éducation, avec une éducation de Russes, ça marcherait.
00:25:38On a quand même éduqué les enfants en anglais.
00:25:41Regardez en ex-RDA, les Allemands de l'Est, l'Allemagne est très intéressante
00:25:46parce qu'on a encore cette division Est-Ouest.
00:25:49Et puisque les citoyens de l'Allemagne de l'Est ont encore tous appris russe à l'école.
00:25:55Les plus anciens.
00:25:56On peut très bien voir aujourd'hui, quand on demande sur la guerre de la Russie,
00:26:00la séparation Est-Ouest en Allemagne parce que les Allemands de l'Est,
00:26:04parce qu'ils connaissent le Russe et la Russie, ils ne veulent pas de la guerre.
00:26:07Donc, la connaissance, parce que c'est ça,
00:26:11toute la propagande aujourd'hui, ça ne marche qu'à maudire les Russes.
00:26:17Presque à penser qu'ils vivent encore dans les arbres.
00:26:19C'est pas juste l'ignorance.
00:26:20Voilà. Non, non, mais c'est aussi maudire, un peu les déshumaniser.
00:26:26Alors que les gens n'ont pas d'idée que le métro à Moscou, à quel point c'est beau,
00:26:32plus beau qu'à Berlin, à quel point les Russes...
00:26:36Vous voyez, les gens, quand on imagine la Russie,
00:26:39je pense que l'image, c'est toujours l'image soviétique, en gros,
00:26:43retardée, alors que la Russe est totalement modernisée,
00:26:47beaucoup plus propice, d'une certaine manière, que l'Allemagne dans plusieurs secteurs.
00:26:52Donc, je pense que c'est ça qu'il faut changer et d'urgence.
00:26:56Et je suis d'accord.
00:26:57Là, maintenant, le problème me semble plutôt être que les élites sont atlantistes.
00:27:03La population ne veut pas la guerre.
00:27:05Moi, j'ai beaucoup d'amis à travers l'Europe, du Lisbonne à Helsinki.
00:27:10Donc, ce qu'on peut comme ça, personne ne veut la guerre.
00:27:15Pas les Grecs, pas les Français, de base, de souche, les Allemands non,
00:27:19les Roumains non plus, les Hongrois, personne ne veut la guerre.
00:27:24Il y a l'Union européenne et le leadership, quand il y a Calas, Estonia,
00:27:30qui probablement, et j'ai dit ça dans d'autres interviews,
00:27:34parce que, voyez, puisque je parle en français, il y a Laurent Gaudet.
00:27:38C'est un écrivain français qui a fait un épose merveilleux.
00:27:42Il a eu un prix littéraire en 2016.
00:27:45Ça s'appelle l'Europe, un banquet des peuples.
00:27:47Je conseille à tous ceux qui entendent aujourd'hui de regarder ça.
00:27:52Il y a aussi un groupe de théâtre, c'est Roland-Rosé, un ami à moi,
00:27:56qui est un groupe de théâtre européen, donc 40 personnes de différents pays
00:28:01et qui ont mis sur scène cet épose banquet des peuples.
00:28:05Ça se trouve dans l'internet, même le trailer de la scénarie.
00:28:10Dans cet épose, il y a une phrase qui, je pense, est très importante
00:28:14pour ce qu'on est en train de discuter.
00:28:19Ce que nous partageons en Europe, c'est qu'on a été tous bourreaux et victimes.
00:28:24Donc, quand on voit l'histoire européenne, avec toutes les petites guerres,
00:28:28vous voyez, tous bourreaux et victimes.
00:28:31Et Roland-Rosé, on conclut que nul n'a le droit
00:28:37d'imposer son propre trauma de guerre sur les autres.
00:28:43Donc, je peux très bien comprendre que les Baltiques, les Estoniens,
00:28:47les Litouaniens, les Latviens ont un trauma de la Russie staliniste, stalinienne.
00:28:54Je peux bien comprendre.
00:28:56Mais si, en Europe, avec Hitler, avec la Pologne entre Staline et Hitler,
00:29:02avec la guerre de Franco, avec les obrisques, si tout le monde sort son trauma,
00:29:09voilà, et donc la phrase de Laurent Godet, on a été tous bourreaux et victimes.
00:29:13Et c'est ça, ce que nous partageons.
00:29:15Ça veut dire que nul n'a le droit d'imposer son propre trauma à l'histoire européenne.
00:29:21Et moi, j'ai l'impression que Kaya Kalas, qui est Estonien,
00:29:24dont le père était déjà commissaire estonien dans la première commission de Delors
00:29:30quand l'Estonie a gagné l'Europe,
00:29:33que c'est certainement une famille, et je m'agenouille devant ça,
00:29:37qu'il y a eu la terreur de Staline et tout.
00:29:39Il n'empêche que j'ai l'impression que la politique de l'Union européenne
00:29:44aujourd'hui est déterminée par une vision très balte sur la Russie
00:29:48qui ne correspond pas à l'avis général de l'Union européenne.
00:29:54C'est-à-dire qu'on est dans l'emprise d'une certaine politique qui est déterminée par l'avis général de l'Union européenne.
00:30:04Donc on est un peu dans l'emprise d'un certain trauma
00:30:07qui maintenant fait politique en Union européenne au lieu de se souvenir de Laurent Godet.
00:30:14Et donc, si vous voulez dire qu'il faut déconstruire 80 ans ou 70 ans de l'histoire européenne,
00:30:21commençant avec Laurent Godet, si on mettrait tout l'argent qu'on met maintenant dans les armements,
00:30:27dans le troupe de théâtre de Roland-Rosé, pour avoir cette pièce de théâtre partout en Europe,
00:30:33dans toute ville de l'Europe, de Bucarest à Boudapest à Riga,
00:30:39je pense qu'on aura un vrai effort de citoyenneté européenne.
00:30:42Je suis convaincue.
00:30:44Ça commence avec la culture et ça recommencera avec la culture.
00:30:48On est dans une situation quand même inédite historiquement en Europe pour le moment,
00:30:53puisque d'une part, les élites européennes sont anti-russes et donc bellicistes envers la Russie,
00:31:00et d'autre part, commencent à se séparer des États-Unis, bien contre, malgré leur volonté d'ailleurs.
00:31:07Et donc, comment est-ce qu'on a pu reconstruire une identité sans le soutien des États-Unis
00:31:15et avec des visées bellicistes envers la Russie ?
00:31:19Ça me paraît une équation impossible.
00:31:22Et pourtant, la plupart des élites semblent fantasmer sur justement une politique de puissance, comme vous dites.
00:31:31Oui, c'est très compliqué, parce que là maintenant, on est un peu à travers.
00:31:35Il y a la moitié de l'Europe qui célèbre Trump.
00:31:37Il y a la moitié de l'Europe qui est complètement anti-Trump.
00:31:40Il y a la moitié des Américains qui sont contre Trump.
00:31:43Et la moitié des Américains qui disent maintenant que l'Amérique libérale doit se réfugier en Europe.
00:31:48Parce qu'il y a maintenant les premiers appels qui disent, par exemple, Timothy Snyder,
00:31:52qui était très connu, a parlé sur la Russie et l'Ukraine,
00:31:56qui a ouvertement annoncé sur X que maintenant les États-Unis deviennent fascistes ou ides,
00:32:03et qu'il va se sauver en Europe.
00:32:05Et qu'il y a les premiers appels, même à la radio allemande,
00:32:08de dire que les facultés européennes doivent s'ouvrir aux réfugiés académiques américains.
00:32:14Ce qui est quand même un peu tordu, parce qu'on peut peut-être parler de ça aussi.
00:32:19Mais en Allemagne, il y a la même chasse aux académiques qui défendent des choses outre-Coladauxa.
00:32:27Donc il y a la « cancel culture » sur plusieurs domaines en Allemagne aussi,
00:32:30que ce soit la sexualité et combien de sexe il y a.
00:32:35Il y a plusieurs cas en Allemagne très célèbres.
00:32:38Il y a même un livre qui s'appelle « Removal of German Universities »
00:32:48Il y a un sociologue qui s'appelle Heike Eichner,
00:32:53qui a fait une étude de 60 pages sur les licenciements politiques des universités allemandes sur les derniers 4 ans.
00:33:03C'est pour ça que j'appelle ça dans mon prochain livre qui va sortir sous peu,
00:33:09j'appelle ça la « Transatlantische Bürgerkrieg », la guerre civile transatlantique.
00:33:15Parce que votre question, c'est comment maintenant se retrouver entre Européens et Américains ?
00:33:22Je crois que c'est le mauvais paradigme, parce qu'en fait on est « crossed over ».
00:33:29Du coup, je parle d'une guerre civile transatlantique, en gros, populisme contre libéralisme.
00:33:36En gros, c'est ça, c'est ça maintenant.
00:33:38Et on le voit qu'on est en train de passer un échange politique en guerre juridique,
00:33:47« lawfare », c'est-à-dire qu'on a voulu arrêter Trump,
00:33:52on a même essayé de l'assassiner, mais bon, il faut analyser ces cas.
00:33:57Mais déjà, on a essayé de mettre Trump à la prison.
00:34:01Maintenant, Marine Le Pen, elle a des fousses-fesselles et puis elle ne peut pas être candidate.
00:34:06On a vu une défection des élections en Roumanie, la deuxième tour.
00:34:12On veut maintenant interdire l'AfD en Allemagne.
00:34:17Donc, en fait, c'est ce que dans les temps, on a appelé « rechts positivismus »,
00:34:22donc un positivisme de droit qui est toujours un peu para-autoritaire.
00:34:27Et donc, en fait, on est en train de transcendre un débat politique
00:34:33dans un débat juridique qu'on appelle « lawfare ».
00:34:36Et tout ça, ça se fait dans une plateforme atlantique.
00:34:41Donc, je ne dirais pas que c'est les États-Unis contre l'Union européenne,
00:34:45mais c'est plutôt certaines élites, disons, l'administration Biden,
00:34:49les libéraux américains avec les élites atlantistes européennes.
00:34:53Là, je suis d'accord que maintenant, on a l'impression,
00:34:57puisque les élites libérales aux États-Unis ne sont plus au gouvernement,
00:35:02c'est comme s'ils avaient donné le flambeau aux élites européennes.
00:35:07C'est d'ailleurs, vous savez, la prêtre évangélique qui a parlé après Trump,
00:35:17je n'ai pas son nom en tête, mais quand elle a dit « we are now in danger,
00:35:23so we give it to Europe, we surrender, you need to continue the fight for freedom ».
00:35:28Donc, on a l'impression que maintenant, c'est l'Europe libérale
00:35:34qui doit tenir le flambeau de la liberté contre la vague populiste,
00:35:38trumpiste et la vague bleue, disons, en Europe.
00:35:43Moi, je crois que c'est un paradigme complètement faux et faussé,
00:35:47et ça ne va pas nous amener loin.
00:35:50Le manque, c'est que si on dit que c'est plutôt élites contre peuple,
00:36:01la réelle question, c'est qu'est-ce qu'on va faire ici en Europe ?
00:36:04Et là, la question, c'est est-ce qu'on a besoin des Américains pour faire l'Europe ?
00:36:08Question numéro un.
00:36:09Est-ce qu'on peut concevoir une Europe post-atlantiste ?
00:36:13Est-ce qu'on peut intellectuellement, est-ce qu'on peut retrouver notre civilisation ?
00:36:16Est-ce qu'on peut dire, nous, notre café, ce n'est pas Starbucks, mais Zegafredo ?
00:36:20Et d'ailleurs, Zegafredo est un peu mieux que Starbucks.
00:36:23Est-ce qu'on peut dire que notre cinéma, ce n'est pas Hollywood,
00:36:27mais que c'est Chabrol et Pasolini ?
00:36:29Et d'ailleurs, c'est un peu mieux que Starbucks.
00:36:32Est-ce qu'on peut retrouver ça ? Et où on le retrouvera ?
00:36:35Est-ce qu'on peut peut-être même retrouver, pour les conservateurs, le latin ?
00:36:39Qu'est-ce qu'on peut retrouver comme imago européen ?
00:36:42Pour moi, c'est la question centrale.
00:36:45Une fois qu'on correspond, qu'on répond à cette question,
00:36:49je pense qu'on trouvera une espèce d'identité européenne
00:36:52qui émane de l'Empire latin, de la République des Lettres,
00:36:56la République des Lettres qui, dans le Moyen Âge,
00:36:58nous a unies, de Erasmus à Rotterdam et tout.
00:37:01La notion de la République, République française, République ad italiana,
00:37:05République fédérale, République autrichienne et tout,
00:37:07donc on a un truc, malgré qu'on est séparés en plusieurs langues,
00:37:13mais je trouve qu'on a quelque chose en commun, et tout le monde le sent.
00:37:20Je voyage beaucoup en Europe, vous êtes au Portugal ou en Finlande,
00:37:26personne ne veut être rétracté dans son état national, ce n'est pas ça.
00:37:30Les gens ont un goût pour l'Europe,
00:37:33sauf que la structure politique et institutionnelle de l'Union européenne ne porte pas.
00:37:37Donc il s'agit de retrouver la civilisation européenne à travers de ça,
00:37:44de dire est-ce qu'on peut être émancipé des Etats-Unis ?
00:37:48Là c'est compliqué parce qu'évidemment les structures économiques avec la bourse,
00:37:53c'est très transatlantique, c'est très fort.
00:37:57Après il y a le GAFA, Google, Amazon et tout,
00:38:00donc toutes nos serveurs, l'identité digitale c'est aussi un grand truc à couper.
00:38:05Et trois, le militaire, l'OTAN.
00:38:07Donc en fait sur le militaire, sur l'économie et sur le digital,
00:38:11il faudrait couper fort et si on voulait et si on pouvait faire un projet d'émancipation européenne,
00:38:18ça devrait commencer là, c'est-à-dire retrouver la culture.
00:38:22Et là-dessus, sur l'économique, sur le digital et sur le militaire, reconstruire quelque chose.
00:38:29Moi je dis qu'il faut aussi ouvrir le sens de la réflexion.
00:38:34Il y avait dans l'histoire, parce que vous avez dit qu'il faut reconstruire 90 de l'histoire,
00:38:43il y avait des propositions de l'Europe neutre, 52, la note de Staline et tout.
00:38:48Je pense qu'il faudrait se donner la liberté de réfléchir à une Europe neutre dans un monde multipolaire.
00:38:55Je me permets de montrer, il y a un très joli bloc, c'est Pascal Lothage, il est Suisse,
00:39:02il enseigne à l'université au Japon, je pense que c'est Tokyo, mais je ne suis pas sûre.
00:39:07Il a Neutrality Studies, donc il est en train de tisser le réseau global pour la neutralité, parce qu'il est Suisse.
00:39:14Je trouve qu'il faut s'inspirer là, dans un moment de scission, mais on est en pleine scission de tout.
00:39:21Tout le monde le sent qu'il y a tous nos systèmes qui en gros se dégringolent, c'est le temps de penser large.
00:39:29Donc la neutralité européenne, pour moi, c'est quelque chose de palpable,
00:39:34et je pense que c'est vers cette direction qu'il faut penser, ou permettre la réflexion,
00:39:39parce que la question, pour moi, c'est deux questions.
00:39:42Quelle Europe institutionnelle et politique après l'Union européenne ?
00:39:50Et quelle Europe pour le monde multipolaire ?
00:39:52C'est les deux questions qui doivent répondre.
00:39:55C'est dur, je suis d'accord.
00:39:57C'est dur, si je peux me permettre aussi, parce que, je ne veux pas dire malheureusement,
00:40:03mais c'est vrai qu'on a un problème migratoire en Europe.
00:40:07Moi, je suis très ouverte, ce n'est pas ça, je ne dénigre pas la migration.
00:40:13Mais c'est vrai que quand on a pensé l'Europe dans les années 90, avec aussi les projets d'Erasmus et tout ça,
00:40:22ce qu'on voulait, c'est forger un esprit européen pour bâtir une Europe politique.
00:40:28Là, maintenant, nous nous trouvons dans des sociétés très harcelées.
00:40:35Il y a les juifs, les musulmans, les ukrainiens, les minorités, les polonais.
00:40:39Vous voyez, je veux dire, ce n'est pas de mélanger les finlandais avec les Slovaques, avec les Français,
00:40:46et de bâtir un projet européen.
00:40:48On a les arabes, les marocains, c'est vraiment melting pot.
00:40:54Mais l'Europe, ce n'est pas melting pot.
00:40:56L'Europe est pluribus unum, divers mais unis, divers par origine et identité européenne, unis dans la loi.
00:41:13C'était ça, l'Europe.
00:41:16Là, maintenant, on se trouve avec une migration qui, en fait, est non européenne,
00:41:19donc islamiste, pas catholique ou chrétienne.
00:41:23Il y a maintenant la guerre ukrainienne qui a fait une vague de réfugiés en Allemagne.
00:41:29Donc, ça crée des problèmes dans la classe parce qu'on a quand même 4 millions de Russes en Allemagne.
00:41:35Donc, les étudiants, les élèves russes dans nos classes, là, maintenant, vous avez les Ukrainiens dans les mêmes classes.
00:41:41Donc, vous voyez les bagarres avec tout ça, avec en plus une migration où il y avait un racisme dans la migration
00:41:51parce que les réfugiés d'Ukraine ont été mieux traités que les réfugiés, disons, d'Ethiopie ou du Soudan.
00:41:58Donc, tout ça, ça fait une amalgamisation de nos sociétés et d'ailleurs aussi un ressentiment, un chauvinisme
00:42:05que, du coup, cette vague populiste de dire « nous, notre nation, notre souveraineté » s'imprime là, maintenant.
00:42:12Et je regarde ça et je dis que c'est en fait une tragédie que ce projet européen de « épluribus unum »
00:42:21a été, comment je pourrais dire, « ontachpult » par la migration extérieure.
00:42:32Parce que je pense qu'en tant que citoyens européens, avec toutes nos différentes identités – Bretons, Alsaciens, Tiroliens, Catalanes, Bohémiens –
00:42:43on aurait pu trouver une espèce d'identité européenne à bâtir un projet européen.
00:42:49Mais là, maintenant, avec la migration en large, c'est devenu vraiment très, très compliqué.
00:42:55C'est parce que l'idéologie officielle des États de l'Union est progressiste et voit, évidemment, dans les « no borders, refugees welcome »
00:43:05un signe, justement, du progrès, du progrès social. Et voilà, c'est un peu difficile d'aller contre ce préjugé tellement il est ancré dans les médias, par exemple.
00:43:15Oui, et c'est un problème pour la gauche parce que c'est la gauche qui, normalement, est internationaliste, donc ouverte et anti-raciste et tout cela.
00:43:23Et la même gauche, outre que Sarah Wagenknecht, qui a échoué son projet en Allemagne – je connais Sarah Wagenknecht personnellement –
00:43:31mais c'était effectivement de dire, en tant que gauche – enfin, Sarah Wagenknecht, pour moi, c'est la vraie gauche, c'est-à-dire qu'elle ne fait pas du « diversity » et tout cela,
00:43:42mais la gauche, c'est classe. Et donc, le projet de Sarah Wagenknecht a échoué avec les dernières élections, elle n'est pas rentrée au Bundestag.
00:43:52Mais Sarah, elle était clairement à dire que la migration, il y a un réel problème. Et donc, du coup, il y avait un clivage entre la gauche, Die Linke, et Sarah Wagenknecht,
00:44:01avec la gauche, Die Linke, qui est devenue bouquiste et moraliste sur tous les sujets comme le climat, la migration, le gender et tout cela,
00:44:11alors que Sarah Wagenknecht a voulu tenir l'argument de classe sociale primo. Donc, je pense qu'il y a un vrai problème là.
00:44:19Et je dis ça, vous voyez, je connais très bien Étienne Balibar, qui est quand même un grand homme, un grand philosophe, historien français, Paris VIII, je le connais personnellement.
00:44:30Il a écrit ce livre qui m'a beaucoup fascinée à l'époque. Il l'a écrit, je pense, en 2003, « Sommes-nous citoyens de l'Europe ? ».
00:44:38Et c'est un livre qui a voulu songer la citoyenneté européenne avec Dominique Schnapper, avec Paul Magnette, qui est de la Vallonnie, avec qui est encore…
00:44:51Enfin, il y avait tout un tas d'académiciens, dans lesquels j'étais aussi. On a dit, mais si on fait une constitution, normalement, un État a une constitution,
00:45:01donc il faut poser la question de l'État européen et donc la question de la citoyenneté européenne. Personne ne peut imaginer aujourd'hui.
00:45:08C'est il y a 25 ans, en 2001. Il n'empêche que je pense qu'il faut réaliser, surtout peut-être pour la nouvelle génération, qu'à un moment dans l'histoire, on était là.
00:45:19Il y avait aussi Jean McFerry avec un bouquin de l'an 2000, « La question de l'État européen ».
00:45:27Donc à l'époque, on osait la réflexion ouverte, veut-on et si oui, peut-on bâtir un État européen et si oui, sur quelle citoyenneté européenne ?
00:45:37À définir, évidemment. Je ne suis pas ici à dire qu'il faut le faire là maintenant, c'est clair. Surtout pas avec une, disons, vague populiste.
00:45:46Moi, je n'aime pas le terme populiste parce qu'en fait, populiste, c'est quoi ? On est tous populistes, sinon on est un roi.
00:45:52D'ailleurs, populiste, c'était la gauche. Jean Jaurès, c'est tout populiste, les souches populaires, la valse populaire, l'école populaire.
00:46:03C'est la gauche, le peuple. Donc, je n'aime pas cette déformation de la notion du populiste qu'aujourd'hui, c'est du droit ou extrême droite, enfin bref, c'est un autre débat.
00:46:14Mais il n'empêche que la gauche a perdu ce combat d'une certaine manière et c'est une tragédie.
00:46:20Et donc, la question, c'est comment rebâtir ça, en fait, rebâtir la République parce que c'était la gauche et la République.
00:46:27Et comment encore, dans une nouvelle génération qui a, avec la crise bancaire, avec la crise de l'austérité, avec TikTok, avec la AI,
00:46:36a perdu le sens de l'histoire de la civilisation européenne et surtout perdu où on était déjà.
00:46:44C'est ce que je voulais dire parce qu'il y a 20 ans, on était là, on avait une constitution, on avait un débat au moins.
00:46:52J'ai l'impression personnellement qu'on était plus loin il y a 20 ans qu'on est aujourd'hui.
00:46:57Et c'est quand on a 60 ans, qu'on regarde sur sa propre vie, on dit même.
00:47:04Quelle régression.
00:47:05Qu'est-ce qu'on a fait là ? On était là et c'est comme, vous connaissez Zizif, le mythe de Zizif d'Albert Camus.
00:47:11On a poussé la pierre, on était presque là avec l'Europe, voilà.
00:47:16Regardez, 2001, Poutine devant le Bundestag, standing ovation.
00:47:22On était presque là avec l'architecture européenne de sécurité avec la Russie.
00:47:272002, l'euro, ok, pas optimal, je sais, mais au moins on avait une monnaie.
00:47:32Il faut aussi dire que la monnaie c'est un contrat social, c'est Jean-Jacques Rousseau, on menait un contrat social.
00:47:38Donc en fait, avec la monnaie unique, je sais qu'elle est problématique, mais on a fait un contrat social.
00:47:43Et c'était un élément d'émancipation des Etats-Unis, déjà.
00:47:47On fait l'élargissement, Europol and Free, on accueille l'Est.
00:47:5027 pays.
00:47:52Voilà, trop, trop vite, voilà, beaucoup de problèmes, mais on accueille l'Est.
00:47:57Le mur est ouvert, en plus la Constitution.
00:48:01Pour moi, les années 2000, 1, 2, 3, 4, ça aurait pu être l'apothéose pour une Europe presque...
00:48:09Pour la toucher du doigt.
00:48:11Toucher du doigt avec encore Camus, presque la pierre sur le sommet, et puis paf, elle roule, elle roule.
00:48:18Et là, maintenant, elle est là, et vous m'interviewez, et je vous dis, mais on ose les épaules,
00:48:23mais qu'est-ce qu'a dit Anna Arendt, le cynisme et la privilégiation ne sont pas permis.
00:48:29Donc qu'est-ce qu'a dit Albert Camus, il faut imaginer Zizou comme homme heureux.
00:48:34Donc il faut recommencer.
00:48:35Il faut recommencer, voilà, on recommence.
00:48:38En espérant que ça tienne cette fois-ci.
00:48:42Bon, je propose de passer à un autre sujet.
00:48:45Vous êtes actuellement en procès contre votre université de Bonn.
00:48:51Pour quel réseau vous êtes en appel, en fait, vous expliquez ce qui s'est passé.
00:48:57Oui, j'ai un petit litige avec l'université de Bonn, qui d'ailleurs va être...
00:49:02La négociation aura lieu le 16 mai, donc voilà.
00:49:06Avec d'ailleurs un peu d'attention publique, il y a la presse qui appelle et tout,
00:49:11parce que bon, je ne suis pas une inconnue en Allemagne.
00:49:15Donc le licenciement en soi a été suivi dans la presse avec beaucoup d'articles.
00:49:23En fait, j'ai été licenciée en février 23,
00:49:27parce qu'en 22, j'ai écrit deux livres qui chacun étaient un best-seller.
00:49:32J'ai écrit un livre sur les mesures de Corona en mars 22,
00:49:35qui s'est bien vendu, mais qui a fait tabac.
00:49:42Grâce à l'odore aussi.
00:49:43Voilà, parce que je me suis prononcée contre les mesures de Corona.
00:49:48Et puis après vient la guerre de l'Ukraine,
00:49:50et en gros, je dis que c'est la même propagande d'une certaine manière.
00:49:54Et donc du coup, en octobre 22, j'ai écrit un autre bouquin
00:49:58où j'esquisse l'histoire du Maïdan.
00:50:01Enfin, où en fait, je fais l'argument qu'aujourd'hui,
00:50:04c'est un argument solidifié que c'est une guerre de proxy de l'OTAN et tout cela.
00:50:16Donc le livre sort en octobre 22.
00:50:19Une semaine après, l'université de Bonn se distancie publiquement de moi.
00:50:24Ce qui est en fait une nouveauté dans le système académique,
00:50:28parce que je n'écris pas mes livres au nom de l'université.
00:50:31Donc, on est quand même en République fédérale,
00:50:34on a la liberté de la science, la liberté de l'art, la liberté de la parole.
00:50:38Et donc ça a été quand même suivi publiquement, mon cas de licenciement.
00:50:45Sur quoi je porte plainte contre le licenciement ?
00:50:48Sur quoi je perds en première instance ?
00:50:53Déjà, le procès était délayé, délayé, délayé.
00:50:56J'ai attendu 14 mois.
00:50:58Donc en avril l'année dernière, il y avait la première négociation.
00:51:02Je perds.
00:51:03Et donc, je vais en rehearsal.
00:51:06En appel.
00:51:07En appel, voilà, en appel.
00:51:08Et là, maintenant, c'est le 16 mai et je suis...
00:51:14Confiante ?
00:51:16Curieuse.
00:51:18On ne peut jamais jouer de rien, évidemment.
00:51:19Non, en Allemagne, on dit,
00:51:21«Voge Richt und auf Vohe See ist man ein Gottes Sand.»
00:51:24Donc, en bateau et devant le juge, vous êtes dans les mains de Dieu.
00:51:31Donc, puisque je suis catholique de la Rhénanie,
00:51:34la négociation étant à Cologne, à Cologne, il y a au moins le dôme.
00:51:39Donc, il y a peut-être un certain esprit.
00:51:42Mais évidemment, voyez, le cas est le cas,
00:51:46mais le cas, ce n'est pas mon cas.
00:51:48Le cas porte mon nom.
00:51:49Mais moi, je suis plutôt représentative pour quelques tendances en Allemagne.
00:51:54J'ai déjà mentionné le livre des licenciements pour raisons politiques.
00:51:58Donc, je suis peut-être la plus connue, mais pas la seule.
00:52:01C'est très important.
00:52:02Donc, je pense que mon cas a plutôt une dimension symbolique.
00:52:07Ce n'est pas mon cas, mon cas.
00:52:08Parce qu'officiellement, on m'a trouvé quelquefois dans mes livres.
00:52:12Donc, plagiat.
00:52:14En gros, 0,9% de mauvaises citations dans un livre,
00:52:21d'ailleurs, en plus, pas un livre académique.
00:52:23Donc, un livre populaire.
00:52:25Donc, en gros, formellement, je pense que c'est facilement montrable
00:52:31que c'est une mise en scène pour une raison derrière.
00:52:35Mais la raison derrière n'est pas avouée.
00:52:39Et donc, on va voir.
00:52:42Mais je pense qu'il est important aussi,
00:52:44c'est pour ça que plusieurs gens regardent ce procès,
00:52:48qu'il a un caractère symbolique.
00:52:50Donc, ce n'est pas moi et mon cas.
00:52:53Ce qui se passe en Allemagne, d'ailleurs, se passe ailleurs,
00:52:55en Belgique, en France et certainement un peu partout en Europe.
00:52:57C'est une criminalisation de l'opinion.
00:53:01Et alors, ça fait vraiment penser.
00:53:02Évidemment, on repense tout de suite à 1984,
00:53:06où effectivement, il y a une police de la pensée
00:53:10qui régit ce qui peut être dit,
00:53:13ce qui peut être exprimé dans l'espace public
00:53:15et ce qui doit être réprimé.
00:53:18Et donc, voilà, ce qui vous arrive est un cas malheureusement...
00:53:23Fréquent.
00:53:24Fréquent, oui, trop fréquent.
00:53:26Avec le Corona, il y a plusieurs cas.
00:53:30Il y a un juge, Christian Detmar,
00:53:32il y a Fulmich qui a fait le Corona à la chausse,
00:53:34il y a Michael Balvik qui, pour un rien,
00:53:37a été 10 mois en prison en 1995.
00:53:41Il y a moi, il y a plusieurs artistes,
00:53:43C.J. Hopkins qui a eu des litiges,
00:53:46il y a Simon Rosenthal.
00:53:49Donc, enfin, j'ai au moins 10 cas sur mes doigts
00:53:52où on peut probablement, si on étudie les cas un par un,
00:53:58faire le constat d'une juridication politique,
00:54:04ce qui ne devrait pas être le cas dans un état de droit allemand.
00:54:07Donc, on verra le 16 mai.
00:54:11Michael Balvik, il a encore jusqu'en octobre.
00:54:14Le tribunal de Stuttgart a déjà dit
00:54:19qu'ils voulaient arrêter le cas de Balvik pour pétitesse.
00:54:27Donc, on voit très bien qu'il y a un état de droit qui est en...
00:54:32Comment dire ?
00:54:33Qui est en déliquescence, qui est menacé.
00:54:35Qui est menacé et donc, il y a beaucoup d'analyses là-dessus.
00:54:40Il y a aussi l'analyse que dit Staatsanwaltschaft.
00:54:43Donc, les prosecuteurs en Allemagne ne sont pas indépendants
00:54:46comme par exemple en France et en Italie.
00:54:49C'est que, par exemple, dans le cas de Balvik,
00:54:51c'est le juge, le tribunal qui voudrait arrêter le procès,
00:54:55mais c'est le prosecuteur qui...
00:54:56Les procureurs.
00:54:57Les procureurs, excusez-moi.
00:54:59Le procureur qui demande au tribunal de poursuivre le procès.
00:55:02Donc, c'est complètement anodin et je voudrais bien que ça soit...
00:55:07En plus, vous voyez, je viens de la Fédérique fédérale,
00:55:12avec un pays qui a une lourde histoire,
00:55:14avec aussi un pays qui s'est cru toujours le meilleur élève de l'Europe.
00:55:21Les Grecs sont lazy, les Grecs sont paresseux.
00:55:25Les Français ne peuvent pas réformer.
00:55:27Les Italiens font dosche vite, mais nous les Allemands.
00:55:29En gros, c'est l'éducation allemande.
00:55:32Et on est les plus démocratiques de tous.
00:55:35Et là, maintenant, je vois un pays qui est en train de,
00:55:38brique à braque, sauver un...
00:55:40Vous voyez, donc, c'est aussi pour moi, ce n'est pas simple,
00:55:44parce que, quand vous étiez bonne citoyenne,
00:55:48j'ai fait du franco-allemand.
00:55:50J'étais officialisée.
00:55:51J'ai accompagné notre président Joachim Gauck en 2013 en visite d'État.
00:55:57Donc, j'étais avec Gauck, avec Hollande.
00:56:00On était au Rendez-vous sur Glane.
00:56:02J'étais dans les discours de notre président à l'occasion de la visite.
00:56:05D'ailleurs, j'ai l'ordre pour le mérite.
00:56:08Voilà, donc, je ne suis pas une conspirationniste, voilà.
00:56:13Mais de voir qu'il y a une déviation du système qui, aujourd'hui, dérape.
00:56:19Et que les élites, que ce soit les élites juridiques,
00:56:23ou les élites universitaires ou politiques,
00:56:25ne sont pas capables d'éviter le dérapage du système.
00:56:29Et ça, ça se passe un peu à travers l'Europe,
00:56:31parce que ça se passe en France, en Belgique, un peu partout.
00:56:35Et nous, les citoyens, vous comme moi, mes enfants qui habitent Paris,
00:56:40on est en plein là-dedans et on dit, mais quoi ?
00:56:43Comment éviter le dérapage et mettre sur les rails un projet européen
00:56:50qui marche pour nous, qui soit démocratique, social, qui fonctionne pour nous ?
00:56:56Ce qui est encore plus confus, c'est que ce dérapage, voilà,
00:57:02il se fait au nom de la lutte contre l'extrême droite, finalement.
00:57:05Oui, au nom, oui, oui.
00:57:08Mais là, je cite volontiers Bruno Hamable, un politiste franco-suisse
00:57:15qui a écrit un super bouquin, déjà en 2017, je pense, le Bloc bourgeois.
00:57:20Et donc, en fait, c'est un livre super où il décrit comment la politique
00:57:27de néolibéralisation à travers de l'Union européenne a rompu
00:57:31tous les systèmes macroéconomiques et politiques de tous les États de l'Europe.
00:57:36Donc, en fait, que l'Union européenne elle-même a brisé le coup
00:57:40de tous les pays états membres de l'Union européenne.
00:57:43Et le Bloc bourgeois, c'est ce qui était autrefois la droite contre la gauche
00:57:50et maintenant une séparation horizontale, le Bloc bourgeois contre le reste.
00:57:55Donc, Bruno Hamable dit très clairement, je conseille le livre à tout le monde,
00:57:59qu'autrefois la droite avait un haut et un bas.
00:58:02Le haut de la droite, c'était l'industrie, le CAC 40.
00:58:07Et en bas, il y avait les paysans, les marchands, voilà.
00:58:10Et la gauche, en haut, avait quelques industriels gauchistes,
00:58:14les intellectuels et en bas, les ouvriers.
00:58:17Donc, c'était droite-gauche.
00:58:18Mais la gauche et la droite avaient un haut et un bas.
00:58:21Et le haut de chaque côté tenait le bas.
00:58:25Et donc là, maintenant, c'est complètement basculé vers droite-gauche
00:58:30et devenu haut-bas.
00:58:31Donc, le haut de la droite et le haut de la gauche sont le Bloc bourgeois
00:58:40contre le bas de la droite et le bas de la gauche.
00:58:43Donc, c'est ça le Bloc bourgeois.
00:58:45Et on voit très bien parce qu'il y avait, comment il s'appelle, Didier Eribon
00:58:50qui a écrit ce livre, Le retour à Reims, quand il très bien décrit
00:58:53que lui, un peu gauchiste, parisien, bobo, blablabla,
00:58:58retourne pour un enterrement à Reims et voit tous ses confrères de l'école
00:59:06qui, autrefois, étaient communistes, basculer de communisme aux marines de peine
00:59:12parce qu'il écrit, quand la fierté de la classe ouvrière a été prise,
00:59:17qu'est-ce qu'il reste que la fierté nationale ?
00:59:20Et donc, je pense que ça, c'est un peu ce qui nous arrive.
00:59:23C'est pour ça que dans mon prochain livre, je reprends Amable
00:59:29et je reprends l'idée du Bloc bourgeois et je dis que là, maintenant,
00:59:33tout ce discours, la danger à ta droite, est un discours de déviation
00:59:37pour ne pas dire que le réel problème, c'est le Bloc bourgeois
00:59:42et l'oligarchisation de nos systèmes politiques
00:59:44et la réfédéralisation de nos sociétés qu'on est en train de vivre.
00:59:47– Alain Deneuve appelle ça l'extrême centre, c'est une bannification aussi.
00:59:52– Il dit « extrémisé et émite », donc le centre extrémisé, oui, je suis d'accord.
00:59:55Et donc, le Bloc bourgeois, c'est le milieu extrémisé,
01:00:00mais en fait, je pense qu'en souche supérieure,
01:00:04cet « extrémisé et émite », donc le centre extrémisé,
01:00:09est écrasé à lui-même ou tenu dans les mains
01:00:12d'une des structures oligarchisantes globales.
01:00:16Parce que là, on regarde aux États-Unis, Elon Musk et tout,
01:00:20donc c'est des structures oligarchiques, on n'a jamais connu ça.
01:00:23Peut-être Alexandre Le Grand, en relation, avait la même structure oligarchique.
01:00:29– Mais pas la même technologie.
01:00:31– Et quoi qu'il en soit, ce n'est pas compatible avec une démocratie,
01:00:35surtout pas avec une république, il faut encore se souvenir ce que c'est
01:00:39une république, Jean-Jacques Rousseau, c'est un contrat social,
01:00:42c'est liberté, égalité, fraternité, la république,
01:00:45ce n'est pas que liberté, liberté, c'est liberté, égalité, fraternité,
01:00:48donc je pense qu'on est en train de perdre, et pour moi, c'est mon truc,
01:00:54si vous me poussez sur la république, je parle encore trois ans,
01:00:58mais vraiment la notion de la république,
01:01:00et d'ailleurs, les Français me manquent dans ce débat, la république.
01:01:04La république, c'est entre oligarchies, c'est ça, je veux dire, c'est quoi ?
01:01:08On a fait, en 1789, on fait des « untertanen » des…
01:01:13comment ça s'appelle, des « untertanen », enfin des…
01:01:16– Des États généraux ?
01:01:18– Non, de ceux qui sont fédalisés, enfin ceux qui n'ont pas de droits,
01:01:22on fait des citoyens, c'est ça la révolution,
01:01:24c'est-à-dire de ceux qui sont subjugués, subjugués ?
01:01:28– Ceux qui sont soumis.
01:01:30– Soumis, soumis, on fait des soumis, des citoyens,
01:01:34et c'est pour ça que le langage français connaît la différenciation
01:01:37en langue entre le citoyen et le bourgeois.
01:01:41En allemand, « ich habe nur den Bürger »,
01:01:43et le « Bürger » et « Bourgeois », c'est très proche.
01:01:46Alors les Français, ils ont le citoyen,
01:01:49et les Français me paraissent muettes dans ce débat.
01:01:52Pour moi, si j'ai une phrase, « est-ce qu'il sait ce qui se passe ? »,
01:01:57on est en train de perdre la république,
01:01:59alors que la république est le mot donné depuis Platon,
01:02:03Cicero, Aristoteles, Kant, Jean-Jacques Rousseau,
01:02:08Jean Baudin, les six livres de la République, 1885.
01:02:13La république, aujourd'hui on perd l'État, l'État national, la souveraineté et tout,
01:02:17la république ce n'est pas l'État, la république ce n'est pas la souveraineté,
01:02:20la république ce n'est pas l'État national,
01:02:22la république c'est « Spinoza », l'homme est né sans nation.
01:02:26Hannah Arendt a fait des écrits très beaux sur la grammaire politique de Fondre,
01:02:35donc la fédération des républiques.
01:02:37La république a une toute autre connotation
01:02:40que l'État national homogénisé sur une nation et tout cela,
01:02:44la république c'est l'origine est égale, mon identité est égale,
01:02:52si je me soumets sous la même loi.
01:02:54La loi c'est liberté, égalité, fraternité,
01:02:57donc je trouve qu'il faut aussi retrouver la notion de la république,
01:03:01il n'y a que les français qui peuvent le faire.
01:03:03Et là aussi il y a le petit problème,
01:03:05je pense que les français doivent abandonner cette idée que la république est pour eux.
01:03:12Oui, ils incarnent la république.
01:03:15Voilà, la république indivisible, les français comprennent que c'est pour eux,
01:03:21mais ce n'est pas que pour eux.
01:03:25Pour terminer, je voudrais avoir votre réaction à chaud
01:03:29sur ce qui se passe dans votre pays aujourd'hui.
01:03:32Je lisais le soir qu'il annonce la victoire de Friedrich Merz comme chancelier,
01:03:36mais vous n'êtes pas d'accord.
01:03:38Ce n'est pas que je suis là pour, j'ai regardé les informations,
01:03:42donc nous parlons le 6 mai vers 14h entre temps,
01:03:46et aujourd'hui vers 10h-11h, je regarde un peu les informations,
01:03:51et puis M. Merz a perdu le premier tour des élections au Parlement,
01:03:58à la surprise de tout le monde.
01:04:00Donc je dirais que c'est un jour historique,
01:04:02non seulement parce que c'est la première fois que ça se passe en Allemagne,
01:04:08voilà, un chancelier qui n'est pas élu en premier tour,
01:04:11mais cette fois-ci c'est particulièrement important
01:04:14pour ceux qui ne sont pas tellement dans la politique allemande.
01:04:19Donc on a eu les élections le 28 février.
01:04:22Là-dessus, résultat pas très clair,
01:04:26comme toujours, les coalitions, un peu comme en Autriche,
01:04:31ne servent qu'à tenir dehors la droite,
01:04:34parce qu'en fait la AFD a quand même eu un bon résultat et tout,
01:04:37donc il faut maintenant que les libéraux du système
01:04:39fassent une coalition pour tenir en dehors la droite.
01:04:42Donc Merz fait sa coalition Noir-Rouge,
01:04:46qui est une coalition qui, programmatique, ne colle pas,
01:04:48parce que les social-démocrates et la CDU,
01:04:51on peut discuter, mais la grande coalition,
01:04:54c'est quand même programmatiquement pas saine.
01:04:57Donc, travaux de coalition, contrats de coalition très difficiles,
01:05:01parce que le SPD veut un peu plus de politique sociale, voilà.
01:05:06Là-dessus, puisqu'il y a la guerre,
01:05:11grand débat qu'il faut des crédits spéciaux,
01:05:14crédits de guerre, comme en 1916,
01:05:17crédits de guerre illimités pour armement, militarisation,
01:05:22et parce qu'on sent qu'on ne peut pas vendre des crédits de guerre
01:05:27et beaucoup d'argent pour l'Ukraine et la militarisation
01:05:30dans les citoyens d'un pays où tout est en dégringolage.
01:05:35Nos ponts, nos élèves, nos écoles,
01:05:40tout le Bundesland, tout est en dégringolage.
01:05:43Donc, on fait un deuxième paquet de crédits pour l'infrastructure.
01:05:48Donc, deux paquets d'infrastructures qui, en tout, valent 80 milliards
01:05:53avec une clause que les crédits de guerre sont illimités, voilà.
01:05:58Donc, une pluie d'argent de la personne Friedrich Merz,
01:06:04qui a toujours dit que les Schuldenbremse,
01:06:07le frein de dette, pour lui, c'est Sacrosancte.
01:06:11Donc, Merz, en mensonge de ses propres mots,
01:06:15il se fait élire sur Schuldenbremse, Sacrosancte,
01:06:18jamais de dette pour rien.
01:06:20La politique allemande, la stabilité,
01:06:23tout le monde ne s'est pas épargné sauf nous, voyez.
01:06:26Donc, c'est très grave pour nous.
01:06:28Et le jour de l'équalisation, la pluie d'argent.
01:06:32Et donc, pour avoir cet argent,
01:06:35ils réunissent le vieux boundestag avant de constituer le nouveau boundestag.
01:06:41Et avec les votes des verts qui, en fait, ont été outvotés,
01:06:46ils approuvent avec deux tiers de majorité,
01:06:50parce qu'il faut une majorité de deux tiers pour changer le Schuldenbremse.
01:06:54Ils changent le Schuldenbremse, ils ont les crédits.
01:06:58Là-dessus, le vieux boundestag est out.
01:07:00Il a servi que pour ça, pour passer les deux tiers et avoir l'argent.
01:07:06Le nouveau boundestag est convoqué.
01:07:09Et le nouveau boundestag, maintenant,
01:07:10devrait, aurait dû, aujourd'hui, élire M. Mertz comme chancelier.
01:07:16Et ce matin, à 10 heures, Mertz ne peut pas réunir une majorité.
01:07:21Il lui manque 18 votes.
01:07:23Donc, il ne manque pas 2-3 votes, il manque 18 votes.
01:07:26Et puisque, évidemment, c'est un truc secret, voilà,
01:07:31on ne sait pas si c'est les votes qui manquent côté CDU
01:07:34ou si c'est les votes qui manquent SPD ou un peu les deux.
01:07:37Il n'empêche que là, maintenant, même pour la scène globale,
01:07:42on imagine le New York Times demain, donc l'Allemagne, il y a son gouvernement.
01:07:46Après tant de temps, donc déjà le 28 février,
01:07:49là, maintenant, nous sommes au mois de mai,
01:07:51donc trois mois de négociations, pas de gouvernement.
01:07:53Et surtout la honte, donc il y a l'image qui circule dans l'Internet.
01:07:59Il y a un photographe qui a pris M. Mertz
01:08:01dans le moment où il a reçu le résultat.
01:08:04Et ce photo exprime le choc de M. Mertz
01:08:08parce qu'apparemment, on a fait le comptage,
01:08:11comme toujours, devant un vote important,
01:08:13on fait le comptage avant, avant nous tous les votes.
01:08:17Et ce matin, dans le test, tout était OK.
01:08:21Donc du test au vote réel au Bundestag, 18 votes qui manquent.
01:08:27C'est une surprise.
01:08:28C'est une surprise colossale.
01:08:30Même le commenting, les commentateurs en Allemagne disent
01:08:33nul n'a attendu ça, nul n'a attendu.
01:08:36Donc ça veut aussi dire que nul ne sait ce qui se passe là, maintenant.
01:08:39Je pense que c'est une crise grave parce que l'Allemagne a son confidence.
01:08:43Mertz n'est pas chancelier.
01:08:45Tout ça, alors qu'il y avait 800 milliards
01:08:47pour lui garantir un beau...
01:08:49Il faut quand même le souvenir.
01:08:52Et donc, apparemment, maintenant, nouveau vote dans deux semaines.
01:08:56Mais deux semaines de l'Allemagne qui pendule comme ça.
01:09:01Avec, on ne sait pas si en deux semaines, ça va passer.
01:09:04Dans le troisième vote, il faut juste une majorité simple.
01:09:07Il n'y aura pas une majorité absolue.
01:09:08Mais il n'empêche que, quand bien même Mertz deviendrait chancelier maintenant,
01:09:13le dégât est fait.
01:09:15Le dégât est fait.
01:09:17Il l'est déjà fait.
01:09:18– Vous êtes inquiète pour le futur ou curieuse ?
01:09:21Ou les deux ?
01:09:23– Ça veut dire quoi, inquiète ?
01:09:26Je ne suis pas inquiète.
01:09:27Pour moi, je suis analyste, science politiste.
01:09:32Donc j'observe un moment d'histoire où on peut être...
01:09:39C'est quoi le proverbe chinois ?
01:09:41« Soyez heureux de vivre dans des temps intéressants ».
01:09:44Donc pour être, comment dire,
01:09:48je veux dire, on ne vit quand même pas tous les jours, ni pas toutes les années,
01:09:53un moment d'histoire où un système change.
01:09:55Et j'ai un très clair sentiment qu'on est à bout d'un système.
01:09:59Et le système, ce n'est pas la République fédérale,
01:10:03c'est aussi l'Union européenne, c'est aussi la France,
01:10:06c'est aussi la Roumanie, c'est un peu partout.
01:10:08On voit qu'un système de, dit, démocratie libérale,
01:10:14y compris l'OTAN, l'Union européenne,
01:10:16que tout ça, ça a l'impression de se déstamper,
01:10:20ou au moins d'être comme ça, en pendoulant, se défendre, l'offrir.
01:10:26On a déjà parlé de ça.
01:10:27Donc je ne dis pas que ça va être rigolo.
01:10:31Quand on regarde l'histoire, c'est quoi l'histoire ?
01:10:33L'histoire, c'est qu'on sait tous des dates,
01:10:35genre 1872, 1914, 1833, 1945.
01:10:44Aujourd'hui, ce qu'on appelle histoire,
01:10:47c'est exactement ce qu'on sait quand il y avait un système qui s'est formé
01:10:51et quand c'était clos.
01:10:52C'est ça ce qu'on appelle histoire, c'est les dates qu'on connaît.
01:10:55Et j'ai l'impression, ce qu'on peut dire aujourd'hui,
01:10:57c'est que quelque chose qui a commencé en 1945 ou 1949
01:11:03est en train de se clore.
01:11:05On est 40 ans après et quelque chose est en train de se clore
01:11:08et on ne sait pas vers où on va.
01:11:10Moi, ça ne m'inquiète pas.
01:11:12Je dirais qu'il faut être attentif et bien voir.
01:11:17Toujours essayer l'effort de faire le sien
01:11:21pour diriger tout ça vers la démocratie, vers le social, vers voilà.
01:11:28Mais c'est un moment intéressant et c'est Stéphane Zweig qui a dit
01:11:31« Les contemporains ne peuvent pas savoir dans quel mouvement historique ils se trouvent. »
01:11:42Et je trouve que ce truc de Stéphane Zweig,
01:11:44c'est exactement, on sait qu'il y a quelque chose qui s'ouvre,
01:11:47l'histoire est ouverte à nouveau.
01:11:51En fait, c'est assez intéressant, probablement dangereux,
01:11:55on ne sait pas ce qui se passe.
01:11:56La guerre est sur le continent, il ne faut pas rigoler.
01:11:59Mais c'est ça, l'histoire est ouverte et avec un peu de chance,
01:12:06au moins on peut la forger.
01:12:08C'est intellectuellement stimulant et comme disent les anglo-saxons « Wait and see ».
01:12:12« Wait and see », voilà.
01:12:14Eh bien, merci Ulrike Geyraud et bonne chance pour votre procès et pour le reste.
01:12:19Merci, merci de m'avoir donné l'occasion.