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  • 24/05/2025
En 2024, 103 enfants ont été adoptés à l’étranger par des parents vivant en France. Si a priori, ils l’ont été dans des conditions légales et sérieuses, cela n’a toujours été le cas. Dans un passé pas si lointain, des milliers d’enfants ont été, pendant des années, non pas abandonnés, mais arrachés à leur famille pour être confiés, donnés, certains diront « vendus » à des parents adoptifs, souvent inconscients du trafic dont ils étaient eux-mêmes les complices involontaires. Comment est-ce possible ? Qui a laissé faire ? Qui n’a pas été assez regardant sur les conditions de ces adoptions ? Tout est-il réglé aujourd’hui ? Est-ce que cela vient compromettre le principe même de l’adoption internationale ? Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat. Année de Production :

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Transcription
00:00Adoption internationale, un scandale planétaire de Christine Tournadre et Sonia González,
00:07documentaire choc qui lève le voile sur le drame de milliers de familles
00:11et qui interroge sur les responsabilités de beaucoup, institutions, Etats et même les parents adoptifs.
00:16Est-ce que tout cela est bel et bien terminé ?
00:19Est-ce que cela jette le trouble sur toutes les adoptions internationales dans les dernières décennies ?
00:24Attention à ne pas généraliser, attention à ne pas briser l'équilibre de milliers de familles.
00:29On va évidemment parler de ce sujet avec nuance et je vous propose de vous présenter nos invités.
00:33Xavier Iacovelli, bienvenue.
00:35Vous êtes sénateur RDPI des Hauts-de-Seine, membre de la Commission des affaires sociales.
00:39Vous aviez soutenu une tribune publiée dans Le Monde en 2021
00:42demandant une enquête indépendante sur les adoptions internationales.
00:45Son titre, il est impératif de replacer les droits et l'éthique au centre du dispositif de l'adoption internationale.
00:52Depuis, il y a eu un rapport, il a dénoncé d'importantes dérives que la France a reconnues.
00:57En mars 2024, des manquements collectifs, sans présenter d'excuses pour autant aux Grands Dames d'ailleurs de nombreuses associations.
01:05Yves Tessier d'Orfeuil, bienvenue à vous également.
01:07Vous êtes diplomate, chef de la mission de l'adoption internationale.
01:10C'est l'autorité centrale prévue par la Convention de l'AE en 1993
01:14sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale.
01:19La MAI a été créée en 2009, elle est rattachée au ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
01:24En fait, elle a été créée au milieu des années 80 et elle est autorité centrale.
01:28Il y a eu deux décrets en 1998 et en 2009.
01:30Voilà pour la précision.
01:32Véronique Piazzère-Moyens, bienvenue.
01:34Vous êtes artiste, peintre, photographe, autrice de plusieurs ouvrages.
01:37Je vais en citer deux.
01:38Celui qui vous a révélé au grand public comme lanceuse d'alerte sur les abus et les manquements
01:43dans les procédures d'adoption au Sri Lanka à l'insu des familles adoptives dont vous faites partie.
01:47Ce livre s'appelle Ma fille, je ne savais pas.
01:50Il est paru aux éditions City, un témoignage où vous criez aussi votre amour pour votre fille
01:55que vous avez arrachée donc à ses parents biologiques sans le savoir, victime d'un trafic de bébés.
01:59Et puis il y a cet autre livre, Le silence immobile d'une rencontre,
02:02un roman où vous abordez aussi les adoptions au Sri Lanka mais sous un autre angle.
02:07Jean-François Mignot, bienvenue.
02:08Vous êtes démographe au CNRS et à Sorbonne Université, membre de la Société de démographie historique.
02:14Vos travaux portent sur les comportements familiaux sur le long terme en France et dans le monde
02:19et en particulier sur l'adoption.
02:20Je vais citer votre dernière publication parue aux éditions La Découverte,
02:24Si les Indiens préfèrent avoir des garçons, alors pourquoi adoptent-ils surtout des filles ?
02:29Merci à tous les quatre d'être ici.
02:31Avant d'évoquer les responsabilités des uns et des autres,
02:33avant même de se poser des questions sur le principe de l'adoption internationale,
02:38je voudrais vos impressions sur ce film qui ne peut pas laisser indifférent.
02:42Véronique Piazzère-Moyens, est-ce que vous vous êtes retrouvée reconnue
02:46dans certaines histoires, certains récits, certains témoignages qu'on vient d'entendre ?
02:51Dans le témoignage des parents, non, je ne me suis pas reconnue.
02:54Je trouve dommage que l'on ait présenté les parents adoptifs sous cet angle,
03:01c'est-à-dire d'un côté des parents qui reconnaissent qu'il y a 40 ans,
03:07et on peut le comprendre parce que c'est vrai que dans l'émotion,
03:10dans le voyage, la découverte d'un pays qu'ils ne connaissaient pas,
03:15on voit qu'il se passait des choses qui n'étaient pas normales,
03:18leur enfant qui prend un an d'âge en une nuit, qui change de prénom,
03:22mais ce qu'il y a, c'est que 40 ans après, ces gens sont toujours sur la même position,
03:29ils ne se disent pas, mais quand même, il y a quelque chose qui n'allait pas, ils acceptent.
03:36On y viendra, cette question de la responsabilité de tous,
03:40et notamment peut-être des parents adoptifs.
03:44Ce qu'on se demande aussi en voyant ce film, c'est combien d'enfants devenus adultes cela concerne ?
03:49Est-ce qu'on a des chiffres ? Est-ce que tout cela est documenté ?
03:52Est-ce qu'on a des choses exhaustives ? Est-ce qu'on peut savoir aujourd'hui ?
03:56C'est de plus en plus documenté.
03:58L'histoire de l'adoption internationale est relativement récente,
04:02puisqu'elle commence seulement dans les années 50 avec la guerre de Corée,
04:05elle se développe dans les années 60-70, elle atteint un pic en 2005,
04:10et l'intérêt scientifique, et Jean-François Mignot en parlera sûrement,
04:14l'intérêt des historiens est relativement récent.
04:17La toute première étude historique sur les pratiques illicites dans l'adoption internationale en France,
04:23elle a été publiée en 2003.
04:25Ce sont les historiens Yves Donecher et Fabio Macedo qui l'ont publiée.
04:30C'est une étude qui fait prendre conscience de la dimension systémique des pratiques illicites.
04:39Sans pour autant, parce qu'il faudrait encore de nombreuses autres études pour qu'on réussisse à dire,
04:44ça représente combien ?
04:46Ce qu'on sait, c'est que les personnes adoptées en France, ce sont 120 000 personnes aujourd'hui.
04:53Il y a eu 120 000 personnes adoptées à l'international en France.
04:57Combien de personnes sont concernées par des pratiques illicites ?
05:02Au jour d'aujourd'hui, on n'est pas en mesure de le dire,
05:05mais les chercheurs sont en train d'approfondir leurs recherches.
05:09Je pense que d'ici quelques années, on pourra avoir une mesure plus précise de ces pratiques.
05:16Parce que moi, je me mets à la place des téléspectateurs qui peut-être sont concernés par ce sujet,
05:20qui eux-mêmes ont peut-être été adoptés ou ont été des parents adoptifs.
05:23Jean-François Mignot, qu'est-ce qu'on peut leur dire à l'issue d'un documentaire comme celui-là
05:28qui leur dit peut-être, attention, vous avez été adopté dans de très mauvaises conditions ?
05:32Oui, il me semble que les pouvoirs publics sont de plus en plus ouverts à l'idée de faciliter pour les adopter.
05:39De plus en plus ouverts, ça ne veut pas dire totalement ouverts,
05:42mais de plus en plus ouverts à l'idée de faciliter pour les adopter l'accès à leurs origines.
05:47Y compris éventuellement à acquérir des informations sur le caractère plus ou moins illicite,
05:54voire totalement illicite de leur adoption.
05:57Comme on le voit dans le film, ce processus n'est pas allé à son terme.
06:01Il y a encore beaucoup de choses à faire pour permettre aux adoptés d'y voir plus clair,
06:05à la fois en France, dans leur pays d'origine et à travers tous les intermédiaires privés, publics, etc.
06:11Ce que je voudrais dire quand même, pour se faire une idée de ce qui s'est passé,
06:15comme disait M. l'Ambassadeur, on ne peut pas encore savoir quelle part des adoptions internationales,
06:20ni d'ailleurs quelle part des adoptions nationales, ont été illicites en France lors des CRD.
06:26Parce que ça pourrait aussi concerner des adoptions nationales.
06:28C'est sûr.
06:29Ces pratiques très douteuses.
06:30On ne sait pas dans quelle mesure ces adoptions internationales ont été en vérité menées
06:37selon des procédures plus laxistes que les adoptions nationales.
06:40On ne sait pas bien.
06:41Ces études restent à faire.
06:43Et l'un des historiens que vous voyez dans le film, Yves Denechère,
06:48est précisément en train de commencer, disons, à essayer d'évaluer ces ordres de grandeur.
06:53Mais ce qui me semble quand même utile de rappeler,
06:56avant d'en venir à toutes ces dérives gravissimes de l'adoption internationale,
07:00c'est qu'en fait le principe même de l'adoption internationale reposait sur une idée qui était tout à fait raisonnable.
07:07Cette idée raisonnable, on la voit très bien pour la Corée du Sud, il me semble, dans le film.
07:11Elle consiste à dire, nous avons d'une part en Corée du Sud des milliers d'enfants de nourrissons
07:17abandonnés chaque année.
07:19Ceci est un fait.
07:20Nous avons d'autre part très peu de parents en Corée du Sud
07:23qui sont disposés, pour diverses raisons, à adopter ces enfants.
07:27Or, nous avons en Occident de très nombreux parents qui sont prêts à les adopter.
07:31Donc, si vous voulez, le principe, il me semble qu'il est important de faire une distinction
07:36entre le principe de l'adoption internationale et sa réalisation qui a été pire qu'imparfaite,
07:41qui a été, à certains égards, impardonnable.
07:43C'est ça qui est frappant, Xavier Jacobelli, dans cette histoire d'adoption internationale,
07:47c'est qu'effectivement, le concept est vertueux.
07:50C'est-à-dire que les intentions sont bonnes,
07:52mais le résultat est celui qu'on vient de voir dans ce documentaire.
07:55Je regardais des chiffres en préparant cette émission,
07:58et je voudrais juste vous montrer le tableau des chiffres.
08:00En 2024, 103 enfants ont été adoptés à l'étranger par des ressortissants français
08:04ou étrangers résidents en France.
08:05En 2023, ils étaient 176.
08:07En 2022, 232.
08:09En 2021, 252.
08:11Ça veut dire que ça baisse.
08:13Est-ce qu'on peut se l'expliquer ? Est-ce que c'est lié à cette méfiance ?
08:17Déjà, il y a eu une loi sous le gouvernement où Adrien Taquet était ministre,
08:22cette fameuse loi sur l'adoption,
08:24pour interdire les démarches individuelles.
08:26Et maintenant, nous sommes obligés, pour l'adoption internationale,
08:29de passer par un organisme agréé, par l'Agence d'adoption nationale.
08:35Ça veut dire que toutes les adoptions faites aujourd'hui à l'étranger
08:38sont dans un cadre légal et rassurant.
08:40Mais on ne peut pas le garantir.
08:42On ne peut pas le garantir.
08:43Il y a forcément toujours des dérives et des gens qui contournent la loi.
08:47Mais en tout cas, la loi est très claire maintenant.
08:49Il n'y a plus possibilité d'avoir des démarches individuelles.
08:52Donc, c'est effectivement très récent.
08:54Mais après, toutes ces dérives, effectivement, de l'adoption internationale,
08:58il y a eu un pic, vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur l'ambassadeur,
09:00il y a eu un pic en 2005.
09:02Et puis, petit à petit, on a vu que ça a diminué au fur et à mesure,
09:06notamment aussi parce qu'il y a eu des améliorations
09:10dans l'aide médicale à la procréation.
09:14Et donc, du coup, ça a aussi diminué le nombre, la demande d'adoptants.
09:21Mais moi, ce que je voudrais faire le lien, c'est aussi la situation française.
09:26Aujourd'hui, on a, je crois, peut-être que vous allez pouvoir me le confirmer,
09:30un petit peu moins de 10 000 parents qui sont agréés
09:33pour pouvoir être des parents adoptifs.
09:36Et en enfants français, je ne parle pas de l'adoption internationale,
09:39mais en enfants français, on a moins de 1 000 enfants qui sont adoptables,
09:43c'est-à-dire pupilles de la nation, mais adoptables.
09:46Parce qu'on peut être pupille de la nation et pas adoptable
09:48parce qu'on a une fratrie, parce qu'on a un âge avancé, voilà.
09:52Et donc, aujourd'hui, il y a ça aussi.
09:54Il y a comment est-ce que notre législation,
09:57comment est-ce que notre vision aussi des enfants français
10:02fait en sorte qu'on ne maintienne pas systématiquement le lien biologique
10:07avec des enfants qui sont mis à l'aide sociale à l'enfance, par exemple,
10:10qui ne sont du coup, on sait très bien qu'ils sont placés à 3 mois,
10:14ils vont être placés pendant 18 ans,
10:16donc honnêtement, ils ne reviendront jamais dans leur famille,
10:19en tout cas pendant leur minorité.
10:21Et malgré tout, les procédures de délaissement sont encore trop peu nombreuses
10:25et donc, du coup, on ne peut pas répondre
10:27à la fois à la demande des parents qui veulent adopter
10:29et à des enfants qui vont être 18 ans dans l'institution
10:33plutôt qu'être dans une famille aimante et accompagnante.
10:36C'est certainement une des causes de la baisse très forte
10:39de l'adoption internationale.
10:41C'est une succession de scandales depuis des années et des années,
10:44voire depuis quelques décennies.
10:46Mais une des causes aussi importantes, évidemment,
10:48c'est la mise en place de la convention de l'AE
10:50sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale.
10:54Elle date de 1993.
10:56Elle est ratifiée en 1998 par la France.
10:59Et dès le début des années 2000,
11:01il y a plus d'une centaine d'États qui l'ont ratifiée.
11:04Et on constate, justement, à ce moment-là,
11:06à partir de 2005, une baisse continue et une baisse très forte.
11:10Parce qu'on était en 2004 et en 2005
11:12à plus de 4000 adoptions internationales par an en France.
11:16Et on est passé à 103 en 2024.
11:18Donc, on a divisé par 40.
11:20En fait, on assiste à un effondrement de l'adoption internationale.
11:25Véronique Piazzamoyan, tout cet encadrement légal...
11:28Moi, ce que je voudrais dire, c'est que la convention de l'AE,
11:31qu'on nous met toujours en avant...
11:33Il faut bien réaliser que ce ne sont que des conseils.
11:36Ce sont des outils.
11:37Des recommandations.
11:38Des recommandations.
11:39Donc, ça n'empêchera jamais l'État fournisseur,
11:42le pays fournisseur, parce qu'il faut quand même parler
11:45dans ces termes qui ne sont pas agréables,
11:47mais qui sont fournisseurs.
11:49S'ils veulent transgresser les recommandations
11:52de la convention de l'AE, personne n'ira jamais...
11:54C'est-à-dire que vous, vous nous dites aujourd'hui
11:56qu'on n'est pas plus rassurés, qu'on n'a pas plus de garanties
11:59quand on adopte ?
12:00Parce qu'on ne sait pas la provenance de l'enfant.
12:03D'accord.
12:04L'enfant, dans son pays, il est blanchi.
12:07Il est blanchi avec des papiers qui sont fabriqués
12:10pour rendre cet enfant adoptable.
12:13Et conforme, si vous voulez.
12:15L'enfant est blanchi.
12:16Le terme n'est pas de moi, il est d'une chercheuse allemande.
12:19On lui fabrique des papiers, et là, il est parfaitement adoptable
12:24dans les règles.
12:25Jean-François Mignot, en 2024, les premiers pays d'origine
12:28des enfants adoptés par les Français sont le Vietnam,
12:3121 adoptions.
12:32La Thaïlande, 20 adoptions.
12:34La Colombie, 11 adoptions.
12:35Madagascar, 9 adoptions.
12:37L'Inde, 7 adoptions.
12:38Est-ce qu'on est sûrs de ces pays, de leur façon
12:42de mettre des enfants à l'adoption ?
12:45Je dirais qu'on est plus sûrs que jamais.
12:46Parce qu'en fait, avant de voir les pays d'origine,
12:50il faut voir la baisse considérable du nombre annuel
12:53d'enfants adoptés à l'international.
12:55En France, tout aussi bien qu'à l'étranger.
12:57Si vous regardez aux États-Unis, en Espagne, en Italie,
12:59au Royaume-Uni, ils n'ont pas beaucoup adopté,
13:01mais dans les pays occidentaux qui adoptent depuis des décennies,
13:05il n'y a jamais eu aussi peu d'adoptions qu'aujourd'hui.
13:08Donc rien que ça nous rassure ?
13:10Oui, ça nous rassure, en ce sens qu'il est beaucoup plus facile
13:13pour l'administration publique de vérifier la fiabilité
13:16d'un dossier si vous avez 10 dossiers plutôt que 10 000.
13:19Donc oui, de ce point de vue, oui.
13:21D'autre part, il n'est plus envisageable aujourd'hui,
13:24comme dans les années 90 au Sri Lanka ou dans d'autres pays,
13:27que l'appât du gain conduise des marchands
13:33à procréer de toutes pièces des enfants
13:38dans le but de les vendre sur le marché de l'adoption.
13:40On voit dans le film ces histoires de fermes à bébés.
13:42C'est assez monstrueux.
13:43Ceci est moins vraisemblable aujourd'hui qu'il y a 10 ans,
13:47ou à fortiori 40 ans.
13:49Mais on ne peut pas dire que ça n'existe plus ?
13:51C'est très difficile.
13:52C'est très difficile parce que ceci dépend de la fiabilité
13:55des processus juridiques et d'États civils locales
13:58dans tous ces pays.
13:59Si vous allez en Inde, qui est un continent en soi,
14:02chaque État, chaque sous-région de chaque État,
14:05tout ça varie beaucoup.
14:06C'est extrêmement complexe.
14:07Donc, si vous me demandiez, est-ce que je peux le garantir absolument ?
14:10Non, absolument pas.
14:11En revanche, est-ce que le degré de fiabilité
14:14de ces procédures globales sont meilleurs aujourd'hui
14:16que dans le passé ?
14:17C'est clair, bien sûr.
14:19Est-ce que c'est suffisant ?
14:21Certainement pas.
14:22Mais comment contraindre des États à adopter des mesures
14:26qu'ils refusent démocratiquement ?
14:28Ce n'est pas facile, c'est difficile.
14:32En octobre 2023 a été rendu le rapport
14:34de la mission interministérielle relative aux pratiques illicites
14:37dans l'adoption internationale en France.
14:39Il en résulte une chaîne de responsabilités complexe
14:41et on va en parler ensemble.
14:43Il y a, bien sûr, les États qui proposaient
14:45des enfants à l'adoption, les États qui en demandaient,
14:48les organismes qui organisaient ce trafic,
14:50et puis peut-être, disons-le, et vous l'avez dit d'un mot,
14:53on va y revenir, même si c'est difficile à entendre,
14:56la naïveté de certains parents candidats à l'adoption
14:59dont l'envie d'avoir un enfant pouvait créer
15:02une sorte d'aveuglement.
15:04Il y a effectivement une séquence dans le film
15:06qui l'illustre bien, j'aurais qu'on la revoit ensemble.
15:09Je reviens quelques jours après en me disant
15:12on a perdu le dossier.
15:14J'en étais malade.
15:16Il me dit c'est pas grave, on va le refaire.
15:19On revient et là, en l'espace de quelques jours,
15:23il avait pris un an de plus.
15:25Il était né au mois d'août
15:27et il s'appelait Juan Valverde Valverde.
15:30Et du coup, vous recevez ce nouveau dossier
15:33avec un autre nom, avec une autre date de naissance.
15:37Quelle est votre réaction ?
15:39C'est un contexte tellement...
15:41C'est difficile à expliquer parce que c'est tellement différent.
15:44Il y a l'émotion qui se mêle, il y a la joie, la peur.
15:47Il y a tout.
15:49On faisait que c'était comme ça.
15:51J'avais Maxime et je l'aimais déjà, mon enfant.
15:55Donc je me suis dit...
15:59Elle est presque gênante, cette séquence.
16:02Est-ce qu'on est aveuglée quand on veut à tout prix
16:04adopter un enfant ?
16:06On ne veut pas voir les signes.
16:08Je pense qu'il faut remettre dans le contexte,
16:12sur place.
16:14Je comprends ce qu'elle dit, cette mère.
16:16Moi-même, j'ai vécu des situations comme ça
16:18puisque je raconte qu'on nous a donné un premier enfant,
16:21il s'était trompé, on nous l'a repris
16:23pour nous en donner un autre.
16:25Vous vous êtes posé des questions, à ce moment-là ?
16:27Oui, je me suis posé des questions.
16:29Vous avez préféré ne pas creuser.
16:31Comment voulez-vous ?
16:33Je la comprends, cette mère.
16:35On est dans un pays étranger,
16:37on est venu pour adopter un enfant,
16:39on veut repartir avec un enfant.
16:41On note des choses qui ne vont pas
16:43et finalement, ça se termine bien.
16:45Il faut quand même...
16:47On travaille avec l'ambassade de France à Sri Lanka,
16:49on a un agrément d'âge.
16:51Nous, on avait fait toutes les choses
16:53comme il fallait.
16:55Donc, on n'avait pas non plus des raisons
16:57de se sentir coupable.
16:59Mais ce que je ne comprends pas,
17:01c'est que 40 ans plus tard,
17:03il n'y ait pas un recul
17:05pour se dire qu'il s'est passé
17:07des choses qui n'étaient pas normales.
17:09De prendre un an...
17:11Vous voulez dire une remise en question
17:13des parents eux-mêmes ?
17:15Oui, ce que nous, nous avons fait.
17:17Quand nous, nous avons su
17:19qu'il y avait une irrégularité,
17:21une illégalité,
17:23qu'on m'a dit, c'est un baby business,
17:25nous, à ce moment-là,
17:27on n'était plus dans l'innocence.
17:29L'innocence, c'est quand
17:31on ne sait pas, à partir du moment
17:33où l'on a la connaissance,
17:35on ne peut pas rester
17:37sans enquêter.
17:39Sinon, on bascule dans le camp
17:41de la saloperie.
17:43En tout cas, de la complicité potentielle.
17:45Xavier Covelli, la France a reconnu
17:47des manquements collectifs.
17:49Ce sont les termes, pas d'excuses.
17:51Les organisations s'en sont plaintes.
17:53Il y a vraiment une chaîne de responsabilité complexe.
17:55Il y a les parents, on vient d'en parler,
17:57mais il y a aussi les institutions, l'État.
17:59Oui, il y a les institutions,
18:01qui sont sur place,
18:03et puis les institutions centrales
18:05en France,
18:07qui n'ont pas fait assez de contrôle,
18:09qui n'ont pas assez accompagné,
18:11le fait de donner des agréments.
18:13On est très regardant en France
18:15sur les agréments pour les parents adoptifs,
18:17peut-être un peu moins sur
18:19les origines des enfants adoptés.
18:21Je pense qu'à la fois,
18:23il y a une reconnaissance
18:25de l'État sur ces manquements,
18:27mais je pense qu'on irait plus loin
18:29sur avoir des excuses,
18:31parce que ça provoque forcément,
18:33je suis d'accord avec vous,
18:35je ne suis pas dans votre situation,
18:37donc c'est difficile de porter un jugement,
18:39mais je trouve que vous êtes très dur
18:41avec ces parents,
18:43qui même 40 ans après,
18:45ça reste de l'intime,
18:47le désir d'enfant est tellement important,
18:49que même 40 ans après,
18:51c'est dur de se dire,
18:53l'enfant que j'ai eu,
18:55que j'ai élevé,
18:57que j'ai vu grandir pendant 40 ans,
18:59j'aurais pas dû l'avoir.
19:01Je n'ai jamais dit ça,
19:03ne me faites pas dire ça.
19:05Je ne vous attaque pas,
19:07je vous dis juste que vous êtes un peu dur.
19:09Je suis dur par rapport à l'image
19:11qu'on a donnée des parents dans le film.
19:13Je ne suis pas dure avec les parents.
19:15D'accord.
19:17Ok, je comprends.
19:19En tout cas, je pense qu'effectivement,
19:21ces parents, c'est aussi une souffrance,
19:23je pense que ça a été une souffrance
19:25dans la démarche,
19:27parce que c'est quelque chose de très dur
19:29d'attendre de pouvoir avoir un enfant.
19:31Et puis, quand on nous dit
19:3330, 40 ans après,
19:35que cet enfant, c'est un enfant entre guillemets illégal,
19:37et qu'on a contribué, qu'on a été complice,
19:39sans le vouloir parfois,
19:41mais être complice d'un trafic...
19:43Et même dans 99% des cas, sans le vouloir.
19:45Bien sûr.
19:47C'est une double violence.
19:49C'est compliqué pour ces parents.
19:51Yves Thésié d'Orfeu.
19:53Ce qu'on a vu avec cet extrait,
19:55c'est effectivement les parents
19:57qui ont eu cette démarche,
19:59mais je crois que s'il y a eu autant de révélations
20:01sur les pratiques illicites,
20:03c'est d'abord les personnes adoptées elles-mêmes
20:05qui ont eu cette envie de retrouver leurs origines,
20:07et qui, de fil en aiguille,
20:09ont découvert, en fait,
20:11que cette adoption
20:13n'était pas ce qu'elles pensaient,
20:15qu'ils avaient une famille biologique qui existait.
20:17Mais vous savez pourquoi personne n'a été très regardant
20:19sur les conditions de ces adoptions,
20:21y compris les États
20:23qui proposaient des enfants adoptés
20:25et qui en adoptaient ?
20:27C'est tout un système et une mentalité
20:29qui a évolué dans les années 80,
20:31au moment où l'adoption internationale explose.
20:33Il y a énormément,
20:35dans les pays européens
20:37ou occidentaux, de parents
20:39qui souhaitent adopter,
20:41et des pays qui sont débordés par la demande,
20:43et qui se laissent déborder par des parents
20:45qui sont prêts à payer,
20:47parce qu'ils sont dans des pays riches, ils ont des moyens.
20:49Donc il y a ce décalage qui a sans doute été aussi
20:51une source de pratiques illicites.
20:53Est-ce qu'il devrait y avoir des excuses,
20:55voire des réparations,
20:57et peut-être même des réparations financières,
20:59pour ces adoptions qui se sont déroulées
21:01dans des conditions pas tout à fait nettes,
21:03pas tout à fait claires ?
21:05Une des recommandations du rapport,
21:07c'est qu'il y ait une reconnaissance.
21:09Il y a eu en mars 2024
21:11une reconnaissance de manquement collectif.
21:13Le gouvernement a demandé
21:15au Conseil national de l'adoption
21:17et au Conseil national pour l'accès aux origines personnelles
21:19d'émettre un avis,
21:21un avis conjoint,
21:23qui a été transmis à la fin du mois d'octobre.
21:25Depuis lors, en raison de la situation politique intérieure,
21:27il n'y a pas eu de prise de position
21:29vis-à-vis de cet avis conjoint.
21:31Je crois que l'attente des personnes adoptées en France,
21:33c'est d'aller un peu plus loin
21:35dans cette reconnaissance.
21:37Il y a de nombreuses recommandations
21:39dans ce rapport.
21:41Il y a l'idée peut-être d'une commission indépendante.
21:43Et il y a le souhait aussi
21:45que l'État prenne en main
21:47la recherche des origines,
21:49qu'il y ait une aide.
21:51Un accompagnement proposé.
21:53Il y a bien quelque chose qui est déjà inscrit
21:55dans la loi Taquet de 2022.
21:57Un guichet unique
21:59puisse être organisé,
22:01institué en France
22:03pour qu'il y ait un lieu
22:05où les personnes puissent s'adresser
22:07pour connaître leurs origines.
22:09Jean-François Mignot,
22:11il y a plein de responsabilités qui sont pointées.
22:13Ça va même jusqu'aux médias
22:15qui sont un peu complices de prendre le parti
22:17d'un gouvernement adoptif.
22:19Il y a aussi l'Église.
22:21Est-ce qu'on est dans une zone grise
22:23où cette intention vertueuse dont vous parliez
22:25a donné l'impression à certains
22:27qu'il sauvait des enfants
22:29en les arrachant à des familles
22:31qui de toute façon ne pouvaient ni les nourrir
22:33ni bien les soigner ?
22:35Est-ce qu'on est dans une zone grise
22:37et donc complexe à désigner ?
22:39Ce dont vous parlez peut-être de l'Église au Chili
22:41voudrait tout aussi bien pour l'Église en France
22:43dans les années 50-60
22:45être une institution nationale
22:47par le biais de couvents,
22:49d'institutions diverses et variées.
22:51Le cas du Chili est particulier
22:53puisqu'on est sous une dictature
22:55mais pas besoin d'être sous une dictature
22:57pour que ces questions se posent.
22:59Je pense que l'argument de fond
23:01qu'auraient mis sur la table
23:03toutes ces personnes de bonne volonté
23:05c'est qu'il est très vraisemblable
23:07que nos actions,
23:09au moins au global,
23:11permettent de promouvoir
23:13le meilleur intérêt des enfants
23:15qu'on nous a chargé de recueillir.
23:17Il me semble que
23:19ces institutions,
23:21les médias,
23:23les chercheurs,
23:25plus ou moins tout le monde,
23:27la collectivité,
23:29a négligé l'éventualité
23:31que des enfants soient abandonnés,
23:33pardon, ne soient pas abandonnés
23:35mais soient retirés à leurs parents
23:37malgré le fait
23:39de l'absence de consentement de ses parents
23:41ou soient carrément
23:43conçus dans le but
23:45d'être ensuite vendus à l'adoption.
23:47Ce que ces personnes
23:49qui avaient globalement
23:51à cœur l'intérêt de ses enfants
23:53ont négligé,
23:55ce que nous avons négligé,
23:57c'est l'éventualité que soit
23:59la pas du gain, soit le fait
24:01de fermer les yeux sur certains faits
24:03intrigants.
24:05Ou la fausse bonne intention aussi.
24:07Cela en vienne
24:09à ce que des adoptions soient
24:11contraires à l'intérêt
24:13le plus élémentaire de l'enfant qui est
24:15de pouvoir vivre avec ses parents
24:17s'ils existent, s'ils souhaitent
24:19vivre avec cet enfant,
24:21ou même dans leur pays d'origine
24:23si jamais ils sont adoptables par d'autres personnes.
24:25Il me semble qu'il y a eu
24:27un abus
24:29d'interprétation d'un principe
24:31auquel nous croyons toujours et qui fait
24:33consensus moral dans les sociétés contemporaines
24:35qui est que l'adoption doit
24:37promouvoir l'intérêt des enfants et rien d'autre.
24:39On en parle avant l'émission,
24:41il y a des pays,
24:43notamment les pays anglo-saxons,
24:45qui ont encore cette idée que
24:47adopter un enfant à l'étranger c'est le sauver de la misère,
24:49on ne l'arrache pas à ses parents,
24:51on le sauve de la malnutrition et des mauvais soins.
24:53Oui,
24:55l'adoption est vertueuse,
24:57c'est de là
24:59la difficulté
25:01pour nous
25:03comme parents adoptifs,
25:05lanceurs d'alerte,
25:07de faire reconnaître
25:09ces dérives. Ce que je voudrais dire
25:11c'est parler des victimes,
25:13parce qu'il y a
25:15trois, il y a une triade de victimes,
25:17il y a la famille biologique,
25:19il y a l'enfant,
25:21il y a la famille adoptive, les parents adoptifs,
25:23ce sont aussi des victimes,
25:25je ne suis pas dure avec eux,
25:27moi je les considère aussi
25:29comme des victimes,
25:31mais c'est très important.
25:33Je sais que vous travaillez
25:35avec les personnes adoptées,
25:37à la MAI, mais qu'en est-il
25:39des parents adoptifs ?
25:41Ces gens sont dans la détresse aussi.
25:43Vous savez, moi j'ai reçois des appels
25:45de gens qui ont lu mon livre
25:47et qui me disent
25:49mais est-ce qu'on fait partie ?
25:51On reconnaît, dans votre livre
25:53on lit le nom des gens
25:55auxquels on a eu affaire, mais qu'est-ce que
25:57je peux répondre moi ? Comment je peux
25:59m'aider moi toute seule ? Il n'y a pas de structure
26:01pour aider ces gens. Alors ce qui est rassurant,
26:03c'est qu'ils vont mourir,
26:05parce que les parents adoptifs sont vieux,
26:07comme moi, donc nous allons
26:09mourir, donc petit à petit
26:11le problème va s'évacuer ainsi.
26:13C'est ce que vous dites, c'est terrible.
26:15Quand vous soulevez
26:17le problème des responsabilités,
26:19nous sommes allés aux archives,
26:21aux archives diplomatiques de Nantes
26:23et ensuite aux archives du MAE
26:25à la Courneuve.
26:27Nous avons trouvé des documents,
26:29des dépêches de l'ambassadeur
26:31en place au Sri Lanka
26:33qui avertit sa tutelle,
26:35le ministère des Relations extérieures
26:37à l'époque, en lui disant
26:39il se passe des choses
26:41qui ne sont pas normales.
26:43Il signale le trafic.
26:45Il le fait en 1983.
26:47Mais ça reste
26:49lettre morte, puisque nous,
26:51en janvier 1985, on nous laisse
26:53partir. Donc il y a quand même
26:55des gens qui savaient
26:57qu'il se passait des choses et on laisse
26:59partir les parents, pas que nous, mais d'autres
27:01parents.
27:03Comment expliquer ça ?
27:05Pourquoi ça a été, ces choses
27:07ont pu se produire ?
27:09Quelqu'un veut répondre ?
27:11Je crois qu'on est aujourd'hui dans cette situation,
27:13dans ce contexte
27:15très particulier où
27:17l'adoption internationale
27:19est en train de disparaître, on le voit,
27:21elle s'est effondrée, mais ce qui apparaît
27:23maintenant de plus en plus visible, ce sont
27:25ces personnes adultes
27:27qui découvrent les pratiques illicites
27:29et c'est ça qui émerge en ce moment,
27:31c'est ce à quoi on fait face,
27:33et donc il y a bien une réponse, effectivement,
27:35et les parents adoptifs également,
27:37mais donc on a
27:39une quantité très importante de personnes
27:41qui atteignent l'âge adulte en ce moment
27:43et qui, un jour ou l'autre, vont se pencher
27:45sur leurs origines et, pour un certain nombre d'entre eux,
27:47vont découvrir sans doute que la réalité
27:49n'était pas celle qu'ils avaient pu imaginer.
27:51Mais c'est là où, je pense, les pouvoirs publics
27:53doivent aider aussi ces familles à accéder
27:55aux origines parce qu'on est un peu
27:57dans une hypocrisie en France où
27:59on ne veut pas forcément
28:01laisser l'accès aux origines
28:03et donc je pense qu'il faut
28:05que, malgré tout, qu'on change de cap
28:07et qu'on puisse permettre...
28:09Vous pensez aux tests ADN qui sont pour l'instant illégaux ?
28:11Je ne voulais pas en parler mais, pour le coup,
28:13effectivement, les tests ADN en font partie.
28:15Au moins pour ces enfants-là, peut-être.
28:17On est dans une hypocrisie totale en France où,
28:19à l'heure d'Internet, on peut le faire par Internet,
28:21on reçoit les tests ADN et on a accès
28:23à cela, mais le fait de ne pas
28:25l'autoriser en France, je trouve
28:27que c'est une erreur. Mais il n'y a pas que ça.
28:29Il y a aussi que l'institution puisse
28:31aider ces familles et
28:33ces anciens enfants adoptés
28:35à accéder à leurs origines. Je pense que c'est important
28:37pour la construction. Personne ne veut
28:39remettre en cause l'équilibre familial.
28:41Mais quand on sait
28:43qu'on a été adopté, on a besoin de savoir
28:45d'où on vient. C'est naturel
28:47que tous les enfants sont
28:49comme ça. – On va aller tranquillement vers la fin de ce débat
28:51et on va y aller avec une question un peu radicale.
28:53Je l'admets volontiers, mais au vu des
28:55dérives et des difficultés
28:57constatées, je pense qu'elles se posent.
28:59Faut-il complètement interdire
29:01les adoptions internationales ?
29:03Pourquoi je vous pose cette question ? Parce qu'on a l'impression
29:05que le système est caduque dès le départ.
29:07Écoutez justement Yves Denechère,
29:09dont vous parliez tout à l'heure, grand spécialiste
29:11du sujet et qui est
29:13le fil rouge de ce documentaire.
29:15À partir du moment
29:17où les
29:19candidats à l'adoption des
29:21sociétés occidentales
29:23se rendent dans les pays
29:25de départ des enfants
29:27en portant des demandes nombreuses,
29:29eh bien souvent
29:31cet afflux de demandes
29:33bouscule complètement
29:35le fragile équilibre qui pouvait
29:37exister.
29:39Ça veut dire qu'on
29:41va dans ces pays-là créer des
29:43orphelins pour répondre à la demande.
29:45Et là,
29:47on voit apparaître des pratiques déviantes.
29:49Parce que dans ce
29:51schéma-là, eh bien évidemment,
29:53il y a toutes sortes d'intermédiaires véreux
29:55qui vont flairer le bon filon.
29:57Ce qui ne veut pas dire que toutes
29:59les adoptions sont illicites et que les pratiques
30:01illicites sont généralisées. Mais
30:03dès le moment où il y a de l'argent
30:05dans l'adoption internationale,
30:07le système est vicié.
30:09Alors là, il pointe un problème majeur, Jean-François Mignon.
30:11Oui, ce problème existe, mais il n'a pas de rapport
30:13avec votre question, de mon point de vue.
30:15Votre question est de savoir s'il faut interdire l'adoption internationale aujourd'hui.
30:17Ou sortir complètement des questions d'argent.
30:19Oui, mais c'est donc deux questions qui sont totalement différentes.
30:21Abordons votre question d'abord,
30:23qui est la plus simple, à mon avis. Aujourd'hui,
30:25qui est adopté ? Très peu d'enfants qui sont massivement
30:27des enfants qu'on appelle à besoin spécifique.
30:29Des enfants qui sont relativement âgés,
30:31ils ont plus de 5 ans à l'adoption,
30:33ou ils sont en fratrie non séparable,
30:35ou ils sont malades et ils ont des maladies diverses et variées.
30:37Concrètement, ce sont des enfants
30:39qui ne sont pas les enfants dont rêvent
30:41la plupart des parents adoptifs.
30:43Donc, si aujourd'hui, vous interdisez l'adoption internationale,
30:45dans le monde, pas juste en France,
30:47dans le monde généralement,
30:49qu'est-ce qu'il va se passer ? Il va se passer que
30:51les enfants qui aujourd'hui ne sont pas adoptés
30:53et ne seront jamais adoptés
30:55dans leur pays d'origine,
30:57ne le seront pas tout court.
30:59Ça veut dire que vous...
31:01Privez ces enfants d'une famille.
31:03Est-ce que c'est une bonne idée ?
31:05Je ne le crois pas. On peut en discuter, mais je ne le crois pas.
31:07La deuxième question qui est de savoir
31:09faut-il éradiquer l'existence de transactions financières
31:11dans l'adoption, elle est réglée
31:13normalement par la Convention de l'AE
31:15qui les prohibe.
31:17Donc, si les pays qui ont signé...
31:19Si, d'une part, les pays qui n'ont pas signé la Convention de l'AE
31:21la signent. D'autre part, si ceux qui la signent l'appliquent,
31:23ce problème serait résolu.
31:25Mais, bien sûr, c'est compliqué dans la vraie vie.
31:27Mais, j'ai envie de dire que la Convention de l'AE, sur le principe,
31:29répond à cette question de l'argent.
31:31Yves Tessier d'Orfeuil.
31:33La question de l'interdiction de l'adoption internationale,
31:35elle est d'actualité parce qu'on le voit autour de nous,
31:37certains pays ont décidé d'arrêter.
31:39La Chine l'a fait.
31:41Les Pays-Bas en 2024.
31:43La Suisse, au mois de janvier, a annoncé
31:45qu'à la fin de l'année prochaine, elle présenterait
31:47un projet de loi sur l'interdiction de l'adoption internationale.
31:49Le débat est ouvert en Suisse aujourd'hui.
31:51Mais, comme vient de le dire
31:53Jean-François Mignot, la situation
31:55aujourd'hui, c'est qu'on est à un
31:57reliquat de ce qui a existé.
31:59On était à 103
32:01adoptions internationales en 2024.
32:03C'est encore en train de baisser.
32:05Il ne reste quasiment plus d'adoptions internationales.
32:07Et probablement que,
32:09aujourd'hui,
32:11les enfants qui sont adoptés sont des enfants
32:13à besoin spécifique pour des raisons médicales,
32:15en raison de leur âge, parce que ce sont des fratries.
32:17Et donc, peu de parents sont
32:19prêts finalement à se lancer
32:21dans une telle aventure.
32:23Peut-être que pour ce reliquat, c'est un
32:25ultime recours plutôt que de vivre
32:27en institution parce que tous les rapports
32:29montrent qu'un développement
32:31d'enfants se fait de façon
32:33plus constructive dans un cadre
32:35familial que dans une institution.
32:37C'est généralement un objectif
32:39des autorités, c'est d'essayer
32:41de faire en sorte qu'il y ait le moins d'enfants possible
32:43dans les institutions.
32:44Donc, au moins pour eux, gardons les adoptions internationales.
32:46Xavier Jacobelli ?
32:47Oui, je suis plutôt d'accord, effectivement.
32:49De fait, avec les différentes règles, les différents contrôles
32:51qui sont organisés maintenant,
32:53on a de moins en moins, effectivement, d'adoptions internationales.
32:55Et je reprends mon propos
32:57initial, c'est-à-dire que je pense que
32:59de fait, l'adoption internationale diminue.
33:01Donc, faisons en sorte de rendre
33:03les enfants qui sont aujourd'hui
33:05sous la protection d'institutions en France
33:07de pouvoir, eux, être adoptables
33:09avec des procédures de délaissement beaucoup plus simples
33:11même si la loi Taquet a accéléré
33:13ces procédures de délaissement pour faire
33:15de ces pupilles de la nation
33:17des enfants vraiment adoptables et
33:19répondre à la fois aux parents adoptifs
33:21qui n'auront pas besoin d'aller
33:23à l'international, mais aussi
33:25de s'occuper de ces enfants
33:27qui sont sur notre territoire et qui ont aussi besoin
33:29de familles et de ne pas vivre
33:3118 ans dans l'institution
33:33de la sociale en France qui est quand même
33:35pas la plus opérante dans le pays.
33:37Véronique Piazzère-Moyens, pour conclure, donc ?
33:39Moi, je vais vous dire oui.
33:41Qu'il faut l'interdire ?
33:43Il faut interdire les adoptions internationales ?
33:45Je reste sur ma ligne. Il faut l'interdire.
33:47C'est
33:49tout ce que mon combat,
33:51tout ce que je demande,
33:53et je demande qu'il y ait une enquête parlementaire
33:55parce que ça doit passer par le
33:57législatif. Il faut absolument
33:59aboutir à ça, je vous le demande.
34:01Et
34:03ce que nous avons fait depuis
34:05plus de 6 ans maintenant,
34:07je voudrais dire que ça ne remet pas en cause
34:09le fait que ma fille soit ma fille
34:11et que je l'aime,
34:13que ça paraît souvent
34:15incompréhensible que l'on mène
34:17ce combat et que
34:19je sois parfois si virulente,
34:21mais c'est ma fille,
34:23ça ne le remet pas en cause
34:25et je l'aime profondément.
34:27Et pourquoi une enquête parlementaire ?
34:29Pourquoi une commission d'enquête parlementaire ?
34:31Qu'il y ait une vraie enquête, une vraie enquête indépendante.
34:33L'enquête interministérielle,
34:35c'est de l'exécutif
34:37et ça n'apporte
34:39pas de contradictoire.
34:41Il faut qu'il y ait une enquête parlementaire,
34:43c'est ce que nous demandons.
34:45Qu'en pensez-vous, Xavier Jacobelli ? C'est faisable ?
34:47Oui, bien sûr, c'est tout à fait faisable.
34:49On peut effectivement lancer une enquête parlementaire.
34:51Je ne sais pas,
34:53le résultat pourra nous le dire,
34:55mais oui,
34:57c'est toujours utile
34:59d'avoir ces éléments
35:01et de faire en sorte que le législateur
35:03puisse s'éclairer au moment
35:05de prendre une décision
35:07ou pas sur l'interdiction définitive
35:09ou pas de l'adoption internationale.
35:11Arrêtons-nous sur cette piste.
35:13Merci à tous les quatre
35:15d'avoir participé à ce débat.
35:17Merci à vous de nous avoir suivis,
35:19pour d'autres émissions et documentaires,
35:21à retrouver en replay sur notre plateforme publicsena.fr.
35:23A très bientôt, merci.

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